Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20081212

Dossiers : A-297-07

A-298-07

A-299-07

A-300-07

Référence : 2008 CAF 398

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

A-297-07

2529-1915 QUÉBEC INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

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A-298-07

2530-1284 QUÉBEC INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

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A-299-07

ROBERT LANGLOIS

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

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A-300-07

RALPH E. FARAGGI

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 22 octobre 2008.

Jugement rendu à Ottawa, Ontario, le 12 décembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20081212

Dossiers : A-297-07

A-298-07

A-299-07

A-300-07

Référence : 2008 CAF 398

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

A-297-07

2529-1915 QUÉBEC INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

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A-298-07

2530-1284 QUÉBEC INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

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A-299-07

ROBERT LANGLOIS

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

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A-300-07

RALPH E. FARAGGI

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

 

[1]               Il s’agit de quatre appels dirigés à l’encontre de décisions rendues par le juge en chef adjoint Rip de la Cour canadienne de l’impôt (tel était son titre) (le « juge de la CCI ») confirmant, suite à une audition commune et dans le cadre d’un seul jeu de motifs, les cotisations émises par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1, (5e suppl.) (la « Loi ») avec pénalité à l’encontre de chacun des appelants.

[2]               Le litige émane d’une planification fiscale très élaborée conçue et mise en œuvre en 1987 par les appelants Langlois et Faraggi, le premier fiscaliste et le deuxième spécialiste en droit corporatif, alors qu’ils étaient membres de l’étude légale Stikeman Elliott à Montréal (ci-après, « Langlois et Faraggi » ou « les concepteurs »). Les appelantes 2529-1915 Québec Inc. et 2530-1284 Québec Inc. sont des sociétés constituées par les concepteurs et dont le rôle fut clef dans la mise en œuvre de leur plan (ci-après, « 1915 Inc. » et « 1284 Inc. » ou « les sociétés appelantes »).

 

[3]               Les quatre appels devant nous comme ceux devant la CCI furent entendus dans le cadre d’une audition commune. Langlois et Faraggi ont soulevé les mêmes arguments au soutien de leurs appels respectifs et les sociétés appelantes ont fait de même. Les présents motifs traitent et disposent des quatre appels et seront déposés pour valoir comme motifs du jugement dans chacun des dossiers.

 

LES FAITS

 

[4]               Le plan conçu par Langlois et Faraggi avait comme but de produire des gains en capital entre les mains d’une série de sociétés afin de constituer des comptes de dividendes en capital (« CDC ») et de transmettre, sujet au paiement d’une considération monétaire, l’avantage fiscal que comportent ces CDC à des sociétés non liées désireuses d’en bénéficier (ci après, les « tierces sociétés »). À la fin de l’exercice, Langlois et Faraggi avaient ensemble empoché la somme de
12 345 255 $ (le calcul détaillé de cette somme est reproduit à l’annexe 3 du jugement sous appel).

 

[5]               La mise en œuvre du plan s’est effectuée en deux volets impliquant une trentaine de sociétés constituées à cette fin. Langlois et Faraggi en étaient les administrateurs et en détenaient le contrôle. La première série d’opérations débuta le 13 août 1987 et la deuxième, qui comportait deux étapes, se déroula à compter du 9 septembre 1987. Les transactions sont complexes. Elles sont décrites en détail dans l’exposé des faits qui fut déposé par les appelants devant la Cour canadienne de l’impôt (Dossier d’Appel (A-300-07), vol. II, pp. 200 à 336), et résumées par le juge de la CCI aux paragraphes 11 à 17 (première série d’opérations), et 19 et 20 (deuxième série d’opérations) de ses motifs.

 

[6]               Sans m’éloigner du résumé effectué par le juge de la CCI si ce n’est que d’apporter deux précisions au cours de l’analyse, je propose de m’en tenir aux aspects du plan qui sont essentiels à la disposition des appels.

 

[7]               La première série d’opérations fut financée par un prêt assimilable à une avance d’un jour (décrite dans la preuve comme étant un « daylight overdraft ») de l’ordre de 10 000 100 $ consenti par la Banque Royale pendant quelque temps durant la journée du 13 août 1987. Le prêt fut consenti à 2258-5644 Québec Inc., une société incorporée par Langlois et Faraggi (ci-après, « 2258 Inc. » ou « la première filiale »). La deuxième série fut financée par Langlois et Faraggi à même les argents qu’ils ont générés au cours de la première série d’opérations. Au total, des gains de l’ordre de 109 998 900 $ ont été générés par la première série d’opérations constituant ainsi un CDC cumulatif égal à 54 999 450 $. La deuxième série a engendré en deux étapes des gains de
123 688 763 $ (soit 58 899 411 $ à la première étape et 64 789 352 $ à la deuxième) donnant lieu à un CDC cumulatif égal à 61 844 381 $. Ces CDC, jusqu’à concurrence de la somme de
82 712 000 $, furent éventuellement transmis aux tierces sociétés.

 

[8]               Avant de poursuivre, quelques mots sur le fonctionnement des CDC sont de mise. Un CDC est constitué par la portion non-imposable d’un gain en capital généré par une société (la moitié du gain réalisé pendant la période qui nous occupe). L’objectif législatif est de permettre qu’un gain en capital soit imposé de même façon, qu’il soit réalisé en main propre par un particulier ou indirectement par l’entremise de sa société. Le système mis en place prévoit à cette fin que, sujet à ce que les choix prescrits soient effectués, la partie non-imposable d’un gain en capital une fois incluse dans un CDC par la société qui l’a réalisé, préserve son caractère exempt lorsque transmis d’une société à une autre par voie de dividende et ce, jusqu’à sa distribution ultime à un particulier sous forme de dividende non-imposable aussi appelé « dividende en capital ».

 

[9]               Puisque l’avantage que comporte un CDC n’est pas disponible à tous (par exemple, un actionnaire non-résident ne pouvait recevoir de dividendes en franchise d’impôt), ce système, qui date des années 1970, a graduellement donné lieu à des sociétés riches en CDC mais desquels les actionnaires ne pouvaient bénéficier. Certaines techniques de planification fiscale furent alors développées afin de permettre la transmission de ces CDC à des sociétés détenues par des actionnaires mieux en mesure de les utiliser. Ce sont ces techniques qui ont inspiré le plan mis de l’avant par les concepteurs (Témoignage de Robert Langlois, Dossier d’Appel (A-300-07), vol. VIII, pp. 61 à 63 (1518 à 1520)).

 

[10]           Contrairement à ce qui se faisait à l’époque, le montage mis en place par les concepteurs n’a pas comme point de départ des sources existantes de CDC. Il comporte un volet additionnel permettant la génération de gains en capital de façon à constituer des CDC. Le mode utilisé dans la première série d’opérations illustre bien comment les concepteurs du plan s’y sont pris pour générer ces gains, et transmettre les CDC en résultant aux tierces sociétés. C’est en fonction de cette première série que le juge de la CCI a effectué son analyse et je propose faire de même puisque les appelants ne se sont pas opposés à l’approche utilisée par le juge de la CCI sur ce plan.

