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Date : 20080111

Dossier : A-139-07

Référence : 2008 CAF 13

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

OBERDE BELLEFLEUR OP

CLINIQUE DENTAIRE O. BELLEFLEUR

(EMPLOYEUR)

 

Demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 9 janvier 2008.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 11 janvier 2008.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                         LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                             LE JUGE NADON

 


Date : 20080111

Dossier : A-139-07

Référence : 2008 CAF 13

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

OBERDE BELLEFLEUR OP

CLINIQUE DENTAIRE O. BELLEFLEUR

(EMPLOYEUR)

 

Demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               L’employeur conteste par voie de contrôle judiciaire une décision du juge-arbitre Goulard (CUB 66262A) qui accueille l’appel de la Commission de l’assurance-emploi (Commission), annule la décision du conseil arbitral et retourne l’affaire pour une nouvelle audition devant un conseil arbitral différemment constitué.

 

[2]               En maintenant la décision du juge-arbitre, comme je me propose de le faire, ce sera la deuxième fois que, pour exactement les mêmes motifs, l’affaire est retournée à un conseil arbitral différemment constitué (voir la décision du juge-arbitre Marin dans CUB 62693). La décision qui en résultera, non sans coûts significatifs et regrettables pour les parties et le système, sera la troisième qu’un conseil arbitral sera appelé à rendre. J’espère que cette fois-ci sera la bonne et que le conseil arbitral assumera pleinement les fonctions importantes que lui confère la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23.

 

[3]               Un conseil arbitral doit justifier les conclusions auxquelles il en arrive. Lorsqu’il est confronté à des éléments de preuve contradictoires, il ne peut les ignorer. Il doit les considérer. S’il décide qu’il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, il doit en expliquer les raisons, au risque, en cas de défaut de le faire, de voir sa décision entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraire.

 

[4]               Dans l’affaire Parks c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no. 770 (QL), aux paragraphes 5 et 6, notre Cour rappelait le principe en ces termes en référant à l’alinéa 79(2) de la Loi sur l’assurance-chômage, maintenant devenu l’alinéa 114(3) :

 

5.     Nous sommes tous d’avis que le conseil a commis une erreur de droit lorsqu’il a omis de se conformer au paragraphe 79(2). En particulier, nous sommes d’avis qu’il incombait au conseil de dire, au moins brièvement, qu’il a rejeté des parties cruciales de la preuve du demandeur et d’expliquer pourquoi il a agi ainsi. En l’espèce, le conseil disposait de plusieurs documents de l’employeur qui constituaient des éléments de preuve de la nature du ouï-dire. Le témoignage par affidavit et les déclarations orales du réclamant devant le conseil étaient incompatibles, sous plusieurs aspects, avec ces documents. Le conseil s’est contenté de faire était de ses conclusions sans expliquer pourquoi il a préféré une version des événements à l’autre.

 

6.     Même si, en vertu de l’interprétation que nous donnons au paragraphe 79(2), nous n’estimons pas que le conseil arbitral soit tenu de décrire en détail ses conclusions de fait, nous sommes d’avis que, pour se conformer à ce paragraphe, le conseil arbitral doit, lorsque la crédibilité fait l’objet d’une question litigieuse, dire au moins brièvement, dans le cadre de ses « conclusions […] sur les questions de fait essentielles », qu’il rejette certains éléments de preuve sur ce fondement et pourquoi il a rejeté ces éléments. Lorsqu’il omet d’agir ainsi, il commet une erreur de droit.

 

 

[5]               En l’espèce, le juge-arbitre fait état de nombreuses déclarations contradictoires (par exemple quant au lieu où le travail aurait été effectué et quant au mode ainsi qu’au montant de la rémunération) et de nombreux éléments de preuve que le conseil arbitral a omis de considérer et qui s’avéraient pertinents pour l’appréciation du témoignage de l’employeur : voir la page 2 de la décision du juge-arbitre.

 

[6]               Le juge-arbitre reproche aussi au conseil arbitral, à juste titre selon moi, d’avoir ignoré les déclarations initiales et spontanées du prestataire qui ont été par la suite changées et ajustées en fonction des déclarations d’autres personnes : ibidem, à la page 3. De cet état de fait se soulevait une importante question de crédibilité qu’il était de la fonction et du devoir du conseil arbitral d’apprécier pour, par la suite, prendre une conclusion et surtout la justifier.

 

[7]               Les juge-arbitres Marin et Goulard ont suffisamment expliqué les lacunes des décisions antérieures et identifié les éléments de preuve à considérer, tant au plan de la lettre que de l’esprit. Il n’est pas nécessaire d’en rajouter, sauf à réitérer que le conseil arbitral se doit d’analyser l’ensemble de la preuve et, s’il décide d’en écarter certains éléments ou de ne pas leur accorder la valeur probante que ces éléments semblent dégager ou véhiculer, il doit s’en expliquer.

 

[8]               Le demandeur, qui se représente seul, se plaint d’un manquement aux règles de justice naturelle résultant du fait que le juge-arbitre Goulard a maintenu une objection de la Commission à ce que le demandeur donne des explications quant à une déclaration faite par un témoin sous le couvert de l’anonymat par crainte de menaces et de représailles de la part de l’employeur. Le maintien de l’objection aurait eu pour effet, selon le demandeur, de l’empêcher et se faire entendre.

 

[9]               La question de la déclaration anonyme n’en est pas une qui fut soulevée pour la première fois devant le juge-arbitre. Le conseil arbitral en avait été saisi. D’ailleurs, à la page 6 des motifs de sa décision, le juge-arbitre reproche au conseil arbitral de ne pas avoir expliqué pourquoi il considérait que l’information obtenue par la voie de cette déclaration anonyme était de caractère limité et pourquoi le document n’apparaissait pas convaincant alors que cette information touchait spécifiquement la question en litige.

 

[10]           Quoiqu’il en soit, le demandeur aura le loisir de soumettre ses observations sur la question lors de la nouvelle audition devant le conseil arbitral.

 

 

 

 

[11]           Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord.

Robert Décary, j.c.a. »

 

 

« Je suis d’accord.

Marc Nadon, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-139-07

 

 

INTITULÉ :                                                   OBERDE BELLEFLEUR OP CLINIQUE

                                                                        DENTAIRE O. BELLEFLEUR

                                                                        (EMPLOYEUR) c. LE PROCUREUR

                                                                        GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 9 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE DÉCARY

                                                                        LE JUGE NADON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 11 janvier 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Monsieur Oberde Bellefleur

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Antoine Lippé

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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