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Date : 20080922

Dossier : A-473-07

Référence : 2008 CAF 276

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE BLAIS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

MARK WARBINEK

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 16 septembre 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 septembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE RYER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                                 LE JUGE BLAIS

 

 


 

Date : 20080922

Dossier : A-473-07

Référence : 2008 CAF 276

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE BLAIS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

MARK WARBINEK

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

JUGE RYER

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision par laquelle le juge Bowie (le juge de la Cour canadienne de l’impôt) (2007 CCI 578) a rejeté l’appel interjeté par M. Mark Warbinek à l’égard de nouvelles cotisations établies relativement à ses années d’imposition 2003 et 2004, conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR), de manière à refuser les déductions de certains versements de pension alimentaire pour enfants qu’il avait effectués au cours des années d’imposition en question. Sauf indication contraire, tous les renvois à des dispositions législatives dans les présents motifs sont des renvois aux dispositions législatives de la LIR pour les années d’imposition en question.

[2]         Avant l’adoption de certaines modifications apportées à la LIR en 1997, les versements de pension alimentaire pour enfants pouvaient généralement être déduits dans le calcul du revenu du payeur pour l’année du paiement et devaient être inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire pour l’année de réception. Par suite de ces modifications, ces paiements ne constituent généralement plus des frais déductibles pour le payeur ou des montants à inclure dans le revenu du bénéficiaire.

 

[3]         Ces changements majeurs sont assujettis à des règles de transition qui, dans certains cas, ont pour effet de maintenir le régime antérieur à l’égard des versements de pension alimentaire pour enfants effectués après l’entrée en vigueur des modifications, dans le cas des paiements versés conformément à des accords sur la pension alimentaire qui ont été conclus avant cette date. La question qui se pose en l’espèce est de savoir lequel des deux régimes s’applique aux versements de pension alimentaire pour enfants que M. Warbinek a effectués en 2003 et 2004.

 

CONTEXTE

[4]         M. Warbinek et son épouse se sont séparés en 1994. Au cours de cette même année, ils ont conclu un accord de séparation (l’accord de séparation) qui prévoyait, notamment, que M. Warbinek devait payer une pension alimentaire de 450 $ par mois pour chacun des trois enfants du couple.

 

[5]         Le 14 mars 1997, conformément à une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique (l’ordonnance de mars), le divorce de M. Warbinek et de son épouse a été prononcé et les versements de pension alimentaire pour enfants qui étaient prévus dans l’accord de séparation ont été réduits. Voici la partie de l’ordonnance de mars qui concerne les versements de pension alimentaire pour enfants :

[traduction] LA COUR ORDONNE EN OUTRE que la pension alimentaire pour enfants payable conformément à l’accord de séparation soit modifiée de manière à ce que le requérant soit tenu de verser à l’intimée au titre de pension alimentaire provisoire pour les enfants issus du mariage un montant de 125 $ par mois pour chaque enfant à compter du 1er février 1997 et, par la suite, le premier jour de chaque mois.

 

 

[6]         Le 23 juillet 1997, conformément à une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique (l’ordonnance de juillet), M. Warbinek a été dégagé de son obligation de payer la pension alimentaire pour enfants selon les montants prévus dans l’ordonnance de mars pour une période d’un an commençant le 1er mai 1997. Lorsque cette ordonnance a été rendue, l’appelant était temporairement en chômage et ne pouvait pas effectuer les paiements exigés aux termes de l’accord, modifié par l’ordonnance de mars. Voici les extraits pertinents de l’ordonnance de juillet :

[traduction] LA COUR ORDONNE que la pension alimentaire provisoire pour enfants prévue dans l’ordonnance rendue le 14 mars 1997 par le juge Preston soit modifiée de manière à ce que le requérant soit dispensé de son obligation de verser une telle pension pendant une période d’un an, du 1er mai 1997 au 1er avril 1998 inclusivement, sous réserve du droit de l’intimée de demander des aliments pour les enfants issus du mariage en fonction des revenus qu’il aura gagnés pendant cette période, SUR CONSENTEMENT;

 

[…]

 

LA COUR ORDONNE EN OUTRE que l’application des clauses 44, 46, 47 et 49 de l’accord de séparation conclu le 5 mai 1994 soit suspendue pendant une période d’un an, soit du 1er mai 1997 au 1er avril 1998 inclusivement, sous réserve du droit de l’intimée d’invoquer ces clauses pour les enfants issus du mariage en fonction des revenus que le requérant aura gagnés pendant cette période, SUR CONSENTEMENT […]

