Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190201


Dossier : A-242-17

Référence : 2019 CAF 24

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

COMPAGNIE DE Chemin de fer Canadien Pacifique

appelante

et

UNIVAR CANADA LTD.

intimée

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 novembre 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er février 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20190201


Dossier : A-242-17

Référence : 2019 CAF 24

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

compagnie de Chemin de fer Canadien Pacifique

appelante

et

UNIVAR CANADA LTD.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  La Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (l’appelante ou le CP) interjette appel de la décision du 28 février 2017 (motifs) par laquelle l’Office des transports du Canada (l’Office) a conclu au manquement de l’appelante à ses obligations en matière de niveau de services prévues par les articles 113 à 115 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10 (la Loi), du fait de son défaut de fournir des services ferroviaires directs à Univar Canada Ltd. (l’intimée ou Univar). En conséquence, l’Office a ordonné la prise de mesures de réparation, le tout sans frais.

[2]  L’appelante fonde sa contestation du bien-fondé de la décision de l’Office sur deux raisons principales. Premièrement, l’Office aurait commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique énoncé par la Cour suprême dans Patchett & Sons Ltd. c. Pacific Great Eastern Railway Co., [1959] R.C.S. 271 (Patchett), à son analyse de la question du manquement de l’appelante à ses obligations en matière de niveau de services en lien avec la reconstruction de la ligne endommagée. Deuxièmement, l’Office aurait commis une erreur en ne tenant pas compte du tarif de l’appelante et en ne l’appliquant pas. Pour les motifs suivants, je rejetterais le présent appel.

I.  Contexte

[3]  L’appelante est une compagnie de chemin de fer assujettie à la réglementation fédérale. L’intimée est un distributeur de produits chimiques et de produits et services connexes.

[4]  L’installation d’Univar est située sur l’île de Richmond, en Colombie-Britannique. Elle est reliée au réseau ferroviaire du CP par le pont Marpole, qui constitue le seul lien ferroviaire direct vers l’installation d’Univar. Le CP est la compagnie de chemin de fer qui dessert Univar depuis l’ouverture de l’installation en 1968.

[5]  Le 9 juillet 2014, le pont Marpole a été lourdement endommagé par un incendie causé par un tiers inconnu. Le 10 juillet 2014, l’appelante a imposé un embargo sur la circulation ferroviaire sur le pont. Le 29 juillet 2014, elle a avisé l’intimée que l’incendie était un cas de force majeure et qu’elle ne lui fournirait plus un service ferroviaire direct en raison des dommages causés par l’incendie. Du jour de l’incendie jusqu’à la date de la décision de l’Office, il semble que l’appelante n’ait pas transporté de wagons chargés sur le pont (sauf pour rapatrier 23 wagons appartenant à l’intimée bloqués à l’installation) ni n’ait pris de mesures pour réparer le pont ou amorcer le processus de cessation d’exploitation. En octobre 2014, l’appelante a présenté à l’intimée une offre de transfert du pont, laquelle a ultimement été refusée.

[6]  Les parties ne sont pas liées par un contrat confidentiel au sens de l’article 126 de la Loi. L’intimée a expédié des marchandises en vertu du tarif applicable à l’appelante. Conformément à l’article 87 de la Loi, le tarif d’une compagnie de chemin de fer s’entend du barème des prix, des frais et des autres conditions applicables au transport et aux services connexes. Selon le tarif applicable, l’appelante serait dispensée de ses obligations en matière de prestation de services envers l’intimée en cas de force majeure.

[7]  Le 29 septembre 2015, l’intimée a déposé auprès de l’Office une plainte portant sur le présumé manquement de l’appelante à ses obligations en matière de niveau de services prévues par les articles 113 à 116 de la Loi du fait de son défaut de lui fournir un service ferroviaire direct. Invoquant ses pertes financières et l’atteinte à sa réputation causées par le manquement de l’appelante, l’intimée a demandé une ordonnance enjoignant à l’appelante de reconstruire le pont et de l’indemniser pour la période allant de la date de l’incendie jusqu’à la reconstruction du pont. Au cours de l’instance, l’Office a admis en preuve des éléments supplémentaires présentés par l’appelante concernant des collisions de chalands avec le pont le 10 mars, le 19 mai et le 30 juillet 2016.

II.  Décision faisant l’objet du contrôle

[8]  L’Office a rendu sa décision le 28 février 2017. Il a d’abord passé en revue le droit applicable se rapportant aux obligations en matière de niveau de services prévues par la Loi et les dispositions législatives permettant à une compagnie de chemin de fer de cesser l’exploitation d’une ligne de chemin de fer au titre de l’article 146 de la Loi (motifs, par. 23 à 28 et 38). Il a observé que, suivant l’arrêt Patchett, le critère du caractère raisonnable s’applique à l’interprétation des obligations en matière de niveau de services (motifs, par. 29 et 30). Il s’est aussi fondé sur sa décision dans F. Ménard Inc. et Meunerie Côté-Paquette Inc. (no 268‑R‑2013) (Ménard) pour affirmer qu’en règle générale, la compagnie de chemin de fer doit prendre à sa charge l’entretien d’une ligne de chemin de fer, sauf si le coût des travaux est disproportionné au point de la décharger de ses responsabilités (motifs, par. 33 et 34). En outre, l’Office a cité la décision de son prédécesseur dans Canadien Pacifique Limitée (Compagnie de chemin de fer Esquimalt et Nanaimo), [1976] C.T.C. 353 (Esquimalt), à l’appui de l’idée suivante :

[37] […] une compagnie de chemin de fer ne peut pas se libérer de façon permanente de ses obligations statutaires par des moyens indirects, en décidant de ne pas remettre une ligne de chemin de fer en état. Plutôt, si une compagnie de chemin de fer estime qu’il serait déraisonnable d’un point de vue financier de remettre en état une ligne de chemin de fer, la compagnie de chemin de fer doit suivre les étapes prescrites par la loi pour transférer ou cesser d’exploiter la ligne.

