Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20080513

Dossier : A-419-07

Référence : 2008 CAF 175

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NOËL                   

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

 

SANOFI-AVENTIS CANADA INC. et

SCHERING CORPORATION

 

intimées

 

 

ET ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

 

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.,

SCHERING CORPORATION,

SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH et

RATIOPHARM INC.

 

intimées

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 7 mai 2008.

 

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 13 mai 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE RYER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE LINDEN

                                                                                                                                  LE JUGE NOËL

 


Date : 20080513

Dossier : A-419-07

Référence : 2008 CAF 175

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

 

SANOFI-AVENTIS CANADA INC. et

SCHERING CORPORATION

 

intimées

 

 

 

ET ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

 

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.,

SCHERING CORPORATION,

SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH et

RATIOPHARM INC.

 

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE RYER

[1]               Les questions dont la Cour est saisie dans cet appel interlocutoire se rapportent à une action (T-161-07) (l’action en contrefaçon) intentée par voie de déclaration par Sanofi-Aventi Canada Inc. (Sanofi Canada) et par Schering Corporation (Schering) contre Apotex Inc. (Apotex), dans laquelle il est allégué qu’Apotex a contrefait le brevet canadien no 1,341,206 (le « brevet 206 »).

 

[2]               Schering est la titulaire du brevet 206, en vertu duquel le composé connu sous le nom de rampiril est revendiqué. Quant à Sanofi Canada, elle commercialise Altace, un médicament qui contient du rampiril, en vertu d’une licence avec Schering.

 

[3]               Dans le cadre de l’action en contrefaçon, les demanderesses prétendent qu’Apotex a contrefait le brevet 206 en commercialisant son produit, l’Apo-Ramipril, un de ses produits, et demandent une déclaration de contrefaçon, une injonction visant à empêcher la poursuite de la contrefaçon et des dommages-intérêts ou, subsidiairement, la restitution des bénéfices attribuables à la contrefaçon.

 

[4]               Apotex a produit une défense relativement à l’action en contrefaçon dans laquelle elle prétend que le brevet 206 est invalide et nie la contrefaçon alléguée. De plus, aux paragraphes 7c), 15 et 16 de la défense (les « allégations de conduite fautive »), Apotex conteste le droit des demanderesses à une éventuelle restitution des bénéfices en raison de la conduite inéquitable et illégale : elle allègue que les demanderesses ont conclu divers arrangements et ententes avec ratiopharm inc. (« ratiopharm ») et des tierces parties, dans le principal but de lui porter préjudice en se livrant à des activités anticoncurrentielles illégales.

 

[5]               Apotex a aussi produit une demande reconventionnelle dans le cadre de l’action en contrefaçon, dans laquelle elle réclame des dommages-intérêts et d’autres mesures réparatoires à l’encontre de Sanofi Canada et Schering, et également à l’encontre Sanofi-Aventis Deutschland GmbH (« Sanofi Allemagne ») et ratiopharm, lesquelles ont été désignées dans l’action comme défenderesses reconventionnelles. Les paragraphes 73 à 120 de la demande reconventionnelle (les « secondes allégations de collusion ») décrivent l’un des fondements de la demande reconventionnelle. Ces paragraphes apportent des précisions à propos de la conduite inéquitable et illégale sur laquelle reposent les allégations de conduite fautive, dont l’entente qu’Apotex qualifie « d’entente avec la société générique », en vertu duquel Sanofi Canada a consenti de fournir le ramipril à ratiopharm en vue de le revendre au Canada sous le nom commercial ratio-ramipril.

 

[6]               Il n’est pas contesté que l’objet de la demande reconventionnelle fait aussi partie d’une action qu’Apotex a intentée en 1999 devant la Cour suprême de l’Ontario (« l’action ontarienne ») contre plusieurs parties, parmi lesquelles figurent les prédécesseurs de Sanofi Canada et de ratiopharm, mais non Schering ni Sanofi Allemagne. L’action ontarienne est toujours en instance et ne semble pas évoluer rapidement.