 

 

[7]         M. Warbinek a effectué des versements de pension alimentaire pour enfants de 5 289 $ en 2003 et de 9 416 $ en 2004 et a déduit ces montants dans ses déclarations de revenu pour ces deux années, conformément à l’alinéa 60b). Voici le texte de cette disposition et de certaines définitions connexes, qui sont énoncées au paragraphe 56.1(4) et qui, aux termes du paragraphe 60.1(4), s’appliquent également à l’article 60 :

60b) le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l’année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure;

 

60(b) the total of all amounts each of which is an amount determined by the formula

A - (B + C)

where

A is the total of all amounts each of which is a support amount paid after 1996 and before the end of the year by the taxpayer to a particular person, where the taxpayer and the particular person were living separate and apart at the time the amount was paid,

B is the total of all amounts each of which is a child support amount that became payable by the taxpayer to the particular person under an agreement or order on or after its commencement day and before the end of the year in respect of a period that began on or after its commencement day, and

C is the total of all amounts each of which is a support amount paid by the taxpayer to the particular person after 1996 and deductible in computing the taxpayer’s income for a preceding taxation year;

 

 

56.1(4) […] définitions […]

 

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d’après l’accord ou l’ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n’est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d’un bénéficiaire qui est soit l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur, soit le parent, père ou mère, d’un enfant dont le payeur est légalement l’autre parent.

 

“child support amount" means any support amount that is not identified in the agreement or order under which it is receivable as being solely for the support of a recipient who is a spouse or common-law partner or former spouse or common-law partner of the payer or who is a parent of a child of whom the payer is a legal parent.

 

 

« date d’exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l’accord ou l’ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l’accord ou l’ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997:

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l’accord ou de l’ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii) si l’accord ou l’ordonnance fait l’objet d’une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d’exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv) le jour précisé dans l’accord ou l’ordonnance, ou dans toute modification s’y rapportant, pour l’application de la présente loi.

 

"commencement day" at any time of an agreement or order means

(a) where the agreement or order is made after April 1997, the day it is made; and

(b) where the agreement or order is made before May 1997, the day, if any, that is after April 1997 and is the earliest of

(i) the day specified as the commencement day of the agreement or order by the payer and recipient under the agreement or order in a joint election filed with the Minister in prescribed form and manner,

(ii) where the agreement or order is varied after April 1997 to change the child support amounts payable to the recipient, the day on which the first payment of the varied amount is required to be made,

(iii) where a subsequent agreement or order is made after April 1997, the effect of which is to change the total child support amounts payable to the recipient by the payer, the commencement day of the first such subsequent agreement or order, and

(iv) the day specified in the agreement or order, or any variation thereof, as the commencement day of the agreement or order for the purposes of this Act.

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

b) le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

"support amount" means an amount payable or receivable as an allowance on a periodic basis for the maintenance of the recipient, children of the recipient or both the recipient and children of the recipient, if the recipient has discretion as to the use of the amount, and

(a) the recipient is the spouse or common-law partner or former spouse or common-law partner of the payer, the recipient and payer are living separate and apart because of the breakdown of their marriage or common-law partnership and the amount is receivable under an order of a competent tribunal or under a written agreement; or

(b) the payer is a legal parent of a child of the recipient and the amount is receivable under an order made by a competent tribunal in accordance with the laws of a province.

 

 

[8]         Le ministre du Revenu national (le ministre) a convenu que les montants versés par M. Warbinek en 2003 et 2004 étaient des montants au titre d’une « pension alimentaire » au sens du paragraphe 56.1(4), aux fins de la variable A de la formule prévue à l’alinéa 60b). Cependant, il a également conclu que ces montants constituaient des montants de pension alimentaire pour enfants  aux fins de la variable B de la formule, ce qui a eu pour effet de réduire à néant le montant calculé à l’aide de la formule et, par conséquent, le montant que M. Warbinek pouvait déduire en 2003 et en 2004.

 

[9]         Le ministre en est arrivé à cette conclusion parce que, à son avis, l’ordonnance de juillet avait pour effet de créer une date d’exécution, soit le 23 juillet 1997, en ce qui a trait à l’ordonnance ou à l’accord conformément auquel M. Warbinek devait payer les montants de pension alimentaire pour enfants en 2003 et 2004 et qu’il a effectué les paiements en question après cette date d’exécution. En conséquence, le ministre a établi à l’encontre de l’appelant une nouvelle cotisation dans laquelle il a refusé les déductions relatives aux versements de pension alimentaire que M. Warbinek avait demandés dans ses déclarations de revenu de 2003 et 2004.