 

[11]           Une série de 13 sociétés (« A Inc. » à « M Inc. » dans le sommaire du juge de la CCI), chacune détenant à part entière les actions ordinaires de celle qui la suit en chaîne verticale, fut d’abord créée. L’avance consentie par la Banque Royale à la première filiale fut déposée dans son compte (ouvert auprès de la même banque) et utilisée pour faire émettre un chèque certifié pour un montant de 10 000 000 $ en paiement d’un bloc d’actions privilégiées de 10,000 actions émises par la deuxième filiale; la deuxième filiale a par la suite utilisé le 10 000 000 $ ainsi reçu pour faire émettre un chèque certifié de cet ordre et acquérir un bloc identique d’actions émises par la troisième filiale, laquelle a par la suite acquis les actions privilégiées de la quatrième, ainsi de suite jusqu’à ce que la douzième filiale ait acquis les actions privilégiées émises par la treizième.

 

[12]           La deuxième filiale, après avoir émis les actions privilégiées et après qu’elles furent souscrites par la première filiale, a déclaré un dividende en actions de 10,000 actions. Les actions ainsi émises avaient une valeur de rachat très élevée (i.e., 10 000 000 $) et un capital versé très bas soit 0,01 $ l’action ou 100 $ au total. La troisième filiale déclara un dividende en actions identique en faveur de la deuxième filiale en tant que détentrice de ces actions privilégiées, ainsi de suite jusqu’à la douzième filiale, de sorte que douze des treize filiales dans la chaîne détenaient à la fin de cet aspect des opérations des actions de catégorie spéciale ayant un coût fiscal (i.e., prix de base rajusté (« PBR »)) très bas et une valeur de rachat très élevée (ci-après, « les actions génératrices de gains »). Les actions génératrices de gains sont identifiées comme étant celles de la catégorie « K » dans le sommaire du juge de la CCI.

 

[13]           La deuxième filiale a subséquemment vendu les actions génératrices de gains à la première filiale pour un montant égal à leur valeur de rachat, soit 10 000 000 $. Cette dette fut constatée par un billet à ordre payable sur demande. Compte tenu du fait que les actions génératrices de gains avaient un coût fiscal de 100 $ (0,01 $ x 10,000), elle réalisa ainsi un gain en capital de 9 999 900 $. Cette vente des actions génératrices de gains à la première filiale fut effectuée selon les mêmes modalités par chacune des autres filiales dans la chaîne (sauf la treizième) générant ainsi sur papier des gains cumulatifs de 109 998 900 $.

 

[14]           La treizième filiale a permis à la première filiale de rembourser le prêt bancaire de
10 000 100 $ en déclarant en sa faveur un dividende en espèce d’une valeur correspondante payé par chèque certifié le 13 août à la fin de l’exercice. La première filiale a utilisé le montant ainsi reçu pour rembourser la banque.

 

[15]           Suite à la vente des actions génératrices de gains, onze des filiales (la deuxième à la douzième inclusivement) avaient sur papier un CDC égal à la moitié du gain ainsi réalisé, soit au total 54 999 450 $ (motifs, para. 16 f)). Ces onze filiales ont à cette étape modifié la valeur nominale des actions génératrices de gains, alors toutes détenues par la première, de manière à faire passer leur valeur nominale de 0,01 $ à 500 $. Ce faisant, elles provoquaient entre les mains de la première filiale un dividende présumé de l’ordre de 54 998 900 $ en vertu du paragraphe 84(1) de la Loi. Cette disposition prévoit que lorsqu’une société augmente le capital versé de ses actions, leur détenteur est réputé avoir touché un dividende égal à l’augmentation, soit en l’occurrence
500 $ x 110,000 actions = 55 000 000 $ moins le PBR des actions génératrices de gains, i.e., 1 100 $ (motifs, para. 16 h)).

 

[16]           Chacune de la deuxième à la douzième filiale a fait, à l’égard de ce dividende présumé, le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi selon lequel le dividende :

 

a) […] est réputé être un dividende en capital jusqu’à concurrence du montant du compte de dividendes en capital de la corporation immédiatement avant le moment donné; et

b) aucune partie du dividende ne doit être incluse dans le calcul du revenu de tout actionnaire de la corporation.

 

 

(a) … shall be deemed to be a capital dividend to the extent of the corporation’s capital dividend account immediately before the particular time; and

(b) no part of the dividend shall be included in computing the income of any shareholder of the corporation.

 

 

[17]           Conformément aux prescriptions du sous-alinéa 89(1)b)(ii) de la Loi, la première filiale a inclus dans son CDC le dividende présumé. En vertu de cette disposition, une société privée doit inclure dans le calcul de son CDC, des montants reçus :

 

(ii)  […],à titre de dividende versé sur une action du capital-actions d’une autre corporation, somme qui, en vertu du paragraphe 83(2), n’a pas été incluse dans le calcul du revenu de la corporation.

(ii)  … in respect of a dividend … on a share of the capital stock of another corporation in the period, which amount was, by virtue of subsection 83(2), not included in computing the income of the corporation,

 

 

 

[18]           Ainsi suite aux choix effectués pour les onze filiales, des CDC cumulatifs de
54 998 900 $ furent acheminés à la première filiale (motifs, para. 16 i)). Le ou vers le 21 août 1987, l’appelante 1915 Inc. a souscrit à un bloc d’actions privilégiées émises par la première filiale au prix de 55 023 216 $ (motifs, para. 16 k)). Immédiatement après, la première filiale a déclaré un dividende de 49 566 000 $ en faveur de 1915 Inc. en tant que détentrice des actions privilégiées (motifs, para. 16 l)), et a effectué le choix prévu au paragraphe 83(2) pour indiquer que le dividende provenait de son CDC. Le gros des CDC générés par les filiales se situait donc à ce point entre les mains de 1915 Inc., prêt à être transmis aux tierces sociétés.

 

[19]           Plus tard, le 14 septembre 1987, les concepteurs ont fait en sorte que les filiales qui avaient généré les gains enregistrent une perte équivalente aux gains (i.e., 110 000 000 $) en vendant à Faraggi pour 100 $ les actions privilégiées acquises au coût de 10 000 000 $.

 

[20]           La transmission des CDC par 1915 Inc. aux tierces sociétés a eu lieu à différents moments entre le 2 et le 22 septembre 1987. Ces tierces sociétés étaient détenues par des actionnaires désireux de recevoir sur une base libre d’impôt des surplus accumulés dont la distribution aurait par ailleurs été imposable. Elles avaient été pressenties par les concepteurs au cours des mois précédents.

 

[21]           La transmission du CDC détenu par 1915 Inc. aux tierces sociétés s’est effectuée en deux étapes. Les tierces sociétés ont d’abord chacune souscrit à des actions privilégiées de différentes catégories du capital-actions de 1915 Inc. Ces actions avaient toutes une valeur nominale minime – par exemple 0,01 $ – et un prix de rachat élevé – par exemple 1 000 $. Une fois souscrites, 1915 Inc. a versé un dividende en espèce de 999 99 $, ce qui avait pour effet de réduire la valeur de rachat à 0,01 $, tout en effectuant le choix prévu au paragraphe 83(2), selon lequel le dividende était réputé prélevé à même son CDC. (Le procureur des sociétés appelantes a expliqué lors de l’audition que contrairement à ce que le juge de la CCI dit dans ses motifs (motifs, para. 16 n) (i) et para. 3), le dividende en question n’était pas un dividende réputé, mais bien un dividende en espèce. Rien par contre ne découle de cette erreur.) Les tierces sociétés voyaient ainsi leurs propres CDC augmenter d’autant en vertu du sous-alinéa 89(1)b)(ii) de la Loi (voir le para. 17 ci-haut). Le plan prévoyait comme dernière étape le rachat par 1915 Inc. des actions privilégiées à leur valeur de rachat réduite de 0.01 $.