[9]  Au final, l’Office a conclu que l’appelante avait manqué à ses obligations en matière de niveau de services, sauf pendant deux périodes de « pause raisonnable » découlant d’événements de force majeure, plus particulièrement pendant un an après l’incendie du pont et pendant 13 autres semaines après la collision d’un chaland en mars 2016. Ces périodes de « pause raisonnable » correspondaient au temps qu’il aurait fallu à l’appelante pour réparer le pont et rétablir le service ferroviaire direct à la suite des deux événements de force majeure (motifs, par. 65). L’Office a conclu que, sauf pendant ces deux périodes de « pause raisonnable », l’appelante a agi de façon déraisonnable et a manqué à ses obligations en matière de niveau de services envers l’intimée en refusant de réparer le pont et de rétablir le service ferroviaire direct. Citant notamment les décisions Esquimalt et Ménard, l’Office a tiré la conclusion suivante :

[66] L’affirmation de CP concernant une cessation prolongée ou indéfinie de ses obligations en matière de services uniquement en raison des coûts de reconstruction du pont Marpole est déraisonnable et contraire aux dispositions en matière de niveau de services de la LTC. La pause raisonnable devrait être limitée au temps dont aurait eu besoin CP pour remettre en état l’infrastructure endommagée en conséquence de chacun des événements de force majeure et recommencer à fournir le service direct à Univar, si CP avait décidé d’entreprendre de telles réparations sans délai.

[10]  Ayant conclu au manquement de l’appelante à ses obligations en matière de services envers l’intimée en dehors des deux périodes de pause, l’Office a statué (conformément à l’alinéa 116(4)c.1) de la Loi) que l’appelante était obligée d’indemniser l’intimée des frais que cette dernière a engagés dès la fin de la première pause raisonnable jusqu’au début de la deuxième pause raisonnable, et dès la fin de la deuxième pause raisonnable jusqu’à ce que l’appelante remette en état les infrastructures endommagées et recommence à fournir le service direct à l’expéditeur ou jusqu’à ce qu’elle mène à bien le processus de cessation d’exploitation (motifs, par. 77).

[11]  Le 20 décembre 2017, l’Office a rendu la décision no CONF-17-2017; il y a fixé le montant de l’indemnisation à verser par l’appelante et lui a ordonné de faire des versements mensuels continus jusqu’à ce que le pont soit remis en état ou que la ligne cesse d’être exploitée.

[12]  Le 28 février 2017, l’appelante a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de l’Office au titre de l’article 41 de la Loi, selon lequel il peut être interjeté appel sur une question de droit ou de compétence. Le 28 juin 2017, notre Cour a accordé l’autorisation demandée.

III.  Questions en litige

[13]  Notre Cour est saisie de deux questions en l’espèce, que je formulerais ainsi :

  1. L’Office a-t-il commis une erreur en n’appliquant pas le bon critère juridique?

  2. L’Office a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte du tarif de l’appelante?

IV.  Analyse

[14]  Bien qu’il s’agisse d’un appel statutaire, les principes de droit administratif s’appliquent (Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, [2015] 2 R.C.S. 3, par. 38), et les parties ont raison d’affirmer que la norme de contrôle applicable aux questions soulevées par l’appelante est celle de la décision raisonnable. Que ces questions soient qualifiées à bon escient de questions de droit ou de questions mixtes de fait et de droit (un point sur lequel je reviendrai plus loin), il ne fait aucun doute que l’Office dispose d’une large marge d’appréciation (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. BNSF Railway Company, 2018 CAF 135, par. 8; Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Office des transports), 2008 CAF 363, par. 49 à 51). Il est de jurisprudence constante que l’interprétation par les décideurs de leur loi constitutive, qu’ils connaissent particulièrement bien, commande la déférence lors du contrôle judiciaire (Edmonton (Ville) c. Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd., 2016 CSC 47, [2016] 2 R.C.S. 293, par. 22; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, par. 34; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 54).

[15]  Notre Cour a reconnu à maintes reprises, et dans diverses circonstances, l’expertise de l’Office (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Richardson International Limited, 2015 CAF 180, par. 25 à 31; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Office des transports), 2010 CAF 65, par. 27 à 29; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Greenstone (Municipalité), 2008 CAF 395, par. 52). Cette expertise est manifeste notamment lorsqu’il est appelé à statuer sur les plaintes relatives au niveau de services déposées au titre de la Loi. Comme l’a observé notre Cour au paragraphe 72 de l’arrêt Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Emerson Milling Inc., 2017 CAF 79 (Emerson Milling), l’évaluation des obligations en matière de niveau de services « relève à tous égards [du] savoir-faire réglementaire [de l’Office] et de sa mission, et c’est la raison même pour laquelle le législateur lui a conféré la compétence de juger au fond les affaires comme celle qui nous occupe et nous a réservé un simple rôle d’examen ».

[16]  Par conséquent, notre Cour appliquera la norme du caractère raisonnable à l’examen de la décision de l’Office portant sur la plainte de l’intimée. Ainsi, dans la mesure où la décision présente les attributs de « justification », de « transparence » et d’ « intelligibilité », et qu’elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », elle sera considérée raisonnable (Dunsmuir, par. 47). Le caractère raisonnable est tributaire du contexte, et je souscris entièrement au raisonnement de notre Cour dans Emerson Milling (par. 70) voulant que, s’agissant de l’interprétation et de l’application du paragraphe 113(1) de la Loi, un important facteur soit l’existence d’une jurisprudence obligatoire, en l’occurrence l’arrêt Patchett de la Cour suprême. Dans la mesure où l’Office retient une méthode défendable pour déterminer s’il y a eu ou non conduite raisonnable, une méthode conforme aux principes énoncés dans l’arrêt Patchett, et dans la mesure où il le fait en prêtant dûment attention aux éléments produits en preuve, la Cour doit s’abstenir de remettre en question sa décision (Emerson Milling, par. 73).

A.  L’Office a-t-il commis une erreur en n’appliquant pas le bon critère juridique?

[17]  L’appelante soutient que, bien que l’Office ait reconnu que la détermination du niveau de services voulu exige la recherche dans chaque cas de l’équilibre juste et raisonnable entre les intérêts de l’expéditeur et ceux de la compagnie de chemin de fer, celui-ci n’aurait pas établi un tel équilibre en l’espèce. Il aurait plutôt conclu à un manquement de sa part à ses obligations parce que l’interruption indéfinie du service sur le pont en raison du coût de la reconstruction était, en principe, déraisonnable. Pour cette raison, l’appelante affirme que l’Office lui aurait imposé une obligation absolue, s’écartant ainsi de l’arrêt Patchett. L’Office aurait en outre conclu à tort que la cessation de l’exploitation de la ligne de chemin de fer constituait la seule mesure de réparation possible. Le défaut de l’Office d’appliquer le bon critère juridique serait, selon l’appelante, assimilable à une erreur de droit conférant à la décision un caractère déraisonnable.

[18]  Avant d’examiner le bien-fondé de cette thèse, je dois me pencher sur la prétention de l’intimée selon laquelle notre Cour n’est pas dûment saisie de ce moyen d’appel, parce qu’il ne s’agit pas d’une question de droit ou de compétence au sens de l’article 41 de la Loi, mais plutôt d’une simple contestation de l’appréciation de la preuve faite par l’Office. Cette disposition ne confère à notre Cour que le pouvoir de connaître des appels prévus par la Loi qui soulèvent une question de compétence, ou encore une question ou un principe de droit isolable.