 

[7]               Nous sommes donc saisis d’un appel d’une ordonnance interlocutoire datée du 12 septembre 2007 par laquelle le juge Hugues (le « juge des requêtes ») de la Cour fédérale (2007 CF 907) radiait la partie de la défense comportant les allégations de conduite fautive portées contre Sanofi Canada, et ordonnait la suspension de la partie de la demande reconventionnelle comportant les secondes allégations de collusion portées contre Sanofi Canada et Sanofi Allemagne.

 

[8]               Le juge des requêtes a également examiné de novo l’une ordonnance du protonotaire Morneau datée du 20 juillet 2007, dans laquelle était accordée la suspension (« la suspension à l’égard de ratiopharm »), à l’endroit de ratiopharm, de la partie de la demande reconventionnelle qui contenait les secondes allégations de collusion. Apotex n’en appelle pas de cette décision du juge des requêtes.

 

La requête en radiation

[9]               Le juge des requêtes fait observer que la partie de la défense qui portait sur les allégations de conduite fautive aurait pour effet, si elle était jugée bien fondée, de priver Sanofi Canada de réparation en equity qu’elle sollicite par voie d’injonction et/ou par la voie d’une restitution des bénéfices attribuables à la contrefaçon alléguée. Il a ensuite conclu, malgré qu’aucune des parties n’ait soulevé la question, que Sanofi Canada n’avait pas le droit de solliciter une réparation en equity à l’égard de la contrefaçon alléguée, en raison de sa qualité de porteur de licence du brevet 206.

 

[10]           Le juge des requêtes a ensuite examiné la jurisprudence en ce qui a trait aux des moyens de défense applicables à la conduite fautive dans le cadre des instances en matière de propriété intellectuelle. Après avoir avoir examiné les arrêts dans les affaires RBM Equipment Ltd. c. Philips Electronics Industries Ltd. (1973), 9 C.P.R. (2d) 46, [1973] A.C.F. no 2 (C.A.F.); Eli Lilly & Co. et al. c. Marzone Chemicals Ltd. et al. (1976), 29 C.P.R. (2d) 255, [1976] A.C.F. no 219 (C.A.F.); Procter & Gamble Co. c. Kimberly‑Clark of Canada Ltd. (1990), 29 C.P.R. (3d) 545, [1990] A.C.F. no 58 (C.A.F.); Visx Inc. c. Nidek Co. (1994), 58 C.P.R. (3d) 51, [1994] A.C.F. no 1408 (C.F. 1re inst.); et Volkswagen Canada Inc. c. Access International Automotive Ltd. (C.A.), [2001] 3 C.F. 311, le juge des requêtes a déclaré ce qui suit au paragraphe 35 :

[35]     Je conclus de ces décisions que, lorsque dans une défense, on fait valoir comme moyen la conduite illégale, comme la violation de la Loi sur la concurrence, ce moyen doit être lié à l’acquisition du titre au brevet ou à un autre droit de propriété intellectuelle, ou à une demande de réparation en equity, ou les deux à la fois.

 

 

[11]           En appliquant sa conclusion aux circonstances dont il était saisi, le juge des requêtes a souligné que c’est Schering, et non Sanofi Canada, qui est la titulaire du brevet 206 et il a réitéré sa conclusion selon laquelle Sanofi Canada, en tant que simple porteur de licence du brevet 206, n’avait pas le droit de demander une réparation en equity dans l’action en contrefaçon. Il s’ensuivait don, à son avis, que les allégations de conduite fautive ayant été soulevées en défense à une demande que Sanofi Canada n’avait pas le droit de solliciter, cette partie de la défense devait être radiée à l’endroit de Sanofi Canada.

 

[12]           Il semble que la décision du juge des requêtes de radier la partie de la défense comportant les allégations de conduite fautive de la défense soit fondée sur sa conclusion que le statut de porteur de licence, et non de titulaire du brevet, de Sanofi Canada la rendait inhabile à solliciter une réparation en equity dans l’action en contrefaçon. Or, les parties s’entendent pour dire que le juge est arrivé à cette conclusion sans qu’elles aient pu faire entendre aucun argument, et j’estime qu’elle est injustifiable.