 

[22]           Chose importante, le plan prévoyait qu’une prime devait être payée par les tierces sociétés lors de la souscription des actions privilégiées émises par 1915 Inc. Par exemple, si la valeur de rachat était de 1 000 $, la tierce société devait payer 1 210 $ l’action. C’est cette prime de 210 $ par action qui a permis aux deux sociétés appelantes de cumuler des excédents (8 105 344 $ dans le cas de 1915 Inc. et 4 677 717 $ dans le cas de 1284 Inc.) après avoir versé les dividendes en espèce et effectué le rachat des actions (voir les annexes 1 et 2 du jugement sous appel qui présentent le calcul des excédents générés par les sociétés appelantes).

 

[23]           En procédant de la même façon que les tierces sociétés (sans toutefois payer la prime pour les actions privilégiées), les concepteurs sont devenus actionnaires et ont touché des dividendes payés par 1915 Inc. (et trois autres sociétés constituées par eux). Les dividendes ainsi payés étaient de l’ordre de 6 085 762 $ dans le cas de Langlois et de l’ordre de 6 025 624 $ dans le cas de Faraggi. Au mois de décembre de l’année suivante, un autre dividende de l’ordre de 116 934 $
(233 868 $ au total) leur fut payé. Les sociétés qui ont versé ces dividendes ont fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de sorte que les dividendes reçus par les concepteurs étaient aussi réputés être des dividendes en capital.

 

[24]           Il importe de souligner que les concepteurs, à l’étape de la mise en oeuvre de leur plan, ont obtenu une opinion (sous courte et longue forme) confirmant les effets juridiques de leur plan pour le bénéfice de leurs clients (les opinions sont reproduites aux annexes 5 et 6 du jugement sous appel). Ces opinions sont signées par Me Maurice Régnier, un éminent praticien qui était à l’époque associé sénior de l’étude Stikeman Elliott.

 

[25]           Me Régnier a témoigné devant le juge de la CCI et fut interrogé sur la portée de cette opinion. Le procès-verbal d’une réunion qui a eu lieu le 12 mai 1989 entre Me Régnier et les représentants du ministre, révèle qu’il ne s’est pas intéressé à la source des CDC (motifs, para. 51) :

 

La source des CDC n’a jamais été mise en doute par Me Régnier; on a présumé que cette source était des opérations réelles et légitimes donnant lieu à des augmentations des CDC; dans la mesure où il pouvait y avoir des inexactitudes quant au montant, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoyait que l’auteur du transfert était assujetti à l’impôt de la partie III, mais que le CDC du bénéficiaire du transfert ferait l’objet d’une pleine augmentation. Me Régnier n’a jamais envisagé, c’est le moins qu’on puisse dire, la possibilité d’une tromperie.

 

Me Régnier n’a pas posé de questions sur le montant important des CDC mentionné dans l'avis long du 2 septembre 1987 qu’il a donné à Me Langlois – environ 49,6 millions de dollars. Dans son esprit, il croyait que Me Langlois avait « trouvé » une source d’une ampleur analogue à SNC, et il s’est également souvenu que Me Langlois avait fait mention d’accords bancaires et d’une relation chez Dominion Securities. [Référence omise.]

 

Comme Me Régnier allait partir en voyage pour deux semaines en septembre 87, c’est Me Langlois qui se chargerait de la « clôture » de ses opérations touchant les CDC.

 

Me Régnier n’a jamais participé à la conclusion d'aucune des opérations.

 

 

Le juge de la CCI a accepté le témoignage de Me Régnier selon lequel il s’était penché sur les dispositions invoquées par les concepteurs pour donner effet à leur plan sans se prononcer d’aucune façon sur la source des CDC, puisque cela ne faisait pas partie de son mandat (motifs, para. 52). L’appréciation faite par le juge de la CCI du témoignage de Me Régnier n’est pas remise en question dans le cadre des appels.

 

[26]           Langlois et Faraggi, forts de cette opinion, ont traité les dividendes qu’ils ont reçus comme ayant été payés en franchise d’impôt. Leurs déclarations de revenus pour les années 1987 et 1988 ne reflètent aucune inclusion au titre des dividendes qu’ils ont reçus.

 

[27]           De même, les deux sociétés appelantes n’ont pas fait état des excédents qu’elles ont générés dans leurs déclarations d’impôt pour l’année 1987. Selon les sociétés appelantes, le fait que ces excédents provenaient d’une prime payée par les tierces sociétés à même le coût de souscription à des actions, faisait en sorte qu’ils représentaient des contributions de capital, et étaient donc libres d’impôt.

 

Les cotisations

 

[28]           Par cotisations émises en date du 16 août 1995, le ministre ajouta dans le calcul du revenu des sociétés appelantes pour leur année d’imposition 1987, les excédents générés au cours de l’année (soit 8 105 344 $ dans le cas de 1915 Inc. et 4 677 717 $ dans le cas de 1284 Inc.) avec pénalité. Selon le ministre, ces excédents constituaient des revenus d’entreprise entre les mains des sociétés appelantes, et ces dernières avaient sciemment ou dans des circonstances équivalentes à faute lourde, omis d’en faire état dans le calcul de leur revenu pour ladite année.

 

[29]           Le ministre a aussi ajouté au revenu de Langlois et Faraggi les dividendes qu’ils ont reçus au cours de leurs années d’imposition 1987 et 1988 majorés du tiers (le dividende total ainsi cotisé était de 8 114 350 $ en 1987 et 155 912 $ en 1988 dans le cas de Langlois, et de 8 034 166 $ en 1987 et 155 912 $ en 1988 dans le cas de Faraggi). Une pénalité fut aussi prélevée.

 

[30]           Selon le ministre, la vente par les filiales des actions génératrices de gains, malgré toute apparence, n’a pas donné lieu à des gains en capital. Il s’agit à cet égard de transactions qui constituent un trompe-l’œil. Il s’ensuit que les filiales n’avaient pas de CDC et n’ont pu verser de dividendes en capital aux sociétés appelantes. Ces dernières ne pouvaient non plus verser un dividende en faveur des concepteurs à même leurs CDC, puisqu’elles ne disposaient pas de CDC.

 

[31]           Les appelants s’opposèrent aux cotisations, lesquelles furent éventuellement confirmées par la décision du juge de la CCI rejetant les quatre appels.

 

DÉCISION DE LA CCI

 

[32]           Le juge de la CCI débute son analyse en citant la définition élargie du mot « entreprise » qui apparaît au paragraphe 248(1) de la Loi. Il poursuit en disant (para. 79) :

 

Ce ne sont pas tous les genres d’activités qui peuvent être considérés comme une entreprise; un certain caractère commercial doit être présent. Le « plan » prévoyant le
« transfert » ultérieur de CDC à des tiers et le versement de dividendes aux particuliers appelants, la sollicitation, directe ou indirecte, de personnes qui pourraient bénéficier du « transfert » de CDC, et certains autres actes des appelants participaient tous de l'entreprise commerciale. Rien ne les différencie de l’élaboration d’un produit, de sa fabrication et de sa vente par une personne exploitant une entreprise. […]

 

 

[33]           Il ajoute plus loin (idem) :

 

[…] Le fait que l’intention des parties était dissimulée derrière de prétendues ententes, des émissions d’actions, des déclarations de dividendes et de dividendes réputés, des gains en capital et des choix faits en vertu du paragraphe 83(2) ne change rien à l’intention des appelants et à ce qu’ils ont fait en réalité. Les sociétés appelantes exploitaient une entreprise consistant à produire des dividendes, qu’elles présentaient comme des dividendes provenant de leurs comptes de dividendes en capital, et ces comptes, à tout le moins, elles les ont en réalité transférés à des tiers à profit. Les profits ou une partie de ceux-ci étaient ensuite distribués aux particuliers appelants à titre de dividendes devant être inclus dans le revenu de ces particuliers tel qu'il est établi dans les cotisations. Ces dividendes n’ont pas été versés sur le CDC de l’une quelconque des sociétés. Il n'y avait aucun montant qui pouvait faire l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi.