[19]  L’intimée a soulevé cette objection à l’étape de la demande d’autorisation, mais en vain semble-t-il. Ce n’est pas dire toutefois que la question a été tranchée de manière définitive. Il n’en est pas fait mention dans l’ordonnance accordant l’autorisation, et on ignore les raisons pour lesquelles cet argument n’a pas été retenu par le panel. Il se peut fort bien que l’argument ait été jugé intéressant, mais pas inattaquable ou, au contraire, peu convaincant, mais tout de même défendable. Quoi qu’il en soit, la question se pose toujours dans le contexte du présent appel, et la Cour doit s’assurer d’avoir compétence pour instruire l’instance (Emerson Milling, par. 56).

[20]  Dans son avis d’appel, l’appelante a énoncé ainsi son premier moyen d’appel :

[traduction]

L’Office a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le bon critère juridique aux obligations en matière de niveau de services du Chemin de fer Canadien Pacifique (le CP). L’Office a omis d’examiner les circonstances pertinentes afin de déterminer s’il était équitable sur le plan commercial et raisonnable pour les parties que le CP soit tenu de reconstruire le pont ferroviaire Marpole (le pont). L’Office a plutôt statué que le CP avait l’obligation absolue de reconstruire le pont et d’y assurer le service. Par conséquent, la décision représente pour le CP un résultat injuste et déraisonnable dans les circonstances.

[21]  Comme il a été mentionné, l’appelante s’étend sur ce moyen dans son mémoire des faits et du droit, mais celui-ci demeure essentiellement le même. Contrairement à l’intimée, je ne crois pas que l’appelante conteste simplement la façon dont l’Office a appliqué l’article 113 de la Loi aux faits de l’espèce ou la façon dont l’Office a apprécié la preuve. Au vu du mémoire de l’appelante et de la décision de l’Office, j’estime que le premier moyen d’appel se rapporte réellement à la détermination de la norme juridique applicable et soulève les deux questions suivantes : i) L’Office a-t-il commis une erreur de droit en concluant qu’en principe, il est déraisonnable de cesser de manière indéfinie d’exploiter une ligne de chemin de fer en raison du coût de la reconstruction? et ii) L’Office a‑t-il commis une erreur de droit en concluant qu’en principe, le seul moyen d’interrompre le service sur une ligne de chemin de fer est d’en cesser l’exploitation? Il s’agit manifestement de questions de droit isolables assimilables à celles envisagées à l’article 41 de la Loi.

[22]  Sur le fond, l’intimée soutient que l’Office a manifestement compris la nécessité de trouver un équilibre raisonnable entre les intérêts des parties, compte tenu des faits qui lui ont été présentés. Elle affirme qu’au final, l’Office a conclu que le coût des travaux de réparation du pont n’était pas disproportionné au point de décharger de façon permanente l’appelante de ses obligations en matière de services prévues par la Loi. Selon l’intimée, cette conclusion appelle la déférence en appel et cadre tant avec la jurisprudence qu’avec la Loi.

[23]  Les articles 113 à 115 de la Loi énoncent les obligations en matière de niveau de services des compagnies de chemin de fer assujetties à la réglementation fédérale. L’article 113, la disposition déterminante pour les besoins du présent appel, exige de la compagnie de chemin de fer qu’elle fournisse des installations convenables pour les marchandises à transporter et qu’elle transporte les marchandises aux prix indiqués dans un tarif ou un contrat confidentiel :

113 (1) Chaque compagnie de chemin de fer, dans le cadre de ses attributions, relativement au chemin de fer qui lui appartient ou qu’elle exploite :

113 (1) A railway company shall, according to its powers, in respect of a railway owned or operated by it,

a) fournit, au point d’origine de son chemin de fer et au point de raccordement avec d’autres, et à tous les points d’arrêt établis à cette fin, des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises à transporter par chemin de fer;

(a) furnish, at the point of origin, at the point of junction of the railway with another railway, and at all points of stopping established for that purpose, adequate and suitable accommodation for the receiving and loading of all traffic offered for carriage on the railway;

b) fournit les installations convenables pour le transport, le déchargement et la livraison des marchandises;

(b) furnish adequate and suitable accommodation for the carriage, unloading and delivering of the traffic;

c) reçoit, transporte et livre ces marchandises sans délai et avec le soin et la diligence voulus;

(c) without delay, and with due care and diligence, receive, carry and deliver the traffic;

d) fournit et utilise tous les appareils, toutes les installations et tous les moyens nécessaires à la réception, au chargement, au transport, au déchargement et à la livraison de ces marchandises;

(d) furnish and use all proper appliances, accommodation and means necessary for receiving, loading, carrying, unloading and delivering the traffic; and

e) fournit les autres services normalement liés à l’exploitation d’un service de transport par une compagnie de chemin de fer.

(e) furnish any other service incidental to transportation that is customary or usual in connection with the business of a railway company.

(2) Les marchandises sont reçues, transportées et livrées aux points visés à l’alinéa (1)a) sur paiement du prix licitement exigible pour ces services.

(2) Traffic must be taken, carried to and from, and delivered at the points referred to in paragraph (1)(a) on the payment of the lawfully payable rate.

[…]

(4) Un expéditeur et une compagnie peuvent s’entendre, par contrat confidentiel ou autre accord écrit, sur les moyens à prendre par la compagnie pour s’acquitter de ses obligations.

(4) A shipper and a railway company may, by means of a confidential contract or other written agreement, agree on the manner in which the obligations under this section are to be fulfilled by the company.

[24]  Est également pertinent en l’espèce l’article 112 de la Loi, aux termes duquel les prix et les conditions visant les services fixés par l’Office doivent être « commercialement équitables et raisonnables vis-à-vis des parties ». Enfin, l’article 116 de la Loi fait état des conséquences du manquement par une compagnie de chemin de fer à ses obligations en matière de services. Tout d’abord, une plainte peut être déposée auprès de l’Office au titre du paragraphe 116(1). Si l’Office la juge fondée, il peut prendre un certain nombre de mesures de réparation prévues par le paragraphe 116(4) de la Loi. En outre, le paragraphe 116(5) de la Loi confère un droit d’action pour « quiconque souffre préjudice » de la négligence ou du refus d’une compagnie de chemin de fer de s’acquitter de ses obligations en matière de services. L’intimée a introduit en Cour fédérale une telle action, laquelle est en suspens jusqu’à ce qu’il soit statué sur le présent appel.

