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Date : 20081229

Dossier : A-35-08

 

Référence : 2008 CAF 419

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

RCI ENVIRONNEMENT INC.

(CENTRES DE TRANSBORDEMENT

ET DE VALORISATION NORD-SUD INC.)

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 1 décembre 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 décembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Date : 20081229

Dossier : A-35-08

 

Référence : 2008 CAF 419

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

RCI ENVIRONNEMENT INC.

(CENTRES DE TRANSBORDEMENT

ET DE VALORISATION NORD-SUD INC.)

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

 

[1]               Il s’agit d’un appel dirigé à l’encontre d’une décision rendue par le juge Archambault de la Cour canadienne de l’impôt (CCI) (le juge de la CCI) qui a confirmé en partie les cotisations émises à l’encontre de RCI Environnement Inc. (RCI) et du Centre de Transbordement et de Valorisation Nord-Sud Inc. (CTVNS) à l’égard de leur année d’imposition 1999. Ce faisant, le juge de la CCI a aussi confirmé en partie les cotisations émises à l’égard de l’année 2000 de RCI et CTVNS lesquelles apportaient un ajustement conséquent à celui effectué pour l’année 1999.

 

[2]               Des appels distincts furent logés devant la CCI par RCI et CTVNS mais les appelantes se sont fusionnées en cours d’instance, la société en résultant étant RCI Environnement Inc. Le juge de la CCI a tenu compte de cette fusion en ne rendant qu’un seul jugement pour disposer de ce qui était à l’origine deux appels. Par conséquent, cette Cour est saisie d’un seul appel logé par la société issue de la fusion qu’il convient d’appeler RCI Environnement Inc. (2006) (RCI (2006)).

 

[3]               Le litige porte sur le traitement fiscal d’une somme de 12 000 000 $ reçue par RCI et CTVNS en parts égales suite au règlement d’un différend concernant la violation d’ententes de non-concurrence. Le juge de la CCI a conclu qu’il s’agissait d’un montant en immobilisations admissible selon l’article 14 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) dont les trois quarts devaient être inclus dans le calcul du revenu. Selon l’avocat de RCI (2006), il s’agit plutôt d’un gain fortuit, exempt d’impôt.

 

LES FAITS

 

[4]               Les faits qui sous-tendent l’appel sont décrits dans un résumé chronologique préparé par l’avocat de l’intimée que le juge a reproduit de façon intégrale dans ses motifs en y apportant certaines modifications suggérées par l’avocat de RCI (2006). Deux témoins furent aussi entendus au cours de l’instance devant la CCI. Il suffit pour les fins de cet appel de s’en remettre au sommaire qui suit.

 

[5]               RCI et CTVNS sont des sociétés sœurs qui ont été constituées en 1997 par M. Lucien Rémillard (motifs, para. 3, 3.). À l’époque, Lucien Rémillard était actionnaire majoritaire de Placements St-Mathieu Inc. (PSM), laquelle détenait à son tour la Société en commandite St-Mathieu (SEC) (dossier d’appel, vol. III, pp. 514 et 515). Ces quatre entités, soit RCI, CTVNS, SEC et PSM (collectivement le « Groupe RCI »), désiraient procéder à l’acquisition d’une entreprise de gestion de déchets solides, exploitée au Québec par Waste Management of Canada Inc. (WMI).

 

[6]               Le 30 juillet 1997, RCI a acquis certains actifs de WMI (motifs, para. 3, 5.). Au même moment, CTVNS a acquis de WMI, les actions qu’elle détenait dans WMI Québec Inc., ainsi qu’un terrain et un immeuble (poste de transfert) (ibidem). Le même jour, SEC a acquis certains droits dans des contrats de prestations de services aux clients québécois de WMI (motifs, para. 3, 6.). Finalement, Groupe RCI a aussi acquis les comptes débiteurs de WMI et WMI Québec Inc. (motifs, para. 3, 7.).

 

[7]               L’ensemble des transactions intervenues le 30 juillet 1997 s’est effectué pour une somme totale d’environ 17 250 000 $, plus la somme de 1 361 053 $ pour les comptes débiteurs (motifs, para. 3, 8.). Ces transactions étaient conditionnelles à ce que WMI signe des ententes de non-concurrence en faveur de RCI, CTVNS et SEC et c’est ce qu’elle fît (motifs, para. 3, 9.).

