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Date : 20080206

Dossier : A-177-07

Référence : 2008 CAF 42

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE

appelante

et

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA,

ATCO GAZODUCS, une division d’ATCO GAS AND GAZODUCS

 

intimés

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 15 janvier 2008

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                                  LE JUGE NOËL

 

 


Date : 20080206

Dossier : A-177-07

Référence : 2008 CAF 42

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE

appelante

et

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA,

ATCO GAZODUCS, une division d’ATCO GAS AND GAZODUCS

 

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               La Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) interjette appel, sur autorisation, de la décision no 709-R-2006 en date du 22 décembre 2006 par laquelle l’Office des transports du Canada a accueilli la demande présentée par Atco Gazoducs, une division d’Atco Gas and Gazoducs Ltd., en vue d’obtenir l’autorisation de construire, pour son gazoduc, des installations munies d'une valve hors sol à deux endroits où le gazoduc passe sous l'emprise de CFCP, parallèlement à la voie ferrée. CFCP affirme que l’Office n’a pas compétence pour rendre cette décision. La question soulevée dans le présent appel est celle de savoir si les parties du gazoduc sur lesquelles les installations munies d’une valve doivent être construites répondent à la définition de « franchissement par desserte » que l’on trouve à l’article 100 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10.

 

Dispositions législatives

 

(A)             Loi sur les transports au Canada

 

[2]               Les dispositions applicables de la Loi sur les transports au Canada sont les articles 98, 100 et 101, ainsi que la définition de « chemin de fer » à l’article 87. Toutes ces dispositions se trouvent à la partie III, intitulée « Transport ferroviaire ». Voici la définition de « chemin de fer » :

 

87. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

  « chemin de fer » (railway) Chemin de fer relevant de l’autorité législative du Parlement. Sont également visés :

a) les embranchements et prolongements, les voies de garage et d’évitement, les ponts et tunnels, les gares et stations, les dépôts et quais, le matériel roulant, l’équipement et les fournitures, ainsi que tous les autres biens qui dépendent du chemin de fer;

b) les systèmes de communication ou de signalisation et les installations et équipements connexes qui servent à l’exploitation du chemin de fer […]

 

 

 

87. In this Part,

[…]

"railway" (chemin de fer) means a railway within the legislative authority of Parliament and includes

(a) branches, extensions, sidings, railway bridges, tunnels, stations, depots, wharfs, rolling stock, equipment, stores, or other things connected with the railway, and

 

 

 

(b) communications or signalling systems and related facilities and equipment used for railway purposes […]

[3]               Cette définition de l’expression « chemin de fer » a été édictée en 1996. La définition qui lui avait précédé se trouve à l’article 2 de la Loi sur les chemins de fer, L.R.C. 1985, ch. R-3 (S.C. 1952, ch. 234). Cette définition était ainsi libellée :

 

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi ainsi qu’à toute loi spéciale :

2. (1) In this Act, and in any Special Act,

[…]

« chemin de fer » (railway)  Tout chemin de fer que la compagnie est autorisée à construire ou à exploiter, y compris tous les embranchements et prolongements, toutes les voies de garage et d’évitement, toutes les gares et stations, tous les dépôts et quais, tout le matériel roulant, tout l’équipement, toutes les fournitures, tous les biens meubles ou immeubles et tous les ouvrages qui en dépendent, et aussi tout pont de chemin de fer, tout tunnel ou toute autre construction que la compagnie est autorisée à ériger et, si le contexte le permet, le chemin de fer urbain et le tramway.

[…]

“railway” (chemin de fer) means any railway that the company has authority to construct or operate, and includes all branches, extensions, sidings, stations, depots, wharfs, rolling stock, equipment, stores, property real or personal and works connected therewith, and also any railway bridge, tunnel or other structure that the company is authorized to construct; and, except where the context is inapplicable, includes street railway and tramway […].

 

[4]               Les articles 98, 100 et 101 de la Loi sur les transports au Canada disposent :

 

98. (1) La construction d’une ligne de chemin de fer par une compagnie de chemin de fer est subordonnée à l’autorisation de l’Office.

(2) Sur demande de la compagnie, l’Office peut accorder l’autorisation s’il juge que l’emplacement de la ligne est convenable, compte tenu des besoins en matière de service et d’exploitation ferroviaires et des intérêts des localités qui seront touchées par celle-ci.

(3) La construction d’une ligne de chemin de fer à l’intérieur du droit de passage d’une ligne de chemin de fer existante ou, s’il s’agit d’une ligne de chemin de fer d’au plus trois kilomètres de long, à 100 mètres ou moins de l’axe d’une telle ligne n’est pas subordonnée à l’autorisation.

