Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20080108

Dossier : A-68-07

Référence : 2008 CAF 4

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

DISTRIMEDIC INC.

appelante

et

RICHARDS PACKAGING INC.

intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 8 janvier 2008.

Jugement prononcé à l’audience à Montréal (Québec), le 8 janvier 2008.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                              LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Date : 20080108

Dossier : A-68-07

Référence : 2008 CAF 4

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

DISTRIMEDIC INC.

appelante

et

RICHARDS PACKAGING INC.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 8 janvier 2008)

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               L’intimée a déposé une présumée renonciation auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada sous le régime du paragraphe 48(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 et de ses modifications.

 

[2]               Le commissaire aux brevets a considéré qu’il ne s’agissait pas d’une renonciation et a refusé d’inscrire le document parce que celui‑ci tentait d’élargir la portée d’au moins une revendication du « brevet 045 » et non de la restreindre.

 

[3]               La Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire soumise par l’intimée. S’appuyant pour l’essentiel sur l’arrêt Monsanto Co. c. Canada (Commissaire aux brevets), [1976] 2 C.F. 476 de notre Cour, le juge Martineau a statué que l’article 48 de la Loi ne conférait pas au commissaire ou aux examinateurs le pouvoir discrétionnaire d’examiner la renonciation d’un titulaire de brevet déposée suivant les modalités réglementaires ou de rendre une décision à son égard (voir le paragraphe 27 des motifs du jugement).

 

[4]               Le juge a annulé la décision du commissaire et a déclaré : « l'acte de renonciation de la demanderesse a été déposé et a pris effet à la date de son dépôt, c'est-à-dire le 8 novembre 2005, sous réserve de la contestation de sa justesse ou de sa validité devant un tribunal compétent dans le cadre d'une action ou d'une procédure engagée en vertu de la Loi et portant sur le brevet en cause » (voir le paragraphe 2 de l’ordonnance). C’est la source du présent appel.

 

[5]               L’appelante a soulevé cinq questions dans son exposé des faits et du droit :

 

[TRADUCTION]

Le juge Martineau a-t-il conclu à tort que le commissaire n’avait pas le pouvoir de refuser le dépôt ou l’inscription de la présumée renonciation?

 

Le juge Martineau a-t-il conclu à tort que le commissaire n’avait pas le pouvoir de soumettre la présumée renonciation à un examinateur?

 

Le commissaire a-t-il examiné la présumée renonciation afin de déterminer s’il s’agissait bien d’une renonciation?

 

Le commissaire avait‑il raison de conclure que la présumée renonciation n’en était pas une?

 

En concluant que la présumée renonciation n’en était pas une, le commissaire a-t-il contrevenu à un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale?

 

[6]               L’appelante reconnaît que la question fondamentale à trancher est la question numéro 1. Notre Cour n’aura donc pas à examiner les quatre autres questions si elle conclut que le juge de première instance n’a pas fait d’erreur sur cette question.

 

[7]               Selon l’appelante, l’article  48 de la Loi impose au commissaire l’obligation de n’accepter que les actes de renonciation qui renoncent effectivement à un élément de l’invention. Autrement dit, l’obligation de vérifier si la renonciation obéit aux modalités réglementaires suppose nécessairement le pouvoir de refuser l’inscription d’une renonciation.

 

[8]               Comme c’est souvent le cas lorsqu’un pouvoir implicite est invoqué, la Cour est invitée à trouver par interprétation, dans une disposition, un pouvoir qui n’y figure tout simplement pas.

 

[9]               De fait, non seulement n’y a-t-il aucune mention de ce pouvoir dans la disposition en cause, mais il ne se trouve pas non plus dans la Loi ‑ en particulier à l’article 48 ‑ , ou dans les Règles, de cadre administratif ou procédural permettant de proprement et efficacement examiner au fond la teneur d’une renonciation, alors que dans de nombreuses autres situations une structure administrative est établie et un pouvoir est conféré au commissaire ou à l’un de ses délégués (voir, notamment, l’article 35 (requête d’examen), la règle 30 (garanties procédurales), l’article 65 et ss. (abus des droits de brevets)).

 

[10]           À notre avis, c’est en vain que l’appelante s’efforce de distinguer la présente affaire de l’affaire Monsanto. Trente‑deux ans ont passé depuis cette dernière décision, et le législateur n’a pas jugé bon de modifier l’article 48 pour d’y inclure le pouvoir que notre Cour en avait jugé absent et dont l’appelante réclame à présent l’exercice. Lorsqu’il légifère, le législateur est censé connaître l’interprétation jurisprudentielle donnée aux règles de droit. Il convient ici de reprendre l’avertissement formulé par le juge Bastarache dans Atco Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy Institute & Utilities Board), [2006] 5 W.W.R. 1,1 R.C.S. 140, au paragraphe 86 (C.S.C.) :

 

Le rôle de notre Cour dans le présent pourvoi a été d’interpréter les lois habilitantes en tenant compte comme il se doit du contexte, de l’intention du législateur et de l’objectif législatif.  Aller plus loin et conclure à l’issue d’une interprétation large que l’organisme administratif jouit de pouvoirs non nécessaires n’est pas conforme aux règles d’interprétation législative.  Une telle approche est particulièrement dangereuse lorsqu’un droit de propriété est en jeu.

 

 

[11]           Donner au commissaire le pouvoir invoqué par l’appelante entraînerait de profondes modifications procédurales. Il faudrait alors que la décision du commissaire fasse l’objet d’un examen sommaire, sans communication de la preuve, dans une instance en contrôle judiciaire, et non sur la base d’une déclaration ou d’une défense produite dans le cadre d’une action offrant toutes les garanties procédurales d’une instruction en bonne et due forme au cours de laquelle des témoins peuvent être entendus au sujet de la portée de l’invention et de la revendication en cause ainsi que sur la question de savoir si l’acte de renonciation est bien une renonciation.

 

[12]           Enfin, l’appelante reconnaît que, si le commissaire ne dispose pas du pouvoir de refuser d’inscrire une renonciation, comme c’est actuellement le cas, elle n’est privée d’aucun droit et ne subit aucun préjudice autre que d’avoir à saisir les tribunaux de la question de l’effet de la renonciation et d’en supporter le coût. Le fait d’accorder à un titulaire de brevet la faculté de déposer une renonciation emporte nécessairement la possibilité que la portée de la renonciation déposée donne lieu à un litige.

 

[13]           Compte tenu de la conclusion tirée au sujet de la question numéro 1, la Cour n’a pas entendu les représentations de l’appelante sur les autres motifs d’appel.

 

[14]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

 

« Gilles Létourneau »

J.C.A.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          A-68-07

 

 

INTITULÉ :                                                         DISTRIMEDIC INC. c. RICHARDS

                                                                              PACKAGING INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 8 janvier 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :     LE JUGE DÉCARY

                                                                              LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                              LE JUGE NADON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :             LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. George Locke

M. Louis Gratton

 

POUR L’APPELANTE

 

M. Donald Wright, QC

M. Dale E. Schlosser

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault LLP

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

Lang Michener LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.