 

[13]           Dans l’action en contrefaçon, Sanofi Canada sollicite une réparation en equity par la voie d’injonctions restreignant la contrefaçon alléguée d’Apotex, ainsi qu’une restitution des bénéfices se rapportant aux activités que l’on prétend liées à la contrefaçon. Ces deux formes de réparation en equity ont été accordées à des porteurs de licence. (Voir Fiberglass Canada Ltd. et al. c. Spun Rock Wools Ltd. et al. (1947), 6 C.P.R. 57 (C.P.); Domco Industries Ltd. c. Armstrong Cork Canada Ltd. et al. (1980), 47 C.P.R. (2d) 1, p. 9 et 10 (C.F. 1re inst.), confirmée à l’égard d’autres motifs (1980), 54 C.P.R. (2d) 155 (C.A.F.), confirmée (1982), 66 C.P.R. (2d) 46, [1982] 1 R.C.S. 907 (C.S.C.); Windsurfing International Inc. et al. c. Trilantic Corporation (dorénavant BIC Sports Inc.) (1985), 8 C.P.R. (3d) 241, p. 244, 268 et 269, [1985] A.C.F. no 1147 (C.A.F.); Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser (2001), 12 C.P.R. (4th) 204, aux par. 129 à 140, [2001] A.C.F. no 436 (C.F. 1re inst.) confirmée (2002), 21 C.P.R. (4th) 1, [2002] A.C.F. no 1209 (C.A.F.), accueillie en partie (2004), 31 C.P.R. (4th) 161, [2004] 1 R.C.S. 902 (C.S.C.); Wellcome Foundation Ltd. c. Apotex Inc. (1998), 82 C.P.R. (3d) 466, aux p. 468 à 471, [1998] A.C.F. no 1205 (C.F. 1re inst.), confirmée (2001), 11 C.P.R. (4th) 218, [2001] A.C.F. no 98 (C.A.F.); Lubrizol Corp c. Imperial Oil Ltd. (1992), 45 C.P.R. (3d) 449, p. 452, 453 et 479, [1993] A.C.F. no 344 (C.A.F.); et Beloit Canada Ltd. c. Valmet-Dominion Inc. (1997), 73 C.P.R. (3d) 321, p. 326, 369 et 370, [1997] A.C.F. no 486 (C.A.F.).)

 

[14]           La question est donc de savoir à quel moment et dans quelles circonstances la conduite fautive de la partie qui sollicite une réparation en equity sera motif suffisant permettant au tribunal de lui refuser la réparation sollicitée. Notre Cour a examiné cette question s’est posée dans Volkswagen, et la juge Sharlow a tenu les propos suivants :

[21]  . . . Un moyen de défense fondé sur une conduite fautive de l’autre partie peut être invoqué s’il existe un lien suffisant entre l’objet de la demande et la réparation sollicitée.

 

[25] Les décisions Visx et Procter & Gamble sont deux exemples dans lesquels les violations à la Loi sur la concurrence qui auraient été commises par un breveté n’ont pas soulevé de doutes sur les droits conférés par le brevet. Par conséquent, il n’y avait pas, entre la conduite prétendument illégale et la réparation d’equity recherchée par le breveté, un lien susceptible d’étayer un moyen de défense d’absence de conduite sans reproche.

 

 

[15]           Dans Visx, le juge Rothstein a déclaré, à la page 53 :

Il est évident que ce n'est pas n'importe quelles allégations de mauvaise conduite de la part d'une partie qui peuvent être prises en considération relativement à la décision d'accorder ou non une réparation reconnue en equity. La mauvaise conduite doit être directement liée à la demande de la demanderesse.

