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Date : 20080402

Dossier : A-180-07

Référence : 2008 CAF 119

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LA BANDE INDIENNE DE L’ACADIE

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 2 avril 2008

Jugement prononcé à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 2 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                             LE JUGE RYER


 

Date : 20080402

Dossier : A-180-07

Référence : 2008 CAF 119

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LA BANDE INDIENNE DE L’ACADIE

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 2 avril 2008)

 

[1]                La Cour statue sur l’appel d’un jugement par lequel le juge Blanchard de la Cour fédérale (2007 CF 259) a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par la Bande indienne de l’Acadie de la décision par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) avait, dans une lettre datée du 10 novembre 2005, refusé de rencontrer le chef de la Bande indienne de l’Acadie relativement à une cotisation de TPS/TVH établie en vertu de la partie XI de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15, (la Loi), à l’encontre de la Bande indienne de l’Acadie.

 

[2]               L’appelante a adopté un règlement administratif prévoyant l’imposition d’une taxe de 9 p. 100 (la taxe à la consommation) sur les produits et services vendus sur les terres de la réserve de la Première nation de l’Acadie. Le règlement administratif prévoyait que [traduction] « la TPS/TVH fédérale et la taxe provinciale sur les ventes ne s’appliquent pas aux opérations visées par le présent règlement administratif ». Par suite de l’adoption du règlement administratif, l’appelante a cessé de percevoir et de verser la TPS/TVH sur les opérations qu’elle effectuait dans le cadre de deux entreprises situées sur le territoire de la réserve. Ces entreprises facturaient plutôt la taxe à la consommation sur les opérations effectuées dans la réserve par des non-Indiens. Les revenus générés par la taxe à la consommation devaient servir à observer la tradition mi’kmaq du partage et de l’entraide (la tradition du partage communautaire).

 

[3]               Le ministre réclamait à l’appelante environ 1,8 million de dollars en TPS/TVH, en intérêts et en pénalités (la cotisation) parce qu’elle avait omis de percevoir la TPS/TVH pour la période du 1er janvier 1999 au 31 mars 2001. Une date d’instruction de l’appel de la cotisation par la Cour canadienne de l’impôt a été fixée. L’appelante qualifie de « période intermédiaire » l’intervalle écoulé entre la date à laquelle elle a déposé l’appel et la présente date.

 

[4]               L’appelante affirme que le ministre était tenu de la consulter au cours de la période intermédiaire avant d’entreprendre quelque mesure de recouvrement que ce soit. Un certain dialogue a eu lieu entre l’appelante et le ministre avant la fin de 2005, et il portait surtout sur l’objectif du ministre de percevoir le montant précisé dans la cotisation.

 

[5]               Par lettre datée du 11 mars 2005, l’appelante a officiellement rappelé au ministre ses obligations constitutionnelles en citant l’arrêt Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511, 2004 CSC 73, et l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, 1982, ch. 11, annexe B (R.-U.), 1982, ch. 11  (la Loi constitutionnelle) et elle a réclamé au ministre [traduction] « une rencontre de consultation, de réconciliation et d’accommodement pour permettre à la Bande indienne de l’Acadie d’exercer son droit à l’autonomie gouvernementale (par le biais de la taxe à la consommation) ».

 

[6]               Par lettre datée du 10 novembre 2005, le ministre a officiellement refusé de rencontrer l’appelante et d’engager des consultations du type de celles que réclamait l’appelante.

 

[7]               Le 12 décembre 2005, l’appelante a présenté une demande de contrôle judiciaire du refus du ministre d’engager les consultations réclamées. Dans cette demande, l’appelante priait la Cour fédérale de déclarer que le ministre avait l’obligation de la consulter et de laccommoder eu égard à sa tradition du partage communautaire et plus particulièrement de la consulter et de l’accommoder au sujet de l’objet et du fonctionnement de la taxe à la consommation et des incidences sur les droits ancestraux de l’appelante des décisions prises par le ministre en vertu des dispositions législatives sur la TPS/TVH. L’appelante réclamait aussi un bref de mandamus pour obliger le ministre à se conformer au jugement déclaratoire réclamé.