 

[8]               Aucune partie du prix d’achat payé par RCI et CTVNS n’a été allouée aux ententes de non-concurrence (motifs, para. 3, 10.). Ces ententes de non-concurrence avaient une durée de 5 ans et visaient les activités de gestion de déchets solides sur le territoire du Grand Montréal (motifs, para. 3, 12.).

 

[9]               Au moment de la signature des ententes de non-concurrence, une société du nom de Intersan Inc. opérait une entreprise de gestion de déchets solides au Québec et notamment sur le territoire du Grand Montréal (ibidem). Dans l’année suivant les acquisitions par groupe RCI, la société mère de WMI (WMI USA) a procédé à une fusion avec USA Waste Services Inc. (USA Services) (motifs, para. 3, 15.). La nouvelle entité issue de cette fusion fut Waste Management Inc. (WM 1998) (ibidem). Au moment de procéder à la fusion, Intersan Inc. était détenue par Canadian Waste Services Inc. (CWS), une filiale de USA Services (ibidem).

 

[10]           Puisqu’Intersan Inc. faisait partie du Groupe WM 1998 et opérait sur le territoire du Grand Montréal (ibidem), la fusion eut pour résultat d’assujettir WM 1998 et ses filiales (collectivement le « Groupe WM 1998 ») aux ententes de non-concurrence (ibidem). Il y eut, de ce fait, contravention à ces ententes.

 

[11]           Entre le 25 mars 1998 et le 18 août 1998, Groupe RCI fit parvenir une série de mises en demeure (motifs, para. 3, 17. à 24.). La dernière fut envoyée le 18 août 1998 à tous les membres du Groupe WM 1998, leur rappelant les termes des ententes de non-concurrence signées par WMI et demandant qu’elles soient dorénavant respectées (motifs, para. 3, 24.). Le président de CWS, M. David Sutherland-Yoest fut mandaté pour régler le litige entre Groupe RCI et Groupe WM 1998 (motifs, para. 3, 26.).

 

[12]           Des négociations entre David Sutherland-Yoest et Lucien Rémillard s’ensuivirent. En novembre 1998, il fut convenu de régler le litige contre un paiement de 12 millions de dollars (motifs, para. 3, 32.).

 

[13]           Le 16 décembre 1998, une entente de règlement hors cour (intitulée « Release, Settlement and Termination Agreement ») est intervenue. Selon cette entente, la somme de 12 millions devait être payée afin de mettre fin aux ententes de non-concurrence conclues en faveur de RCI, CTVNS et SEC, ainsi qu’à toute réclamation reliée à la dernière mise en demeure (motifs, para. 3, 33.).

 

[14]           Le chèque de 12 millions de dollars a été tiré sur le compte bancaire de CWS (motifs, para. 3, 35.). Le juge de la CCI a conclu que CWS était le véritable payeur de cette somme à l’exclusion des autres membres du Groupe WM 1998 (motifs, paras. 83 et 84).

 

[15]           SEC a renoncé à sa part du 12 millions de dollars malgré le fait qu’elle avait obtenu l’actif le plus important dans la transaction intervenue le 30 juillet 1997 avec WMI, soit les contrats de fournitures de services (dossier d’appel, vol. VI, p. 1010). Le juge de la CCI écrit à cet égard (motifs, para. 79, note 32) :

 

Le fait [que SEC] ait renoncé à recevoir sa part pourrait soulever une question d’avantage conféré s’il existe, comme je le crois, un lien de dépendance entre la société en commandite et CTVNS et RCI. Comme les parties se sont entendues pour ne pas soulever cette question ou toute autre découlant de cette renonciation, la question est traitée comme si RCI et CTVNS étaient les seules parties qui avaient le droit de recevoir leur part des 12 millions de Dollars

 

 

[16]           La somme reçue fut répartie en parts égales entre RCI et CTVNS (motifs, para. 3, 38.). Une note fut inscrite à leurs états financiers pour l’exercice prenant fin le 31 juillet 1999 précisant qu’il s’agissait d’un paiement extraordinaire non imposable (motifs, para. 3, 39.). Conformément à cette inscription, aucune partie de la somme reçue ne fut reflétée dans leurs déclarations d’impôt pour l’année d’imposition 1999.

