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Date : 20071218

Dossier : A-75-06

Référence : 2007 CAF 407

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LÉTOURNEAU

 

ENTRE :

PFIZER CANADA INC. ET PFIZER LIMITED

appelantes

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et RATIOPHARM INC.

intimés

 

 

 

Requête examinée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2007.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                            LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Date : 20071218

Dossier : A-75-06

Référence : 2007 CAF 407

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LÉTOURNEAU

 

ENTRE :

PFIZER CANADA INC. ET PFIZER LIMITED

appelantes

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et RATIOPHARM INC.

intimés

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]               Ratiopharm Inc. (Ratiopharm), invoquant la règle 399(2)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), et la compétence inhérente de la Cour, demande l’annulation du jugement rendu le 9 juin 2006, par lequel notre Cour a accueilli l’appel interjeté par Pfizer Canada Inc. et Pfizer Limited (Pfizer) et a interdit au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un avis de conformité (AC) à l’égard du bésylate d’amlodipine (comprimés de bésylate) que voulait commercialiser Ratiopharm.

 

[2]               À l’appui de sa demande, Ratiopharm fait valoir que des événements survenus depuis le prononcé de la décision, notamment le retrait d’un brevet de la liste des brevets par suite de la conclusion qu’il avait été erronément inscrit au registre par Pfizer, indiquent clairement que la Cour n’aurait pas prononcé d’ordonnance d’interdiction si le déroulement de ces événements avait été tel qu’elle l’envisage, et elle demande, par conséquent, l’annulation de la décision rendue par la Cour.

 

LES FAITS PERTINENTS

[3]               Le 23 janvier 2004, Ratiopharm a demandé au ministre la délivrance d’un avis de conformité concernant ses comprimés de bésylate. Pour démontrer la bioéquivalence, elle a mentionné les comprimés de bésylate NORVASC de Pfizer, visés par deux brevets que Pfizer Canada Inc. avait fait inscrire au registre (les brevets canadiens no 1,253,865 (le brevet 865) et 1,321, 393 (le brevet 393)). En déposant sa présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) concernant ses comprimés de bésylate, Ratiopharm a signifié à Pfizer l’avis d’allégation prévu au paragraphe 5(3) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), dans lequel elle acceptait que l’avis de conformité ne soit délivré qu’à l’expiration du brevet 865, le 9 mai 2006, mais soutenait que le brevet 393 était invalide.

 

[4]               En application du paragraphe 6(1) du Règlement, Pfizer a déposé, le 19 juillet 2004, un avis de demande visant l’obtention d’une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à l’égard des comprimés de bésylate tant que le brevet 393 ne serait pas expiré.

 

[5]               Le 21 octobre 2004, le ministre a informé Ratiopharm que sa PADN était conforme aux exigences de sécurité et d’efficacité et qu’il serait donc en mesure de délivrer un avis de conformité pour les comprimés de bésylate une fois remplies les conditions prévues par le Règlement (à savoir que le brevet 865 soit expiré et que la question du brevet 393 de Pfizer soit réglée).

 

[6]               Le 20 janvier 2006, à la demande de Pfizer, le ministre a inscrit un troisième brevet (le brevet 493) au registre à l’égard des comprimés de bésylate NORVASC, sur le fondement de deux avis de conformité, délivrés respectivement le 2 mai et le 14 juin 2005.

 

[7]               Le 10 février 2006, Ratiopharm a signifié à Pfizer un avis d’allégation visant le brevet 493, dans lequel elle alléguait que le brevet ne pouvait être inscrit au registre à l’égard des comprimés NORVASC. Le même jour, elle a aussi demandé au ministre d’exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 3(1) du Règlement et de supprimer le brevet 493 du registre, au motif qu’il ne satisfaisait pas aux exigences d’inscription.

 

[8]               Le 17 février 2006, le juge von Finckenstein, de la Cour fédérale, a rejeté la demande de Pfizer, estimant que cette dernière n’avait pas réfuté l’allégation de Ratiopharm selon laquelle le brevet 393 était invalide. Le 23 février 2006, Pfizer a porté cette décision en appel devant notre Cour.