 

[8]               Dans les moyens invoqués au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, l’appelante affirmait que le ministre avait pris la décision de recouvrer les taxes réclamées au titre de la TVH sans engager de processus de consultation avec l’appelante et sans tenir compte de la tradition du partage communautaire. L’appelante a ajouté que le refus du ministre de la consulter et de l’accommoder était contraire aux principes de justice fondamentale et d’équité procédurale et constituait par ailleurs une violation du droit procédural des Autochtones d’être consultés et accommodés et d’obtenir que les actes du ministre soient conformes à leurs droits substantiels.

 

[9]               Pour en arriver à sa décision, la Cour fédérale a cité les arrêts Nation haïda et Première nation Tlingit de Taku River c. Colombie‑Britannique (Directeur d’évaluation de projet), [2004] 3 R.C.S. 550, et a rappelé que l’obligation de consulter naît lorsqu’un représentant de la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle d’un titre ou de droits ancestraux et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur ces droits ou ce titre. La Cour fédérale a ensuite cité l’arrêt R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507, qu’elle considérait comme une décision pertinente pour ce qui est de la question de savoir si une pratique, une coutume ou une tradition ancestrale constitue un « droit » au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La Cour fédérale a également conclu que ce droit consistait en une activité qui consiste en l’exercice, sous une forme contemporaine, d’une coutume, pratique ou tradition qui faisait partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone qui revendiquait ce droit.

 

[10]           La Cour fédérale a expliqué que la Bande indienne de l’Acadie qualifiait le droit ancestral en cause de « tradition de partage communautaire » et que la taxe à la consommation devait servir à observer la tradition de partage communautaire. La Cour fédérale a conclu que la charge de la preuve qui incombait à la Bande indienne de l’Acadie était peu exigeante lorsqu’il s’agissait pour elle d’établir qu’elle revendiquait l’existence d’un droit ancestral crédible. La Cour fédérale a conclu que la Bande indienne de l’Acadie avait présenté une preuve suffisante pour démontrer qu’il existait, à l’époque du contact avec les Européens, une tradition de partage communautaire, mais elle a estimé que rien ne permettrait d’affirmer que l’activité traditionnelle de partage englobait l’idée d’amasser ou d’accumuler une richesse à des fins de partage et qu’elle supposait la participation de non‑Indiens. La Cour fédérale a par conséquent conclu que la Bande indienne de l’Acadie n’avait pas démontré que la taxe de consommation était une activité actuelle qui soit une expression contemporaine de la tradition du partage communautaire, de sorte qu’elle ne constituait pas l’exercice d’un droit ancestral protégé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle.

 

[11]           Malgré l’argument contraire de l’appelante, nous souscrivons à la conclusion de la Cour fédérale suivant laquelle il n’y a aucun élément de preuve qui permette de penser que la taxe de consommation est l’expression contemporaine de la tradition du partage communautaire. L’appelante n’a donc pas réussi à établir l’existence éventuelle d’un droit ancestral crédible protégé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle.

 

[12]           L’appelante soutient en outre que la Cour fédérale a commis une erreur en ne s’en tenant pas à la question des consultations au cours de la période intermédiaire. L’appelante affirme qu’en examinant la question de l’imposition de la taxe à la consommation à des non-Indiens, la Cour fédérale a abordé une question qu’il revient à la Cour canadienne de l’impôt de trancher, en l’occurrence celle de savoir si la cotisation viole les droits substantiels ancestraux de l’appelante. À notre avis, cet argument ne saurait être retenu. La Cour fédérale a examiné les ventes conclues avec des non-Indiens pour déterminer si la taxe à la consommation constituait l’expression contemporaine de la tradition du partage communautaire et elle n’a pas commis d’erreur justifiant notre intervention en le faisant. La validité de la cotisation est une question qu’il appartient toujours à la Cour canadienne de l’impôt de trancher.

 

[13]           En conséquence, pour les motifs qui ont été exposés, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          A-180-07

 

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LA COUR FÉDÉRALE LE 7 MARS 2007

DANS LE DOSSIER T-2187-05

 

INTITULÉ :                                                         BANDE INDIENNE DE L’ACADIE c.

                                                                              LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 LE 2 AVRIL 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

DE LA COUR :                                                    LE JUGE EVANS

                                                                              LE JUGE RYER

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :                      LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Bruce Clarke

POUR L’APPELANTE

 

John W. Smithers

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Burchell Hayman Parish

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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