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Date: 20080522

Dossier : A-273-07

Référence : 2008 CAF 188

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE SEXTON  

                        LE JUGE EVANS     

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

ATCO ELECTRIC LTD.

intimée

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 22 avril 2008.

Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 22 mai 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUCRIT :                                                                          LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                                                               LE JUGE EVANS

 

 


Date: 20080522

Dossier : A-273-07

Référence : 2008 CAF 188

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE SEXTON  

                        LE JUGE EVANS     

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

ATCO ELECTRIC LTD.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SEXTON

Introduction

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Sa Majesté la Reine (l’appelante) à l’encontre de la décision La Reine c. ATCO Electric Ltd., 2007 CCI 243, par laquelle la juge Sheridan (la juge de la Cour de l’impôt) a accueilli l’appel déposé par ATCO Electric Ltd. (l’intimée ou le contribuable) contre les nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 1997 et 1998. L’appel concernant l’année d’imposition 2000 a aussi été accueilli mais cette partie du jugement ne fait pas l’objet du présent appel.

 

[2]               L’intimée est une entreprise qui assure la production, la transmission, la distribution et la vente d’électricité sur l’ensemble du territoire de l’Alberta. Elle exploite des centrales au charbon « intégrées », en ce que des mines de charbon sont exploitées à proximité dans le but précis de fournir du combustible à ces centrales pour la production d’électricité. Pour obtenir le traitement souhaité sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) et du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 45 (le Règlement), l’intimée doit démontrer que les biens pour lesquels elle demande une déduction spéciale pour amortissement sont nécessaires pour amener le charbon au « stade du métal primaire ou son équivalent » (SMPE).

 

[3]               Ainsi, le présent appel porte principalement sur le sens de SMPE tel qu’on l’entend dans la Loi et le Règlement. Les parties conviennent que l’expression peut être définie comme le stade correspondant à l’obtention, au moyen de méthodes de production, d’un bien commercialisable et vendable qui répond aux exigences des clients. Toutefois, elles ne s’entendent pas sur la façon de déterminer avec précision le moment où un bien devient commercialisable.

 

[4]               Dans la décision visée par l’appel, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que le caractère commercialisable d’un bien donné pouvait dépendre de la situation propre au particulier, notamment du marché auquel il a raisonnablement accès. En revanche, l’appelante défend une approche qui ne tiendrait pas compte de ces circonstances particulières. Selon cette approche, chaque métal aurait son propre « stade de métal primaire » et chaque matière minérale, son propre « équivalent du stade de métal primaire », sans égard aux autres circonstances.

 

[5]               Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis de rejeter l’analyse de l’appelante ainsi que le présent appel.

 

Faits

[6]               Pendant les années d’imposition en cause, l’intimée était propriétaire de la centrale électrique de Battle River et co-propriétaire de la centrale électrique de Sheerness, situées toutes deux en Alberta. Il s’agit de centrales alimentées au charbon que l’intimée exploite pour produire de l’électricité.

 

[7]               Les centrales sont alimentées avec du charbon thermique extrait des mines adjacentes, dont l’intimée est également propriétaire ou co-propriétaire. Le type précis de charbon extrait – le charbon subbitumineux– a une faible teneur énergétique, ce qui en fait un charbon idéal pour l’alimentation des centrales électriques mais peu rentable du point de vue du transport. Par conséquent, les mines étaient exploitées spécifiquement pour fournir une source de combustible pour la production d’électricité dans les centrales adjacentes : c’est ce qu’on appelle une centrale au charbon « intégrée ». L’emplacement de la centrale électrique créait aussi un marché pour le charbon. Le fait que l’intimée était à la fois propriétaire (ou co-propriétaire) des mines et des centrales électriques est atypique dans cette industrie.

 

[8]               Par souci de commodité, le procédé d’extraction et de préparation du charbon sur le site des mines intégrées en question peut être décomposé en six étapes :

  • Enlèvement des terrains de couverture – Premièrement, les couches supérieures de terrain sont enlevées afin d’exposer les gisements de charbon qui se cachent dessous. Le charbon, en pièces de grandes dimensions, est expulsé et réduit en morceaux qui peuvent être chargés dans des camions très lourds.

 

  • Mélange – Deuxièmement, les camions transportent le charbon vers une trémie conique revêtue d’un métal, duquel du charbon subbitumineux de qualité variable est intégré à un convoyeur.

 

  • Concassage primaire – Troisièmement, le mélange de charbon subbitumineux est réduit en morceaux de taille inférieure à six pouces puis déchargé sur un « tas de récupération ».

 

  • Concassage secondaire – Quatrièmement, le charbon est réduit en morceaux de taille inférieure à un pouce; de plus, des aimants retirent les métaux qu’il contient afin de rendre la combustion plus efficace.

 

  • Pulvérisation – Cinquièmement, alors qu’il se trouve dans un silo, le charbon est broyé finement dans un moulin jusqu’à ce qu’il atteigne la consistance du talc; ce procédé a aussi pour effet de retirer la pyrite et les autres produits résiduaires qui ne sont pas combustibles.