 

 

[34]           Le juge de la CCI cite ensuite la définition du terme « sham » énoncée par Lord Diplock dans Snook v. London & West Riding Investments, Ltd., [1967] 1 All E.R. 518 à la page 528, ainsi que certaines décisions de la Cour suprême qui ont donné effet à la notion de « sham » en droit canadien. [Le ministre dans ses cotisations et le juge de la CCI dans son jugement utilisent l’expression « trompe-l’œil » pour illustrer en français la notion de « sham ». Les mots « artifice », « faux-semblant », « simulacre » et « frime » sont aussi utilisés dans la jurisprudence canadienne. À mon avis le mot « frime » est le plus approprié si l’on tient compte de son sens premier qui évoque un comportement « volontairement trompeur […] en apparence seulement (cf. Pour la galerie) », Le Nouveau Petit Robert, Nouvelle édition, à la page 974. C’est d’ailleurs ce mot qui fut utilisé par la Cour suprême dans la première décision qu’elle a rendue traitant de la notion de « sham » telle qu’énoncée dans Snook, supra (Ministre du Revenu national c. Cameron, [1974] R.C.S. 1062). J’utilise dorénavant le mot « frime » pour évoquer la notion de « sham »]. Après avoir effectué cette revue, le juge de la CCI conclut (para. 86) :

Pour qu’il y ait un[e] [frime], les contribuables doivent avoir agi de façon à tromper l’administration fiscale quant à leurs véritables rapports juridiques. Le contribuable crée une apparence qui n’est pas conforme à la situation réelle.

 

 

[35]           Le juge de la CCI fait ensuite référence à la décision de la Cour suprême dans Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312 et en particulier à l’énoncé du juge Iacobucci à la page 328 :

 

[…] En l'absence d'une preuve que l'opération est [une frime] ou qu'elle représente un abus des dispositions de la Loi, il n'appartient pas à un tribunal de déterminer si elle rend le contribuable admissible à une déduction. […] 

 

[Je souligne.]

 

Selon le juge de la CCI, ce passage indiquerait que les notions de « frime » et d’« abus des dispositions de la Loi » sont analogues (motifs, para. 87, note 34).

 

[36]           Le juge de la CCI tire ensuite la conclusion suivante (para. 87) :

 

Dans les appels dont je suis saisi, les éléments essentiels des opérations effectuées par les appelants présentent les aspects fondamentaux d’un[e] [frime]. Il y a eu abus des dispositions de la Loi. Le prétendu prêt initial de 10 000 100 $, la déclaration de dividendes en actions et de dividendes ordinaires, l’échange corrélatif de billets et les gains et pertes en capital masquaient un exercice entrepris de concert par les appelants afin de gagner un revenu par le biais d’une série d’opérations fictives. [Référence omise.]

 

 

[37]           Au-delà de cette conclusion qui semble dirigée à l’encontre du plan dans son ensemble, le juge de la CCI conclut que le prêt consenti par la Banque Royale constituait une frime (motifs, para. 90). Selon le juge de la CCI, le prêt en question était un prêt de consommation et à l’époque, le Code civil du Bas-Canada prévoyait que l’emprunteur devenait propriétaire de la chose prêtée (motifs, paras. 88 et 89). Or, selon son analyse, les emprunteurs n’avaient pas « la jouissance absolue » des fonds prêtés (motifs, para. 90). De plus, aucun intérêt ne fut payé (idem).

 

[38]           Le juge de la CCI a aussi conclu que les billets à ordre, émis par la première filiale au cours de la première série d’opérations pour faire l’acquisition des actions génératrices de gains auprès des onze filiales, constituaient des frimes. Selon lui, ces billets ne créaient pas de réelles obligations, puisqu’on n’avait jamais envisagé qu’ils soient honorés. Seule la somme symbolique de 100 $ s’avérait disponible à la première filiale pour servir au paiement. Le juge de la CCI en conclut que les onze filiales n’avaient aucune intention d’être payées sur la foi de ces billets (motifs, paras. 91 et 92).

 

[39]           Quant aux pénalités, le juge de la CCI conclut (motifs, para. 96) :

[…] Les appelants ont sciemment exécuté et promu une série d’opérations sachant qu’elles étaient artificielles et constituaient un abus de certaines dispositions de la Loi. Ils ont néanmoins rempli et produit les déclarations de revenus en cause, ou ont fait en sorte que ces déclarations soient remplies, sachant fort bien que les renseignements figurant dans les déclarations relatives à chacun des appelants pour 1987 et dans les déclarations relatives aux particuliers appelants pour 1988 comportaient de faux énoncés ou des omissions. Les sociétés appelantes savaient qu’elles exploitaient une entreprise et leurs bénéfices ont été maquillés en dividendes versés sur des CDC. Quant aux particuliers appelants, ils savaient que les dividendes qu’ils avaient reçus des sociétés appelantes étaient des dividendes imposables. […]

 


ERREURS ALLÉGUÉES DANS LA DÉCISION SOUS APPEL

 

[40]           Les quatre appelants reprochent au juge de la CCI de s’être fondé sur des règles non existantes pour conclure à l’existence d’une frime. Ils précisent que compte tenu de l’époque à laquelle se sont déroulées les transactions en cause, ni la Règle Générale Anti-Évitement (« RGAE »), ni la règle maintenant prévue au paragraphe 83(2.1) de la Loi n’étaient en vigueur (cette dernière disposition qui selon les appelants fut ajoutée à la Loi en réaction à leur plan prévoit qu’à compter du 25 septembre 1987, un dividende assujetti au choix prévu au paragraphe 83(2), n’est pas un dividende en capital si son paiement s’inscrit dans le cadre d’une série d’opérations dont l’objet est de recevoir un dividende en capital).

 

[41]           Les appelants dans leurs mémoires respectifs citent les extraits suivants de la décision sous appel pour démontrer que le juge de la CCI s’est inspiré de la RGAE et du concept d’abus :

[80]      […] La façon dont ils souhaitaient arriver à leurs fins était incompatible avec l’objet et l’esprit de l’article 89 et des paragraphes 52(3), 83(2) et 84(1) de la Loi.

 

[…]

 

[87]      Dans les appels dont je suis saisi, les éléments essentiels des opérations effectuées par les appelants présentent les aspects fondamentaux d’un[e] [frime]. Il y a eu abus des dispositions de la Loi. Le prétendu prêt initial de 10 000 100 $, la déclaration de dividendes en actions et de dividendes ordinaires, l’échange corrélatif de billets et les gains et pertes en capital masquaient un exercice entrepris de concert par les appelants afin de gagner un revenu par le biais d’une série d’opérations fictives.

 

[…]

 

[93]      […] Enfin, il est manifeste qu’il y a eu abus de certaines dispositions précises de la Loi, contrairement à l’objet et à l’esprit de celles-ci.