[25]  La décision de la Cour suprême dans Patchett est l’arrêt de principe sur la suffisance du service offert par une compagnie de chemin de fer. Dans cette affaire, se posait la question de savoir si la compagnie de chemin de fer avait manqué à son obligation par suite du refus de ses employés de franchir une ligne de piquetage syndical dans les locaux du client. Les juges majoritaires ont conclu que, dans ces circonstances, il incombait au client d’intenter une action en justice pour faire retirer la ligne de piquetage illégale (elle était illégale parce qu’il s’agissait d’un conflit de travail auquel le client n’était pas partie). Par conséquent, il a été conclu que la compagnie de chemin de fer n’avait pas manqué à ses obligations en matière de niveau de services. À cet égard, le juge Rand a fait les observations suivantes :

[traduction]

Indépendamment de la loi, il est tenu pour acquis que, lorsqu’une entreprise privée assure un service de transport public à titre d’entreprise commerciale, si elle‑même n’est pas en faute, elle dispose des moyens normaux pour remplir ses obligations. Sous tous leurs aspects, les engagements pris par le transporteur ne l’obligent que dans la mesure du raisonnable et seule est absolue sa responsabilité traditionnelle d’assureur de marchandises. Ces obligations constituent les éléments de base des dispositions législatives générales. Cette réserve concernant les conditions raisonnables s’applique à l’un des aspects de la question qui fait l’objet de la présente plainte, soit la disponibilité des installations et du matériel. Par exemple, un chemin de fer n’est pas tenu d’avoir en tout temps suffisamment de wagons pour satisfaire à la demande. Ses besoins financiers sont son premier souci et jouent un rôle essentiel dans son exploitation vu qu’ils sont rattachés à son obligation d’assurer le transport à des prix raisonnables. Les particuliers qui ont investi du capital ont assumé les risques de l’exploitation; ils ne peuvent être tenus de se ruiner en donnant plus que n’exige leur entreprise de service public, un service raisonnable. Sauf en cas de disposition expresse ou d’obligation légale, ces conditions s’appliquent à toute l’activité du transporteur. Tel est le champ d’obligations dans lequel se trouve placé le transporteur qui relève de la Loi.

(Patchett, p. 274 et 275)

[26]  À la suite de cette décision, notre Cour a réaffirmé à maintes reprises que l’évaluation d’une plainte relative au niveau de services s’articule autour de la notion du caractère raisonnable (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Dreyfus, 2016 CAF 232, par. 20 (Dreyfus); Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Office des transports du Canada, 2013 CAF 270, par. 21; Emerson Milling, par. 71; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Northgate Terminals Ltd., 2010 CAF 147, par. 35 et 36 (Northgate)).

[27]  Ayant attentivement lu la décision de l’Office, je suis d’avis que celui-ci a énoncé le droit avec exactitude et qu’il l’a appliqué de manière raisonnable. Une lecture de la décision dans son ensemble laisse voir que l’Office était manifestement conscient de son obligation de rechercher un équilibre raisonnable entre les intérêts des deux parties compte tenu du contexte factuel de l’affaire dont il était saisi. Dans son aperçu du droit applicable et de la jurisprudence pertinente, l’Office insiste à maintes reprises sur la nature relative des obligations en matière de niveau de services (motifs, par. 23 à 38). Les paragraphes suivants revêtent une importance particulière :

[28] Pour que l’Office soit convaincu qu’une compagnie de chemin de fer n’a pas manqué à ses obligations en matière de niveau de services, cette dernière doit présenter des preuves qui démontrent les efforts qu’elle a déployés en vue de fournir des installations convenables pour le transport des marchandises de l’expéditeur ou encore présenter des raisons convaincantes justifiant pourquoi elle n’est pas en mesure de répondre raisonnablement à la demande de l’expéditeur.

[…]

[30]  Dans l’affaire Patchett […], la [Cour suprême] a conclu que les obligations des compagnies de chemin de fer en matière de niveau de services ne sont pas absolues, mais plutôt relatives et que le devoir d’une compagnie de chemin de fer est [traduction] « empreint du caractère raisonnable dans tous les aspects de ce qu’elle entreprend, à l’exception de sa responsabilité particulière, d’origine historique, à titre d’assureur des biens » (p. 274). Autrement dit, une compagnie de chemin de fer ne peut pas être tenue de s’acquitter de ses obligations en matière de niveau de services s’il n’est pas raisonnablement possible de le faire. […]

[31]  Dans la décision [Northgate], la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la façon dont le principe du caractère raisonnable énoncé dans l’affaire Patchett doit être appliqué, et fait valoir que pour rendre une décision relativement à une telle plainte, l’Office doit mettre en balance les intérêts de la compagnie de chemin de fer avec ceux du plaignant dans le contexte des faits particuliers de l’affaire.

[…]

[34] En conséquence, l’Office a conclu que les coûts imposés à une compagnie de chemin de fer par une tierce partie ne constituent pas nécessairement un cas de force majeure. En général, on s’attend plutôt à ce qu’une compagnie de chemin de fer assume les coûts nécessaires pour entretenir sa ligne et s’acquitter de ses obligations statutaires en matière de niveau de services, sauf si les coûts pour le faire sont à ce point disproportionnés qu’il est justifié d’exempter la compagnie de chemin de fer de son devoir statutaire de fournir le service.

[Non souligné dans l’original.]

[28]  L’Office réitère ces principes dans son analyse. En guise d’introduction à la partie de ses motifs consacrée aux obligations en matière de niveau de services, l’Office s’exprime ainsi :

[60] Un examen minutieux des dispositions statutaires pertinentes et de la jurisprudence […] révèle de toute évidence que d’une part, les expéditeurs ont droit à des services de transport ferroviaire continus de leurs marchandises sur une ligne existante, à moins de circonstances extraordinaires et jusqu’à ce que l’exploitation de cette ligne soit dûment transférée ou abandonnée et que, d’autre part, une compagnie de chemin de fer n’est pas tenue de fournir le service qu’elle fournissait auparavant si des facteurs en dehors de son contrôle font en sorte qu’il est impossible ou manifestement déraisonnable de le faire. La façon dont ces facteurs sont pris en compte dépendra des circonstances précises de chaque cas. En règle générale, une interruption de l’obligation, qui existerait autrement, de fournir le service ferroviaire sur la ligne devrait être limitée le plus possible, conformément à l’objectif des dispositions sur le niveau de services.

[Non souligné dans l’original.]

[29]  Compte tenu de ce qui précède, il est difficile de conclure que, dans sa décision, l’Office impose une obligation absolue à l’appelante ou rejette l’éventualité que les coûts de reconstruction d’une voie ferrée puissent, en principe, justifier une interruption de service indéfinie. En fait, l’Office affirme tout le contraire au paragraphe 34 de ses motifs.

