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Date : 20080501

Dossier : A-293-07

Référence : 2008 CAF 164

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

BERNICE RYALL

défenderesse

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario) le 30 avril 2008

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 1er mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     LE JUGE RYER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                       LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                                                                LE JUGE NOËL

 

 


 

Date : 20080501

Dossier : A-293-07

Référence : 2008 CAF 164

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

BERNICE RYALL

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE RYER

[1]               La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire présentée par le Procureur général du Canada, agissant au nom du ministre du Développement social (le ministre), relativement à une décision en date du 15 mai 2007 par laquelle la Commission d’appel des pensions (la Commission) a estimé, à la majorité, que Mme Bernice Ryall avait droit à une pension d’invalidité en vertu de l’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (le Régime).

 

[2]               Une pension d’invalidité ne peut être accordée à une personne que si celle-ci est déclarée, de la manière prescrite par le Règlement sur le Régime de pensions du Canada, C.R.C., ch. 385 (le Règlement), atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée au sens des sous-alinéas 42(2)a)(i) et 42(2)a)(ii) du Régime. Ces dispositions sont ainsi libellées :

42. (2) Pour l’application de la présente loi :

a) une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application du présent alinéa :

(i) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

(ii) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès;

 

42. (2) For the purposes of this Act,

 

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and

(ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death; and

 

 

[3]               La personne qui affirme être invalide au sens du paragraphe 42(2) du Régime doit fournir au ministre les renseignements précisés au paragraphe 68(1) du Règlement. Cette disposition est ainsi libellée :

 

68. (1) Quand un requérant allègue que lui-même ou une autre personne est invalide au sens de la Loi, il doit fournir au ministre les renseignements suivants sur la personne dont l’invalidité est à déterminer :

a) un rapport sur toute détérioration physique ou mentale indiquant

(i) la nature, l’étendue et le pronostic de la détérioration,

(ii) les constatations sur lesquelles se fondent le diagnostic et le pronostic,

(iii) toute incapacité résultant de la détérioration, et

 

(iv) tout autre renseignement qui pourrait être approprié, y compris les recommandations concernant le traitement ou les examens additionnels;

 

b) une déclaration indiquant l’emploi et les gains de cette personne pendant la période commençant à la date à partir de laquelle le requérant allègue que l’invalidité a commencé; et

 

c) une déclaration indiquant la formation scolaire, l’expérience acquise au travail et les activités habituelles de la personne.

 

68. (1) Where an applicant claims that he or some other person is disabled within the meaning of the Act, he shall supply the Minister with the following information in respect of the person whose disability is to be determined :

(a) a report of any physical or mental impairment including

(i) the nature, extent and prognosis of the impairment,

(ii) the findings upon which the diagnosis and prognosis were made,

(iii) any limitation resulting from the impairment, and

(iv) any other pertinent information, including recommendations for further diagnostic work or treatment, that may be relevant;

(b) a statement of that person’s occupation and earnings for the period commencing on the date upon which the applicant alleges that the disability commenced; and

(c) a statement of that person’s education, employment experience and activities of daily life.

 

Les alinéas b) et c) précités visent des renseignements que le requérant peut aisément fournir. L’alinéa a) oblige le requérant à fournir un rapport contenant des éléments de preuve médicaux portant sur la présumée détérioration physique ou mentale.

 

[4]               La personne qui réclame une pension d’invalidité doit établir qu’elle a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité (la PMA), établie conformément au paragraphe 44(2) du Régime. Dans le cas qui nous occupe, il est acquis aux débats que la PMA de Mme Ryall a pris fin le 31 décembre 1999. En conséquence, pour être admissible à des prestations d’invalidité, Mme Ryall devait persuader la Commission, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité du type de celles qui sont prévues à l’alinéa 42(2)a) du Régime à la fin de sa PMA et de façon ininterrompue par la suite.

 

[5]               Pour déterminer si un requérant est atteint d’une « invalidité grave », on s’attache à la question de savoir s’il est atteint d’une incapacité qui est grave au point d’affecter sa capacité d’exercer régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. Ainsi que la Cour l’a déclaré dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, et l’a réitéré dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, le requérant qui dit répondre à la définition d'incapacité grave doit non seulement démontrer qu'il a de sérieux problèmes de santé, mais également, lorsque sa capacité de travailler est établie, que les efforts qu’il a déployés pour se trouver un emploi et pour le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

 

[6]               La Commission a estimé, à la majorité, que Mme Ryall était inapte au travail dans le « vrai monde » en raison de ses problèmes à l’aorte et de son déficit mnésique. Les commissaires majoritaires ont par conséquent estimé que Mme Ryall satisfaisait au critère de l’invalidité « grave ». Cette conclusion était fondée sur un examen du témoignage de Mme Ryall et de son mari et de certains éléments de preuve médicaux.

