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Date : 20081112

Dossier : A-511-07

Référence : 2008 CAF 352

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

MARGARET HORN

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

REPRÉSENTÉE PAR LE

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimée

 

 

ET ENTRE :

 

SANDRA WILLIAMS

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

REPRÉSENTÉE PAR LE

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimée

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 12 novembre 2008.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 12 novembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                        LE JUGE EVANS


Date : 20081112

Dossier : A-511-07

Référence : 2008 CAF 352

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

MARGARET HORN

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

REPRÉSENTÉE PAR LE

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimée

 

ET ENTRE :

 

SANDRA WILLIAMS

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

REPRÉSENTÉE PAR LE

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 12 novembre 2008)

 

LE JUGE EVANS

[1]               Il s’agit d’un appel de la décision de la Cour fédérale (2007 CF 1052) par laquelle  le juge Phelan a rejeté les actions intentées par Sandra Williams et Margaret Horn, toutes deux des Indiennes inscrites, en vue d’obtenir un jugement déclaratoire suivant lequel leur revenu d’emploi pour l’année d’imposition 1995, et 1996 également, en ce qui concerne Mme Williams, « était situé sur une réserve » et conséquemment, était visé par l’exonération d’impôt prévue à l’article 87 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I‑5

 

[2]               Les appelantes nous ont soumis deux arguments d’importance. D’abord, elles ont prétendu que le juge de première instance avait commis une erreur de droit en appliquant le critère des « facteurs de rattachement » pour établir le situs du revenu d’emploi des appelantes. Elles soutiennent que, dans l’arrêt McDiarmid Lumber Ltd. c. Première Nation de God’s Lake, [2006] 2 R.C.S. 846, la Cour suprême du Canada a indiqué que le critère approprié était celui de l’emplacement du débiteur, et de ce fait, a renversé implicitement un long courant jurisprudentiel dans lequel notre Cour a appliqué le critère des facteurs de rattachement pour établir si le revenu d’un Autochtone était situé sur une réserve au sens de l’article 87.

 

[3]               Nous ne sommes pas d’accord. La question en litige dans God’s Lake était de savoir si des fonds déposés sur un compte de banque étaient visés par l’exemption de saisie prévue à l’article 89. Pour trancher la question, la Cour suprême a examiné uniquement l’emplacement du débiteur, c’est‑à‑dire la succursale de la banque où avaient été déposés les fonds.

 

[4]               Cependant, la Cour a expressément énoncé (par. 18) que le recours à « l’analyse contextuelle » était approprié dans le cas d’une opération fiscale, par exemple « lorsque le situs est difficile à déterminer objectivement ». Elle a cité les propos de la Cour d’appel dans God’s Lake (par. 17) selon qui [traduction] « il ne s’agit pas de déterminer le situs d’une opération aux fins de l’imposition ». Elle a aussi fait état, avec approbation, de l’adoption de la méthode des « facteurs de rattachement » dans Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877, décision à l’origine de la jurisprudence de notre Cour portant sur le situs du revenu d’emploi en tant que bien meuble pour les besoins de l’article 87, même si dans Williams, il était question de prestations d’assurance‑emploi.

 

[5]               À notre avis, le passage de l’arrêt God’s Lake cité ci‑dessus, indique clairement que la Cour suprême n’a pas invité la Cour à reconsidérer sa jurisprudence. À ce jour, la Cour suprême a refusé l’autorisation d’interjeter appel des décisions de la Cour portant sur l’article 87 dans lesquelles celle‑ci a appliqué l’analyse des facteurs de rattachement pour déterminer le situs du revenu d’emploi aux fins d’imposition. Sans l’intervention du législateur, seule la Cour suprême du Canada peut examiner la validité du cadre analytique que la Cour a établi et a appliqué systématiquement à la question.