 

En l'espèce, il se peut que la demanderesse ne devrait pas percevoir de droits de la façon qu'on allègue qu'elle le fait. Ou il se peut que sa conduite contrevienne à certaines dispositions de la Loi sur la concurrence. Mais même si la demanderesse pose des actes incorrects, ces actes ne sont pas liés directement au brevet de la demanderesse ou à la question de savoir si les défenderesses ont commis un délit de contrefaçon à l'égard de ce brevet. Rien n'indique que le brevet serait invalide ou qu'il ne pourrait pas servir de fondement à une action en contrefaçon. Rien n'indique non plus que les allégations des défenderesses sont la preuve qu'il n'y a eu aucune contrefaçon. On n'a pas démontré que la conduite alléguée est liée à la demande de la demanderesse.

 

 

[16]           Ces affaires indiquent donc que la partie qui sollicite une réparation en equity ne perd pas son droit à la réparation en raison d’une mauvaise conduite, à moins que cette conduite ne se rapporte directement à l’objet de sa demande ainsi qu’à la réparation en equity sollicitée. Dans les circonstances de l’espèce, la partie dont la conduite fautive est alléguée, Sanofi Canada, sollicite une réparation en equity relativement à une contrefaçon alléguée de ses droits par Apotex à l’égard du brevet 206. La question qui se pose est donc de savoir si la conduite fautive reprochée à Sanofi Canada peut être liée aux droits qu’elle revendique à l’égard du brevet 206, sur lesquels elle fonde la contrefaçon qu’elle allègue contre Apotex, ainsi que la réparation en equity sollicitée par Sanofi Canada en lien avec cette allégation. La présente analyse requiert donc d’examiner l’allégation de conduite fautive reprochée; dans le contexte d’une requête en radiation, les faits allégués à cet égard doivent être considérés comme ayant déjà été prouvés.

 

[17]           Quelle est donc la conduite fautive que l’on reproche à Sanofi Canada? Selon Apotex, les faits qui se rattachent aux secondes allégations de collusion se trouvent aux paragraphes 73 à 120 de la demande reconventionnelle. Ces paragraphes nous apprennent qu’en accordant à ratiopharm le droit de commercialiser le ratio-ramipril, Sanofi Canada, de concert avec Sanofi Allemagne et Schering, a permis à ratiopharm de devenir un nouveau fournisseur de ramipril au sein du marché canadien qui concurrencerait la commercialisation de l’Apo-Ramipril qu’envisage Apotex. Ce faisant Apotex perdrait des ventes éventuelles d’Apo-Ramipril.

 

[18]           La conduite reprochée à Sanofi Canada consiste simplement à avoir accordé à ratiopharm, de concert avec Sanofi Allemagne et Schering ou avec leur soutien, le droit de distribuer le ramipril au Canada. Cette conduite peut, ou non, avoir été appropriée. Même si l’on suppose, aux fins de la requête en radiation, qu’elle soit inappropriée, je ne peux toutefois conclure qu’une telle conduite de la part de Sanofi Canada porte une quelconque atteinte à ses droits à l’égard du brevet 206. De plus, cette conduite ne règle en rien la question à savoir si, en commercialisant l’Apo-Ramipril, Apotex a contrefait le brevet 206. En conséquence, je crois qu’il n’existe aucun lien entre la conduite fautive reprochée à Sanofi Canada et la réparation en equity qu’Apotex sollicite dans sa déclaration pouvant justifier les allégations de conduite fautive.

 

[19]           Pour ces motifs, j’estime qu’il est « évident et manifeste » que la partie de la défense qui porte sur les allégations de conduite fautive ne révèle aucune cause de défense valable à l’égard de l’allégation de contrefaçon du brevet 206 et, partant, une telle défense n’a aucune chance de succès contre Sanofi Canada. Je souscris donc à la conclusion du juge des requêtes que la partie de la défense portant sur les allégations de conduite fautive devrait être radiée à l’endroit de Sanofi Canada.

 

La requête en suspension des procédures

[20]           Bien que la décision du juge des requêtes concernant la suspension à l’égard de ratiopharm ne soit pas visée par l’appel, il est néanmoins indiqué de se rapporter au raisonnement du juge des requêtes sur ce point, dans la mesure où ledit raisonnement nous permet de comprendre celui qu’il a tenu relativement à la requête en suspension des procédures présentée par Sanofi Canada et Sanofi Allemagne.