 

[17]           Le ministre du Revenu national (le ministre), par voie de nouvelles cotisations émises à l’égard de leur année d’imposition 1999, a ajouté la somme respective de 6 millions de dollars dans le calcul du revenu de RCI et CTVNS en tant que revenu d’entreprise. Ces cotisations ont aussi eu pour conséquence de modifier un report de perte réclamée par ces dernières pour l’année précédente.

 

[18]           Des appels s’ensuivirent devant la CCI et, dans ses réponses modifiées aux avis d’appel, le ministre a indiqué que si la somme de 12 millions de dollars ne constituait pas un revenu d’entreprise, elle était tout de même imposable aux trois quarts, soit parce qu’elle constituait un montant en immobilisations admissible au sens de l’article 14 ou un gain en capital au sens des articles 39 et 40 de la Loi.

 

[19]           Le juge de la CCI a conclu que la somme de 12 millions constituait un montant en immobilisations admissible. Il a donc déféré les cotisations au ministre pour que de nouvelles cotisations soient émises en conséquence. Il s’agit de la décision dont est appel.

 

DISPOSITIONS STATUTAIRES

 

[20]           Les dispositions suivantes sont citées par le juge de la CCI au soutien de ses motifs. Le souligné est aussi le sien:

 

14(1) Montant à inclure dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise --

Lorsque, à la fin d’une année d’imposition, le total des montants dont chacun est un montant représenté par l’élément E de la formule applicable figurant à la définition de « montant cumulatif des immobilisations admissibles » au paragraphe (5) . appelé « montant en immobilisations admissible » [référence omise] au présent article ou un montant représenté par l’élément F de cette formule excède le total des montants représentés par les éléments A à D de cette formule, au titre d’une entreprise d’un contribuable, les règles suivantes s’appliquent :

[...]

 

b) dans les autres cas, l’excédent éventuel de cet excédent sur la moitié du montant représenté par cet élément Q relativement à l’entreprise est à inclure dans le calcul du revenu du contribuable tiré de cette entreprise pour l’année.

14(5) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

« dépense en capital admissible » S’agissant d’une dépense en capital admissible d’un contribuable au titre d’une entreprise, la partie de toute dépense de capital engagée ou effectuée par lui, par suite d’une opération réalisée après 1971, en vue de tirer un revenu de l’entreprise, à l’exception d’une dépense de cette nature :

a) [...]

b) [...]

c) soit représentant tout ou partie du coût, selon le cas :

(i)      des biens corporels acquis par le contribuable,

(ii)     des biens incorporels qui constituent des biens amortissables pour le contribuable,

(iii)    des biens relativement auxquels une déduction (sauf celle prévue à l’alinéa 20(1)b)) est permise dans le calcul du revenu qu’il a tiré de l’entreprise ou serait permise si le revenu qu’il a tiré de l’entreprise était suffisant à cet effet,

(iv)    d’un droit sur un bien visé à l’un des sous-alinéas (i) à (iii) ou d’un droit d’acquérir ce bien;

il est entendu toutefois, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, que la présente définition ne vise aucune partie :

[...]

 

« montant cumulatif des immobilisations admissibles » En ce qui concerne l’entreprise d’un contribuable, à un moment donné, s’entend du montant calculé selon

la formule suivante :

 

(A + B + C + D + D.1) - (E + F)

 

où :

 

A représente les 3/4 du total des dépenses en capital admissibles, au titre de l’entreprise, engagées ou effectuées par le contribuable avant ce moment donné et après le moment du rajustement qui lui est applicable;

[...]

 

E le total des sommes dont chacune représente les 3/4 de l’excédent éventuel du montant visé à l’alinéa a) sur le total visé à l’alinéa b) :

 

a) le montant que, par suite d’une disposition [référence omise] effectuée après le moment du rajustement applicable au contribuable et avant le moment donné, le contribuable est devenu ou peut devenir en droit de recevoir, au titre de l’entreprise qu’il exploite ou qu’il a [référence omise] exploitée, si la contrepartie qu’il en donne est telle que, s’il avait fait, pour cette contrepartie, un paiement après 1971, ce paiement aurait été pour lui une dépense en capital admissible au titre de l’entreprise;

b) le total des dépenses engagées ou effectuées par le contribuable en vue de donner cette contrepartie et qui ne sont pas déductibles par ailleurs dans le calcul de son revenu;

 

[...]