 

[10]           M. Warbinek s’est opposé aux nouvelles cotisations, le ministre a confirmé celles-ci et M. Warbinek a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

DÉCISION DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

[11]           Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a souligné que les montants payés par M. Warbinek au titre de pension alimentaire pour enfants ne sont pas déductibles dans le calcul du revenu de l’appelant pour l’année d’imposition en question s’ils sont devenus payables aux termes d’accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement, et avant la fin de l’année en cause. Citant la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans Holbrook c. R., 2007 CAF 145, 361 N.R. 258, il a ajouté qu’il était nécessaire de déterminer l’accord ou l’ordonnance aux termes duquel les montants étaient payables et de vérifier si l’ordonnance ou l’accord en question comportait une date d’exécution.

 

[12]           Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que les montants versés par M. Warbinek en 2003 et 2004 étaient payables conformément à l’accord de séparation, modifié par les ordonnances de mars et de juillet.

 

[13]           Le juge de la Cour canadienne de l’impôt s’est ensuite demandé si l’accord de séparation comportait une date d’exécution. Même s’il ne l’a pas mentionné en toutes lettres dans ses motifs, il était manifestement d’avis que, si l’accord de séparation ne comportait aucune date d’exécution, le montant calculé à l’aide de la variable B de la formule prévue à l’alinéa 60b) équivaudrait à néant pour les années d’imposition en question, de sorte que M. Warbinek aurait le droit de déduire les montants de pension alimentaire pour enfants qu’il a versés au cours des années en cause.

 

[14]           Étant donné que l’accord de séparation avait été signé en 1994, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a décidé que l’alinéa a) de la définition de l’expression « date d’exécution » ne s’appliquait pas. Il a également conclu que les sous-alinéas b)(i) et (iv) ne pouvaient s’appliquer selon les faits.

 

[15]           Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que le sous-alinéa b)(ii) ne pouvait s’appliquer parce que, même si l’ordonnance de juillet a eu pour effet de modifier l’accord de séparation en modifiant l’ordonnance de mars (laquelle modifiait également l’accord de séparation), elle n’a pas touché le montant de pension alimentaire pour enfants que M. Warbinek devait payer. Plus précisément, le juge a rejeté l’argument de la Couronne selon lequel la réduction des montants de pension alimentaire pour enfants à zéro pour une année suffisait à déclencher l’application du sous-alinéa b)(ii). Voici comment le juge s’est exprimé au paragraphe 11 :

[11] Le sous-alinéa b)(ii) ne peut s’appliquer. L’ordonnance de mars a modifié l’accord en faisant passer les montants de la pension alimentaire de 1 350 $ à 375 $, mais cette modification a été apportée avant avril 1997 et non après. L’ordonnance de juillet a modifié l’accord en modifiant l’ordonnance de mars mais n’a pas « touch[é] le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire ». Je comprends que Mme Sit ait plaidé que l’ordonnance de juillet a réduit à 0 $ les montants de la pension alimentaire pour enfants payables pendant une année, mais il ne s’agit pas d’une modification au montant payable au sens du sous-alinéa b)(ii). Aucune date d’exécution ne pouvait être créée par cette modification aux termes du sous-alinéa b)(ii), car on ne trouve aucune date qui pourrait correspondre « [au] jour où le montant modifié est à verser pour la première fois », selon la dernière phrase du sous-alinéa. Il n’existe pas de date à laquelle le montant à verser est différent du montant de 375 $.

 

 

[16]           Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a décidé que l’ordonnance de juillet avait eu pour effet de créer une date d’exécution, soit le 23 juillet 1997 (la date de cette ordonnance), quant à l’accord de séparation aux termes du sous-alinéa b)(iii). Il a souscrit à l’argument de la Couronne selon lequel, en dispensant M. Warbinek de son obligation de verser la pension alimentaire pour enfants pendant une période de 12 mois, l’ordonnance de juillet a eu pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants payables par M. Warbinek pendant la durée de l’accord de séparation, de sorte que les montants que celui-ci a payés à ce titre en 2003 et 2004 ont été payés après cette date d’exécution. En conséquence, les montants de ces paiements sont devenus des montants calculés selon la variable B de la formule prévue à l’alinéa 60b), ce qui a eu pour effet de réduire à néant le montant que M. Warbinek pouvait déduire pour les années en question. Compte tenu de cette conclusion, la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel de M. Warbinek.

