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Date : 20020708

 

Dossier : A-654-01

 

Référence neutre : 2002 CAF 289

 

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SHARLOW

 

 

ENTRE :

 

 

                        SYNTEX (U.S.A.) L.L.C., HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED,

                                            ALLERGAN, INC. et ALLERGAN INC.

 

                                                                                                                                         Appelantes

                                                                                                                               (Demanderesses)

 

                                                                             et

 

                                     LE MINISTRE DE LA SANTÉ et APOTEX INC.

 

                                                                                                                                                Intimés

                                                                                                                                      (Défendeurs)

 

 

                                      Audience tenue à Toronto (Ontario), le 12 juin 2002.

 

                                      Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2002.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LE JUGE ROTHSTEIN

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE LINDEN

                                                                                                                         LE JUGE SHARLOW


 

 

 

Date : 20020708

 

Dossier : A-654-01

 

Référence neutre : 2002 CAF 289

 

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SHARLOW

 

 

ENTRE :

 

 

                        SYNTEX (U.S.A.) L.L.C., HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED,

                                            ALLERGAN, INC. et ALLERGAN INC.

 

                                                                                                                                         Appelantes

                                                                                                                               (Demanderesses)

 

 

                                                                             et

 

 

                                     LE MINISTRE DE LA SANTÉ et APOTEX INC.

 

                                                                                                                                                Intimés

                                                                                                                                      (Défendeurs)

 

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE ROTHSTEIN

 

[1]        Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une ordonnance du juge Kelen en vue de faire radier la demande de contrôle judiciaire des appelantes pour le motif qu’elle ne révèle aucune chance d’être accueillie et qu’elle constitue un abus de procédure.

 


[2]        Les faits peuvent être brièvement exposés. Le 28 février 2001, l’intimée Apotex Inc. a envoyé un avis d’allégation en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 dans sa forme modifiée par DORS/98-166 et DORS/99-379, pour une solution d’Apo-Ketorolac pour une application ophtalmique. Les appelantes n’ont pas demandé d’ordonnance d’interdiction dans les quarante‑cinq jours prescrits par le paragraphe 6(1) du Règlement.

 

[3]        Les appelantes affirment que, après l’expiration de la période de quarante‑cinq jours, il a été porté à leur attention que l’avis d’allégation qui leur avait été signifié à l’origine était trompeur et mensonger. Elles affirment que si on ne les avaient pas trompées et si on ne leur avait pas menti, elles auraient réalisé que le produit d’Apotex contrefaisait leur brevet no 1328614 et elles auraient déposé une demande pour une ordonnance d’interdiction dans le délai prescrit.

 

[4]        Le 29 juin 2001, les appelantes, étant en dehors du délai prescrit par le Règlement, ont présenté une demande de contrôle judiciaire en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale visant à interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex pour la solution d’Apo-Ketorolac. Elles font valoir essentiellement qu’elles avaient le droit de le faire et d’obtenir la réparation demandée, parce que le Règlement n’a jamais été mis en application. En d’autres mots, elles disent qu’un avis d’allégation trompeur ou mensonger équivaut à une absence d’avis d’allégation, que le Règlement n’a jamais été mis en application et que le ministre de la Santé n’a pas compétence pour délivrer un avis de conformité à Apotex.

 


[5]        Le juge Kelen a rejeté cet argument et, au paragraphe 21 de ses motifs, il a conclu que la demande de contrôle judiciaire des appelantes était si manifestement mal fondée qu’elle n’avait « aucune chance d’être accueillie ». Je suis d’avis que notre Cour doit en arriver au même résultat. Je suis d’accord avec le raisonnement du juge Kelen.

 

[6]        Il est reconnu que lorsqu’un fabricant de produits génériques désire obtenir un avis de conformité pour une drogue en la comparant à une drogue existante pour laquelle un avis de conformité a déjà été délivré, et relativement auquel il existe un brevet au registre des brevets, le fabricant de produits génériques doit se conformer à l’article 5 du Règlement, à défaut de quoi le ministre n’a pas compétence pour délivrer l’avis de conformité au fabricant de produits génériques. L’article 5 exige que le fabricant de produits génériques signifie un avis d’allégation au titulaire du brevet. Si le ministre délivre un avis de conformité dans les cas où le fabricant de produits génériques ne s’est pas conformé à l’article 5, par exemple, en ne signifiant pas un avis d’allégation, le Règlement n’est pas mis en application et l’avis de conformité peut être cassé par un contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour fédérale. Voir Merck & Co. c. Nu-Pharm Inc. (2000), 5 C.P.R. (4th) 138 (C.A.F.).

 

[7]        La question en litige en l’espèce consiste à savoir si un avis d’allégation trompeur ou mensonger équivaut à une absence d’avis d’allégation.

 


[8]        À mon avis, le Règlement est mis en application par la signification d’un avis d’allégation au breveté, même si ledit avis d’allégation est trompeur ou mensonger. Une fois qu’il est signifié au breveté, celui‑ci doit décider de demander ou non une interdiction. S’il fait défaut de le faire dans le délai prescrit, il ne peut, par la suite, ressusciter son droit en vertu du Règlement en présentant une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale visant à obtenir une ordonnance interdisant la délivrance d’un avis de conformité ou cassant tout avis de conformité pouvant avoir été délivré.

