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Date : 20021009

 

Dossier : A‑748‑01

 

Référence neutre : 2002 CAF 374

 

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LINDEN

LE JUGE LÉTOURNEAU                                                               

 

 

ENTRE :

 

                                                   DOUGLAS MARVIN COOPER

                                                                                                                                              appelant

 

                                                                             et

 

                                                     LE PROCUREUR GÉNÉRAL

                                                                  DU CANADA

                                                                                                                                                  intimé

 

 

                      Audience tenue à Vancouver en Colombie-Britannique, le 1er octobre 2002

                                                                             

                                     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 octobre 2002

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE LINDEN

 

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                   LE JUGE LÉTOURNEAU

 


 

 

Date : 20021009

 

Dossier : A‑748‑01

 

Référence neutre : 2002 CAF 374

 

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LINDEN

LE JUGE LÉTOURNEAU                           

 

 

ENTRE :

 

                                                   DOUGLAS MARVIN COOPER

                                                                                                                                              appelant

 

                                                                             et

 

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                  intimé

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LINDEN

 

[1]               La seule question de cet appel est de savoir si la prolongation d’un an en l’espèce de la période de non-admissibilité à la libération conditionnelle en application du paragraphe 120.2(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C.1992, ch. 20 (la Loi), viole l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le juge de première instance a décidé que l’article 7 ne s’appliquait pas. En plus, il a conclu que la disposition n’était ni trop générale et excessive, ni ambiguë. La Cour a confirmé cette décision, répertoriée dans [2001] CFPI 1329.

 


[2]               Le paragraphe 120.2(2) de la Loi se lit comme suit :

 

120.2(2) Le délinquant qui est condamné à une peine d’emprisonnement supplémentaire pour une période déterminée alors qu’il purge une peine d’emprisonnement à perpétuité ou pour une période indéterminée n’est admissible à la libération conditionnelle totale qu’à la date à laquelle il a accompli le temps d’épreuve auquel il est assujetti au moment de la condamnation ainsi que le temps d’épreuve sur la peine supplémentaire.

 

 

 

120.2(2) Where an offender who is sentenced to life imprisonment or for an indeterminate period receives an additional sentence for a determinate period, the offender is not eligible for full parole until the day on which the offender has served, commencing on the day on which the additional sentence was imposed,

 

 

(a) any remaining period of ineligibility to which the offender is subject; and

 

 

(b) the period of ineligibility in relation to the additional sentence.

 

 

L’article 7 de la Charte se lit comme suit :

 

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

 

 

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

 

 

[3]               L’appelant a été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré, le 18 juillet 1997 et condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité sans admissibilité à la libération conditionnelle avant 10 ans et il a commencé à purger sa peine. Deux mois plus tard, il a été reconnu coupable de deux vols qualifiés, les deux ayant eu lieu avant l’homicide et la condamnation pour meurtre. Il a été condamné à une peine de trois ans pour chaque vol, chacune des peines devant être purgée concurremment avec la peine d’emprisonnement à perpétuité en cours d’exécution.


[4]               Les agents du Service correctionnel du Canada ont recalculé la période non-admissibilité en se fondant sur le paragraphe 120.2(2) pour ajouter une année supplémentaire de non‑admissibilité à la libération conditionnelle, pour chacune des infractions.

 

[5]               Le juge de première instance, appliquant correctement le paragraphe 120.2(2) a accueilli en partie la demande de contrôle judiciaire, traitant les peines pour les deux vols qualifiés comme une seule peine supplémentaire. Il a conclu que la période pendant laquelle le délinquant n’était pas admissible à une libération conditionnelle pouvait être prolongée d’un an seulement et non de deux, se fondant sur Dimaulo c. Le commissaire du Service correctionnel du Canada, le Service correctionnel du Canada et al. [2001] CFPI 1230. Cette partie de sa décision n’a pas été attaquée dans le présent appel.

 


[6]               La question de la validité constitutionnelle, qui a été plaidée à fond, comporte plusieurs aspects. La première question est de savoir s’il y a eu atteinte à l’article 7, c’est-à-dire si la prolongation de la période de non-admissibilité a porté atteinte en l’espèce à un droit à la liberté. Alors qu’il a été décidé que la libération conditionnelle est un privilège et non un droit (Dempsey c. La Reine (1987), 34 C.C.C. (3d) 96; O’Brien c. Commission nationale des libérations conditionnelles (1984), 17 C.C.C. (3d) 168), ce principe est actuellement quelque peu contesté. (Parker c. Solicitor General of Canada et al. (1990), 78 O.R. (2) 193, par le juge Henry.). Il y a dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, une autorité grandissante, selon laquelle il peut y avoir atteinte au droit à la liberté par la prolongation d’une période de non‑admissibilité à la libération conditionnelle. (voir Dumas c. Centre de détention Leclerc, [1986] 2 R.C.S. 459; R. c. Gamble, [1988] 2 R.C.S. 595; Cunningham c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 143; R. c. Sarson, [1996] 2 R.C.S. 223; R. c. C.A.M., [1996] 1 R.C.S. 500). Cependant, en raison de mon opinion sur la question de la « justice fondamentale », il n’est pas nécessaire que la Cour décide de cette question dans l’espèce. Nous allons présumer, sans en décider, pour des fins d’analyse, qu’il y a atteinte suffisante au droit à la liberté pour appliquer l’article 7.