[Soulignement par les appelants]

[42]           Les appelants prétendent que la preuve ne permet pas de conclure à l’existence d’une frime selon l’approche traditionnelle réservée à cette doctrine. Ils soulignent que la documentation juridique reflète l’intention véritable des parties et l’effet véritable des transactions intervenues entre elles. Les souscriptions d’actions ont eu lieu, de véritables dividendes furent versés, des choix furent effectués, les montants qui devaient être payés l’ont été et la documentation révèle précisément ce qui s’est passé. Il n’y avait pas de la part des parties aux transactions quelque intention que ce soit de faire croire à l’existence d’une « transaction simulée », pour dissimuler une « transaction réelle cachée » (Snook, supra, p. 545).

 

[43]           Selon les appelants, l’analyse du juge de la CCI dans son ensemble a été faussée par son approche axée sur la RGAE, et l’application de règles désuètes telle la « réalité économique », étendant ainsi la notion de frime au-delà de celle qui était applicable en 1987, lorsque les transactions ont eu lieu. Ils citent à cet égard plusieurs articles publiés dans diverses revues fiscales qui critiquent vertement la décision du juge de la CCI et en particulier son application de la notion de frime (Me Timothé Huot, « Sham – As Bad As It Gets », Tax Topics, Toronto : CCH, numéro 1857, 11 octobre 2007; Me Thomas E. McDonnell, « CDA Tax Scheme Voided – Sham Doctrine Expanded? », Tax for the Owner-Manager, Association canadienne d’études fiscales, volume 7, numéro 4, octobre 2007; Me Laura Stoddard, « Stretching the Sham Doctrine? », Revue fiscale canadienne (2007) volume 55, numéro 4, pp. 850 à 853).

 

[44]           Quant à la conclusion ciblée selon laquelle le prêt d’un jour était une frime, les appelants soumettent que les chèques certifiés qui furent encaissés constituent indubitablement un paiement valide. Selon les appelants, le juge de la CCI a erré en concluant que le découvert bancaire consenti par la Banque Royale, était une frime.

 

[45]           Les appelants ajoutent que contrairement à ce qu’a conclu le juge de la CCI, aucun des billets à ordre n’a été annulé sans considération. Les billets ont été annulés soit suite à un paiement par chèque ou, dans la mesure où deux parties avaient l’une envers l’autre des dettes d’un montant équivalent, par voie de compensation. Ils ajoutent que contrairement à ce que le juge de la CCI semble comprendre, les billets n’avaient pas comme fonction de servir de mode de paiement.

 

[46]           Les appelants prétendent comme argument alternatif que même s’il y avait frime de sorte qu’aucun gain en capital ne fut réalisé, les cotisations sont tout de même mal fondées. À cet égard, les sociétés appelantes et les concepteurs font valoir des arguments distincts.

 

[47]           Les sociétés appelantes soutiennent pour leur part que, gain en capital ou pas, le ministre ne pouvait traiter la prime payée par les tierces sociétés lors de la souscription des actions comme étant un revenu d’entreprise. Selon elles, il est bien établi que les souscriptions d’action ne sont pas des opérations commerciales et ce, peu importe le but poursuivi par la société qui émet les actions. (Les décisions de la Cour suprême dans Irrigation Industries Ltd. v. The Minister of National Revenue, [1962] R.C.S. 346 (para. 21); et de la CCI dans Molstad Development Co. Ltd. v. Her Majesty the Queen, 97 D.T.C. 913; et de cette Cour dans Queenswood Land Associated Ltd. v. Her Majesty the Queen, 2000 D.T.C. 6065 (para. 30) sont citées au soutien de cette proposition). Les sociétés appelantes ajoutent qu’il n’existe parmi les « principes commerciaux reconnus » et les « principes comptables généralement reconnus » aucune règle qui suggère ou laisse entendre qu’une société puisse réaliser un « bénéfice » résultant d’un montant reçu suite à une souscription d’actions.

 

[48]           D’autre part, Langlois et Faraggi soulignent le fait que le législateur a spécifiquement prévu à la Partie III de la Loi le cas d’une société qui déclare un dividende lorsque le montant de son CDC ne suffit pas à couvrir le montant du dividende. Dans ces circonstances, le paragraphe 184(2) prévoit que la société peut payer un impôt spécial égal aux trois quarts du montant de l’insuffisance auquel cas, le dividende excessif conserve son caractère non-imposable entre les mains des actionnaires. Selon Langlois et Faraggi, c’est la Partie III qui devait être appliquée selon les faits ici en cause.

 

[49]           Langlois et Faraggi font aussi valoir que le paragraphe 83(2) est une disposition mandatoire selon laquelle un dividende « est réputé être un dividende en capital ». Selon les concepteurs, cette disposition a pour effet de traiter le dividende présumé reçu par la première filiale comme étant un dividende en capital et ce, sans égard au fait que les filiales qui ont versé ce dividende aient ou non généré un gain en capital.

 

[50]           Dans la même veine, le sous-alinéa 89(1)(b)(ii) prévoit qu’une société qui reçoit un dividende suite à un choix effectué sous le paragraphe 83(2) « doit » inclure le montant ainsi reçu dans son CDC. Il s’ensuit que même si les filiales n’avaient aucun CDC à l’origine, la première filiale devait inclure dans son CDC les dividendes reçus. Le même raisonnement s’applique au dividende subséquent et ce jusqu’à la distribution ultime.

[51]           Finalement, Langlois et Faraggi insistent sur le fait que les filiales, qui ont généré les gains en capital donnant lieu aux CDC, n’ont jamais été recotisées. En l’absence de cotisations annulant les gains dûment déclarés par les filiales, le ministre était tenu de respecter les conséquences fiscales qui découlent des choix qui furent effectués par ces dernières.

 

Position de l’intimée

 

[52]           L’avocat de l’intimée nous demande de rejeter les quatre appels. Il s’en remet entièrement aux motifs retenus par le juge de la CCI.

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[53]           Les parties, dans leurs mémoires respectifs, n’ont pas traité de la norme de contrôle. Les avocats ont reconnu lors de l’audition que les questions de droit sont assujetties à la norme de la décision correcte, alors que les questions de fait et les questions mixtes ne peuvent être révisées en l’absence d’une erreur manifeste (Housen v. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235).

 

La notion de « frime » en droit canadien

 

[54]           L’attaque principale dirigée à l’encontre de la décision du juge de la CCI est qu’il aurait indûment élargi la notion de frime. À cet égard, les appelants ont raison de dire que l’état du droit en 1987 ne permettait pas au juge de la CCI de faire fi des transactions ou d’en écarter les effets au seul motif qu’elles donnent lieu à un abus. Seuls l’avènement de la RGAE et son invocation dans un cas particulier, permettent au ministre de répudier une transaction au seul motif qu’elle donne lieu à un abus de la Loi ou certaines de ses dispositions.

 

[55]           Les notions de frime et d’abus ne sont pas les mêmes. Je ne crois pas que les quelques mots du juge Iacobucci dans Antosko, supra, cités par le juge de la CCI (motifs, para. 87, note 34) mettent en cause cette affirmation. Nulle part dans l’importante jurisprudence portant sur la notion de frime est-il suggéré que la notion de frime et d’abus sont analogues et le bref commentaire du juge Iacobucci qui s’inscrivait dans une discussion portant sur les principes d’interprétation statutaire, ne peut être lu comme apportant un changement si radical.