 

 

38. Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductible.

 

Pour l’application de la présente loi :

 

a) sous réserve de l’alinéa a.1), le gain en capital imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, tiré de la disposition d’un bien, est égal aux 3⁄4 du gain en capital qu’il a réalisé pour l’année à la disposition du bien

[...]

 

 

 

39(1) Sens de gain en capital et de perte en capital -- Pour l’application de la présente loi :

 

a) un gain en capital d’un contribuable, tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien quelconque, est le gain, déterminé conformément à la présente sous-section (jusqu’à concurrence du montant de ce gain qui ne serait pas, compte non tenu du passage « autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien », à l’alinéa 3a), et de l’alinéa 3b), inclus dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition), que ce contribuable a tiré, pour l’année, de la disposition d’un bien lui appartenant, à l’exception :

 

(i)                  d’une immobilisation admissible,

 

[...]

 

 

 

40(1) Règles générales -- Sauf indication contraire expresse de la présente partie :

 

a) le gain d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien est l’excédent éventuel :

 

(i)      en cas de disposition du bien au cours de l’année, de l’excédent éventuel du produit de disposition sur le total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, calculé immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition,

 

 

 

 

54 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente sous-section.

 

« immobilisation admissible » Bien dont la disposition aurait pour contrepartie partielle un montant en immobilisations admissibles au titre d’une entreprise. [référence omise]

 

 

14(1) Inclusion in income from business

Where, at the end of a taxation year, the total of all amounts each of which is an amount determined, in respect of a business of a taxpayer, for E in the definition “cumulative eligible capital” in subsection (5) (in this section referred to as an “eligible capital amount” [citation omitted] or for F in that definition exceeds the total of all amounts determined for A to D in that definition in respect of the business (which excess is in this subsection referred to as “the excess”),

 

...

 

(b) in any other case, the amount, if any, by which the excess exceeds 1⁄2 of the amount determined for Q in the definition “cumulative eligible capital” in subsection (5) in respect of the business shall be included in computing the taxpayer’s income from that business for that year.

 

14(5) In this section,

 

eligible capital expenditure” of a taxpayer in respect of a business means the portion of any outlay or expense made or incurred by the taxpayer, as a result of a transaction occurring after 1971, on account of capital for the purpose of gaining or producing income from the business, other than any such outlay or expense

(a) ...

(b) ...

 

(c) that is the cost of, or any part of the cost of,

 

(i)                  tangible property of the taxpayer,

(i)                  intangible property that is depreciable property of the taxpayer,

(ii)                property in respect of which any deduction (otherwise than under paragraph 20(1)(b)) is permitted in computing the taxpayer’s income from the business or would be so permitted if the taxpayer’s income from the business were sufficient for the purpose, or (iv) an interest in, or right to acquire, any property described in any of subparagraphs (i) to (iii)

but, for greater certainty and without restricting the generality of the foregoing, does not include any portion of

...

 

cumulative eligible capital” of a taxpayer at any time in respect of a business of the taxpayer means the amount determined by the formula

(A + B + C + D + D.1) - (E + F)

 

where

 

A is 3/4 of the total of all eligible capital expenditures in respect of the business made or incurred by the taxpayer before that time and after the taxpayer’s adjustment time, [note omitted]

 

 

...

 

E is the total of all amounts each of which is 3⁄4 of the amount, if any, by

Which

 

(a) an amount which, as a result of a disposition [citation omitted] occurring after the taxpayer’s adjustment time and before that time, the taxpayer has or may become entitled to receive, in respect of the business carried on or formerly carried on by the taxpayer where the consideration given by the taxpayer therefore was such that, if any payment had been made by the taxpayer after 1971 for that consideration, the payment would have been an eligible capital expenditure of the taxpayer in respect of the business exceeds

(b) all outlays and expenses to the extent that they were not otherwise deductible in computing the taxpayer’s income and were made or incurred by the taxpayer for the purpose of giving that consideration,

 

...

