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Date. 20190122

Dossier : A-223-17

A-401-17

Référence : 2019 CAF 12

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Dossier : A-223-17

ENTRE :

JOSE LUIS FIGUEROA

appelant

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

intimé

Dossier : A-401-17

ENTRE :

JOSE LUIS FIGUEROA

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 17 janvier 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20190122


Dossier : A-223-17

A-401-17

Référence : 2019 CAF 12

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Dossier : A-223-17

ENTRE :

JOSE LUIS FIGUEROA

appelant

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

intimé

Dossier : A-401-17

ENTRE :

JOSE LUIS FIGUEROA

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1]  M. Figueroa interjette appel du rejet par la Cour fédérale (le juge Lafrenière) de deux de ses demandes de contrôle judiciaire, l’une concernant le défaut de payer le cautionnement pour dépens visé par une ordonnance du tribunal (dossier A‑223‑17) et l’autre concernant le caractère théorique de la demande (dossier A‑401‑17). J’ordonne qu’une copie des présents motifs soit versée aux deux dossiers de la Cour.

[2]  Dans le dossier A‑401‑17, le procureur général demande que l’intitulé soit modifié de manière à ce qu’il soit désigné comme seul intimé. La modification est conforme aux articles 303 et 338 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. J’ordonne donc qu’il en soit ainsi. L’intitulé modifié apparaît dans les présents motifs et dans la décision de notre Cour dans le dossier A‑401‑17. À l’audition de ses appels, M. Figueroa a été informé du caractère technique de la modification qui n’influait nullement sur le fond de son appel dans le dossier A‑401‑17.

[3]  M. Figueroa soutient que les décisions en cause étaient entachées d’un vice de fond et en demande l’annulation. Je rejette sa demande. Étant largement discrétionnaires et tributaires des faits, ces décisions ne peuvent être annulées que si elles sont entachées d’une erreur manifeste et dominante : Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331. Le critère à appliquer pour justifier une conclusion d’erreur manifeste et dominante est effectivement très rigoureux : Benhaim c. St‑Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, par. 38 et 39. En l’espèce, il n’a pas été satisfait à ce critère.

[4]  Dans le dossier A‑223‑17, M. Figueroa soutient que la Cour fédérale a commis une erreur de procédure. À son avis, la Cour fédérale a rejeté sa demande de contrôle judiciaire prématurément. Il n’a pas eu la possibilité suffisante de répondre à la demande de rejet. Les faits suivants sont à l’origine du moyen ainsi invoqué.

[5]  Selon l’ordonnance de la Cour fédérale relative au cautionnement pour dépens, M. Figueroa devait fournir le cautionnement dans les trente jours, faute de quoi il ne pourrait donner suite à sa demande de contrôle judiciaire. En outre, l’intimé a obtenu l’autorisation de demander par lettre, sans autre formalité, le rejet de la demande de contrôle judiciaire de M. Figueroa si ce dernier ne respectait pas le délai fixé pour le dépôt du cautionnement pour dépens. L’ordonnance ne faisait pas expressément mention du droit de M. Figueroa de répondre à une telle lettre de l’intimé.

[6]  À l’expiration du délai de trente jours prévu dans l’ordonnance de cautionnement pour dépens, M. Figueroa n’avait toujours pas fourni le cautionnement requis. Peu après, l’intimé a demandé par simple lettre le rejet de la demande de contrôle judiciaire. À peine sept jours plus tard, n’ayant rien reçu de la part de M. Figueroa, la Cour fédérale a rejeté sa demande de contrôle judiciaire.

[7]  M. Figueroa fait remarquer que, si la requête avait été présentée par écrit en conformité avec les Règles, il aurait disposé de dix jours, et non de sept, pour déposer son dossier de réponse : voir le paragraphe 369(2) des Règles. Il soutient que la Cour fédérale a fait droit à la demande de rejet avant qu’il n’ait eu l’occasion de présenter sa réponse.

[8]  Au cours de l’audience, l’intimé a reconnu en toute franchise que la présentation de sa demande n’entraînait pas le rejet d’office; la Cour avait le pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande de contrôle judiciaire ou d’accorder à M. Figueroa une prorogation de délai.

