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Date : 20080501

Dossier : A-218-07

Référence : 2008 CAF 160

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

FOLZ VENDING COMPANY LIMITED

Appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 28 avril 2008.

Jugement rendu à Québec (Québec), le 1er mai 2008.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                                LE JUGE BLAIS

 


Date : 20080501

Dossier : A-218-07

Référence : 2008 CAF 160

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

FOLZ VENDING COMPANY LIMITED

Appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Les questions en litige

 

[1]               L’appelante se pourvoit en appel d’une décision du juge Bédard (juge) de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[2]               Par cette décision, le juge maintenait la cotisation établie par le ministre du Revenu national (ministre), datée du 11 juin 2003. Cette cotisation a trait à la taxe sur les produits et services (TPS) et à la taxe de vente harmonisée (TVH). Le montant de la cotisation pour les deux taxes s’élevait à 388 506,23 $. S’y est ajoutée une pénalité de l’ordre de 39 859,52 $.

 

[3]               L’appel soulève deux questions. L’appelante était-elle tenue en tant que mandataire de percevoir et de verser la taxe sur les produits et services (TPS) et la taxe de vente harmonisée (TVH) pour les fournitures taxables qu’elle a vendues? Il n’est pas contesté qu’il s’agissait de fournitures taxables au sens de l’article 123 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 telle que modifiée (Loi).

 

[4]               En outre, et il s’agit là de la deuxième question, le juge s’est-il mépris en maintenant la pénalité imposée par le ministre en vertu de l’article 280 de la Loi au motif que l’appelante n’a pas fait preuve de diligence raisonnable?

 

Les faits à la source du présent litige et les prétentions de l’appelante

 

[5]               Pendant la période du 1 octobre 2000 au 30 juin 2002, l’appelante a omis de percevoir et de verser au receveur général du Canada les taxes sur des ventes de bonbons, boules de gomme et jouets, effectuées par l’entremise de machines distributrices fonctionnant avec des pièces de 0,25 ¢, de 1,00 $ ou de 2,00 $, sans remise de monnaie. Durant cette même période, elle a demandé des crédits de taxe sur intrants de 563 892,12 $ liés à l’exploitation de ses machines distributrices.

 

[6]               L’appelante se fonde sur le jugement de la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Distribution Lévesque Vending (1986) Ltée c. La Reine, [1997] G.S.T.C. 38 (C.C.I.) pour soutenir qu’elle n’est pas un mandataire au sens de l’article 221 de la Loi.

 

[7]               Elle soumet également dans un premier temps que ses appareils mono-sélecteurs mécaniques ne sont pas des appareils automatiques au sens de la Loi puisqu’ils sont opérés manuellement et ne rendent pas la monnaie. Elle ajoute, dans un deuxième temps, que ses appareils lui rendent impossible la perception de la taxe auprès de ses consommateurs.

 

[8]               Je reproduis un certain nombre de dispositions de la Loi qui s’appliquaient à l’époque et qui sont utiles pour la compréhension des présents motifs :

 

Appareils automatiques

 

160. Dans le cas où une fourniture est effectuée, et la contrepartie y afférente payée, au moyen d’un appareil automatique, les présomptions suivantes s’appliquent aux fins de la présente partie :

 

a) l’acquéreur est réputé, le jour où la contrepartie de la fourniture est insérée dans l’appareil, avoir reçu la fourniture et payé la contrepartie y afférente ainsi que la taxe payable qui y est relative;

 

b) le fournisseur est réputé, le jour où la contrepartie de la fourniture est retirée de l’appareil, avoir effectué la fourniture, reçu la contrepartie y afférente et perçu la taxe payable qui y est relative.

 

 

 

 

Section II

Taxe sur les produits et services

 

Sous-section a

Assujettissement

 

Taux de la taxe sur les produits et services

 

165. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 5% sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

 

 

165.1

[…]

Appareils automatiques

 

(2) La taxe payable relativement à la fourniture d’un bien meuble corporel distribué, ou d’un service rendu, au moyen d’un appareil automatique à fonctionnement mécanique qui est conçu pour n’accepter, comme contrepartie totale de la fourniture, qu’une seule pièce de monnaie de 0,25 $ ou moins est nulle.

 

 

 

 

 

 

Section V

Perception et versement de la taxe prévue à la section II

 

Sous-section a

Perception

 

Perception

 

221. (1) La personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, percevoir la taxe payable par l’acquéreur en vertu de la section II.

 

 

Intérêts

 

280. (1) Sous réserve du présent article et de l’article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est tenue de payer des intérêts sur ce montant, calculés au taux réglementaire pour la période commençant le lendemain de l’expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement.

 

Coin-operated devices

 

160. Where a supply is made, and the consideration therefor is paid, by means of a coin-operated device, the following rules apply for the purposes of this Part:

(a) the recipient shall be deemed to have

(i) received the supply,

(ii) paid the consideration for the supply, and

(iii) paid any tax payable in respect of the supply,

on the day the consideration for the supply is inserted into the device; and

 

(b) the supplier shall be deemed to have

(i) made the supply,

(ii) received the consideration for the supply, and

(iii) collected any tax payable in respect of the supply,

on the day the consideration for the supply is removed from the device.