 

[9]               Le 31 mars 2006, Pfizer a présenté une demande d’ordonnance d’interdiction sous le régime du paragraphe 6(1) du Règlement relativement au brevet 493 et a donc obtenu, en application du paragraphe 7(1) du Règlement, une suspension automatique de 24 mois empêchant le ministre de délivrer un avis de conformité.

 

[10]           Le 5 avril 2006, Ratiopharm s’est prévalu de l’alinéa 6(5)a) du Règlement et a demandé le rejet de la demande d’ordonnance d’interdiction relative au brevet 493, faisant valoir que ce brevet ne pouvait être porté au registre. Elle a par la suite été avisée que le ministre n’examinerait sa demande de suppression du brevet 493 du registre que si elle se désistait de sa demande de rejet de la demande d’interdiction, ce qu’elle a fait.

 

[11]           Le 9 mai 2006, le brevet 865 a expiré, mais aucun avis de conformité n’a été délivré en raison de la suspension automatique découlant du dépôt de la demande d’ordonnance d’interdiction relative au brevet 493 (voir paragraphe 8 ci‑dessus).

 

[12]           Le 2 juin 2006, le ministre a confirmé que le brevet 493 était valablement inscrit au registre.

 

[13]           Le 9 juin 2006, notre Cour a accueilli l’appel interjeté par Pfizer contre la décision du juge von Finckenstein. Le jugement a maintenu la validité du brevet 393 et interdit au ministre de délivrer un avis de conformité à Ratiopharm à l’égard de ses comprimés de bésylate tant que ce brevet ne serait pas expiré(il vient à expiration le 17 août 2010). Une requête pour réexamen de la décision a été rejetée, et la demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême a elle aussi été rejetée.

 

[14]           Le 23 juin 2006, Ratiopharm a présenté une deuxième requête sous le régime de l’alinéa 6(5)a) du Règlement, pour faire rejeter la demande d’ordonnance d’interdiction relative au brevet 493, au motif que ce brevet ne pouvait être inscrit au registre. Le 26 avril 2007, le juge Barnes, de la Cour fédérale, a statué que le brevet 493 ne pouvait figurer au registre à l’égard des comprimés NORVASC et a, par suite, rejeté la demande d’ordonnance d’interdiction relative à ce brevet.

 

[15]           Ratiopharm a, depuis, intenté en Cour fédérale une action pour jugement déclaratoire portant que le brevet 393 est invalide.

 

POSITION DES PARTIES

[16]           Ratiopharm prétend qu’il y a lieu d’annuler l’ordonnance maintenant la validité du brevet 393 et interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité, rendue par notre Cour dans l’appel de la décision du juge von Finckenstein, parce qu’un avis de conformité aurait été délivré à l’expiration du brevet 865 si le brevet 493 n’avait pas été irrégulièrement porté au registre, puisque la Cour fédérale avait conclu à la validité du brevet 393 et que notre Cour n’avait pas encore entendu l’appel. Selon Ratiopharm, notre Cour n’aurait pas examiné l’appel relatif au brevet 393 car, en application de sa jurisprudence constante en la matière, elle aurait jugé la question théorique.

 

[17]           Pour affirmer que notre Cour est habilitée à annuler cette ordonnance, Ratiopharm invoque la règle 399(2)a) et la compétence inhérente de la Cour en matière d’annulation d’ordonnance de même que la modification du droit opérée par la décision du juge Hughes dans Ferring Inc. c. Canada, (2007) 55 C.P.R. (4th) 271 (CF), confirmée par 2007 CAF 276, rendue après l’arrêt de notre Cour sur le brevet 393 et concluant que la personne soumettant une PADN n’a pas à tenir compte des brevets inscrits au registre après le dépôt de ce document si elle ne fait pas appel à des changements apportés au médicament de comparaison mentionné comme bioéquivalent et approuvé par avis de conformité du ministre. Ratiopharm n’aurait donc pas dû avoir à aborder la question du brevet 493 puisqu’il avait été porté au registre après le dépôt de sa PADN.