 

QUESTION EN LITIGE

[17]           La question à trancher dans le présent appel est de savoir si l’ordonnance ou l’accord aux termes duquel M. Warbinek devait payer des montants de pension alimentaire pour enfants en 2003 et 2004 comporte une date d’exécution.

 

ANALYSE

Introduction

[18]           Le montant des paiements de pension alimentaire pour enfants que M. Warbinek a versé en 2003 et 2004 et que celui-ci peut déduire dans le calcul de son revenu pour les années en question correspond au montant calculé à l’aide de la formule prévue à l’alinéa 60b), soit :

A – (B + C)

Dans les circonstances du présent appel, la variable C de la formule n’est pas pertinente, de sorte que le montant de la déduction correspond à la différence, le cas échéant, entre la variable A et la variable B de la formule dont voici le texte :

A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l’année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

A is the total of all amounts each of which is a support amount paid after 1996 and before the end of the year by the taxpayer to a particular person, where the taxpayer and the particular person were living separate and apart at the time the amount was paid,

 

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

 

B is the total of all amounts each of which is a child support amount that became payable by the taxpayer to the particular person under an agreement or order on or after its commencement day and before the end of the year in respect of a period that began on or after its commencement day,

 

[19]           Il est admis que les montants que M. Warbinek a payés à son ex-épouse en 2003 et en 2004 constituent des « montants représentant [...] une pension alimentaire [...] payée » aux fins de la variable A de la formule et des « montants représentant une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable [...] aux termes d’un accord ou d’une ordonnance » aux fins de la variable B de la formule. Cependant, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’accord ou l’ordonnance comporte une date d’exécution aux fins de la variable B. Dans l’affirmative, les parties admettent que le montant calculé à l’aide de la variable B correspondra à un montant égal à celui qui est calculé à l’aide de la variable A et que, par conséquent, M. Warbinek ne pourra déduire aucun montant qu’il a payé en 2003 et 2004 au titre de la pension alimentaire pour enfants. Dans la négative, le montant calculé à l’aide de la variable B sera égal à néant et M. Warbinek aura le droit de déduire le plein montant de la pension alimentaire pour enfants qu’il a déduit pour les années en question.

 

[20]           Comme la Cour d’appel fédérale l’a dit dans Holbrook, pour trancher cette question, il faut déterminer l’accord ou l’ordonnance aux termes duquel les montants en cause étaient payables et se demander ensuite si l’ordonnance ou l’accord en question comporte une date d’exécution.

 

Aux termes de quel accord ou de quelle ordonnance le montant était-il payable?

[21]           Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que M. Warbinek a payé les montants de pension alimentaire pour enfants en 2003 et 2004 conformément à l’accord de séparation modifié par les ordonnances de mars et de juillet. Aucune des parties ne conteste cette conclusion et je considère celle-ci comme la réponse à cette question.

 

[22]           En raison de cette conclusion, il n’y a pas lieu de dire que l’accord de séparation a été résilié ou remplacé par l’une ou l’autre des ordonnances, notamment celle de juillet. Cette déduction revêt une importance particulière pour l’examen de la question de savoir si l’accord de séparation comporte une date d’exécution.

 

L’accord de séparation comporte-t-il une date d’exécution?

[23]           L’accord de séparation comportera une date d’exécution si les conditions énoncées à l’alinéa a) ou b) de la définition de cette expression sont remplies.

 

Alinéa a)

[24]           L’alinéa a) de la définition de l’expression « date d’exécution » est ainsi libellé :

a) si l’accord ou l’ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

 

(a) where the agreement or order is made after April 1997, the day it is made;

[25]           Cette disposition ne permet pas de dire que l’accord de séparation comporte une date d’exécution, parce que celui-ci a été signé en 1994, soit avant avril 1997. Le fait qu’il a été modifié par l’ordonnance de juillet, qui a été rendue après avril 1997, ne touche pas la date à laquelle il a été établi aux fins de l’alinéa a) de la définition.

 

Les sous-alinéas b)(i) et (iv)

[26]           Il est admis que les exigences factuelles de ces dispositions ne sont pas remplies en l’espèce. En conséquence, il n’est pas nécessaire d’examiner celles-ci.