 

[56]           Mis à part l’invocation de la RGAE dans un contexte particulier, un contribuable est en droit d’organiser ses affaires de façon à minimiser son fardeau fiscal, même si ce faisant, il utilise une planification élaborée qui donne lieu à des résultats que le législateur n’avait pas anticipé. C’est, je crois, ce que nous rappelle la Cour suprême dans Shell Canada Limitée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, lorsqu’elle dit (para. 45) :

 

Cependant, il ressort des arrêts plus récents de notre Cour qu’en l’absence d’une disposition expresse contraire, il n’appartient pas aux tribunaux d’empêcher les contribuables de recourir, dans le cadre de leurs opérations, à des stratégies complexes qui respectent les dispositions pertinentes de la Loi, pour le motif que ce serait inéquitable à l’égard des contribuables qui n’ont pas opté pour cette solution. Notre Cour s’est précisément penchée sur cette question dans Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795, au par. 88, le juge Iacobucci. Voir également Neuman c. M.R.N., [1998] 1 R.C.S. 770, au par. 63, le juge Iacobucci. Il incombe aux tribunaux d’interpréter et d’appliquer la Loi telle qu’elle a été adoptée par le Parlement. Les remarques incidentes formulées dans des arrêts antérieurs dont on peut dire qu’elles appuient un principe d’interprétation plus large et moins certaine ont donc été supplantées par les arrêts que notre Cour a rendus depuis en matière fiscale. Sauf disposition contraire de la Loi, le contribuable a le droit d’être imposé en fonction de ce qu’il a fait, et non de ce qu’il aurait pu faire et encore moins de ce qu’un contribuable moins habile aurait fait.

 

 

[57]           Par contre, les tribunaux se sont toujours sentis autorisés à intervenir face à ce qui est convenu d’appeler une frime. La définition « classique » d’une frime est celle formulée par Lord Diplock dans Snook, supra et reprise par la Cour suprême plusieurs fois depuis. Dans Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, le juge Estey écrivait (p. 545) :

 

[…] cette expression nous vient de décisions du Royaume-Uni et signifie, de façon générale (non sans ambiguïté), une opération assortie d’un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l’opération, ou un faux-semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu’elle sert à masquer.

 

 

Ce passage est aussi cité dans Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, (para. 20).

 

[58]           Dans l’affaire Cameron, supra, la Cour suprême a adopté le passage suivant issu de Snook, supra, pour définir ce qu’était une frime en droit canadien (p.1068) :

 

… [I]t means acts done or documents executed by the parties to the "sham" which are intended by them to give to third parties or to the court the appearance of creating between the parties legal rights and obligations different from the actual legal rights and obligations (if any) which the parties intend to create.

 

Ce même passage est repris par le juge Estey dans Stubart, supra, à la page 572.

 

[59]           L’existence d’une frime en droit canadien exige donc en vue des définitions qui précèdent un élément de déception qui se manifeste règle générale par une fausse représentation par les parties de la transaction réelle intervenue entre elles. Dans ces circonstances, les tribunaux retiendront la transaction réelle et mettront de côté celle qui fut représentée comme étant la vraie.

 

Sociétés appelantes

 

[60]           La question en litige en ce qui concerne les sociétés appelantes se limite au bien-fondé de l’inclusion dans leurs revenus respectifs des primes prélevées auprès des tierces sociétés à même le prix de souscription des actions. Je ne crois pas qu’il était nécessaire d’avoir recours à la notion de frime pour disposer de cette question.

 

[61]           L’essentiel du raisonnement du juge de la CCI pour confirmer les cotisations émises à l’encontre des sociétés appelantes se retrouve au paragraphe 69 de ses motifs :

 

[…] Les sociétés appelantes se sont en fait engagées dans une entreprise ou, à tout le moins, dans une affaire de caractère commercial, et la différence entre ce que les tierces sociétés sans lien de dépendance ont payé les actions privilégiées et les sommes pour lesquelles les actions ont été rachetées constituaient un revenu tiré d’une entreprise pour les sociétés appelantes […]

 

 

[62]           L’existence d’une entreprise en vertu de la Loi n’est assujettie à aucune exigence formelle (voir la définition étendue du mot « entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi). L’unique pré-requis est la poursuite du lucre (voir Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 8e éd., p. 273). En l’espèce, les concepteurs ont prévu dans l’élaboration de leur plan que les tierces sociétés devaient payer aux sociétés appelantes une surcharge pour les actions souscrites auprès d’elles afin d’avoir accès aux CDC. Les tierces sociétés devaient payer 1 210 $ l’action alors qu’il était convenu que l’action serait rachetée pour 1 000 $ (motifs, para. 3). Cette différence entre la valeur de rachat des actions et le prix payé par les tierces sociétés est décrite comme étant une « prime » dans l’avis juridique obtenu par Langlois et Faraggi lors de la mise en œuvre de leur plan. Le mot « prime » est ici utilisé dans son sens commercial plutôt que corporatif pour identifier le montant additionnel négocié qui fut ajouté au prix de souscription.

 

[63]           Ce sont ces primes payées par les tierces sociétés qui ont permis aux sociétés appelantes d’accumuler des excédents de 8 105 344 $ dans un cas et de 4 677 717 $ dans l’autre. Selon moi, le fait que ces primes furent ajoutées au prix de souscription des actions au lieu d’être prélevées séparément n’affecte en rien la conclusion de fait du juge de la CCI selon laquelle il s’agissait de montants payés par les tierces sociétés aux sociétés appelantes pour avoir accès à leurs CDC. La conclusion du juge de la CCI sur ce point est strictement fonction de l’application de la Loi aux faits qu’il a retenus suite à son analyse.

 

[64]           À cet égard, la preuve indique sans équivoque qu’il était convenu au moment de la souscription que les actions avaient une valeur de rachat de 1 000 $ et que leur rachat s’effectuerait au prix de 0,01 $, après le paiement d’un dividende en espèce de 999,99 $. Il s’ensuit que selon le plan mis en place par les concepteurs, 1 000 $ était, à tout moment utile, la valeur maximale que pouvaient avoir les actions privilégiées entre les mains des tierces sociétés. C’est donc que la prime fut payée pour autre chose que les actions. Cette autre chose était évidemment l’accès aux CDC, et en particulier l’engagement pris par les sociétés appelantes d’effectuer les choix requis en vertu du paragraphe 83(2) pour transmettre leur CDC aux tierces sociétés. (Voir à cet égard le paragraphe 3 de l’opinion juridique obtenue par les concepteurs (courte forme)). Ceci n’est pas sérieusement remis en question puisque même la documentation utilisée par les concepteurs pour commercialiser leur plan décrit la prime comme étant « the price of the CDA » (Dossier d’Appel (A-300-07), vol. V, p. 1020).

 

[65]           L’argument subsidiaire selon lequel une souscription d’actions doit toujours être traitée comme étant de nature capitale, peu importe les circonstances, ne tient pas la route. La jurisprudence invoquée par les sociétés appelantes à cet égard (para. 47, supra) n’a pas l’effet qu’elles lui attribuent. En vertu de la Loi, aucune transaction ou opération n’échappe de façon systématique à la notion d’entreprise. La question de savoir si une opération donnée constitue une entreprise doit être déterminée selon les faits particuliers de chaque affaire.