[…]

98. (1) A railway company shall not construct a railway line without the approval of the Agency.

 

(2) The Agency may, on application by the railway company, grant the approval if it considers that the location of the railway line is reasonable, taking into consideration requirements for railway operations and services and the interests of the localities that will be affected by the line.

(3) No approval is needed for the construction of a railway line

(a) within the right of way of an existing railway line; or

(b) within 100 m of the centre line of an existing railway line for a distance of no more than 3 km.

[…]

 

100. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et à l’article 101.

100. In this section and section 101,

« desserte » (utility line) Ligne servant au transport de produits ou d’énergie ou à la fourniture de services, notamment par fil, câble ou canalisation.

 

 

« franchissement par desserte » (utility crossing) Franchissement par une desserte d’un chemin de fer par passage supérieur ou inférieur, ainsi que tous les éléments structuraux facilitant le franchissement ou nécessaires à la partie visée de la desserte.

« franchissement routier » (road crossing) Franchissement par une route d’un chemin de fer par passage supérieur, inférieur ou à niveau, ainsi que tous les éléments structuraux facilitant le franchissement ou nécessaires à la partie visée de la route.

"road crossing" (franchissement routier) means the part of a road that passes across, over or under a railway line, and includes a structure supporting or protecting that part of the road or facilitating the crossing;

"utility crossing"

(franchissement par desserte) means the part of a utility line that passes over or under a railway line, and includes a structure supporting or protecting that part of the utility line or facilitating the crossing;

"utility line" (desserte) means a wire, cable, gazoduc or other like means of enabling the transmission of goods or energy or the provision of services.

 

101. (1) Toute entente, ou toute modification apportée à celle-ci, concernant la construction, l’entretien ou la répartition des coûts d’un franchissement routier ou par desserte peut être déposée auprès de l’Office.

(2) L’entente ou la modification ainsi déposée est assimilée à un arrêté de l’Office qui autorise la construction ou l’entretien du franchissement, ou qui répartit les coûts afférents, conformément au document déposé.

(3) L’Office peut, sur demande de la personne qui ne réussit pas à conclure l’entente ou une modification, autoriser la construction d’un franchissement convenable ou de tout ouvrage qui y est lié, ou désigner le responsable de l’entretien du franchissement.

 

(4) L’article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire s’applique s’il n’y a pas d’entente quant à la répartition des coûts de la construction ou de l’entretien du franchissement.

 

101. (1) An agreement, or an amendment to an agreement, relating to the construction, maintenance or apportionment of the costs of a road crossing or a utility crossing may be filed with the Agency.

 

(2) When the agreement or amendment is filed, it becomes an order of the Agency authorizing the parties to construct or maintain the crossing, or apportioning the costs, as provided in the agreement.

 

(3) If a person is unsuccessful in negotiating an agreement or amendment mentioned in subsection (1), the Agency may, on application, authorize the construction of a suitable road crossing, utility crossing or related work, or specifying who shall maintain the crossing.

(4) Section 16 of the Railway Safety Act applies if a person is unsuccessful in negotiating an agreement relating to the apportionment of the costs of constructing or maintaining the road crossing or utility crossing.

 

 

 

 

[5]               L’article 326 de la Loi sur les chemins de fer, qui a précédé l’article 101 de la Loi sur les transports au Canada, portait sur la construction et l’entretien des dessertes situées près des voies ferrées. Cette disposition est ainsi libellée :

326. (1) Sauf de la manière prévue au paragraphe (5), il ne peut être érigé ni maintenu, sans la permission de la Commission, de lignes, fils métalliques, d’autres conducteurs ou d’autres structures ou appareils de transmission téléphonique ou télégraphique, ou servant à la transmission de la force motrice ou de l’électricité employée à d’autres objets :

326. (1) Lines, wires, other conductors or other structures or appliances for telegraphic or telephonic purposes, or for the conveyance of power or electricity for other purposes, shall not, without leave of the Commission, except as provided in subsection (5), be constructed or maintained

a) soit le long ou en travers d’un chemin de fer, par une autre compagnie que la compagnie de chemin de fer possédant ou contrôlant le chemin de fer;

(a) along or across a railway, by any company other than the railway company owning or controlling the railway; or

b) soit en travers ou près d’autres semblables lignes, fils métalliques, conducteurs, structures ou appareils qui relèvent de l’autorité législative du Parlement.