 

  • Combustion – Enfin, sixièmement, le charbon est prêt à être soufflé du pulvérisateur jusqu’au bec du brûleur par où le combustible est injecté dans la chambre de combustion, afin d’initier le processus de production d’électricité.

 

[9]               Aux fins de la détermination de son obligation fiscale sous le régime de la partie I de la Loi, l’intimée a calculé ses bénéfices relatifs à ses ressources en tenant compte d’un taux de rendement théorique sur l’équipement de manutention du charbon utilisé jusqu’à la pulvérisation du charbon à l’intérieur des centrales électriques et a classé l’équipement en question comme des biens de catégorie 41 suivant le Règlement. Elle a fondé sa décision sur le fait que le SPMÉ n’avait été atteint qu’après le stade de la « pulvérisation ».

 

[10]           Dans la nouvelle cotisation qu’il a établie, le ministre a calculé les bénéfices relatifs aux ressources de l’intimée en se fondant sur l’hypothèse que le SPMÉ était atteint après le stade du « concassage primaire » (soit après le déchargement du charbon thermique sur le tas de récupération). Aussi, le ministre a classé les biens utilisés pour le procédé au cours des étapes suivant le « concassage primaire » comme « matériel et […] installation de production ou de distribution (y compris les structures) d’un producteur ou d’un distributeur d’énergie électrique » constituant des biens de catégorie 1m) plutôt que de catégorie 41. Par conséquent, aux termes de la nouvelle cotisation établie par le ministre, l’intimée ne pouvait déduire que 4 pour cent de la fraction non amortie du coût en capital de ses biens, au lieu du taux de 25 pour cent qui aurait été applicable si les biens avaient été désignés comme des biens de catégorie 41. L’intimée fait appel de cette nouvelle cotisation.

 

Dispositions législatives pertinentes

[11]           Les dispositions se rapportant au calcul des bénéfices relatifs aux ressources et à la détermination de la catégorie applicable aux biens de l’intimée indiquent clairement que l’interprétation appropriée à donner à l’expression « stade du métal primaire ou son équivalent » est au cœur du présent appel.

 

[12]           L’alinéa 20(1)a) de la Loi permet au contribuable de déduire la partie du coût en capital des biens que le Règlement autorise. Suivant les sous-alinéas 1100(1)a)(i) et (xxvii) du Règlement, les biens de catégorie 1 peuvent être déduits au taux de 4 pour cent de la fraction non amortie du coût en capital et les biens de catégorie 41, au taux de 25 pour cent. La catégorie 41b)(i) de l’annexe II du Règlement comprend des biens acquis après 1987 en vue de tirer un revenu d’une mine. Le sous‑alinéa 1104(5)a)(i) du Règlement définit l’expression « revenu tiré d’une mine » pour l’application, notamment, de la catégorie 41 :

Pour l’application des alinéas 1100(1)w) à ya), des paragraphes 1101(4a) à (4d) et des catégories 10, 28 et 41 de l’annexe II, le revenu qu’un contribuable tire d’une mine comprend le revenu qu’il est raisonnable d’imputer :

 

 

a) au traitement par le contribuable des substances suivantes :

 

(i) le minerai – sauf le minerai de fer et le minerai de sables asphaltiques – tiré en totalité ou en presque totalité d’une ressource minérale appartenant au contribuable, jusqu’à un stade ne dépassant pas celui du métal primaire ou son équivalent,

 

[…]

For the purposes of paragraphs 1100(1)(w) to (ya), subsections 1101(4a) to (4d) and Classes 10, 28 and 41 of Schedule II, a taxpayer’s “income from a mine”, or any expression referring to a taxpayer’s income from a mine, includes income reasonably attributable to

 

(a) the processing by the taxpayer of

 

 

(i) ore (other than iron ore or tar sands ore) all or substantially all of which is from a mineral resource owned by the taxpayer to any stage that is not beyond the prime metal stage or its equivalent,

 

 

 

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[13]           L’alinéa 20(1)v.1) de la Loi permet une déduction relative à des ressources suivant la définition qu’en donne l’article 1210 du Règlement. Le calcul de cette déduction dépend d’un certain nombre de variables, comme les « bénéfices bruts relatifs à des ressources », définis au paragraphe 1204(1) du Règlement :

(1) Pour l’application de la présente partie, les bénéfices bruts relatifs à des ressources d’un contribuable pour une année d’imposition correspondent au montant éventuel par lequel le total

 

[…]

 

b) du montant, s’il en est, de l’ensemble de ses revenus pour l’année tirés

 

[…]

 

(ii) de la production et du traitement au Canada

 

(A)  du minerai, à l’exception du minerai de fer ou du minerai de sables asphaltiques, tiré de ressources minérales au Canada que le contribuable exploite, jusqu’à un stade du métal primaire ou son équivalent,

 

 […]

 

dépasse le total de ses pertes pour l’année provenant des sources visées à l’alinéa b), à condition que ses revenus et pertes soient calculés conformément à la Loi, selon l’hypothèse que ses seuls revenus et pertes pour l’année provenaient de ces sources […]

 

 

(1) For the purposes of this Part, “gross resource profits” of a taxpayer for a taxation year means the amount, if any, by which the total of

 

 

 

(b) the amount, if any, of the aggregate of his incomes for the year from

 

 

(ii) the production and processing in Canada of

 

(A)  ore, other than iron ore or tar sands ore, from mineral resources in Canada operated by him to any stage that is not beyond the prime metal stage or its equivalent,

 

 

 

 

exceeds the aggregate of the taxpayer’s losses for the year from the sources described in paragraph (b), where the taxpayer’s incomes and losses are computed in accordance with the Act on the assumption that the taxpayer had during the year no incomes or losses except from those sources…

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[14]           Les gisements de charbon sont des matières minérales (par. 248(1) de la Loi).