 

Le sous-alinéa b)(ii)

[27]           Le sous-alinéa b)(ii) est ainsi libellé :

b) (ii) si l’accord ou l’ordonnance fait l’objet d’une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

 

(b) (ii) where the agreement or order is varied after April 1997 to change the child support amounts payable to the recipient, the day on which the first payment of the varied amount is required to be made,

 

[28]           Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a décidé que, même si l’accord de séparation avait été modifié par l’ordonnance de juillet, la modification n’avait pas touché le montant que M. Warbinek était tenu de payer. En conséquence, le juge a conclu que cette disposition n’avait pas eu pour effet de créer une date d’exécution pour l’accord de séparation.

 

[29]           La Couronne soutient que cette conclusion du juge de la Cour canadienne de l’impôt est erronée et que l’ordonnance de juillet a eu pour effet de réduire à néant le montant payable par M. Warbinek le 1er mai 1997 et d’augmenter de zéro à 375 $ par mois le montant qu’il a dû payer à compter du 1er avril 1998.

 

[30]           À mon avis, cette interprétation de l’ordonnance de juillet ne peut être acceptée, parce qu’elle est incompatible avec le texte de ladite ordonnance. Même s’il est possible que celle-ci ait eu l’effet décrit par la Couronne, le texte de l’ordonnance en question, selon lequel M. Warbinek a été « dispensé de son obligation de verser une [...] pension [alimentaire provisoire pour enfants] » pendant une période d’un an, montre à mon avis que l’obligation de paiement de 375 $ par mois a simplement été suspendue pour une période d’un an et que, à la fin de cette période, la même pension est redevenue payable. En conséquence, le montant de la pension alimentaire pour enfants que M. Warbinek était tenu de payer le 1er avril 1998, soit 375 $ par mois, était le même que celui qu’il devait payer à compter de la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance de mars et n’était pas un « montant modifié » au sens du sous-alinéa b)(ii).

 

[31]           De plus, l’ordonnance de juillet n’a pas éliminé l’obligation de M. Warbinek de payer une pension alimentaire pour enfants au cours de la période qui a commencé le 1er mai 1997, ce qui renforce la conclusion selon laquelle l’interprétation que propose la Couronne doit être rejetée. Selon l’ordonnance de juillet, l’obligation de paiement de M. Warbinek a continué à exister, même si elle ne pouvait lui être opposée que jusqu’à concurrence du revenu qu’il a gagné pendant cette période.

 

[32]           En conséquence, je suis d’avis que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a eu raison de conclure que l’application du sous-alinéa b)(ii) de la définition de la date d’exécution n’a pas eu pour effet de créer une date d’exécution quant à l’accord de séparation.

 

Le sous-alinéa b)(iii)

[33]           Le sous-alinéa b)(iii) de la définition de la date d’exécution est ainsi libellé :

b) (iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d’exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

 

(b) (iii) where a subsequent agreement or order is made after April 1997, the effect of which is to change the total child support amounts payable to the recipient by the payer, the commencement day of the first such subsequent agreement or order,

 

[34]           Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a décidé que l’ordonnance de juillet avait entraîné la création d’une date d’exécution quant à l’accord de séparation aux termes du sous‑alinéa b)(iii), parce que cette ordonnance a eu pour effet de modifier le total des montants de pension alimentaire pour enfants payables par M. Warbinek pendant toute la durée dudit accord. À mon avis, cette conclusion est fondée sur une interprétation erronée du sous-alinéa b)(iii) et ne peut être retenue.

 

[35]           Même si les dispositions de l’alinéa b) de la définition de la date d’exécution ne sont pas aussi précises qu’elles devraient l’être, elles ont été commentées par les tribunaux. Au paragraphe 8 de l’arrêt Holbrook, la juge Sharlow a formulé les remarques suivantes au sujet de l’interprétation des sous-alinéas b)(ii) et (iii) :

[8]        En général, un montant de pension alimentaire pour enfants qui est payable aux termes d’un accord ou d’une ordonnance établi avant mai 1997 est assujetti à l’ancien régime. Cependant, cette règle générale comporte quatre exceptions, qui ont pour effet d’attribuer une date d’exécution postérieure à avril 1997 à un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997.