 

[6]               Deuxièmement, les appelantes soutiennent que, si l’on peut appliquer le critère des facteurs de rattachement, le juge Phelan a commis une erreur dans sa façon de l’appliquer aux faits. Étant donné que l’application du droit aux faits est une question mixte de fait et de droit, les appelantes doivent démontrer que sa décision est entachée d’une erreur manifeste et dominante ou qu’il n’a pas appliqué le bon critère juridique.

 

[7]               Dans l’ensemble, les critiques des appelantes en ce qui concerne les motifs du juge portent sur le poids trop grand accordé au situs, aux circonstances de l’espèce et à la nature du travail qu’elles effectuaient pour le compte de leurs clients, à qui elles étaient « louées » par leur employeur, Native Leasing Services. Les appelantes travaillent pour des organismes sans but lucratif qui assurent des services sociaux hors‑réserve aux Autochtones à Hamilton et à Ottawa (certains d’entre eux vivaient hors‑réserve, et d’autres, dans des réserves) et, comme dans la situation de Mme Horn, à des non‑Autochtones également. Par contre, les appelantes affirment que le juge n’a pas donné assez de poids au fait que l’employeur soit situé dans une réserve, aux avantages que la réserve tire à la fois de la présence et des activités de l’employeur dans la réserve, de même qu’à l’emploi des appelantes et au fait que Mme Williams vit sur une réserve et que Mme Horn entretient des liens permanents avec une réserve.

 

[8]               Il appartient avant tout au juge de première instance, selon les circonstances de l’affaire, d’évaluer le poids relatif qu’il doit accorder aux éléments constitutifs d’un critère comportant de multiples facteurs. L’application du critère des « facteurs de rattachement » constitue un exercice particulièrement lié aux faits. En l’absence d’une erreur manifeste et dominante dans l’application du critère ou d’une erreur de droit, la Cour ne peut pas substituer son point de vue à celui du juge.

 

[9]                   À notre avis, l’analyse du juge Phelan est conforme aux indications données antérieurement par la Cour, notamment en ce qui concerne l’importance particulière qu’elle a accordée dans Shilling c. Canada (Ministre du Revenu national), [2001] 4 C.F. 364, 2001 CAF 178 au lieu de travail, à la nature du travail et aux autres circonstances dans lesquelles le travail à l’origine du revenu d’emploi est accompli. Nous ne décelons aucune erreur manifeste et dominante de la part du juge dans son examen des facteurs pertinents, pris individuellement ou collectivement.

 

[10]           Néanmoins, nous sommes d’accord avec les appelantes pour dire que la réponse à la question de savoir si un revenu d’emploi est gagné sur le « marché ordinaire » est une conclusion qui dépend d’un examen des facteurs de rattachement et qui ne constitue pas en soi un élément déterminant pour établir que le revenu d’emploi n’est pas situé sur une réserve : Recalma c. Canada (1998), 158 D.L.R. (4th) 59 (C.A. F.), par. 9.

 

[11]           En toute déférence, dans la mesure où le juge Phelan aurait exprimé une opinion différente, et nous ne sommes pas convaincus qu’il l’ait fait, nous ne partageons pas son avis. Néanmoins, même s’il avait commis une erreur, comme l’allèguent les appelantes, cette erreur, considérée dans le contexte de l’ensemble de ses motifs, n’était pas à ce point importante pour justifier notre intervention.

 

[12]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté, avec un seul mémoire de dépens.

 

    « John M. Evans »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Judes Basque, B. Trad.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        A-511-07

 

(APPEL DES MOTIFS DU JUGEMENT ET DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE PHELAN EN DATE DU 16 OCTOBRE 2007, DOSSIER NO T-2241-95)

 

INTITULÉ :                                         MARGARET HORN c. SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA, REPRESENTÉE PAR LE

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

ET ENTRE :

SANDRA WILLIAMS c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRESENTÉE PAR LE

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 12 NOVEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       (LES JUGES LINDEN, EVANS ET RYER)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LE JUGE EVANS

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian A. Crane

Max Faille

 

POUR LES APPELANTES

 

Gordon Bourgard

Sandra Phillips

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Brian A. Crane

GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES APPELANTES

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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