 

[9]        Je pense que toute autre interprétation n’est pas en accord avec l’économie du Règlement. Comme l’a fait remarquer l’avocat du ministre, la décision du ministre de délivrer un avis de conformité est guidée par l’interaction entre les parties dans les procédures d’avis d’allégation et d’ordonnance d’interdiction en vertu du Règlement. Si le ministre voit qu’un avis d’allégation satisfaisant aux exigences formelles de l’article 5 a été signifié et qu’aucune ordonnance d’interdiction n’a été demandée dans le délai de quarante‑cinq jours, le ministre doit être en mesure de procéder en raison du fait qu’aucun breveté ne conteste le droit du fabricant de produits génériques qui a signifié l’avis d’allégation en vue de produire et de commercialiser sa drogue. Le ministre n’a pas l’obligation d’apprécier si un avis d’allégation peut tromper un breveté ou lui être mensonger. Si un avis d’allégation qui satisfait les exigences formelles de l’article 5 a été signifié, le Règlement est mis en application et il revient au breveté de prendre les mesures afin de protéger ses droits. Je suis d’accord avec l’avocat d’Apotex que, une fois qu’un avis d’allégation a été signifié, toutes les procédures doivent être effectuées en application et dans le cadre du Règlement et en conformité avec les délais prescrits dans le Règlement. La question de savoir si l’avis d’allégation est trompeur ou mensonger, ou s’il est autrement déficient en substance, doit être déterminée par la Cour dans les procédures d’interdiction intentées par le breveté.

 


[10]      Les appelantes affirment qu’un avis d’allégation trompeur ou mensonger signifié par un fabricant de produits génériques a pour but de placer un breveté dans la position délicate de croire à tort que la drogue du fabricant de produits génériques ne contrefera pas son brevet et qu’il ne devrait pas être dans l’obligation de demander une ordonnance d’interdiction dans le seul but d’établir que la drogue du fabricant de produits génériques ne contrefera réellement pas son brevet. Les appelantes soutiennent que l’article 8 comporte de graves conséquences pour un breveté s’il dépose une demande visant à obtenir une ordonnance d’interdiction qu’il retire ou dont il se désiste par la suite.

 

[11]      Je pense qu’il y a deux réponses à cette préoccupation. La première, consiste en ce que le juge des requêtes a un large pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 8(5) afin de tenir compte du caractère trompeur, ambigu ou dépourvu de valeur informative d’un avis d’allégation qui a forcé le breveté à faire inutilement une demande visant à obtenir une ordonnance d’interdiction. La deuxième, consiste en ce que, en pratique, un fabricant de produits génériques qui dépose un avis d’allégation trompeur ou mensonger risque de subir de graves conséquences. De telles conséquences peuvent découler d’une instance d’interdiction en vertu du Règlement ou d’une action en contrefaçon de brevet. En vertu du Règlement, on peut conclure qu’un avis d’allégation trompeur ou mensonger est défectueux, ce qui fera en sorte qu’il sera déterminé que l’allégation de non‑contrefaçon n’est pas justifiée par le fabricant de produits génériques et, dans un tel cas, une ordonnance d’interdiction sera accordée. Voir, par exemple, Genpharm Inc. c. The Minister of Health and Procter & Gamble Pharmaceuticals Canada, Inc. and The Procter & Gamble Company, 2002 CAF 290.

 


[12]      Si un breveté ne dépose pas de demande visant à obtenir une ordonnance d’interdiction en vertu du Règlement en raison d’un avis d’allégation trompeur ou mensonger, le breveté peut demander des dommages‑intérêts punitifs ou des dépens sur la base procureur‑client dans une action en contrefaçon de brevet (jugement du juge Evans, à la page 441 dans Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc. (2000), 9 C.P.R. (4th) 439). Il en résulte que cela devrait décourager un fabricant de produits génériques de signifier un avis d’allégation trompeur ou mensonger.

 

[13]      Apotex et le ministre soutiennent que le présent appel était sans objet puisque le ministre a récemment délivré un avis de conformité pour la drogue d’Apotex. Il n’est pas nécessaire de décider de la question de l’absence d’objet.

 

[14]      L’appel devrait être rejeté avec dépens.

 

                                                                                                                           « Marshall Rothstein »                

                                                                                                                                                     Juge

« Je souscris aux présents motifs.

A. M. Linden, juge »

 

 

« Je souscris aux présents motifs.

K. Sharlow, juge »

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Martine Guay, LL.L


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

 

DOSSIER :                                          A-654-01

 

INTITULÉ :                                         SYNTEX (U.S.A.) L.L.C., HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED, ALLERGAN, INC. et ALLERGAN INC.

 

Appelantes

(Demanderesses)

- et -                           

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et APOTEX INC.

 

Intimés

(Défendeurs)

 

DATE DE LAUDIENCE :                LE MERCREDI 12 JUIN 2002

 

LIEU DE LAUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

 

MOTIFS DU JUGEMENT :              LE JUGE ROTHSTEIN

 

Y ONT SOUSCRIT :                          LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 7 JUILLET 2002

 

COMPARUTIONS :             Anthony George Creber

Patrick Smith

 

Pour les appelantes (demanderesses)

 

Frederick B. Woyiwada

 

Pour lintimé (défendeur) (le ministre de la Santé)

 

Andrew R. Brodkin

Julie M. Perrin

 

Pour lintimée (défenderesse) (Apotex Inc.)

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    GOWLING LAFLEUR HENDERSON, s.r.l.

2600-160 rue Elgin, C.P. 466 Stn D

Ottawa (Ontario)

K1P 1C3

 

Pour les appelantes (demanderesses)

 

Morris Rosenberg

Sous‑procureur général du Canada

 

Pour lintimé (défendeur) (le ministre de la Santé)

 

 

GOODMANS, s.r.l.

Avocats

250 rue Yonge, bureau 2400

Toronto (Ontario)

M5B 2M6

 

Pour lintimée (défenderesse) (Apotex Inc.)

 

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