 

[18]           Pfizer soutient que l’argument de Ratiopharm est purement hypothétique et que rien dans la preuve ne permet de conclure que l’appel portant sur le brevet 393 aurait été théorique si le brevet 493 n’avait pas été irrégulièrement inscrit au registre. Elle ajoute que la décision subséquente selon laquelle le brevet 493 ne devait pas figurer au registre ne constitue pas un fait nouveau au sens de la règle 399(2)a) et que le principe du caractère définitif des décisions judiciaires s’oppose à l’annulation du jugement, en particulier parce que la requête ne met pas en cause le bien-fondé de la décision de la Cour.

 

ANALYSE ET DÉCISION

[19]           La demande ne saurait être accueillie. Le jugement que Ratiopharm cherche à faire annuler repose sur la conclusion suivante (par. 37 des motifs) :

J’accueillerais l’appel avec dépens et j’annulerais l’ordonnance du juge de première instance en date du 17 février 2006 et, rendant le jugement qui aurait dû être rendu, j’accueillerais la demande des appelantes avec dépens et rendrais une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un AC à Ratiopharm à l’égard de ses produits projetés à base de bésylate d’amlodipine tant que le brevet 393 ne sera pas expiré.

 

[Je souligne.]

 

[20]           Cette conclusion est conforme à l’alinéa 52(c)i) de la Loi sur les Cours fédérales, lequel habilite la Cour à « rendre la décision qui aurait dû être rendue ». Il s’ensuit que, si le juge von Finckenstein avait rendu la décision qui devait être rendue, la validité du brevet 393 aurait été maintenue et, à l’opposé du scénario décrit par Ratiopharm, aucun avis de conformité n’aurait été délivré pour ses comprimés de bésylate. Le jugement de notre Cour exclut en effet le scénario à la base de la présente demande.

 

[21]           Qui plus est, l’enchaînement des événements proposé par Ratiopharm relève trop de l’hypothétique pour constituer des « faits nouveaux » au sens de la règle 399(2)a) ou pour justifier l’exercice de la compétence inhérente de la Cour d’annuler ses décisions. Ratiopharm présume, entre autres, que si le brevet 493 n’avait pas été irrégulièrement inscrit au registre, le ministre aurait délivré un avis de conformité visant ses comprimés de bésylate avant que notre Cour n’instruise l’appel de Pfizer et, en tout état de cause, avant qu’elle ne rende sa décision, de sorte qu’elle aurait exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas instruire l’appel et qu’elle n’aurait donc pas rendu d’ordonnance d’interdiction.

 

[22]           Or, une multitude d’incidents susceptibles d’altérer le scénario envisagé par Ratiopharm aurait pu survenir. On ne peut tout simplement pas présumer que les choses se seraient passées comme Ratiopharm le pense ou accorder à ce scénario le degré de certitude nécessaire pour justifier l’annulation d’une décision de notre Cour.

 

[23]           Concernant la question des dépens, Pfizer fait valoir que la présente demande n’aurait jamais dû être présentée et elle réclame des dépens avocat-client ou des dépens établis suivant la fourchette la plus élevée de la colonne V du tarif B des Règles. La demande présentée par Raitopharm est effectivement d’un caractère nouveau, mais je ne vois aucune raison de rendre une ordonnance particulière en matière de dépens.

 

[24]           Je suis donc d’avis de rejeter la demande avec dépens, taxés suivant la procédure habituelle.

 

 

 

« Gilles Létourneau »

J.C.A.

 

 

 

 

 

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

 

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-75-06

 

INTITULÉ :                                                                           Pfizer Canada Inc. et Pfizer Limited ET Ministre de la Santé et Ratiopharm Inc.

 

 

REQUÊTE EXAMINÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LE JUGE LÉTOURNEAU,

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          18 décembre 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Shaughnessy

Andrew Bernstein

 

POUR LES APPELANTES

 

Glen A. Bloom

POUR L’INTIMÉE,

RATIOPHARM INC.

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Torys LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES APPELANTES

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE,

RATIOPHARM INC.

 

 

 

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