[30]  À mon sens, l’Office a simplement conclu dans sa décision qu’en l’espèce, le coût des travaux de réparation estimé par l’appelante n’est pas suffisamment élevé pour la décharger de façon permanente des obligations que lui impose la Loi de fournir un service ferroviaire direct à l’intimée. L’Office aurait pu s’exprimer avec plus de clarté. Toutefois, contrairement à l’opinion exprimée dans les motifs dissidents, je ne crois pas que l’absence de motifs plus complets soit suffisante pour qualifier la décision de l’Office de déraisonnable. Il convient de rappeler qu’en ce qui concerne la suffisance des motifs, « [o]n ne [s’attend] […] pas à […] la perfection » (Société canadienne des postes c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CAF 56, par. 163). Dans l’ensemble, les motifs de l’Office fournissent à une cour de révision une explication adéquate des raisons pour lesquelles celui-ci a conclu que l’appelante avait manqué à ses obligations en matière de niveau de services envers l’intimée et permettent de déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables. Qui plus est, le simple fait que l’Office ait tiré des conclusions différentes dans d’autres circonstances factuelles ne démontre en rien, contrairement à ce que laisse entendre l’appelante, que sa décision en l’espèce est déraisonnable.

[31]  La conclusion à laquelle l’Office est arrivé, à savoir que le coût des travaux de réparation estimé par l’appelante n’est pas suffisamment élevé pour la décharger de façon permanente des obligations que lui impose la Loi, repose largement sur les faits de l’espèce et n’est pas fondée sur une mauvaise compréhension des principes juridiques applicables. Je suis convaincu que, pour en arriver à cette conclusion, l’Office a examiné l’ensemble des éléments de preuve qui lui ont été présentés et dont il a fait mention aux paragraphes 6 à 17, 45 et 51 à 53 de ses motifs. Je suis également convaincu, notamment à la lumière de son résumé très exhaustif présenté aux paragraphes 39 à 59 de ses motifs, que l’Office a tenu dûment compte des observations des deux parties concernant les obligations de l’appelante en matière de niveau de services et qu’il les a bien comprises. À mon avis, exiger de l’Office qu’il trouve une formule mathématique précise our une méthode normalisée pour l’évaluation du caractère raisonnable des obligations prévues par la Loi minerait la souplesse nécessaire à l’évaluation d’une notion aussi fluide que le « niveau de services ».

[32]  La conclusion de l’Office concorde également avec l’objet des dispositions sur le niveau de services. Les obligations des transporteurs publics prévues par les articles 113 à 115 de la Loi imposent des normes de services élevées aux compagnies de chemin de fer parce qu’elles visent à contrebalancer le déséquilibre des positions de négociation entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer, ainsi qu’à établir des règles équitables malgré le monopole ou le quasi-monopole qu’une compagnie de chemin de fer peut exercer. Comme l’a déclaré l’Office dans l’affaire Louis Dreyfus Commodities Canada Ltd. c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 3 octobre 2014, lettre-décision no 2014-10-03, cas no 14-02100 (Dreyfus LTC), confirmée par notre Cour dans Dreyfus :

[10] […] les dispositions [les articles 113 à 116] visent à s’assurer que le niveau de services n’est pas établi strictement en fonction des intérêts et des préférences d’une compagnie de chemin de fer, surtout là où ces dernières peuvent exercer un monopole sur des expéditeurs captifs. Pour interpréter ces dispositions, il faut leur donner la construction et l’interprétation justes, vastes et libérales qui leur permettent le mieux d’atteindre leurs objectifs. Cela signifie qu’une interprétation très restrictive qui ne respecte pas ces objectifs doit être rejetée.

(Dreyfus LTC, par. 10, cité avec approbation dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Emerson Milling Inc., 2017 CAF 86, par. 41, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 37645 (22 février 2018).)

[33]  La décision à l’étude contient, j’en conviens, des déclarations ambiguës qui, « sorties de leur contexte et lues isolément » pour reprendre les termes de mon collègue le juge Stratas dans Emerson Milling (par. 81), pourraient étayer l’interprétation de l’appelante. Les déclarations faites aux paragraphes 37 et 63 de la décision de l’Office sont ainsi formulées :

[37] La décision [Esquimalt] explique clairement qu’une compagnie de chemin de fer ne peut pas se libérer de façon permanente de ses obligations statutaires par des moyens indirects, en décidant de ne pas remettre une ligne de chemin de fer en état. Plutôt, si une compagnie de chemin de fer estime qu’il serait déraisonnable d’un point de vue financier de remettre en état une ligne de chemin de fer, la compagnie de chemin de fer doit suivre les étapes prescrites par la loi pour transférer ou cesser d’exploiter la ligne.

[63] Une telle pause raisonnable devrait se distinguer du processus de cessation d’exploitation de la ligne de chemin de fer, où les obligations de la compagnie de chemin de fer relatives à l’exploitation de la ligne de chemin de fer sont supprimées. Tant que ce processus n’est pas mené à bien, une compagnie de chemin de fer ne peut pas être libérée indéfiniment de ses obligations en matière de niveau de services.

[34]  L’appelante comprend ces paragraphes comme signifiant que [traduction] « lorsque le coût du rétablissement du service sur une voie ferrée est démesuré sur le plan financier, le seul moyen de se soustraire au service est de cesser de l’offrir » (mémoire des faits et du droit de l’appelante, par. 75). Pour cette raison, elle affirme que l’Office a mal interprété et mal appliqué sa décision antérieure dans Esquimalt. Je ne suis pas du même avis. Suivant une lecture équitable de ces paragraphes, et au vu de la décision dans son ensemble, il me semble que l’Office affirme en fait que, si les coûts d’exploitation d’une ligne sont élevés, mais pas assez élevés pour justifier une cessation complète du service au titre des dispositions sur le niveau de services, le seul recours qui s’offre à une compagnie de chemin de fer est la cessation de l’exploitation.

[35]  Une telle lecture de la décision concorde non seulement avec les décisions antérieures de l’Office dans Esquimalt et Ménard, entre autres, mais elle cadre également avec l’économie de la Loi. Le processus de transfert et de cessation d’exploitation prévu à la section V de la partie III de la Loi permet expressément aux compagnies de chemin de fer comme l’appelante de cesser l’exploitation de lignes de chemin de fer qu’elles jugent non rentables. Ces dispositions (art. 140 à 146.6 de la Loi) énoncent une procédure ordonnée et obligent les compagnies de chemin de fer à attendre de 14 à 27 mois avant de mettre fin à l’exploitation d’une ligne. Permettre à une compagnie de chemin de fer de décider unilatéralement de ne pas réparer ses lignes et, partant, de contourner indirectement les exigences qui lui incombent, aurait pour effet de tourner en dérision ce processus complexe.