(b) across or near such other lines, wires, conductors, structures or appliances that are within the legislative authority of Parliament.

 

(B)       Loi sur la sécurité ferroviaire

 

[6]               La question d’interprétation législative en litige dans la présente espèce nous oblige à tenir compte d’une loi connexe, la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. 1985, ch. 32 (4e suppl.). La Loi sur la sécurité ferroviaire et ses règlements d’application définissent des normes de sécurité ferroviaire régissant notamment la construction, l’entretien et l’exploitation des « installations ferroviaires ». Ces règlements sont administrés par le ministre des Transports.

 

[7]               L’expression « installations ferroviaires » est définie à l’article 4 de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Elle englobe les « ouvrages de franchissement », lesquels englobent les « franchissements par desserte ». La définition de l’expression « franchissement par desserte » que l’on trouve dans la Loi sur la sécurité ferroviaire est essentiellement la même que celle que propose la Loi sur les transports au Canada.

 

Les faits

 

[8]               Atco possède et exploite un gazoduc en Alberta. Ce gazoduc a été construit par la personne morale qui a précédé Atco, la Canadian Western Natural Gas Company Limited. Un tronçon du gazoduc, d’une vingtaine de milles de longueur, est situé sur l’emprise de CFCP entre Kananaskis et Banff, entre les points milliaires 57,85 et 76,95. Ce tronçon de 20 milles du gazoduc longe la voie ferrée de CFCP sur l’emprise du chemin de fer et il traverse la voie ferrée à trois endroits. Le CFCP avait accordé à la Canadian Western Natural Gas Company Limited l’autorisation de construire ce tronçon de 20 milles aux termes d’une entente datée du 30 juin 1951.

 

[9]               En 2004, Atco a déposé l’entente de 1951 auprès de l’Office des transports du Canada conformément au paragraphe 101(1) de la Loi sur les transports au Canada. En vertu du paragraphe 101(2), l’accord de 1951 a été assimilé à un arrêté de l’Office (l’arrêté no 2004-AGR-478 daté du 16 novembre 2004). Le dossier ne renferme aucun élément de preuve qui permette de penser que CFCP s’est opposé au dépôt de l’entente de 1951 ou à l’arrêté qui en a découlé.

 

[10]           Il est acquis aux débats que la construction projetée des installations munies d'une valve hors sol fait partie des travaux d’entretien du gazoduc existant et qu’elle vise à améliorer la sécurité du gazoduc, étant donné qu’une installation hors sol permettra de fermer le gazoduc plus facilement en cas d’urgence.

 

[11]           Il est également acquis aux débats que l’entente de 1951 ne permet pas expressément la construction d’installations munies d'une valve hors sol sur quelque partie que ce soit du gazoduc visé par l’entente. Atco a tenté de négocier avec CFCP une entente pour obtenir l’autorisation d’installer les valves en question. Comme les parties n’ont pu parvenir à une entente, Atco a présenté une demande d’autorisation à l’Office en vertu du paragraphe 101(3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10.

 

Norme de contrôle

 

[12]           CFCP affirme que, dans le cas d’un appel d’une décision de l’Office portant sur une question d’interprétation d’une disposition législative qui définit la compétence de l’Office, la norme de contrôle est celle de la décision correcte. Cet argument est fondé sur l’arrêt Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Office des transports) (C.A.), [2003] 4 C.F. 558 (aux paragraphes 14 à 21), qui suivait l’arrêt Barrie Public Utilities c. Association canadienne de télévision par câble, [2003] 1 R.C.S. 476 (aux paragraphes 10 à 19).

 

[13]           L’Office et Atco soutiennent pour leur part que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Ils se fondent sur un arrêt plus récent de la Cour suprême du Canada, l’arrêt Conseil des Canadiens avec déficiences c. Via Rail Canada Inc., [2007] 1 R.C.S. 650. Il s’agissait d’un pourvoi formé à l’encontre d’une décision par laquelle notre Cour avait infirmé une décision par laquelle l’Office avait obligé Via Rail Canada Inc. à prendre certaines mesures pour tenir compte des besoins des voyageurs ayant une déficience. Dans cet arrêt, la juge Abella, qui écrivait au nom des juges majoritaires, aborde la question de la norme de contrôle aux paragraphes 87 à 111. Voici les passages essentiels de ses propos, que l’on trouve aux paragraphes 98, 99 et 100 :

 