 

Division II

Goods and Services Tax

 

Subdivision a

Imposition of tax

 

 

Imposition of goods and services tax

 

165. (1) Subject to this Part, every recipient of a taxable supply made in Canada shall pay to Her Majesty in right of Canada tax in respect of the supply calculated at the rate of 5% on the value of the consideration for the supply.

 

 

 

165.1

Coin-operated devices

 

(2) Where the consideration for a supply of tangible personal property or a service is paid by depositing a single coin in a mechanical coin-operated device that is designed to accept only a single coin of twenty-five cents or less as the total consideration for the supply and the tangible personal property is dispensed from the device or the service is rendered through the operation of the device, the tax payable in respect of the supply is equal to zero.

 

 

Division V

Collection and Remittance of Division II Tax

 

Subdivision a

Collection

 

Collection of tax

 

221. (1) Every person who makes a taxable supply shall, as agent of Her Majesty in right of Canada, collect the tax under Division II payable by the recipient in respect of the supply.

 

 

Interest

 

280. (1) Subject to this section and section 281, if a person fails to remit or pay an amount to the Receiver General when required under this Part, the person shall pay interest at the prescribed rate on the amount, computed for the period beginning on the first day following the day on or before which the amount was required to be remitted or paid and ending on the day the amount is remitted or paid.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

Analyse des prétentions de l’appelante

 

a)         Les appareils mono-sélecteurs mécaniques de l’appelante sont-ils des appareils automatiques?

 

 

[9]               Dans l’affaire Distribution Lévesque Vending (1986) Ltée, précitée, à la page 13, le juge Tremblay avait conclu en se fondant entre autre sur l’article 160 de la Loi que les appareils mono-sélecteurs n’étaient pas des appareils automatiques.

 

[10]           L’appelante nous réfère à cette conclusion qui s’appuie, selon moi, sur une interprétation erronée des mots « appareil automatique » qui se trouvent à l’article 160 de la Loi. Plus précisément, elle soutient que le concept d’appareil automatique réfère nécessairement et exclusivement à des machines distributrices électriques qui rendent la monnaie et qui, de ce fait, permettent de charger la taxe au consommateur.

 

[11]           Avec respect, je crois que l’article 160 n’est d’aucun secours à l’appelante. De fait, l’article 160 n’est pas un article d’assujettissement à la taxe. Il s’agit plutôt d’un article qui, au moyen de présomptions, ne fait que préciser le moment où la fourniture est faite et reçue de part et d’autre, et la contrepartie payée et reçue.

 

[12]           En outre, les termes « appareils automatiques » sont suffisamment larges et génériques pour inclure des appareils mono-sélecteurs mécaniques. De fait, à moins de ratés mécaniques, en insérant la pièce de monnaie requise et en actionnant le mécanisme, le consommateur reçoit automatique-ment, sans l’intervention d’un tiers, la fourniture annoncée.

 

[13]           De plus, le paragraphe 165.1(2) de la Loi, sous le titre « Appareils automatiques », réfère à une fourniture faite « au moyen d’un appareil automatique à fonctionnement mécanique qui est conçu pour n’accepter, comme contrepartie totale de la fourniture, qu’une seule pièce de monnaie de 0,25 ¢ ou moins » (je souligne). En pareil cas, il est prévu que la taxe payable est nulle.

 

[14]           Il est évident que les termes « appareils automatiques » ne sont pas d’usage et d’application restreints à des appareils électriques. D’ailleurs, l’appelante bénéficie de cette exemption de taxe pour ses appareils mono-sélecteurs mécaniques fonctionnant avec une seule pièce de 0,25 ¢ ou moins. Comment ces appareils peuvent-ils être des appareils automatiques, mais cesser de l’être lorsque la seule pièce utilisée est une pièce de 1,00 $ ou de 2,00 $, selon le cas, au lieu d’une pièce de 0,25 ¢ ? Je crois que le seul fait de poser la question équivaut à y répondre.

 

[15]           Enfin, j’attire l’attention sur la version anglaise du paragraphe 165.1(2). Les termes « coin-operated devices », retenus en anglais pour rendre le concept d’appareils automatiques utilisé en français, sont tout aussi généraux et ne se limitent pas à des « electrically coin-operated devices ».

 

b)         L’appelante était-elle dans l’impossibilité d’exécuter le mandat de perception de la taxe que la Loi lui impose?

 

 

[16]           L’appelante soumet que l’impossibilité d’exécution du mandat a été reconnue et acceptée dans l’affaire Distribution Lévesque Vending (1986) Ltée., précitée. Elle invoque aussi les dispositions du Code civil du Québec relatives au mandat au soutien de sa prétention.

 

[17]           Je suis d’accord avec le procureur de l’intimée que le mandat dont il est question en l’espèce est un mandat imposé et régi par la Loi et non un mandat d’ordre contractuel tel qu’envisagé par les articles 2130 et suivants du Code civil du Québec. À moins d’une exception à la règle générale d’assujettissement à la taxe, l’appelante est tenue d’exécuter le mandat.