[36]  Ce n’est pas dire qu’il ne peut jamais y avoir de circonstances particulières dans lesquelles le fardeau financier de la reconstruction d’une ligne, dont les dommages n’ont pas été causés par la faute de la compagnie de chemin de fer, l’emportera sur l’intérêt public dans la reconstruction de la ligne. C’est précisément le genre d’évaluation qu’il vaut mieux confier à un tribunal spécialisé comme l’Office. En l’espèce, l’Office a conclu qu’aucune circonstance de ce genre n’avait été établie, et l’appelante ne m’a pas convaincu que cette conclusion n’appartient pas aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[37]  En résumé, je conclus que la décision de l’Office n’impose pas une obligation absolue de service à l’appelante ni n’exclut la possibilité que le coût des travaux de réparation puisse, dans des circonstances exceptionnelles, décharger de façon permanente une compagnie de chemin de fer de ses obligations en matière de niveau de services prévues par la Loi. Je crois plutôt qu’elle établit un équilibre raisonnable entre les intérêts des parties en l’espèce, comme l’exige l’arrêt Patchett. En fait, loin d’être inflexible, l’Office a déclaré que l’appelante, même si celle-ci n’a pas présenté de demande de cessation d’exploitation, n’était pas tenu d’offrir des services à l’intimée pendant deux périodes de pause raisonnables totalisant un an et trois mois, ce qui, à son avis, représentait le temps que l’appelante aurait mis à effectuer les travaux de réparation des infrastructures endommagées par deux événements de force majeure survenus le 9 juillet 2014 et le 10 mars 2016. Comme l’a fait remarquer l’intimée, si l’appelante avait amorcé le processus de cessation de l’exploitation prévu par la Loi dès après le premier incident, la période pour laquelle elle aurait été tenue responsable aurait pu être aussi courte que deux mois.

[38]  Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais donc ce premier moyen d’appel.

B.  L’Office a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte du tarif de l’appelante?

[39]  L’appelante fait valoir que la décision de l’Office selon laquelle elle a manqué à ses obligations envers l’intimée parce qu’elle n’a pas remis en état le pont ou qu’elle a abandonné la ligne est également incompatible avec les modalités de son tarif, qui, selon elle, régit leur relation. Plus précisément, elle affirme que l’Office a eu tort de conclure qu’un cas de force majeure ne peut offrir qu’une dispense temporaire de service, alors que le tarif indique clairement qu’il est uniquement nécessaire de prendre des [traduction] « mesures raisonnables » pour régler le problème. Selon l’appelante, la décision est déraisonnable du fait du défaut de l’Office de tenir compte du tarif et de l’appliquer.

[40]  Cet argument peut être facilement écarté. Les obligations en matière de niveau de services sont prévues par la Loi et sont assujetties au critère du caractère raisonnable énoncé dans l’arrêt Patchett. Ce n’est que lorsque les parties ont conclu un « contrat confidentiel » que l’Office peut appliquer les modalités du contrat plutôt que le critère du caractère raisonnable énoncé dans Patchett (Compagnie des chemins de fer nationaux c. Viterra Inc., 2017 CAF 6, par. 64 à 66). Cette exception est prévue aux paragraphes 113(4) et 116(2) de la Loi :

113(4) Un expéditeur et une compagnie peuvent s’entendre, par contrat confidentiel ou autre accord écrit, sur les moyens à prendre par la compagnie pour s’acquitter de ses obligations.

113(4) A shipper and a railway company may, by means of a confidential contract or other written agreement, agree on the manner in which the obligations under this section are to be fulfilled by the company.

116 (2) Dans les cas où une compagnie et un expéditeur conviennent, par contrat confidentiel, de la manière dont la compagnie s’acquittera de ses obligations prévues par l’article 113, les clauses du contrat lient l’Office dans sa décision.

116 (2) If a company and a shipper agree, by means of a confidential contract, on the manner in which service obligations under section 113 are to be fulfilled by the company, the terms of that agreement are binding on the Agency in making its determination.

[41]  En l’espèce, l’Office a conclu que les parties n’avaient pas conclu de contrat confidentiel (motifs, par. 8). Il s’agit d’une conclusion de fait qui n’est pas susceptible d’appel devant notre Cour et que l’appelante n’a pas contestée.

[42]  Le tarif sur lequel se fonde l’appelante est tout à fait distinct d’un contrat confidentiel; en effet, il est établi unilatéralement par la compagnie de chemin de fer au titre des articles 117 à 119 de la Loi, tandis qu’un contrat résulte nécessairement d’une entente entre les parties. La Loi établit une distinction entre un tarif et un contrat confidentiel dans diverses dispositions, dont les paragraphes 116(6) et 121(1), les alinéas 126(1)b) et c) et l’article 136.4 de la Loi.

[43]  Au sens de l’article 87 de la Loi, le « tarif » s’entend du « [b]arème des prix, frais et autres conditions applicables au transport et aux services connexes ». Bien qu’un outil puissant à la disposition des compagnies de chemin de fer, le tarif n’a certainement pas pour effet de modifier leurs obligations en matière de niveau de services prévues par la Loi. Il serait certes extraordinaire que ces compagnies puissent ainsi modifier unilatéralement les obligations que la Loi leur impose envers les expéditeurs.

[44]  Quoi qu’il en soit, et même si je convenais, pour les fins de la discussion, que le tarif en cause puisse modifier les obligations de l’appelante en matière de niveau de services, je ne vois pas quelle en serait l’incidence sur la conclusion de l’Office. La partie pertinente du tarif est ainsi libellée :

[traduction]

16. Force majeure

a) L’expéditeur ou le destinataire, ou le CP sont déchargés des obligations que leur imposent le contrat ou les tarifs applicables, exception faite des obligations relatives à la sécurité, si le client ou le CP ne peut s’acquitter de ses obligations ou doit en reporter l’exécution du fait d’un événement inévitable ou raisonnablement indépendant de sa volonté, et notamment une catastrophe naturelle, un acte posé par un ennemi de la Couronne ou un ennemi public, une inondation, un éboulement, un glissement de terrain, un glissement de neige, un emportement par les eaux, une avalanche, une tempête, un séisme, une expropriation, un incendie ou une explosion, une grève, un lock-out, un débrayage ou un autre conflit de travail, une guerre, un acte de sabotage, une émeute, une insurrection, un déraillement, une pénurie de main-d’œuvre, une panne d’électricité ou une pénurie de carburant, ainsi que l’action ou l’omission d’agir de tout organisme gouvernemental ou de réglementation. Le manque de fonds n’est pas assimilable à un événement de force majeure.

b) Tous les délais prévus dans les tarifs applicables sont prolongés d’une période correspondant à la période durant laquelle l’événement de force majeure se poursuit et, dans les limites de ce qui est raisonnablement possible, la partie touchée prend toutes les mesures raisonnables pour redresser la situation de force majeure; […] En cas de force majeure, la partie touchée transmet promptement à l’autre partie un avis écrit l’informant de l’événement en question et lui fournissant des précisions suffisantes; elle l’avise promptement du règlement de la situation de force majeure. Le défaut de fournir un avis n’empêche pas une partie de se fonder sur l’existence d’une situation de force majeure.