 

 

Décision du tribunal inférieur

 

[15]           La juge de la Cour de l’impôt a accueilli l’appel du contribuable en ce qui concerne les années d’imposition 1997 et 1998.

 

[16]           À titre préliminaire, la juge de la Cour de l’impôt a décidé que le rapport produit par l’expert de l’appelante, John Mossop (le rapport Mossop), n’était pas admissible puisqu’il violait le principe énoncé par le juge Dussault dans Oligny c. The Queen, 96 DTC 1744 : [traduction] « …il appartient au juge, et non à un expert, d’interpréter la Loi et de donner aux mots qui y sont utilisés le sens qui leur revient ». Elle a aussi conclu que même si le rapport Mossop avait été admis en preuve, elle aurait accordé préséance au témoignage de l’expert de l’intimée. La juge de la Cour de l’impôt est parvenue à ces conclusions seulement après que M. Mossop eut témoigné devant la Cour.

 

[17]           Pour ce qui est de la définition du SMPE, la juge de la Cour de l’impôt a conclu, après examen des dispositions législatives pertinentes, que le libellé de la division 1204(1)b)(ii)(A) du Règlement envisageait, eu égard à la détermination du moment où le SMPE est atteint, une démarche tenant compte des circonstances de chaque affaire. Cette conclusion est fondée sur l’omission du législateur d’ajouter l’expression « pour ce minerai » après la mention du SMPE, ainsi que sur la décision de ce dernier de ne pas définir le SMPE, alors que le terme n’a pas d’acception reconnue au sein de l’industrie.

 

[18]           Par la suite, la juge s’est livrée à l’examen des rares arrêts où l’on s’est prononcé sur le sens du SMPE : la décision du juge Mahoney dans Canadien Pacifique Ltée c. Canada (1994), 171 N.R. 64, [1994] A.C.F. no 933 (QL) (C.A.) (Canadien Pacifique) et les motifs dissidents du juge Linden dans Ressources Gulf Canada Ltée c. Canada (1996), 192 N.R. 283, [1996] A.C.F. no 110 (QL) (C.A.) (Gulf Canada). La juge de la Cour de l’impôt a statué que « la Cour d’appel fédérale [avait] bien pris soin, dans ses conclusions, de coller de près aux faits de chacune des affaires » (par. 39). Cette conclusion tient compte d’une approche selon laquelle l’interprétation du sens du terme SMPE nécessite un examen minutieux des exigences particulières des clients du contribuable au moment d’évaluer le caractère commercialisable et vendable de ce qui est produit et traité.

 

[19]           La juge de la Cour de l’impôt a également indiqué qu’il serait insensé, du point de vue commercial et du simple bon sens, d’appliquer la jurisprudence existante en faisant fi des circonstances propres à l’entreprise du contribuable. Au paragraphe 46 de ses motifs, elle fait les remarques suivantes :

L’analyse du juge Linden ne fixe pas, pour les sables bitumineux, un stade du métal primaire applicable en toute circonstance, mais ne fait que souligner l’importance des exigences particulières du consommateur lorsqu’il s’agit d’évaluer le caractère commercialisable et vendable du bien objet des opérations de production ou de traitement. La preuve démontre que la décision à laquelle il convient de parvenir sur ce point va nécessairement dépendre d’un large éventail de variables comprenant notamment le type de minerai en question, sa qualité, son emplacement par rapport au lieu où se trouve le consommateur, les variables économiques de son transport, les progrès technologiques et l’état de la demande à un moment donné pour le produit devant permettre d’obtenir le minerai en question. [Note infrapaginale omise.]

 

[20]           Ayant passé la preuve en revue, la juge de la Cour de l’impôt s’est dite convaincue que le contribuable se livrait à la production et à la préparation de charbon subbitumineux jusqu’à l’étape de la pulvérisation, inclusivement. Elle a rejeté l’argument de l’appelante voulant que le SMPE soit atteint après le « concassage primaire » puisqu’il n’existait aucun marché viable de rechange pour le charbon subbitumineux du contribuable dans l’état où il se trouve à l’étape du tas de récupération.

 

Questions en litige

[21]           Il s’agit, en définitive, de décider dans le présent appel si la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en statuant que le SMPE pouvait être interprété de façon à inclure les circonstances particulières du contribuable, y compris le caractère commercialisable du produit. Il faut par ailleurs décider si la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en excluant la preuve provenant de l’expert de l’appelante.