 

1)    La première exception s’applique si les parties à un accord ou à une ordonnance présentent un choix conjoint qui précise une date d’exécution postérieure à avril 1997 pour un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 (le sous‑alinéa b)(i) de la définition de la « date d’exécution »). À cause de cette disposition, il est toujours loisible aux parties de convenir d’être assujetties au nouveau régime.

2)    La deuxième exception s’applique si un accord ou une ordonnance fait l’objet d’une modification après 1997 qui touche le montant de pension alimentaire pour enfants à payer. Dans ce cas, la date d’exécution de l’accord antérieur à mai 1997, qui est modifié, est le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois (le sous‑alinéa b)(ii) de la définition de la « date d’exécution »).

3)    La troisième exception s’applique s’il existe un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 et en vertu duquel des montants de pension alimentaire pour enfants sont à payer et si un autre accord ou une autre ordonnance est établi après avril 1997, ce qui a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants à payer (le sous‑alinéa b)(iii) de la définition de la « date d’exécution »). Cette disposition peut englober un certain nombre de situations différentes. En général, elle vise à garantir qu’en cas d’augmentation du total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont à payer on ne puisse pas se soustraire au nouveau régime en faisant en sorte que le montant initial soit régi par l’accord ou l’ordonnance établi avant mai 1997 et que l’augmentation le soit par un accord ou une ordonnance établi après avril 1997.

4)    La quatrième exception s’applique si un accord ou une ordonnance établi avant mai 1997 (ou une modification d’un accord ou d’une ordonnance établi avant 1997) précise un jour particulier, postérieur à avril 1997, comme date d’exécution de l’accord ou de l’ordonnance (le sous‑alinéa b)(iv) de la définition de la « date d’exécution »). Dans un tel cas, la date d’exécution est le jour précisé. La question de savoir si cette condition est remplie dans un cas particulier dépend de l’interprétation que l’on fait de l’accord ou de l’ordonnance, ce qui peut obliger dans certains cas à prendre en compte des éléments de preuve extrinsèques. Cette condition peut être remplie par n’importe quelle modification d’un ancien accord ou d’une ancienne ordonnance, qu’il y ait eu changement ou non du total des montants de pension alimentaire pour enfants à payer, à la condition que la date d’exécution soit précisée dans l’accord ou l’ordonnance qui fait l’objet de la modification.

 

[36]           Ces explications montrent qu’il existe une distinction très nette entre la portée des sous‑alinéas b)(ii) et (iii). Le premier s’applique aux modifications apportées à l’accord ou à l’ordonnance établi en mai 1997, lequel demeure en vigueur avec les modifications ainsi apportées. Pour sa part, le sous-alinéa (iii) prévoit l’établissement d’un accord ou d’une ordonnance postérieur à avril 1997, qui est distinct de celui qui a été établi avant mai 1997, mais qui existe en même temps que celui-ci, et qui prévoit le paiement d’un montant supplémentaire au titre de la pension alimentaire pour enfants. Dans ce contexte, le mot « total » figurant au sous-alinéa b)(iii) peut être considéré de façon générale comme l’ensemble des montants de pension alimentaire pour enfants payables aux termes de l’accord ou de l’ordonnance établi avant mai 1997 et de l’accord ou de l’ordonnance postérieur à avril 1997.

 

[37]           Des exemples de situations qui vont de pair avec mon interprétation du sous‑alinéa‑b)(iii) de la définition de la date d’exécution sont donnés au paragraphe 19 du Bulletin d’interprétation IT‑530R, dont voici le texte :

19. Si un payeur et un bénéficiaire sont partie à une ordonnance d’un tribunal rendue ou à un accord écrit établi avant mai 1997, qu’ils concluent une autre ordonnance ou un autre accord après avril 1997 et que, par conséquent, le montant de la pension alimentaire pour enfants totale que le payeur doit verser au bénéficiaire est modifié, la date d’exécution de l’ordonnance originale ou de l’accord original correspond à celle de la première ordonnance suivante ou du premier accord suivant. La pension alimentaire pour enfants  payable à la date d’exécution ou après (aux termes des accords ou des ordonnances originaux) n’est donc pas déductible (voir l’exemple 1 ci-dessous), et ce, même si la pension alimentaire pour enfants payable aux termes de la deuxième ordonnance ou du deuxième accord est destinée à un autre enfant ou à d’autres enfants (voir l’exemple 2 ci-dessous).