[Non souligné dans l’original.]

[45]  Je ne peux que constater que la clause susmentionnée du tarif ressemble beaucoup au critère énoncé dans l’arrêt Patchett. Dans une certaine mesure, le tarif même restreint davantage que la norme jurisprudentielle les actions de l’appelante, car son libellé semble plus rigoureux. Loin d’indiquer clairement, comme l’appelante le fait valoir, que les événements de force majeure emportent dispense permanente de service, j’estime que la disposition en cause semble plutôt indiquer le contraire. Plus précisément, la mention de [TRADUCTION] « la période durant laquelle l’événement de force majeure se poursuit » semble indiquer que, plus souvent qu’autrement, il ne s’agira que d’une dispense temporaire. De plus, il convient de souligner la mention dans le tarif selon laquelle [TRADUCTION] « [l]e manque de fonds n’est pas assimilable à un événement de force majeure ».

[46]  J’estime donc que ce deuxième moyen d’appel est loin d’être convaincant.

V.  Conclusion

[47]  Par conséquent, je rejetterais l’appel de la décision de l’Office avec dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »


LE JUGE PELLETIER (motifs dissidents)

[48]  J’ai pris connaissance des motifs de mon collègue, mais je ne puis me rallier à son avis concernant le caractère raisonnable de la décision de l’Office. J’estime que les motifs de l’Office ne permettent ni à notre Cour, ni, surtout, à l’appelante de comprendre pourquoi l’Office a conclu au caractère déraisonnable de sa position selon laquelle elle devrait être libérée de ses obligations en matière de niveau de services envers Univar en raison du coût disproportionné des travaux de réparation du pont Marpole.

[49]  La Cour suprême a énoncé, dans le contexte d’instances pénales, les fonctions que remplissent les motifs :

1.  Les motifs révèlent aux parties touchées par la décision pourquoi cette décision a été rendue. […]

2.  Les motifs constituent un moyen de rendre compte devant le public de l’exercice du pouvoir judiciaire; non seulement justice est rendue, mais il est manifeste qu’elle est rendue. […]

3.  Les motifs permettent un examen efficace en appel. […]

R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, par. 11, [2008] 3 R.C.S. 3.

[50]  Il existe une jurisprudence abondante en droit administratif voulant que les motifs qui ne permettent pas à une cour de révision d’exercer efficacement sa compétence de surveillance aboutiront à la conclusion que la décision du tribunal est déraisonnable : Canada (Procureur général) c. Franchi, 2011 CAF 136, par. 36; Lloyd c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 115, par. 24; Canada c. Kabul Farms Inc., 2016 CAF 143, par. 33 à 35; Canadian Centre for Bio-Ethical Reform v. South Coast British Columbia Transportation Authority, 2018 BCCA 344, par. 53. Voir aussi Leahy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227, par. 136 et 137, [2014] 1 R.C.F. 766; Ragupathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 151, [2007] 1 R.C.F. 490.

[51]  En outre, une certaine jurisprudence enseigne que les plaideurs doivent pouvoir comprendre la décision d’un tribunal. Dans Lake c. Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23, [2008] 1 R.C.S. 761 (Lake), appel du contrôle judiciaire visant l’arrêté du ministre de la Justice dans la procédure d’extradition, la Cour suprême a fait les observations suivantes :

Deux objectifs sous‑tendent son obligation [de motiver sa décision] : permettre à l’intéressé de comprendre la décision et à la cour de révision d’apprécier le bien‑fondé de celle‑ci.

Lake, par. 46 [Non souligné dans l’original.]

[52]  Au paragraphe 11 de Newfoundland and Labrador v. Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, 2010 NLCA 13, la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador a affirmé que [traduction] « les motifs doivent être suffisants pour permettre aux parties de comprendre le fondement de la décision du tribunal et pour procéder au contrôle judiciaire de celle‑ci ». Il y a lieu de noter que, dans ses motifs (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, par. 9, [2011] 3 R.C.S. 708) (Newfoundland Nurses), la Cour suprême du Canada a cité ce passage, mais n’est pas revenue sur ce point.

[53]  Au paragraphe 29 de l’arrêt Clifford v. Ontario Employees Retirement System, 2009 ONCA 670 (Clifford), la Cour d’appel de l’Ontario s’est exprimée en ces termes :

[traduction]

En droit administratif, les motifs doivent être suffisants pour remplir leurs fonctions, et notamment permettre à la personne dont les droits, les privilèges ou les biens sont touchés de savoir pourquoi la décision a été rendue et pour permettre un contrôle judiciaire efficace.

[Non souligné dans l’original.]

[54]  La décision Clifford a été citée avec approbation par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique au paragraphe 30 de Gichuru v. Law Society of BC, 2010 BCCA 543.

[55]  Le même argument a été soulevé dans Wall v. Office of the Independent Police Review Director, 2014 ONCA 884, arrêt qui contient le passage suivant au paragraphe 62 :

[traduction]

Mais, comme l’a fait remarquer la Cour divisionnaire, ils doivent au moins répondre à la question « Pourquoi? ». Le plaignant et le tribunal judiciaire (pour les besoins du contrôle) ont le droit de connaître les éléments essentiels justifiant le rejet de la plainte. [Non souligné dans l’original.]

Voir aussi Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, par. 83, [2011] 1 R.C.S. 160 (motifs concordants de la juge Deschamps), Spinks v. Alberta (Law Enforcement Review Board), 2011 ABCA 162, par. 30.

[56]  Même si, au paragraphe 15 de l’arrêt Administration de l’aéroport international de Vancouver c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CAF 158, [2011] 4 R.C.F. 425, notre Cour a déconseillé d’importer en droit administratif les positions sur la suffisance des motifs qui se dégagent du droit criminel, la jurisprudence en droit administratif enseigne que l’un des principaux objectifs des motifs est de permettre aux parties de comprendre le fondement de la décision du tribunal. Par conséquent, il me semble que les tribunaux judiciaires appelés à statuer sur la suffisance de motifs ne devraient pas uniquement déterminer si les motifs leur permettent d’exercer efficacement leur compétence de surveillance, mais devraient également se demander si les motifs seront intelligibles pour le plaideur moyen. Une simple déclaration quant au respect ou au non-respect d’une norme donnée ne suffit donc pas.