[98]   […] La Loi sur les transports au Canada est une loi de nature réglementaire hautement spécialisée qui est axée sur de solides considérations de politique générale. L’économie et l’objet de la Loi sont l’oxygène de l’Office. Lorsqu’il interprète la Loi, y compris ses éléments relatifs aux droits de la personne, l’Office est censé mettre à profit sa connaissance et son expérience de la politique des transports pour comprendre le mandat qui lui est confié par cette loi […]

 

[99]  […] la soi‑disant décision en matière de compétence que l’Office devait rendre relève clairement du mandat que lui confie la Loi. Cela ne signifiait pas qu’il devait répondre à une question de droit dépassant son expertise, mais plutôt qu’il devait mettre à profit son expertise pour résoudre la question de droit qui lui était soumise […]

 

[100]  L’Office est chargé d’interpréter ses propres dispositions législatives, y compris ce en quoi consiste cette responsabilité que lui confie la Loi. La décision qu’il a rendue comportait plusieurs parties, chacune d’elles relevant clairement et inextricablement de son domaine d’expertise et de son mandat. Elle commandait donc l’application d’une seule norme de contrôle faisant appel à la déférence.

 

[14]           À mon avis, la nature de la question de droit posée en l’espèce ressemble suffisamment à celle de la question de droit soulevée dans l’affaire Via Rail pour qu’on puisse conclure que la même norme de contrôle s’applique. Il s’ensuit que notre Cour est tenue d’appliquer la norme de contrôle retenue dans l’arrêt Via Rail, en l’occurrence la norme de la décision raisonnable.

Analyse

 

[15]           La thèse de CFCP est que la définition de l’expression « franchissement par desserte » que l’on trouve dans la Loi sur les transports au Canada n’est pas suffisamment large pour englober les tronçons de son gazoduc où Atco se propose de construire les installations munies d'une valve hors sol, parce qu’à ces endroits, le gazoduc longe la voie ferrée au lieu d’être situé sous cette dernière. Cette thèse repose sur une interprétation littérale des mots « franchissement par une desserte d’un chemin de fer par passage supérieur ou inférieur », en supposant que l’expression « chemin de fer » ne s’entende que d’une « voie ferrée » et qu’elle n’ait pas un sens plus large. CFCP signale la distinction entre les mots employés dans la définition actuelle (« desserte d’un chemin de fer par passage supérieur ou inférieur »), et ceux que l’on trouvait dans la loi précédente à l’article 326 de la Loi sur les chemins de fer (« soit le long ou en travers d’un chemin de fer »). CFCP invoque aussi l’article 98 de la Loi sur les transports au Canada (précité), dans lequel il semble que l’expression « ligne de chemin de fer » soit employée au sens de voie ferrée. Selon l’interprétation proposée par CFCP, le fait que les travaux doivent être effectués sur l’emprise de la voie ferrée est sans importance et ce, indépendamment de la proximité des travaux avec la voie ferrée elle-même.

 

[16]           La thèse d’Atco et de l’Office repose sur l’approche téléologique et contextuelle adoptée par la Cour suprême dans l’affaire Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 R.C.S. 27, et dans de nombreux autres arrêts rendus par la Cour suprême depuis. Ils soutiennent que, compte tenu de l’objet du régime législatif et du contexte de la loi, l’expression « ligne de chemin de fer » vise à inclure l’emprise sur laquelle se trouve la voie ferrée. Il s’ensuit que la définition de « desserte » engloberait toute partie du gazoduc qui se trouve au-dessus de l’emprise de la voie ferrée ou en dessous de cette dernière.

 

[17]           Il n’y a pas de jurisprudence qui porte carrément sur la question. Toutefois, la conclusion de l’Office sur ce point est appuyée par l’arrêt Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Office des transports du Canada) (1999), 251 N.R. 245 (C.A.F.). Dans cet arrêt, notre Cour a confirmé la décision de l’Office suivant laquelle l’article 98 de la Loi sur les transports au Canada (précité), qui prévoit que la construction d’une ligne de chemin de fer par une compagnie de chemin de fer est subordonnée à l’autorisation de l’Office, s’appliquait à la construction d’une cour de triage. Le juge Rothstein, qui siégeait alors à notre Cour, explique ce qui suit (au paragraphe 8) :

[…] Une ligne de chemin de fer consiste en la structure sur laquelle les locomotives et le matériel roulant des compagnies de chemin de fer se déplacent de même qu’en le système de communication ou de signalisation et des installations et équipements connexes. On pourrait familièrement parler de « voie ferrée »  mais, bien sûr, comme l’a signalé l’avocat du CN, l’expression a un sens beaucoup plus large. Elle englobe la préparation de paliers et de plates-formes, y compris la construction de levées et de coupes, l’aménagement d’installations pour le drainage, les ponts, les tunnels, ainsi que la superstructure de la voie elle-même qui comporte le ballast, les traverses, les rails, les crampons et les autres appareils de voie. Tous ces éléments, situés sur le droit de passage occupé par la compagnie de chemin de fer, permettent et facilitent le mouvement des locomotives et du matériel roulant : il s’agit de la ligne de chemin de fer.