 

Norme de contrôle

[22]           Dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen), la Cour suprême du Canada a expliqué que la norme de contrôle que les cours d’appel devaient appliquer variait en fonction de la nature de la question en litige. Dans le cas des questions de droit, la norme applicable est celle de la décision correcte (Housen, par. 8). Dans le cas des questions de fait, c’est la norme de l’erreur manifeste et dominante qui devrait être utilisée (Housen, par. 10). Pour ce qui est des questions mixtes de fait et de droit, on applique généralement la norme de l’erreur manifeste et dominante, sauf s’il est possible d’isoler une erreur de droit, auquel cas la norme de la décision correcte sera appliquée (Housen, par. 27 et 28).

 

[23]           Les parties conviennent que l’interprétation de l’expression « stade du métal primaire ou son équivalent » constitue une question de droit.

 

Analyse

La juge de la Cour de l’impôt a-t-elle commis une erreur en concluant que le SMPE pouvait être interprété de façon à inclure les circonstances particulières du contribuable?

 

[24]           Les dispositions à interpréter dans le présent appel ont été en grande partie édictées afin d’offrir des incitatifs fiscaux permettant au secteur des ressources de prospérer, compte tenu des risques élevés liés à l’exploration des ressources et des coûts en capital prohibitifs qu’entraîne leur extraction. Dans Gulf Canada, le juge Linden affirmait, au par. 30 :

Les industries œuvrant dans le domaine des ressources ont depuis de nombreuses années profité d’avantages fiscaux. Les incitatifs à l’exploitation des ressources ont toujours été considérés comme des éléments favorisant l’intérêt national. Cependant, l’exploitation de ces ressources est une entreprise onéreuse qui comporte des risques. Pour tenir compte de ces aspects, le Parlement a adopté une série d’incitatifs fiscaux pour ce secteur d’activités. Un certain nombre de dispositions spéciales ayant trait au traitement de différentes dépenses et du revenu, notamment des encouragements pour le calcul de ce revenu, ont été offertes à certaines entreprises qui se livrent à des activités relatives à des ressources. L’alinéa 1204(1)b) du Règlement, figurant parmi ces incitatifs, énonce cinq « sources » de revenu relatif à des ressources. Toute entreprise qui réunit les conditions applicables à l’une de ces sources peut bénéficier du traitement spécial prévu pour le revenu tiré de ces ressources.

 

[25]           La complexité de la présente affaire réside dans le fait que les centrales électriques de Battle River et de Sheerness soient intégrées à des mines. La Cour doit répondre à une question difficile, soit, comme la formule l’appelante, [traduction] « la détermination du point où se terminent les activités minières et où commencent les activités de production d’électricité … ». Pour ajouter à la difficulté, non seulement le terme SMPE n’est pas défini dans la Loi ou le Règlement, mais les parties s’entendent également pour dire que l’expression n’a pas de signification technique ou commerciale dans l’industrie. Enfin, parce que le charbon subbitumineux est un minerai non métallique, il n’a pas véritablement de stade de métal primaire mais seulement un équivalent (par. 31 des motifs de la juge de la Cour de l’impôt).

 

[26]           Ainsi que je l’ai mentionné précédemment, notre Cour a procédé à une analyse jurisprudentielle de la notion de SMPE en seulement deux occasions, dans le cadre des affaires Canadien Pacifique et Gulf Canada (motifs dissidents du juge Linden).

 

[27]           Dans Canadien Pacifique, les contribuables effectuaient le transport du charbon métallurgique entre les sites miniers et les fonderies, et du charbon thermique entre les sites miniers et les centrales électriques. Ils ont tenté de faire valoir que le transport du charbon faisait partie intégrante du procédé consistant à amener le charbon à l’équivalent du stade du métal primaire même s’ils ne dirigeaient pas ce procédé. En fait, au moment où il était chargé sur les wagons appartenant aux contribuables, le charbon avait déjà été vendu par la société minière à l’acheteur final qui se chargeait des derniers stades du traitement. Les contribuables se contentaient de transporter le charbon du vendeur à l’acheteur. Or, les contribuables prétendaient avoir droit, grâce au seul transport, au remboursement de la taxe sur le combustible diesel consommé par les trains utilisés pour le transport suivant la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, et ses modifications successives (la Loi sur la taxe d’accise). Notre Cour a examiné la signification du terme SMPE telle qu’on l’entend dans la Loi sur la taxe d’accise et, au paragraphe 30 de ses motifs, le juge Mahoney a fait les remarques suivantes :

Selon moi, lorsque le charbon métallurgique et thermique a été traité jusqu’à ce qu’il atteigne un état répondant aux exigences des clients qui l’achètent et en prennent livraison comme du charbon se trouvant dans cet état, il a certainement atteint l’équivalent du stade du métal primaire au sens de la définition de l’expression « opérations minières » énoncée au paragraphe 49.01(1) de la Loi sur la taxe d’accise. Je n’exclus pas la possibilité que le charbon atteigne ce stade plus tôt, mais cette question n’est pas en litige. [Non souligné dans l’original.]