 

[66]           Dans le cas qui nous occupe, puisque les montants additionnels prélevés par les sociétés appelantes furent générés dans le cadre d’opérations successives dont le seul but était de produire des excédents, tous les éléments qui sous-tendent l’existence d’une entreprise sont présents. Selon moi, c’est à bon droit que le juge de la CCI a conclu que les sociétés appelantes exploitaient une entreprise et que ces montants additionnels constituaient un revenu d’entreprise.

 

 

Langlois et Faraggi

 

[67]           Le gros des dividendes reçus par les concepteurs furent payés au cours de la mise en oeuvre du plan, de la même façon et au même moment que ceux payés aux tierces sociétés. Ainsi, Langlois et Faraggi soutiennent que tout comme les dividendes payés aux tierces sociétés, ceux qu’ils ont reçus provenaient d’un CDC, et étaient dans cette mesure des dividendes en capital. Le juge de la CCI a cependant conclu que les opérations qui ont mené au paiement du dividende étaient une frime. Il a retenu que, contrairement à ce qui fut représenté, aucun gain en capital ne fut généré et aucun CDC ne fut créé de sorte que les dividendes reçus par Langlois et Faraggi étaient des dividendes ordinaires et donc imposables.

 

[68]           Les parties s’accordent pour dire que seule l’existence d’une frime peut justifier la conclusion retenue par le juge de la CCI. Le débat se situe au niveau de la portée de cette notion et de son application aux faits en l’espèce.

 

[69]           Tel qu’indiqué plus tôt, le seul fait que les transactions qui ont mené au paiement de ces dividendes aient pu donner lieu à un abus des dispositions de la Loi n’est pas, en soi, suffisant pour conclure à l’existence d’une frime. De plus, si l’on donne à cette notion son sens reconnu selon la jurisprudence, lequel comme nous l’avons vu exige un élément de déception, il est difficile de voir comment le juge de la CCI a pu conclure que le découvert d’une journée consenti par la Banque Royale pendant quelque temps le 13 août 1987, était une frime (motifs, para. 90). Il est vrai, comme le souligne le juge de la CCI, que les fonds ne pouvaient être utilisés autrement que pour les fins particulières pour lesquelles ils furent avancés et que dans ce sens les emprunteurs n’avaient pas la « jouissance absolue » des fonds. Mais le fait qu’un prêt soit consenti pour une fin particulière n’est pas inusité. À cet égard, la preuve révèle que les fonds furent utilisés pour les fins pour lesquelles l’avance fut autorisée et que chacun des chèques de 10 000 000 $ certifiés par la Banque Royale, garantissait le paiement de la valeur inscrite (Témoignage d’Alain Lapointe, Dossier d’Appel (A-300-07), pp. 95 et 96 (1916 et 1917)).

 

[70]           De plus, le fait que le coût du prêt fut prélevé sous la forme de frais de service plutôt que par le prélèvement d’intérêts n’est pas non plus matière à conclure que le prêt était un faux. Dans un cas comme dans l’autre, le coût du prêt était le même (10 000 $ furent prélevés en frais de service alors que l’intérêt payable sur un « daylight overdraft » aurait été de 10 000 $ soit un dixième de un pour cent (idem, pp. 98 et 99 (1937 et 1938))). Avec égards, l’on ne peut conclure que la Banque, les concepteurs et la première filiale ont faussement représenté leur relation de prêteur/emprunteur. Le prêt ne peut être qualifié de frime.

 

[71]           Dans la même veine, les billets à ordre émis par la première filiale (110 000 000 $ au total) n’étaient pas non plus des frimes (motifs, paras. 91 et 92). Le juge de la CCI fait état du fait que la première filiale n’avait pas les moyens de payer les billets. Cependant, selon la preuve, il n’était pas envisagé que les billets soient utilisés comme mode de paiement. Leur seule fonction était de constater l’existence des dettes encourues par la première filiale suite à l’achat des actions génératrices de gains (Dossier d’Appel (A-300-07), vol. II, « Exposé des faits », paras. 125 à 130; 140 à 145; 155 à 160; 170 à 175; 185 à 190; 200 à 205; 215 à 220; 230 à 235, 245 à 250). Le fait que les concepteurs avaient prévu à l’avance que les dettes seraient libérées par un autre mode de paiement, ne fait pas de ces billets des frimes. De fait, le dossier révèle que toutes les dettes constatées par ces billets furent honorées soit par paiement ou par compensation, moyen légitime de paiement en droit civil québécois (Dossier d’Appel (A-300-07), vol. V, « Registre comptable », pp. 908 à 923).

 

[72]           Par contre, je suis d’avis que les transactions qui ont généré les prétendus gains en capital totalisant quelques 234 millions ont été faussement représentées et que les choix effectués par les filiales et par les sociétés appelantes par la suite constituent une frime dans le sens reconnu attribué au terme. Une vente d’actions ne donne pas lieu à un gain en capital simplement parce que l’on choisit de lui donner cette appellation. C’est la nature du bien entre les mains de l’auteur de la disposition qui détermine le traitement fiscal de la transaction. Règle générale, un bien de nature capitale est un bien détenu pour le long terme en vue d’une appréciation de valeur ou pour en tirer un revenu de location, d’intérêts ou dans le cas d’actions, sous forme de dividendes. À l’autre extrême, un bien acquis pour la revente est détenu au compte de revenu. Autant la qualification d’un bien pour fins fiscales est difficile lorsque l’on s’éloigne de ces extrêmes, autant ceci devient évident lorsque l’on se situe à l’un ou l’autre de ces extrêmes.

 

[73]           Dans le cas qui nous occupe, les actions génératrices de gains furent acquises par les filiales en vue de leur vente immédiate. Les termes de la planification font en sorte qu’aucun autre scénario ne peut être envisagé. Ceci exclut la possibilité que ces actions puissent avoir été, entre les mains des filiales, des biens de nature capitale. Comme l’a souligné le procureur de l’intimée en cours d’instance, le fait que les filiales ont acquis les actions génératrices de gains par voie de dividende en actions n’avance pas la cause des appelants puisque chacune des étapes, incluant le mode d’acquisition de ces actions, était décidée à l’avance par les concepteurs du plan.

 

[74]           C’est là où se situe le maillon manquant de la stratégie mise en place par les concepteurs. Il n’est pas surprenant de constater qu’ils n’ont pas cru bon de demander à Me Régnier de se prononcer sur le mode de création des CDC. Ce volet de la planification a spécifiquement été exclu du mandat donné à Me Régnier (Témoignage de Me Régnier, Dossier d’Appel
(A-300-07), vol. X, p. 128 (1949) lignes 5 et 6). Le simple fait que l’acquisition des actions génératrices de gains par les filiales et leur vente étaient préconçues, élimine la possibilité qu’une opinion favorable puisse avoir été obtenue. Lorsque confronté par cette question lors de l’audition, le procureur des appelants n’a pas su expliquer en quoi les actions génératrices de gains étaient des biens de nature capitale entre les mains des filiales.

 

[75]           La preuve révèle que cette question fut soulevée au cours de la phase de commercialisation du plan par Me Tom Gillespie, un fiscaliste d’expérience qui œuvrait auprès de l’étude Ogilvy Renault. Il a insisté pour connaître la source des gains en capital avant d’émettre une opinion favorable pour le compte de clients intéressés par le plan. Aucune réponse ne fut obtenue. Me Gillespie s’est fait dire qu’il n’avait pas à connaître la source des CDC, puisque ceci n’était pas pertinent à l’opinion qu’il avait à rendre. Les clients en question qui envisageaient un investissement d’envergure (50 000 000 $) ont pris la décision de ne pas participer (Témoignage de Ralph E. Faraggi, Dossier d’Appel (A-300-07), vol. VII, pp. 54 à 57, et 62 (1322 à 1324; et 1329)). Le mandat limité donné à Me Régnier et la position prise face à la demande de Me Gillespie laissent entendre que les concepteurs étaient conscients du problème que comportait leur plan.