 

38. Taxable Capital Gains and Allowable Capital Losses

 

For the purposes of this Act,

 

(a) subject to paragraphs (a.1) and (a.2), a taxpayer’s taxable capital

gain for a taxation year from the disposition of any property is 1/2 of the taxpayer’s capital gain for the year from the disposition of the property;

...

 

 

 

39(1) Taxable Capital Gains and Allowable Capital Losses -- For the purposes of this Act,

 

(a) a taxpayer’s capital gain for a taxation year from the disposition of any property is the taxpayer’s gain for the year determined under this subdivision (to the extent of the amount thereof that would not, if section 3 were read without reference to the expression “other than a taxable capital gain from the disposition of a property” in paragraph 3(a) and without reference to paragraph 3(b), be included in computing the taxpayer’s income for the year or any other taxation year) from the disposition of any property of the taxpayer other than

 

(i)                  eligible capital property,

 

...

 

 

 

 

40(1) General rules -- Except as otherwise expressly provided in this Part

 

(a) a taxpayer’s gain for a taxation year from the disposition of any property is the amount, if any, by which

 

(iii)               if the property was disposed of in the year, the amount, if any, by which the taxpayer’s proceeds of disposition exceed the total of the adjusted cost base to the taxpayer of the property immediately before the disposition and any outlays and expenses to the extent that they were made or incurred by the taxpayer for the purpose of making the disposition, ...

 

 

 

54 In this subdivision,

 

eligible capital property” of a taxpayer means any property, a part of the consideration for the disposition of which would, if the taxpayer disposed of the property, be an eligible capital amount in respect of a business; [citation omitted]

 

 

DÉCISION DE LA CCI

 

[21]           Le juge de la CCI en vient à conclure que le paiement en question constituait un montant en immobilisations admissible. Il rejette comme étant « tout à fait sans fondement » l’argument selon lequel le montant représentait un « gain fortuit » (motifs, para. 32). Selon le juge de la CCI, il n’a pas été démontré que le paiement était « inattendu, imprévu et exceptionnel » comme l’exige une jurisprudence bien établie (motifs, paras. 32 à 34).

 

[22]           Le juge de la CCI rejette de façon tout aussi catégorique la position première avancée par le ministre selon laquelle le montant constituait un revenu d’entreprise au sens des articles 9 de la Loi (motifs, paras. 35 à 48). Cette conclusion n’est pas remise en question dans le cadre de l’appel.

 

[23]           L’avocat de RCI (2006) a demandé au juge de la CCI de ne pas aborder la question subsidiaire, à savoir si le paiement représentait un montant en immobilisations admissible ou un gain en capital. Il a fait valoir qu’il s’agissait d’une nouvelle base de cotisation qui ne pouvait être soulevée puisque la prescription était acquise.

 

[24]           Le juge de la CCI s’est fondé sur la décision de notre Cour dans Walsh c. Canada, 2007 CAF 222, [2007] A.C.F. No. 813 (QL) (para. 38) pour conclure qu’il s’agissait plutôt de nouveaux arguments que le ministre était autorisé à faire valoir en vertu du paragraphe 152(9) de la Loi (motifs, para. 51) :

 

152(9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi:

a) d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

 

b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

[...]

 

 

152(9) The Minister may advance an alternative argument in support of an assessment at any time after the normal reassessment period unless, on an appeal under this Act

 

(a) there is relevant evidence that the taxpayer is no longer able to adduce without the leave of the court; and

 

(b) it is not appropriate in the circumstances for the court to order that the evidence be adduced.

 

...

 

 

[25]           Avant d’aborder la question de fond, le juge de la CCI s’est penché sur l’argument de l’avocat de RCI (2006), selon lequel les articles 14, 39 et 40 ne pouvaient s’appliquer puisqu’aucun « bien » n’était ici en jeu et au surplus, aucune « disposition » n’avait eu lieu (motifs, para. 54). Le juge de la CCI cite la définition élargie du mot « bien » au paragraphe 248(1) de la Loi pour conclure qu’il n’était pas nécessaire de s’en remettre au droit civil comme le suggérait RCI et CTVNS pour régler cette question. Selon le juge de la CCI, les ententes de non-concurrence confèrent des droits et ces droits sont des « biens » au sens de la définition prévue au paragraphe 248(1) de la Loi (motifs, paras. 55 à 67).