 

[18]           L’affaire Distribution Lévesque Vending (1986) Ltée est une décision rendue en équité, mais au fondement juridique erroné. Comme le souligne à juste titre le juge dans la présente affaire, elle a donné lieu, durant la période en litige, à une exception à la règle générale d’assujettissement à la taxe. Cette exception se retrouve au paragraphe 165.1(2) de la Loi. Ce paragraphe a remplacé l’ancien paragraphe 165(3.1).

 

[19]           L’exception consentie par le législateur est une exception limitée quant à son objet. De fait, elle s’applique aux appareils automatiques à fonctionnement mécanique tels ceux de l’appelante. Mais tel que précédemment invoqué, elle est limitée aux appareils qui ne sont conçus que pour n’accepter qu’une seule pièce de 0,25 ¢ ou moins en contrepartie de la fourniture. L’appelante ne peut bénéficier de cette exception pour les appareils fonctionnant avec des pièces de 1,00 $ ou de 2,00 $.

 

[20]           Quant à l’impossibilité elle-même d’exécution du mandat que l’appelante revendique, s’il en est une, elle ne provient pas d’une impossibilité physique mais plutôt du coût des modifications à apporter aux appareils.

 

[21]           Il est indubitable que ces modifications emportent un coût substantiel pour l’appelante et qu’il en résulte pour elle un fardeau financier. Toutefois, ainsi que le rappelle la Cour suprême du Canada dans l’affaire Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 R.C.S. 445, au paragraphe 48, « il s’agit précisément du fardeau que prévoit la loi ». C’est à tort, et je le dis avec respect, que le juge Tremblay a eu recours à la notion de coût pour, dans cette affaire, relever Distribution Lévesque Vending (1986) Ltée de l’obligation que lui imposait l’article 221 de la Loi.

 

[22]           C’est aussi à tort que le juge Tremblay avait alors conclu en équité qu’il était injuste d’obliger Distribution Lévesque Vending (1986) Ltée à payer la taxe pour le consommateur compte tenu du coût des modifications à apporter aux appareils : voir les pages 11 et 12 des motifs de cette décision.

 

[23]           Comme dans l’affaire dont nous sommes saisis, le vendeur d’une fourniture a toujours l’option soit d’augmenter ses prix pour couvrir la taxe, soit de réduire la quantité ou la qualité de la fourniture, soit de diminuer ses profits, soit de maintenir ses profits en négociant de meilleures conditions d’achat auprès de ses propres fournisseurs. La perte ou la diminution de rentabilité d’une entreprise ne relève pas cette dernière de son obligation de percevoir la taxe sur les fournitures qu’elle vend.

 

[24]           Je suis d’accord avec cet extrait des motifs de la décision de la Cour supérieure de l’Ontario (Divisional Court) dans l’affaire Roneson Enterprises Inc. c. Ontario (Minister of Finance), [2005] O.J. No. 3179, cité par le juge au paragraphe 20 des motifs de sa décision :

 

In any event, just because compliance with the Act may be difficult or may result in the imposition of a cap on the effective purchase price of products sold through the vending machines does not affect the legal duty of vendors to comply with the Act. If it should turn out that it is too difficult or insufficiently profitable for the Respondent to comply, it will have to reassess the financial viability of conducting business through this type of vending machine and perhaps even stop doing so. It may seem harsh but, in law, there is no duty on the Appellant to facilitate this type of business or to help maintain its profitability.

 

 

c)         Le juge a-t-il commis une erreur en maintenant la pénalité imposée par le ministre?

 

[25]           Malgré les efforts du procureur de l’appelante, je n’ai pas été convaincu que le juge s’est mépris sur les principes juridiques applicables à la pénalité et à la défense de diligence raisonnable. L’appelante n’a pu identifier une erreur de fait qui, pour des motifs raisonnables, l’a amenée à croire en un état de fait inexistant qui, s’il eût existé, aurait rendu innocent son défaut de percevoir et de remettre la taxe : voir Corp. De l’École Polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, au paragraphe 28.

 

[26]           De même, elle n’a pu porter à notre attention quelque mesure que ce soit qu’elle aurait prise pour se conformer à la Loi, ce qui constitue le deuxième et dernier volet de la défense de diligence raisonnable. Dans les circonstances, le juge n’a pas eu tort de conclure que l’appelante n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable.

 

Conclusion

 

[27]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

Je souscris à ces motifs

            Alice Desjardins, j.c.a.

 

Je suis d’accord

            Pierre Blais, j.c.a.

 

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-218-07

 

 

INTITULÉ :                                                   FOLZ VENDING COMPANY LIMITED c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE      

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 28 avril 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE DESJARDINS

                                                                        LE JUGE BLAIS

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 1er mai 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Gaétan Drolet

POUR L’APPELANTE

 

Me Gatien Fournier

Me Andrew Miller

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Gaétan Drolet

Sainte-Foy (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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