 

[18]           L’Office cite aussi sa décision no 124-R-1997 dans laquelle il a appliqué l’article 101 à une demande visant la construction d’une ligne de transport d'électricité le long de l'emprise d’un chemin de fer sur un terrain situé en parallèle à la voie de chemin de fer mais ne la franchissant pas. Dans cette affaire, la demande avait été introduite en vertu de l’article 326 de la Loi sur les chemins de fer (précité), et avait été poursuivie sous le régime de la Loi sur les transports au Canada conformément au Décret sur l’abandon et la poursuite des procédures (1996), DORS/96-383.

 

[19]           On trouve un appui jurisprudentiel à la proposition que l’emprise de la voie ferrée fait partie de la ligne de chemin de fer dans des décisions de l’Office portant sur la détermination de la valeur nette de récupération d’une ligne de chemin de fer, laquelle comprend la valeur du terrain sur lequel se trouve l’emprise : décisions nos 175-R-1999 (subdivision Tisdale), 467-R-1996 (subdivision CN Chatham), 530-R-1998 (subdivision CP Goderich), 545-R-1999 (subdivision CN Arbourfield), 542‑R-2000 (subdivision CN Cudworth).

 

[20]           Le ministre des Transports semble souscrire à la thèse d’Atco et de l’Office. Le ministre s’est déclaré compétent sur les aspects de la construction projetée des installations de valves hors sol qui ont des incidences sur la sécurité ferroviaire, en se fondant sur la définition de l’expression « franchissement par desserte » que l’on trouve dans la Loi sur la sécurité ferroviaire. Ainsi que je l’ai déjà mentionné, cette définition est presque identique à celle de l’expression « franchissement par desserte » que l’on trouve dans la Loi sur les transports au Canada. Il n’est pas contesté que si le ministre a commis une erreur dans son interprétation de la définition de « franchissement par desserte » que l’on trouve dans la Loi sur les transports au Canada, il a commis la même erreur en ce qui concerne la Loi sur la sécurité ferroviaire. Si tel est le cas, il y aurait alors lieu de se demander dans quelle mesure la Loi sur la sécurité ferroviaire confère au ministre le pouvoir légal de se prononcer sur des questions de sécurité ferroviaire en rapport avec les travaux projetés.

[21]           Compte tenu du contexte de la Loi, l’interprétation retenue par l’Office confère à la définition de « desserte » un sens que l’on peut raisonnablement attribuer à ce terme et qui est compatible avec son objet. À mon sens, l’interprétation que l’Office donne de la définition du terme « desserte » est raisonnable. Je ne vois aucune raison qui justifierait l’intervention de notre Cour.

 

[22]           Je tiens à signaler que j’aurais proposé le même résultat si la norme de contrôle avait été celle de la décision correcte. Je n’accepte pas que, lorsqu’il a édicté les régimes législatifs actuels, qui sont étroitement liés, pour réglementer les chemins de fer et la sécurité ferroviaire, le législateur fédéral entendait adopter des dispositions législatives qui auraient pour effet d’empêcher ces régimes de s’appliquer à la construction d’installations munies d'une valve hors sol sur un gazoduc situé sur l'emprise d’une voie ferrée.

 

Dispositif

 

[23]           Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le présent appel avec dépens.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

« Je souscris à ces motifs.        

Robert Décary, j.c.a. »

 

« Je souscris à ces motifs.        

Marc Noël, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    A-177-07

 

INTITULÉ :                                                   COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE c.

                                                                        OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 15 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE DÉCARY

                                                                        LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 6 FÉVRIER 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Me Glen Poelman

Me Ryan Penner

 

POUR L’APPELANTE

 

Me Andray Renaud

 

 

Me Donald Cranston

Me Peter Wong

POUR L’INTIMÉ

Office des transports du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

ATCO Gazoducs

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Macleod Dixon srl

Calgary, Alberta

 

POUR L’APPELANTE

 

Office des transports du Canada,

Gatineau (Québec)

 

Bennett Jones srl

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTIMÉ

 

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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