 

[26]           Le juge de la CCI traite par la suite de la notion de « disposition ». Il précise tout d’abord qu’au moment où le règlement est intervenu (le 17 décembre 1998), le mot « disposition » n’était défini qu’aux fins des règles concernant les gains en capital. Cependant, s’en remettant au sens usuel du mot disposition, il conclut que l’annulation des ententes de non-concurrence constitue une disposition aux fins de l’article 14 (motifs, paras. 68 à 72). Il adopte à cet égard le raisonnement de la Cour suprême dans Sa Majesté la Reine c. Compagnie Immobilière BCN Limitée, [1979] 1 R.C.S. 865.

 

[27]           Après avoir pris note de l’article 39 qui prévoit qu’un gain en capital peut être tiré de la disposition d’un bien quelconque « à l’exception d’un bien en immobilisations admissible », le juge de la CCI se penche sur la question de savoir si la somme reçue constituait un « montant en immobilisations admissible » au sens de l’article 14 (motifs, paras. 73 à 87).

 

[28]           Le juge de la CCI précise qu’afin de répondre à cette question, il faut s’en remettre à l’élément E de l’équation qui apparaît au paragraphe 14(5) de la Loi où est défini le terme « montant cumulatif des immobilisations admissibles ». Le juge de la CCI aborde plus particulièrement la troisième condition qu’y est stipulée (les deux autres n’étant pas remises en cause dans l’affaire devant lui) :

 

Si la contrepartie qu’il donne est telle que, s’il avait fait, pour cette contrepartie, un paiement après 1971, ce paiement aurait été pour lui une dépense en capital admissible.

 

 

[29]           Le juge de la CCI en vient à la conclusion que cette question doit s’analyser en fonction des deux contribuables en cause, soit RCI et CTVNS. La question est donc la suivante : si RCI et CTVNS avaient elles-mêmes versé 12 millions pour obtenir les droits qui étaient les leurs en vertu des ententes de non-concurrence, quelle serait la nature de la dépense? Selon le juge de la CCI, il s’agirait d’une dépense en immobilisations admissible (motifs, para. 77).

 

[30]           Dans l’hypothèse où il aurait mal posé la question, le juge de la CCI poursuit son analyse en la posant dans la perspective du payeur. Le juge de la CCI rejette d’abord l’argument de RCI et CTVNS selon lequel chacune des sociétés membre du Groupe WM 1998 devait être considérée comme ayant payé la somme de 12 millions. Selon lui, seule CWS doit être considérée comme étant le payeur. Le juge de la CCI conclut que dans la perspective de CWS, le montant doit aussi être considéré comme étant une dépense en immobilisations admissible (motifs, paras. 82 à 85). Il poursuit en disant qu’il aurait tiré la même conclusion si WMI était considérée comme ayant payé le montant de 12 millions (motifs, para. 86).

 

[31]           Finalement, dans l’hypothèse où les droits que détenaient RCI et CTVNS en vertu des ententes de non-concurrence n’étaient pas des biens en immobilisations admissibles, le juge de la CCI conclut qu’ils étaient des biens en capital et que l’abandon par RCI et CTVNS de ces droits contre le paiement de 12 millions constituait une disposition (motifs, paras. 87 à 89). Puisque le prix de base rajusté de ces biens était nul, l’inclusion dans le revenu était le même, soit les trois quarts du montant reçu.

 

[32]           Le juge de la CCI a donc déféré les cotisations au ministre pour nouvelle cotisation en tenant pour acquis que trois quarts du montant reçu par RCI et CTVNS devait être inclus dans le calcul de leur revenu en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi et que le report de perte pour l’année 2000 devait être modifié en conséquence.

 

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[33]           Au soutien de l’appel, l’avocat de RCI (2006) réitère la série d’arguments qu’il a fait valoir devant la CCI. Dans l’ordre, il prétend que le ministre ne pouvait s’appuyer subsidiairement sur le paragraphe 14(1) et l’article 38 (mémoire, para. 26); qu’à tout événement il y a « absence totale de preuve » quant à ce fondement alternatif (mémoire, para. 27); qu’il y a absence de « bien » au sens de la Loi par application du Code civil du Québec et a fortiori absence de « disposition » (mémoire, paras. 28 et 29); que dans l’hypothèse contraire, le juge de la CCI a mal appliqué l’article 14 en ne tenant pas compte de la décision de notre Cour dans l’affaire La Reine c. Toronto Refiners And Smelters Limited, 2002 CAF 476, (paras. 15 à 23) et que le juge de la CCI a eu tort de conclure de façon subsidiaire que le paiement en cause donnait lieu à un gain en capital (mémoire, para. 31).