 


[7]               Le deuxième aspect de l’analyse de l’article 7 porte sur la question de savoir s’il y a eu atteinte aux principes de justice fondamentale. Pour décider de cette question, non seulement les droits du délinquant mais aussi les intérêts de la société doivent être pris en compte (voir Cunningham, précité, page 499, par le juge McLachlin.). La disposition en cause est une disposition bien calculée, qui reconnaît qu’il y a des conséquences pour les personnes condamnées à des peines consécutives, c’est-à-dire la prolongation de leur période de non‑admissibilité à la libération conditionnelle. C’est une mesure que le législateur a soigneusement évaluée et qui ne peut, en aucun cas, être considérée comme excessive pour les délinquants. L’article ajoute à la période de non-admissibilité qui découle de la première peine, la période supplémentaire de non‑admissibilité qui découle de la deuxième ou de toute autre peine concurrente subséquente. Il s’agit d’une conséquence calculée et proportionnelle liée au fait d’être assujetti à des peines concurrentes additionnelles, qui permet à ces peines de produire leurs effets. Par conséquent, l’appelant qui, en l’espèce, a déjà été condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité est touché par la disposition. Sinon, il n’y aurait absolument aucun effet résultant d’une deuxième peine concurrente, ni même de toute autre peine concurrente pour des infractions commises en prison ou ailleurs. En conséquence, à mon avis, la prolongation du délai de non‑admissibilité contenue dans la disposition est appropriée et équitable et, de ce fait, ne porte pas atteinte aux principes de justice fondamentale.

 

[8]               En ce qui concerne l’aspect lié à la procédure, aucune audience n’est nécessaire dans ces affaires, car la Loi produit ses effets de façon automatique, sans possibilité d’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. La seule preuve requise est celle de la peine supplémentaire. Si une erreur a été commise dans l’application de cet article, cette erreur peut être attaquée par une demande de contrôle judiciaire, ce qui s’est exactement passé en l’espèce avec un succès partiel.

 


[9]               Le juge de première instance a également décidé à bon droit que la décision attaquée n’était ni ambiguë ni trop générale et excessive (voir Dimaulo, précité). Bien qu’il puisse être difficile de l’appliquer à toutes les situations, comme en témoigne l’erreur commise en l’espèce, l’article en cause n’est certainement pas ambigu au point d’être déclaré inconstitutionnel. Je ne suis pas non plus convaincu qu’il soit général et excessif, car il couvre toutes les infractions additionnelles pour lesquelles des peines ont été imposées et pas seulement celles commises pendant que le délinquant est en libération conditionnelle; l’argument de l’avocat selon lequel le contexte législatif révèle qu’une telle disposition devait être adoptée n’est pas appuyé par le langage utilisé par le législateur. La disposition ne fait manifestement pas de distinction entre les infractions commises avant la condamnation à la peine d’emprisonnement à perpétuité, comme en l’espèce et celles commises par la suite. C’est le moment de la condamnation qui compte ici et non celui de l’infraction. Cela est compatible avec les situations visées par les paragraphes 120.2(1) et 120.2(2).

 

[10]           En conclusion, il n’est pas nécessaire de décider s’il y a eu en l’espèce atteinte à un droit à la liberté, parce qu’il n’y a pas eu atteinte aux principes de justice fondamentale. Par ailleurs, la disposition n’est ni ambiguë ni générale et excessive.

 

[11]           L’appel devrait être rejeté.

« A.M. Linden »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs 

Robert Décary, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs 

Gilles Létourneau, juge »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                             COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :               A‑748‑01

 

 

INTITULÉ :              Douglas Marvin Cooper c. Le procureur général du Canada

                                                     

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Vancouver (C.-B.)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           le 1er octobre 2002

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LINDEN

 

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

EN DATE DU :        le 9 octobre 2002

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony H. Zipp                                               POUR L’APPELANT

 

Curtis Workun                                                  POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Zipp & Company                                             POUR L’APPELANT

Vancouver

 

Morris Rosenberg                                             POUR L’INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada


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