 

La Cour a conclu qu’en dépit du fait que les étapes supplémentaires du traitement du charbon avaient lieu après sa livraison aux clients, le SMPE avait été atteint puisque le charbon respectait déjà les exigences des clients. Par conséquent, les contribuables n’avaient pas droit au remboursement de taxe.

 

[28]           Gulf Canada, par l’entremise de l’opinion dissidente du juge Linden, est l’autre arrêt dans lequel la signification du terme SMPE a été examinée. Cette affaire concernait le calcul des bénéfices relatifs aux ressources réalisés aux termes du Règlement par le contribuable. Celui-ci, un producteur de pétrole, avait demandé des déductions pour amortissement, ainsi que pour des dépenses d’intérêts afférentes, relativement à des biens utilisés en vue de la production de pétrole brut de synthèse à partir de gisements de sables bitumineux du Nord de l’Alberta. Les opérations du contribuable comportaient trois phases distinctes : l’exploitation des sables, l’extraction du bitume des sables et la transformation de ce bitume en pétrole brut de synthèse. Le paragraphe 1204(3) du Règlement énonce que les revenus ou les pertes découlant, entre autres, du traitement de pétrole « provenant d’un gisement naturel de pétrole » sont exclus du calcul des « bénéfices bruts relatifs à des ressources » sous le régime de l’article 1204 du Règlement. Les juges majoritaires sont arrivés à la conclusion que, si les bénéfices liés à l’exploitation des sables pouvaient constituer des bénéfices bruts relatifs aux ressources, on ne pouvait en dire autant des opérations d’extraction et de transformation, qui relèvaient du traitement du pétrole. Ainsi, l’analyse de la majorité n’a pas d’incidence sur l’affaire dont la Cour est présentement saisie; je ferais également observer que la majorité n’avait pas besoin d’interpréter le sens du SMPE dans un tel contexte.

 

[29]           Dans une opinion dissidente, le juge Linden a conclu que le paragraphe 1204(3) ne s’appliquait pas parce que les gisements de sable bitumineux étaient des « matières minérales » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi et qu’en conséquence, ils ne pouvaient être qualifiés de pétrole pour l’application de la Loi. C’était là l’objet du désaccord qui séparait le juge Linden des juges majoritaires, de sorte que son analyse du concept du SMPE n’est pas nécessairement contraire au jugement de la majorité, étant donné que cette dernière n’avait pas à examiner cette question.

 

[30]           L’étape suivante de l’analyse du juge Linden consistait à déterminer ce qu’était le SMPE dans le contexte de l’obtention de pétrole brut de synthèse à partir de sables bitumineux. Après avoir cité, en l’approuvant, la définition donnée par notre Cour dans Canadien Pacifique, le juge Linden a poursuivi en déclarant, au paragraphe 41 :

À mon avis, le stade équivalant au stade du métal brut dans la production d’un minéral est celui qui correspond à l’obtention, au moyen de méthodes de production, d’un bien commercialisable et vendable qui répond aux exigences des clients.

 

Une fois de plus, il importe de souligner que la majorité ne s’est pas livrée à une telle analyse, ayant conclu que les opérations en cause étaient des opérations de traitement du pétrole au sens du paragraphe 1204(3) du Règlement.

 

[31]           Pour terminer, le juge Linden a insisté au paragraphe 43 sur le fait que l’équivalence n’était pas « …de nature "technique", mais bien économique. C’est en fait ce point précis, dans la chaîne de production, où les opérations minières ont permis d’obtenir un produit à vendre ».

 

[32]           Les parties acceptent les critères énoncés dans Canadien Pacifique et dans Gulf Canada par le juge Linden; leur différend porte sur l’interprétation qu’il convient de leur donner. L’appelante adopte la conclusion du juge Linden dans Gulf Canada, à savoir que le SMPE est atteint lorsque la méthode de production a permis d’obtenir un bien commercialisable et vendable qui répond aux exigences précisées par les clients. Toutefois, elle fait valoir que cette approche établit un [traduction] « critère fondé sur les produits primaires, ou objectif, qui place l’étape du SMPE avant celle où le client procède à ses propres activités comportant l’utilisation du charbon, au lieu d’un critère "subjectif", fondé sur les circonstances particulières de la société liées à la pratique des affaires ». En effet, l’appelante prétend que chaque matière minérale a son propre SMPE, lequel n’est pas lié aux circonstances du contribuable qui traite cette matière. L’intimée, en revanche, est d’avis que la détermination du SMPE requiert un examen des faits propres à la production réelle et aux opérations de traitement à l’égard de chaque contribuable, de même que du marché auquel ce dernier fait face.

 

[33]           Je souscris à l’opinion de l’intimée pour trois motifs. L’examen du SMPE au cas par cas : (1) est conforme à la jurisprudence sur la question; (2) constitue une méthode logique étant donné que la détermination du caractère commercialisable d’une matière n’a pas forcément un caractère universel; (3) est conforme à la position initiale de l’ARC sur la question.