 

[7]               Pour conclure que Mme Ryall était atteinte d’une invalidité grave, les commissaires majoritaires n’ont pas abordé le fait que, dans la demande de prestations d’invalidité qu’elle avait présentée en 2002, Mme Ryall avait indiqué que le dernier emploi qu’elle avait occupé était un poste administratif, et qu’elle avait cessé de travailler le 29 août 1997 parce qu’elle était [traduction] « incapable d’assumer la charge de travail ». Mme Ryall n’a pas cité ses pertes de mémoire ou quelque autre problème de santé pour expliquer sa décision de cesser de travailler. De plus, les commissaires majoritaires n’ont pas pris acte du fait que, dans le témoignage qu’elle avait donné devant la Commission, Mme Ryall avait admis qu’elle avait quitté de son plein gré son emploi administratif et que depuis elle n’avait pas cherché de travail et qu’elle ne s’était pas recyclée.

 

[8]               Pour évaluer l’état de santé de Mme Ryall, la Commission disposait d’éléments de preuve abondants provenant de son médecin de famille, d’un interne et d’une chirurgienne vasculaire. Les commissaires majoritaires ont ajouté foi à l’avis du médecin de famille, qui appuyait la demande de prestations d’invalidité de Mme Ryall et qui affirmait qu’elle ne pourrait jamais retourner au travail.

 

[9]               Le témoignage du médecin de famille a été contredit par l’avis de deux spécialistes. Dans leurs motifs, les commissaires majoritaires n’ont pas traité des éléments de preuve médicaux présentés par les spécialistes en question, qui se disaient d’avis que Mme Ryall était apte à exercer un emploi rémunérateur à la fin de sa PMA. Par exemple, l’interne a fait subir trois épreuves d’effort à Mme Ryall entre 1998 et 2004 pour évaluer sa santé cardiaque. Chacune de ces épreuves indiquait que son cœur était stable. De plus, la chirurgienne vasculaire a déclaré dans son rapport du 20 février 2003 que Mme Ryall ne présentait aucun symptôme et, notamment, qu’aucun changement n’avait été décelé en ce qui concerne sa mémoire.

 

[10]           À mon avis, les commissaires majoritaires sont arrivés à la conclusion que Mme Ryall était atteinte d’une invalidité « grave » sans tenir compte des preuves abondantes qui leur avaient été soumises et ils n’ont pas motivé suffisamment cette conclusion. Plus particulièrement, les commissaires majoritaires n’ont pas expliqué de façon valable pourquoi ils préféraient vraisemblablement le témoignage du médecin de famille de Mme Ryall à celui des spécialistes. Je relève par ailleurs que les commissaires majoritaires semblent s’être attachés aux éléments de preuve portant sur l’état de santé de Mme Ryall après le 31 décembre 1999, dernier jour de sa PMA, au lieu de s’attarder à son état à cette date. J’estime par conséquent que la décision des commissaires majoritaires est déraisonnable.

 

[11]           De plus, dans une lettre du 15 avril 2003, l’interne déclarait que Mme Ryall serait probablement en mesure d’effectuer un travail qui n’exigeait pas d’activité physique comme marcher ou soulever une charge. Compte tenu de ces éléments de preuve au sujet de son aptitude au travail, il incombait à Mme Ryall de démontrer qu’elle avait fait des efforts pour se trouver du travail et pour le conserver. Or, elle n’a présenté aucun élément de preuve en ce sens. Elle a plutôt expliqué qu’elle avait quitté son emploi de son plein gré et qu’elle n’avait pas cherché à se trouver un autre travail ou à se recycler. L’omission des commissaires majoritaires de tenir compte de ces éléments de preuve m’amène à conclure que leur décision est déraisonnable.

 

[12]           Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire, d’annuler la décision de la Commission et de renvoyer l’affaire à la Commission pour qu’elle soit réexaminée par une formation différemment constituée.

 

 

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

« Je souscris à ces motifs.

Le juge en chef Richard »

 

« Je souscris à ces motifs.

Le juge Marc Noël, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-293-07

 

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION RENDUE PAR LA COMMISSION D’APPEL DES PENSIONS DANS LE DOSSIER CP 23620 LE 15 MAI 2007)

 

INTITULÉ :                                                   LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                 DEMANDEUR

 

                                                                        et

 

                                                                        BERNICE RYALL

                                                                                                                            DÉFENDERESSE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 30 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RYER

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                        LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 1er MAI 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Allan Matte

POUR LE  DEMANDEUR

 

Personne n’a comparu

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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