[57]  En l’espèce, l’Office n’explique pas pourquoi il a rejeté l’argument de l’appelante concernant le coût des travaux de réparation du pont Marpole et, partant, ses motifs sont insuffisants.

[58]  L’appelante s’appuie sur l’arrêt Patchett & Sons Ltd c. Pacific Great Eastern Railway Co., [1959] R.C.S. 271 (Patchett). La Cour suprême y a reconnu que, malgré les obligations légales imposées aux compagnies de chemin de fer, il y a lieu d’évaluer l’exécution par ces compagnies, des entités privées redevables à leurs actionnaires, de leurs obligations en matière de niveau de services en fonction du caractère raisonnable du coût y afférent; en d’autres termes, le devoir légal est relatif et non absolu : Patchett, p. 274, 309 et 311. 

[59]  L’Office a lui aussi reconnu qu’une compagnie de chemin de fer ne devrait pas être déchargée à la légère de ses obligations en matière de niveau de services, mais qu’elle peut en être dispensée si « les coûts […] sont à ce point disproportionnés qu’il est justifié d’exempter la compagnie de chemin de fer de son devoir statutaire de fournir le service » : motifs, par. 34.

[60]  L’appelante affirme qu’en l’espèce, le coût considérable de la réparation du pont Marpole au regard des revenus modestes générés par le trafic de l’intimée « signifie qu’elle ne récupérera jamais son investissement sur un bien ayant une durée de vie de 100 ans » : motifs, par. 52. L’Office a résumé ainsi l’argument de l’appelante :

CP fait valoir que la reconstruction du pont Marpole n’est pas une solution raisonnable compte tenu des coûts que la mesure implique, du temps nécessaire pour la reconstruction, des incertitudes réglementaires pour les autorisations visant le pont, des faibles volumes de circulation en cause, de l’incertitude entourant les éventuels volumes de circulation, et de la disponibilité d’une option de transbordement immédiate à des points d’entreposage ferroviaire à proximité, une option qu’Univar a utilisée, selon elle, pour [SUPPRESSION] de ses marchandises mêmes avant l’incendie.

Motifs, par. 53

[61]  Dans son analyse, l’Office examine les principes juridiques en jeu et le contexte législatif, en particulier les dispositions relatives à la cessation d’exploitation qui se trouvent à la section V de la partie 3 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10. Il traite de l’application éventuelle des dispositions relatives à la cessation d’exploitation et de la possibilité d’une suspension temporaire des obligations d’une compagnie de chemin de fer en matière de niveau de services. Il tire ensuite la conclusion suivante :

L’affirmation de CP concernant une cessation prolongée ou indéfinie de ses obligations en matière de services uniquement en raison des coûts de reconstruction du pont Marpole est déraisonnable et contraire aux dispositions en matière de niveau de services de la LTC.

Motifs, par. 66

[62]  Cette conclusion est ambiguë. Elle pourrait signifier qu’une compagnie de chemin de fer ne peut jamais obtenir la suspension indéfinie de ses obligations en matière de services uniquement en raison du coût des travaux de réparation. Cette thèse pose problème à la lumière de l’arrêt Patchett. Il se peut aussi que l’Office ait voulu dire que l’appelante n’avait pas démontré que le coût des travaux de réparation du pont Marpole est disproportionné. Une telle conclusion ne se dégage pas manifestement de ce que nous savons du coût des travaux de réparation du pont.

[63]  Dans un cas comme dans l’autre, il faut des explications plus approfondies. Comme il a été mentionné, il ne suffit pas de déclarer tout simplement que la thèse de l’appelante est déraisonnable. En outre, avant de décider si la décision de l’Office est conforme à l’arrêt Patchett de la Cour suprême, notre Cour doit comprendre le raisonnement ayant mené l’Office à une telle conclusion.

[64]  Le tribunal ne peut pas simplement énoncer correctement le critère juridique à appliquer; il doit effectivement l’appliquer : Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, par. 39; Sawyer c. Alberta (Energy and Utilities Board), 2007 ABCA 297, par. 15.

[65]  La déférence nous oblige à examiner les motifs d’un tribunal en tenant compte du dossier et, pour reprendre une expression du domaine des brevets, avec un esprit désireux de comprendre : Newfoundland Nurses, par. 15; Gabeyehu c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1493 (C.F. 1re inst.) (QL), par. 4. La déférence ne nous oblige pas à décharger un tribunal supérieur comme l’Office de son obligation de motiver sa décision :

Il ne s’ensuit pas [de la déférence] que les cours de justice doivent s’incliner devant les conclusions des décideurs ni qu’elles doivent respecter aveuglément leurs interprétations. […]

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, par. 48, [2008] 1 R.C.S. 190.

[66]  En l’espèce, l’Office n’a tout simplement pas traité de l’argument d’ordre financier sur lequel l’appelante s’est fondée. Il ne s’agit pas d’un cas où il est possible de discerner le raisonnement implicite (et donc non explicité) du tribunal en reliant les points sur la page; il n’y a pas de points sur la page : Komolafe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431, par. 11, cité avec approbation dans Delta Air Lines Inc. c. Lukács, 2018 CSC 2, par. 28, [2018] 1 R.C.S. 6.

[67]  Il s’ensuit des notions de transparence, de justification et d’intelligibilité que l’appelante doit comprendre pourquoi, même s’il est considérable, le coût de fournir un niveau de services générant des revenus modestes ne revêt pas un caractère déraisonnable ou disproportionné. Les principes de raisonnabilité et de proportionnalité supposent un lien rationnel qui peut être exprimé. L’Office n’a pas exprimé son point de vue sur ce lien en l’espèce. Par conséquent, nous ne pouvons exercer véritablement notre compétence de supervision.

[68]  Il est tout aussi important de noter que l’appelante ne comprend pas le fondement de la décision de l’Office, et moi non plus.

[69]  Par conséquent, j’accueillerais l’appel et je renverrais l’affaire à l’Office pour qu’il effectue un nouvel examen.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-242-17

 

 

INTITULÉ :

COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE c. UNIVAR CANADA LTD.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 NOVEMBRE 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

 

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER FÉVRIER 2019

 

COMPARUTIONS :

Me Simon Coval

Me Bridget Gilbride

Me Kerry Kaukinen

 

POUR L’aPPELANTE

 

Me Forrest C. Hume

Me P. John Landry

Me Alex Hudson

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau DuMoulin LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR L’APPELANTE

 

DLA Piper (Canada) LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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