 

[34]           Il est clair que le critère employé par le juge Linden en était un par lequel le caractère commercialisable du bien était dégagé en examinant les circonstances du contribuable. Dans Gulf Canada, l’analyse du juge Linden était axée sur l’examen des opérations propres à Syncrude et y était limitée. Ainsi, aux paragraphes 41 et 42, le juge a affirmé :

À mon avis, le stade équivalant au stade du métal brut dans la production d’un minéral est celui qui correspond à l’obtention, au moyen de méthodes de production, d’un bien commercialisable et vendable qui répond aux exigences des clients.

 

Selon cette définition, le stade équivalant au stade du métal brut, dans le cas des sables bitumineux, est le pétrole brut. Le seul produit commercialisable créé par l’usine Syncrude est le pétrole synthétique. C’est ce qu’a confirmé la preuve, acceptée par le juge de première instance dans le passage suivant :

 

Chacune des trois unités de production était indispensable à la production de pétrole pouvant être transporté (par pipeline) jusqu’au marché (c’est-à-dire aux raffineries éloignées). Le minerai n’avait en lui-même aucune valeur puisqu’il ne faisait l’objet d’aucune demande sur le marché. De même, le bitume était sans valeur parce qu’il n’existait aucun moyen de le transporter depuis l’emplacement de Syncrude jusqu’au marché. La valorisation s’avérait donc nécessaire pour transformer le bitume en produit transportable par pipeline.

 

Par conséquent, le seul produit commercialisable créé par la mine Syncrude est le pétrole brut. L’ensemble des opérations de Syncrude sont axées sur la production de pétrole brut commercialisable. Tous les aspects de ces opérations sont donc visés par la disposition 1204(1)b)(ii)(B). Ce sont toutes des activités relatives à des ressources. Les deux déductions en cause sont donc rattachées à bon droit au calcul des bénéfices relatifs à des ressources. Elles sont précisément visées à l’alinéa 1204(1)f) en tant que « déductions pour l’année qui peuvent raisonnablement être considérées comme imputables aux sources de revenu énumérées à l’alinéa b) ». [Non souligné dans l’original.]

 

Selon moi, c’est la définition que donne le juge Linden du SMPE que la Cour doit adopter. Le critère établi par ce dernier exige que l’on tienne compte des circonstances du contribuable en cause afin d’évaluer si les méthodes de production ont entraîné l’obtention d’un bien commercialisable et vendable qui répond aux exigences des clients que le contribuable s’attend raisonnablement à avoir.

 

[35]           Je fais cette affirmation en dépit des commentaires formulés par le juge Mahoney dans Canadien Pacifique, au paragraphe 30, commentaires qu’a d’ailleurs repris l’appelante :

Selon moi, lorsque le charbon métallurgique et thermique a été traité jusqu’à ce qu’il atteigne un état répondant aux exigences des clients qui l’achètent et en prennent livraison comme du charbon se trouvant dans cet état, il a certainement atteint l’équivalent du stade du métal primaire au sens de la définition de l’expression « opérations minières » énoncée au paragraphe 49.01(1) de la Loi sur la taxe d’accise. Je n’exclus pas la possibilité que le charbon atteigne ce stade plus tôt, mais cette question n’est pas en litige. Le concassage, la pulvérisation et le mélange du charbon métallurgique ainsi que le concassage, la pulvérisation et le séchage du charbon thermique par les producteurs d’acier et d’électricité ne font pas partie intégrante du traitement du charbon jusqu’à l’équivalent du stade du métal primaire. [Non souligné dans l’original.]

 

L’extrait souligné ci-dessus ne peut être appliqué mutatis mutandis aux faits de l’espèce. Il faut souligner que dans Canadien Pacifique, on avait conclu que le charbon répondait déjà aux exigences des clients avant le stade de la pulvérisation. Par conséquent, il n’y avait pas lieu de se demander si le charbon était commercialisable au moment où il était chargé sur les wagons. Parce qu’il avait été acheté, ce qui attestait de son caractère commercialisable, on pouvait affirmer qu’il avait atteint le stade du métal primaire ou son équivalent.

 

[36]           On ne peut en dire autant en l’espèce. Comme l’a fait remarquer l’expert de l’intimée, Donald Downing, puisque la mine et la centrale étaient considérées comme un projet intégré, le charbon ne pouvait, après le stade du « concassage primaire », être considéré conforme aux exigences que du seul véritable client de la mine : la centrale électrique. Dans son rapport, M. Downing a indiqué : [traduction] « Ces mines… ont été développées de concert avec les centrales électriques adjacentes et étaient destinées uniquement à l’approvisionnement de ces centrales en charbon » (cahier d’appel, p. 2775). Il a fait les déclarations suivantes (cahier d’appel, p. 2991 et 2992), qui mettent en relief la preuve contenue dans son rapport :

[traduction]

Q : Et l’on vous a ensuite demandé d’examiner à quelle étape du traitement, s’il en est, le charbon extrait de la mine pour être utilisé aux centrales de Sheerness et de Battle River est‑il reconnu comme un bien ayant une valeur commercialisable? Et quelle est votre conclusion à cet égard?