 

Exemple 1

 

Serge et Lyne se sont séparés en juillet 1994. Aux termes de l’accord écrit conclu le 1er août 1994, Serge est tenu de verser à Lyne 200 $ par mois pour subvenir aux besoins de leur enfant. En vertu d’un autre accord écrit fait le 1er août 1997, Serge accepte de payer à Lyne 150 $ par mois de plus comme pension alimentaire pour enfants. Celle-ci est donc passée de 200 $ à 350 $ par mois. La pension alimentaire totale pour enfants (c.-à-d. 350 $) payable en vertu des deux accords à leur date d’exécution ou après (dans ce cas, le 1er août 1997) n’est pas déductible.

 

Exemple 2

 

Lorsque Robert et Denise ont signé leur accord de séparation le 15 septembre 1996, Robert avait la garde de leur fils et Denise avait la garde de leur fille. Selon l’accord, Robert doit payer à Denise 300 $ par mois pour subvenir aux besoins de leur fille. En 1998, le fils emménage avec sa mère. En vertu d’un autre accord écrit fait le 15 août 1998, Robert accepte de verser à Denise 200 $ par mois pour subvenir aux besoins de leur fils, et ce, immédiatement. La date d’exécution des deux accords est donc le 15 août 1998. La pension alimentaire pour enfants payable pour le fils et la fille à cette date ou après n’est pas déductible.

 

 

[38]           Compte tenu de l’interprétation donnée dans l’arrêt Holbrook au sous-alinéa b)(iii) de la définition de la date d’exécution, je suis d’avis que l’ordonnance de juillet n’aurait pu avoir pour effet de créer une date d’exécution quant à l’accord de séparation aux termes de cette disposition que si elle avait pu être considérée comme une ordonnance distincte existant en même temps que l’accord de séparation et, en pareil cas, uniquement si cette même ordonnance avait prévu le paiement d’une pension alimentaire supplémentaire pour enfants qui a eu pour effet de modifier le total de la pension alimentaire pour enfants payable par M. Warbinek. Dans la présente affaire, l’ordonnance de juillet a eu pour effet de modifier l’accord de séparation, sans plus. C’est ce que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a reconnu lorsqu’il a souscrit à l’argument selon lequel l’ordonnance de juillet avait eu pour effet de modifier le nombre de paiements à verser « pendant toute la durée » de l’accord de séparation. En conséquence, étant donné que les modifications apportées aux accords et ordonnances existants sont visées par le sous-alinéa b)(ii) et que l’ordonnance de juillet prévoit une modification de l’accord de séparation plutôt qu’une obligation de paiement distincte qui coexiste avec l’obligation de paiement énoncée dans ledit accord, il s’ensuit, à mon avis, que cette ordonnance ne peut avoir eu pour effet de créer une date d’exécution quant à l’accord de séparation aux termes du sous-alinéa b)(iii). J’en arrive donc à la conclusion que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur lorsqu’il a conclu que, compte tenu du sous-alinéa b)(iii) de la définition de la date d’exécution, l’ordonnance de juillet avait eu pour effet de créer une date d’exécution, soit le 23 juillet 1997, quant à l’accord de séparation.


 

DÉCISION

[39]           Pour les motifs exposés ci-dessus, j’accueillerais l’appel, j’infirmerais la décision du juge de la Cour canadienne de l’impôt et je la remplacerais par un jugement faisant droit à l’appel, et je renverrais l’affaire au ministre en vue d’une nouvelle cotisation conformément aux présents motifs. L’appelant, qui se représente lui-même, devrait avoir droit à ses débours devant la Cour d’appel fédérale et la Cour canadienne de l’impôt.

 

« C. Michael Ryer »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs.

            Robert Décary j.c.a. »

 

« Je souscris aux présents motifs.

            Pierre Blais j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                      A-473-07

 

APPEL D’UNE DÉCISION DU JUGE BOWIE, DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT (2007 CCI 578), EN DATE DU 28 SEPTEMBRE 2007, N° 2007-543(IT)I

 

INTITULÉ :                                                               MARK WARBINEK                          appelant

                                                                                    c.

                                                                                    SA MAJESTÉ LA REINE                     intimée

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 16 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE RYER

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LE JUGE DÉCARY

                                                                                    LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 22 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark Warbinek

L’APPELANT SE REPRÉSENTE LUI‑MÊME

 

Selena Sit

Lisa MacDonnell

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

S/O

L’APPELANT SE REPRÉSENTE LUI‑MÊME

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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