 

[21]           Selon le paragraphe 50(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C (1985), ch. F-7, la Cour fédérale a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire. Le libellé de ce paragraphe est le suivant :

50.(1) La Cour d'appel fédérale et la Cour fédérale ont le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

b) lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

 

50.(1) The Federal Court of Appeal or the Federal Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.

 

 

 

[22]           Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’accorder la suspension à l’égard de ratiopharm, le juge des requêtes a conclu que l’action ontarienne traite de la même demande de réparation à l’encontre de ratiopharm que celle contenue dans la partie de la demande reconventionnelle qui porte sur secondes allégations de collusion dans l’action en contrefaçon, ce qui, à mon avis, signifie qu’il a conclu que le motif prévu à l’alinéa 50(1)a) a été établi. Au paragraphe 23 de ses motifs, le juge des requêtes a dit :

[23]     Si on permettait à la demande reconventionnelle contre Ratiopharm d’aller de l’avant, il en résulterait pour celle‑ci d’être « tracassée deux fois », devant la Cour fédérale et devant la Cour de l’Ontario, ce que la Cour suprême du Canada a déclaré être un abus de procédure dans l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77. Apotex n’en subit pour sa part aucun préjudice. Elle dispose de l’action ontarienne engagée de longue date pour solliciter la même réparation à l’encontre de Ratiopharm. La suspension de la demande reconventionnelle à l’égard de Ratiopharm n’a pas d’incidence sur sa défense dans le cadre de l’action en Cour fédérale puisque Ratiopharm n’est pas partie à l’action principale.

 

 

[23]           Apotex prétend que le juge des requêtes a commis une erreur en appuyant sa décision d’accorder la suspension à l’égard de Sanofi Canada et Sanofi Allemagne sur le seul fondement qu’Apotex a institué des instances faisant double emploi. À mon sens, le paragraphe 23 des motifs du juge des requêtes révèle beaucoup plus que la simple existence d’un double emploi concernant la suspension à l’égard de ratiopharm. Premièrement, en déclarant que ratiopharm a été « tracassée deux fois », le juge des requêtes a conclu que ratiopharm a subi un préjudice, ou à tout le moins a été contrariée, parce qu’elle devait débattre la même question dans deux instances. Deuxièmement, le juge des requêtes a conclu que la suspension, à l’encontre de ratiopharm, ne causerait aucun préjudice à Apotex, laquelle est toujours en mesure de poursuivre l’allégation soulevée contre ratiopharm dans l’action ontarienne, la même allégation qu’elle expose dans la partie de la demande reconventionnelle qui porte sur les secondes allégations de collusion.

 

[24]           S’il est vrai que les paragraphes 26 et 27 des motifs du juge des requêtes ne reprennent pas les propos qu’il a tenu au paragraphe 23, il a clairement jugé que la demande reconventionnelle dans le cadre de l’action en contrefaçon soulève les mêmes allégations et sollicite la même réparation que dans l’action ontarienne. À mon avis, le renvoi au « double emploi » pour décrire la nature de la demande reconventionnelle démontre que le juge des requêtes a bien compris que Sanofi Canada et Sanofi Allemagne, tout comme ratiopharm, seraient « tracassées », par la partie de la demande reconventionnelle portant sur les secondes allégations de collusion, autant que l’a été ratiopharm, puisqu’elles aussi auraient à consacrer plus de temps et d’attention au double emploi que représente cette partie de la demande reconventionnelle.