 

R : La conclusion est que le charbon extrait à Battle River et Sheerness n’est pas reconnu comme un bien ayant une valeur commercialisable dans une zone de libre marché. Et je suis de cette opinion dans les cas où une mine de charbon est intégrée à une centrale électrique, une situation représentée par les deux établissements en cause. Les mines et les centrales ont été conçues ensemble dans le cadre d’un même projet. Les unes n’existeraient pas sans les autres. La planification des activités de la mine et son fonctionnement concordent avec la planification et le fonctionnement de la centrale. Il est vrai que de petits volumes du charbon extrait à chaque endroit sont vendus à des résidents de l’Alberta pour usage domestique, mais il ne s’agit pas d’une vente sur le marché public. Ces ventes sont prescrites par règlement et ne représentent qu’une très petite part du charbon produit dans ces mines. La teneur énergétique relativement faible de ces charbons subbitumineux fait en sorte qu’ils ne sont pas bien adaptés au transport, en ce sens que cette faible teneur énergétique rend leur transport vers des marchés éloignés difficile. Et lorsqu’on considère le degré d’intégration entre les mines et les centrales électriques, l’absence d’un libre marché pour ces charbons et le fait qu’une très petite part seulement du charbon n’est pas vendue aux centrales électriques mais à d’autres, dans ce contexte, le charbon ne représente pas un bien commercialisable.

 

Q : Maintenant, la troisième question qu’on vous a demandé d’examiner est à quelle étape du traitement le charbon extrait de la mine pour être utilisé aux centrales de Sheerness et de Battle River peut-il être utilisé pour produire de l’électricité? Et quelle est votre conclusion à cet égard?

 

R : Je suis d’avis que le charbon peut être utilisé dès qu’il a subi la troisième étape de concassage ou pulvérisation; avant ce stade, il ne peut être utilisé par les centrales électriques. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[37]           Même l’expert de l’appelante, John Mossop, a concédé en contre-interrogatoire que le charbon n’avait pas de valeur commercialisable après le « concassage primaire » (cahier d’appel, p. 3203, 3204 et 3220) :

 

[traduction]

Q : Concernant le charbon, êtes-vous d’accord pour dire… Ma question porte sur le charbon formant le tas de récupération. Y a-t-il un acheteur et un vendeur pour le charbon qui forme le tas de récupération? Et, le cas échéant, qui sont-ils?

 

R : À cet endroit en particulier … il n’y en a pas.

 

Q : Ainsi, il n’est pas possible, en réalité, de déterminer une valeur marchande pour le charbon du tas de récupération, n’est-ce pas, si on s’en remet à la définition dont on vient de discuter pour la valeur marchande?

 

R : C’est vrai.

 

[…]

 

Q : Et je crois que vous avez déjà convenu, Monsieur, qu’à l’étape du tas, du tas de récupération, on n’attribue aucune valeur marchande au charbon que ce soit à Sheerness ou à Battle River, selon la définition que nous avons donnée à la valeur marchande?

 

R : Non. C’est vrai.

 

La définition de « valeur marchande » dont il est question dans l’extrait qui précède – et reconnue par M. Mossop – était la suivante : [traduction] « le prix qu’un vendeur sérieux est disposé à payer et qu’un acheteur sérieux sans lien de dépendance est prêt à accepter » (cahier d’appel, p. 3203).

 

[38]           Même si on pouvait interpréter l’arrêt Canadien Pacifique comme indiquant que le SMPE vise nécessairement une approche universelle, fondée sur les produits primaires (et je dis qu’il ne le peut pas), la logique nous somme d’écarter une telle approche. Le juge Linden est sans équivoque lorsqu’il énonce les raisons justifiant qu’il faille définir le SMPE au cas par cas. Il note, aux paragraphes 49 et 50 :

Pour appuyer la conclusion selon laquelle l’ensemble des opérations de Syncrude sont des activités relatives à des ressources, il convient aussi de faire observer que la Loi de l’impôt sur le revenu doit être vue comme une loi spécifiquement conçue pour répondre aux réalités commerciales. La Loi regorge de références à des notions pratiques et commerciales. Les dispositions ayant trait aux ressources parlent elles-mêmes de « production en quantités commerciales raisonnables », de « bien acquis dans le but de tirer un revenu d’une mine ou pour lui faire produire un revenu », d’« entreprise exploitée activement », de « production de pétrole brut tiré de sables bitumineux », de « bénéfices relatifs à des ressources », de « revenus et pertes résultant de la production tirée de ressources minérales », de « gisements de sables bitumineux amenés au stade de la production en quantités commerciales raisonnables », d’« aménagement d’une mine dans le but de tirer ou de produire un revenu de l’extraction de matières d’un gisement de sables bitumineux ». Chacune de ces références renvoie à des notions commerciales pratiques.