 

[76]           Malgré le fait qu’aucun gain en capital ne fut généré, chacune de la deuxième à la douzième filiale a représenté avoir généré un tel gain. Le formulaire prescrit et son annexe soumis au ministre suite au versement du dividende présumé à la première filiale (i.e., les choix) fait état du calcul du CDC et son origine. Selon l’information prescrite fournie par les filiales, la disposition des actions génératrice de gains avait généré des gains en capital et ces gains étaient à l’origine de leurs CDC (voir par exemple, le Formulaire T-2054 et Annexes déposé par 2529-0099 Québec Inc. (la deuxième filiale), Dossier d’Appel (A-300-07), vol. V, pp. 841 à 844).

 

[77]           En effectuant ces choix, les filiales ont faussement  représenté au ministre et à tous ceux affectés par ces choix que la disposition des actions génératrices de gains avait donné lieu à des gains en capital, dont la moitié faisait partie de leurs CDC. Elles ont de plus faussement représenté que les dividendes présumés versés à la première filiale provenaient de ces CDC puisqu’elles savaient qu’aucun CDC n’avait été créé. La première filiale a, à son tour, faussement représenté les faits lorsqu’elle a indiqué dans le choix qu’elle a effectué, que le dividende déclaré en faveur de 1915 Inc. provenait de son CDC alors qu’elle savait qu’aucun CDC ne lui avait été transmis par les filiales. Finalement, 1915 Inc. a faussement représenté les faits lorsqu’elle a indiqué dans le choix qu’elle a effectué, que les dividendes en espèce versés aux concepteurs provenaient de son CDC alors qu’elle savait qu’aucun CDC ne lui avait été transmis par la première filiale.

 

[78]           Malgré l’impression donnée aucun gain en capital ne fut réalisé et aucun CDC ne fut créé. Dans cette mesure, je suis d’accord avec le juge de la CCI lorsqu’il dit au paragraphe 94 de ses motifs :

 

[…] Faire un choix en vertu du paragraphe 83(2) dans ces circonstances est, c’est le moins qu’on puisse dire, malhonnête […]

 

 

[79]           Les choix initiaux constituaient des frimes puisqu’ils représentaient faussement les transactions intervenues entre les filiales comme étant des transactions de nature capitale. Les choix subséquents étaient aussi des frimes puisqu’ils représentaient que des dividendes qui furent payés à même un CDC alors qu’aucun CDC n’avait été créé et aucun CDC ne pouvait dès lors être transmis. C’est à bon droit, selon moi, que le juge de la CCI s’en est tenu aux vraies transactions, lesquelles n’ont produit aucun gain en capital, pour conclure que les dividendes ultimement reçus par les concepteurs n’étaient pas des dividendes en capital et étaient par conséquent imposables.

 

[80]           L’argument alternatif des concepteurs, selon lequel les dividendes demeurent des dividendes en capital même si les filiales n’ont à l’origine généré aucun gain en capital, ne saurait non plus réussir. Il est vrai que le paragraphe 83(2) prévoit qu’un dividende assujetti à un choix est réputé provenir du CDC de la société payeuse. Mais, selon son libellé, cette présomption n’a effet que « jusqu’à concurrence » du CDC de la société payeuse. Lorsque la société payeuse n’a aucun CDC, comme c’est le cas des onze filiales qui ont effectué le premier choix, la présomption n’est pas opérante.

 

[81]           L’argument additionnel des concepteurs selon lequel le sous-alinéa 89(1)b)(ii) fait en sorte que des CDC furent validement transmis même si leur création à l’origine était une frime ne peut non plus être retenu. Les concepteurs en tant qu’auteurs de la frime, ne peuvent s’en remettre à des événements subséquents pour valider les CDC d’où provenaient les dividendes qui leurs furent versés.

 

[82]           Je ne crois pas non plus que le ministre avait l’obligation de s’en tenir au régime établi par la Partie III selon les faits ici en cause. Les dispositions de la Partie III traitent de choix excessifs. Elles permettent à une société qui verse un dividende qui dépasse le montant inscrit dans son CDC de corriger l’erreur et d’éviter l’impôt spécial prévu à la Partie III. Comme le juge de la CCI, je ne crois pas que le législateur ait voulu que ces dispositions s’appliquent lorsque, comme ici, le CDC était à l’origine une frime et ceux qui invoquent la Partie III sont les auteurs de cette frime.

 

[83]           Finalement, le fait que le ministre n’ait pas à date cotisé les filiales pour défalquer les gains en capital qu’elles ont prétendu avoir générés ne fait pas non plus obstacle aux cotisations émises à l’encontre des appelants.

 

PÉNALITÉS

 

[84]           L’avocat des appelants n’a pas insisté sur le volet de la décision du juge de la CCI portant sur les pénalités. Il a expliqué en cours d’instance que le sort de ses clients se jouait au niveau des impôts prélevés (plus intérêts), et que la défalcation des pénalités sans plus, serait peu utile.

 

[85]           Le juge de la CCI a conclu dans le cas de chaque appelant que l’omission de déclarer les revenus/dividendes était attribuable à une faute lourde. Il n’a pas été démontré qu’il a commis une quelconque erreur en tirant cette conclusion.

 

[86]           Je rejetterais donc les quatre appels avec dépens.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

        M. Nadon j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

        Johanne Trudel j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-297-07

 

(APPEL DU JUGEMENT DU 23 MAI 2007, DU JUGE EN CHEF ADJOINT RIP DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, N° DE DOSSIER 96-1460(IT)G.)

 

INTITULÉ :                                                                           2529-1915 Québec Inc. et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 22 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Nadon

                                                                                                La juge Trudel

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 12 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Ryan

Kathy Kupracz

 

POUR L’APPELANTE

 

Benoit Mandeville

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-298-07,

 

(APPEL DU JUGEMENT DU 23 MAI 2007, DU JUGE EN CHEF ADJOINT RIP DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, N° DE DOSSIER 96-1457(IT)G.)

 

INTITULÉ :                                                                           2530-1284 Québec Inc. et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 22 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Nadon

                                                                                                La juge Trudel

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 12 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Ryan

Kathy Kupracz

 

POUR L’APPELANTE

 

Benoit Mandeville

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-299-07,

 

(APPEL DU JUGEMENT DU 23 MAI 2007, DU JUGE EN CHEF ADJOINT RIP DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, N° DE DOSSIER 96-1459(IT)G.)

 

INTITULÉ :                                                                           Robert Langlois et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 22 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Nadon

                                                                                                La juge Trudel

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 12 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Ryan

Kathy Kupracz

 

POUR L’APPELANTE

 

Benoit Mandeville

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-300-07,

 

(APPEL DU JUGEMENT DU 23 MAI 2007, DU JUGE EN CHEF ADJOINT RIP DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, N° DE DOSSIER 96-1458(IT)G.)

 

INTITULÉ :                                                                           Ralph E. Faraggi et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 22 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Nadon

                                                                                                La juge Trudel

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 12 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Ryan

Kathy Kupracz

 

POUR L’APPELANTE

 

Benoit Mandeville

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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