 

[25]           Le juge des requêtes mentionnait également au paragraphe 23 de ses motifs qu’Apotex ne subirait aucun préjudice s’il était fait droit à la suspension à l’égard de ratiopharm, l’action ontarienne continuant de lui offrir un cadre dans lequel elle peut obtenir la réparation sollicitée dans la partie de la demande reconventionnelle portant sur les secondes allégations de collusion. Ce motif pour lequel le juge a accordé la suspension à l’égard de ratiopharm sous-tend également le raisonnement du juge des requêtes aux paragraphes 26 et 27, où il mentionne que rien n’empêchait Apotex de joindre Sanofi Allemagne à titre de partie à l’action ontarienne, si elle le croyait nécessaire. Par conséquent, je rejette la prétention portant qu’en exerçant son pouvoir discrétionnaire d’accorder la suspension contre de Sanofi Canada et Sanofi Allemagne, le juge des requêtes ne s’en est tenu qu’au fait que la partie de la demande reconventionnelle portant sur les secondes allégations de collusion fait double emploi.

 

[26]           Apotex prétend que si la suspension de l’une des deux instances est justifiée, il faudrait que ce soit dans l’action ontarienne. À mon avis, cette prétention ne peut être retenue. Le juge des requêtes n’avait visiblement pas compétence pour accorder une telle suspension et il était tenu de trancher la question dont il était saisi. C’est exactement ce qu’il a fait, et je ne suis pas convaincu qu’il ait commis une erreur, lorsque dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire il a accordé la suspension à l’encontre de Sanofi Canada et Sanofi Allemagne, qui justifierait l’intervention de la Cour.

 

[27]           En confirmant la décision du juge des requêtes d’accorder la suspension de la partie de la demande reconventionnelle portant sur les secondes allégations de collusion à l’encontre de Sanofi Canada et de Sanofi Allemagne, j’aimerais souligner une évidence : il ne s’agit pas d’une radiation de cette partie de la demande reconventionnelle, mais simplement d’une suspension. Il s’ensuit qu’Apotex peut présenter une requête pour faire lever la suspension si les circonstances actuelles en diffèrent ultérieurement.

 

Schering

[28]           Devant notre Cour, Schering a soutenu que le juge des requêtes a commis une erreur en n’élargissant pas son ordonnance de radiation de la partie de la défense portant sur les allégations de conduite fautive ainsi que son ordonnance de suspension de la partie de la demande reconventionnelle portant sur les secondes allégations de collusion de manière à englober Schering, même si cette dernière n’était pas une partie à la requête en suspension dont il était saisi. En décidant ainsi, le juge des requêtes a invité Schering à présenter sa propre requête, vu qu’Apotex a refusé de consentir à ce que Schering soit jointe à la requête présentée par Sanofi Canada. J’estime qu’à cet égard, le juge des requêtes a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire et que la Cour n’est pas justifiée d’intervenir.

 

 

 

DISPOSITIF

[29]           Pour les motifs susmentionnés, je rejetterais les appels avec dépens en faveur de Sanofi Canada, mais non en faveur de Schering.

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

A.M. Linden, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

Marc Noël, j.c.a.6 »

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        A-419-07

 

(APPEL D’UNE ORDONNANCE DE L’HONORABLE JUGE HUGUES DE LA COUR FÉDÉRALE, DU 12 SEPTEMBRE 2007, CONFORMÉMENT AU DOSSIER NO T-161-07)

 

INTITULÉ :                                       APOTEX INC. c. SANOFI-AVENTIS CANADA

                                                            INC. et SCHERING CORPORATION

 

            ET ENTRE :

 

            APOTEX INC. c. SANOFI-AVENTIS CANADA INC.,

            SCHERING CORPORATION, SANOFI-AVENTIS

            DEUTSCHLAND GmbH et RATIOPHARM INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE RYER

 

Y ONT SOUSCRIT :                         LE JUGE LINDEN.

                                                            LE JUGE NOËL

                                                           

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 mai 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

DAVID LEDERMAN

POUR L’APPELANTE

 

A. DAVID MORROW

J. SHELDON HAMILTON

 

MARC RICHARD

 

POUR L’INTIMÉE (Sanofi-Aventis)

 

POUR L’INTIMÉE (Schering Corporation)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOODMANS, s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

SMART & BIGGAR

Toronto (Ontario)

 

 

POUR L’INTIMÉE (Sanofi-Aventis)

 

 

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON s.e.n.c.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE (Schering Corporation)

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.