 

Le régime applicable aux ressources est fortement axé sur les réalités commerciales. Il importe de le souligner en l’espèce, pour les motifs suivants. Le Parlement a manifestement voulu que les opérations du type Syncrude soient visées dans la définition de « ressources minérales ». Les opérations relatives à l’exploitation de sables bitumineux sont très peu nombreuses et peu fréquentes au Canada. Malgré cette rareté, elles sont spécifiquement mentionnées dans la Loi. Elles sont décrites à l’alinéa 1204(1)b). Mais je note que, dans cette description, elles sont désignées comme « sources » de revenu. En qualifiant les activités relatives à l’exploitation des sables bitumineux de « sources », le Parlement semble avoir supposé qu’elles englobent des opérations commerciales. Cette supposition est conforme à l’orientation commerciale qui sous-tend tout le régime fiscal applicable aux ressources. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[39]           En l’espèce, la réalité commerciale est que l’unique raison d’être des mines de Battle River et de Sheerness est de fournir du charbon aux centrales situées tout près. Les mines n’auraient pas été exploitées s’il n’avait pas été décidé d’installer ces centrales à proximité. Cette situation illustre l’absurdité potentielle associée à l’adoption d’une approche universelle fondée sur les produits primaires. Il est évident que les divers projets miniers, selon l’endroit où l’exploitation a lieu, feront face à des débouchés viables différents en raison des variations dans les coûts de transport et de main d’œuvre, la qualité de la ressource produite et la présence de marchés avoisinants. Il est tout aussi évident que la demande pour ces ressources pourrait fort bien varier sur ces divers marchés, entraînant des répercussions pour ce qui constitue l’équivalent du stade du métal primaire pour une matière minérale sur ce marché. La notion d’un SMPE universel ferait fi de telles réalités commerciales.

 

[40]           Finalement, bien que cela ne soit pas en soi déterminant, il est utile de noter que dans sa décision relative à la signification de « stade du métal primaire ou son équivalent », datée du 7 mai 1990, l’ADRC (suivant son appellation d’alors) a émis l’avis que ces particularités pouvaient représenter un facteur : [traduction] « …le "stade du métal primaire" d’un minerai donné, bien qu’il soit généralement constant au sein d’une industrie, peut changer dans certaines circonstances, non seulement en fonction du contribuable mais aussi du produit vendu par ce contribuable ». Voir aussi le document no 9826855 de l’ARC, « Stade du métal primaire ou son équivalent », en date de février 1999 :

[traduction] La question de savoir si certains métaux récupérables d’un corps minéralisé ont ou non été « transformé[s] jusqu’à un stade qui ne dépasse pas celui du stade du métal primaire ou de son équivalent » peut uniquement être tranchée par un examen de tous les faits pertinents se rapportant à une exploitation minière donnée.

 

De telles décisions, bien qu’elles n’aient pas force de loi, peuvent faciliter l’interprétation de dispositions législatives : London Life Insurance Co. c. Canada (2000), 266 N.R. 130, [2000] A.C.F. no 2121 (QL) (C.A.), par. 30.

 

La juge de la Cour de l’impôt a-t-elle commis une erreur en excluant la preuve provenant du témoin expert de l’appelante?

 

[41]           Il n’est pas nécessaire de décider si la juge de la Cour de l’impôt a commis ou non une erreur de droit en présumant que le rapport Mossop était inadmissible puisqu’elle a de toute façon préféré la preuve de l’expert de l’intimée. L’appelante ne prétend pas que la juge de la Cour de l’impôt a fait une erreur manifeste et dominante en accordant la préférence au témoignage de l’expert de l’intimée, Donald Downing. D’après le dossier produit devant moi, je suis de la même opinion que la juge.

 

[42]           Qui plus est, M. Mossop, en contre-interrogatoire, livre un témoignage qui étaye les prétentions de l’intimée et contredit son propre rapport. À la page 4 de ce rapport, M. Mossop avait conclu que lorsque le charbon est placé sur le tas (à l’issue de l’étape du « concassage primaire »), [traduction] « on peut considérer qu’il a atteint l’équivalent du stade du métal primaire parce qu’il constitue un bien reconnu possédant une valeur marchande aux yeux d’un client ». Or, comme je l’ai indiqué plus tôt, il a admis en contre-interrogatoire qu’après le « concassage primaire », le charbon n’avait aucune valeur commercialisable (cahier d’appel, p. 3203, 3204 et 3220).

 

[43]           La principale question soulevée par le présent appel consistait à déterminer si le charbon avait atteint une valeur commercialisable après avoir franchi l’étape du « concassage primaire » et puisqu’en définitive, M. Mossop a convenu avec l’expert de l’intimée que le charbon n’était pas dans un état commercialisable, l’exclusion de son rapport n’importait plus. Par conséquent, je n’ai pas à traiter du droit relatif à l’exclusion du rapport d’un expert.

 


Conclusion

[44]           Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« J. Edgar Sexton »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord

     J. Richard, juge en chef »

 

« Je suis d’accord

     John M. Evans, j.c.a. »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-273-07

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE LA JUGE G. SHERIDAN, DATÉ DU 4 MAI 2007, ET PORTANT LE NO 2004-1170(IT)G

 

INTITULÉ :                                                                           Sa Majesté la reine c. ATCO Electric Ltd.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 22 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                le juge Sexton

 

Y ONT SOUSCRITS :                                                           le juge en chef Richard

                                                                                                le juge Evans

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 22 mai 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

William L. Softley

Belinda Schmid

 

POUR L’APPELANTE

 

Curtis Stewart

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Bennett Jones, s.r.l.

Calgary (Alberta)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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