[9]  Il s’ensuit que M. Figueroa avait effectivement un droit de réponse. De plus, je qualifie le droit accordé par la Cour fédérale à l’intimé de présenter sa demande « sans formalité » comme un droit de présenter une requête par écrit au moyen d’une simple lettre. Ainsi, M. Figueroa avait au moins dix jours pour répondre. La Cour fédérale ne pouvait rendre sa décision avant la fin de cette période de dix jours. En l’espèce, la Cour fédérale a rendu une décision prématurée.

[10]  À l’audience, j’ai demandé à M. Figueroa comment il aurait expliqué son non‑respect de l’ordonnance relative au cautionnement pour dépens. S’il n’avait pas eu d’explication valable, je n’aurais pas donné suite à sa plainte relative à l’équité procédurale. Aucune mesure de réparation ne peut être prise en cas de manquement au droit procédural de présenter des observations lorsqu’il est certain qu’aucune observation valable n’aurait été présentée.

[11]  Je ne peux pas rejeter pour cette raison la demande de M. Figueroa. En effet, M. Figueroa a justifié son inobservation de l’ordonnance relative au cautionnement pour dépens par son manque de ressources financières. Est-ce une explication valable? C’est un cas limite. La Cour fédérale a souligné dans son ordonnance relative au cautionnement pour dépens que M. Figueroa semblait en mesure de payer. Or, compte tenu des propos tenus par M. Figueroa à l’audience, je ne peux pas exclure la possibilité que M. Figueroa ait pu présenter des éléments de preuve et faire des observations concernant des changements dans sa situation financière qui auraient pu convaincre la Cour fédérale de lui donner plus de temps pour se conformer à l’ordonnance. Je le répète, et l’intimé l’a reconnu en toute franchise, la Cour fédérale devait exercer son pouvoir discrétionnaire; le rejet n’était pas automatique.

[12]  En principe, rien n’empêche la Cour fédérale et notre Cour, lorsque les circonstances le justifient, de prononcer le rejet sommaire dès réception d’un avis de non-conformité. Parfois, une telle ordonnance s’impose, surtout lorsqu’un plaideur a de longs antécédents en matière de non‑conformité. À un moment donné, c’en est assez et il faut y mettre fin. De plus, une telle mesure est équitable sur le plan de la procédure, puisque chacun est prévenu d’avance que le rejet sera prononcé d’office et que la non-conformité, quelle qu’en soit la nature, ne sera tolérée en aucune circonstance.

[13]  La Cour fédérale étant au courant de l’historique du litige, il lui était tout à fait loisible, dans son ordonnance relative au cautionnement pour dépens, de prévoir un rejet sommaire en cas de non-conformité. Mais il aurait fallu qu’elle l’énonce clairement, sans aucune ambiguïté : p. ex., « le défaut de se conformer à la présente ordonnance entraînera le rejet sommaire de la demande sans autre avis », ou un libellé semblable. La clarté et l’absence d’ambiguïté sont essentielles notamment lorsque l’une des parties n’est pas représentée, comme en l’espèce.

[14]  Il s’ensuit que le rejet prononcé par la Cour fédérale dans le dossier A‑233‑17 était prématuré et doit être annulé.

[15]  La Cour fédérale n’a pas adjugé de dépens dans ni l’une ni l’autre de ses décisions défavorables; je n’interviendrais pas dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Toutefois, à mon avis, les dépens devraient suivre l’issue des appels.

[16]  Par conséquent, je ferais droit à l’appel dans le dossier A‑223‑17; j’adjugerais les dépens à l’appelant et j’annulerais le rejet prononcé par la Cour fédérale. Je renverrais à la Cour fédérale la demande de rejet présentée par l’intimé pour qu’elle tranche l’affaire après avoir reçu la réponse de M. Figueroa et toute réplique de l’intimé. La Cour fédérale peut donner aux parties des directives concernant les délais à respecter. Je rejetterais l’appel dans le dossier A‑401‑17, les dépens étant adjugés à l’intimé.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

 Yves de Montigny, j.c.a »

Traduction certifiée conforme

Andrée Morin, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

A-223-17 et A-401-17

APPEL D’UNE ORDONNANCE ET D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE LAFRENIÈRE, EN DATE DU 29 JUIN 2017 ET DU 14 NOVEMBRE 2017, DOSSIERS NOS T-427-15 ET T-1357-17

INTITULÉ :

JOSE LUIS FIGUEROA c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 JANVIER 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 JANVIER 2019

COMPARUTIONS :

Jose Luis Figueroa

 

(pour son propre compte)

 

Brett J. Nash

 

POUR LES INTIMÉS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR LES INTIMÉS

 

 

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