 

[34]           L’avocat de RCI (2006) en soulevant de nouveau ces questions n’a pas traité de la norme de contrôle. Je rappelle que les questions de droit sont assujetties à la norme de la décision correcte, alors que les questions de fait et les questions mixtes ne peuvent être révisées en l’absence d’une erreur manifeste et dominante (Housen v. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

 

[35]           À mon humble avis, le juge de la CCI a fourni une réponse complète aux arguments soulevés par l’avocat de RCI (2006). Quant au premier, le paragraphe 152(9) de la Loi prévoit que le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de cotisation. En l’espèce, la position subsidiaire du ministre consiste à invoquer des dispositions additionnelles de la Loi pour déterminer le traitement fiscal de la somme reçue par RCI et CTVNS. Comme l’explique le juge de la CCI, ces arguments portent sur la transaction même qui fait l’objet de la cotisation et aucun impôt additionnel n’en résulte (il y a de fait diminution). Les arguments en question furent annoncés bien avant que ne débute le procès et aucun préjudice ne fut soulevé par l’avocat de RCI (2006) quant à la disponibilité de la preuve pour contrer ces arguments. Selon moi, c’est à bon droit que le juge de la CCI a permis au ministre de faire valoir ces arguments en vertu du paragraphe 152(9).

 

[36]           L’avocat de RCI (2006) soutient que de toute façon il y a « absence totale » de preuve en ce qui a trait à ces arguments subsidiaires. En particulier, rien dans la preuve ne permettait au juge de la CCI de conclure que les ententes de non-concurrence procuraient à RCI et CTVNS un avantage de nature durable et que l’annulation de ces ententes a engendré une diminution d’achalandage. Le juge de la CCI s’en remet pourtant à la preuve pour tirer ses conclusions. Lors de son témoignage, M. Sutherland-Yoest a indiqué que M. Rémillard avait lui-même fait valoir que dans la perspective de CWS les ententes de non-concurrence valaient au moins 12 millions puisqu’elles permettaient de protéger des investissements de l’ordre de 200 millions (Dossier d’appel, Vol. II, p. 257). Selon le juge de la CCI, le fait que le compétiteur de RCI et CTVNS ait accepté de payer 12 millions pour l’annulation des ententes et que cette somme représentait plus de 55% de la valeur des actifs acquis par Groupe CCI en 1997 démontrait bien l’importance de ces droits (motifs, para. 30).

 

[37]           Lors de l’audition, l’avocat de RCI (2006) a reproché au juge de la CCI de ne pas avoir tenu compte dans son calcul du fait que le Groupe CGI comprenait SEC laquelle avait aussi participé de façon importante à l’acquisition des actifs. Ceci cependant ne fait qu’augmenter l’importance relative du montant reçu par RCI et CTVNS pour l’annulation des ententes. Quoiqu’il en soit, le juge de la CCI était bien conscient de cette dichotomie (motifs, para. 27). Il indique cependant que le litige fut présenté en tenant pour acquis que seules RCI et CTVNS avaient droit aux 12 millions et que les parties s’étaient engagées à ne soulever aucune question qui découle du fait que SEC avait renoncé à ce montant (motifs, para. 79, note 32).

 

[38]           Les ententes de non-concurrence furent mises en preuve et même si elles n’étaient en vigueur que pour une durée de 5 ans, elles avaient évidemment l’effet de préserver pendant cette durée l’achalandage obtenu de WMI (motifs, paras. 27 et 28). Considérant l’importance du territoire sur lequel portaient les ententes et du montant payé pour inciter RCI et CTVNS à abandonner leurs droits, l’on ne peut sérieusement prétendre que l’annulation de ces ententes ait été sans conséquence ou n’ait pas eu d’impact négatif sur l’achalandage obtenu de WMI quelques mois auparavant.

 

[39]           Quant à la notion de « bien » en vertu de la Loi, il est reconnu depuis longtemps qu’elle a une portée large qui peut s’étendre à des droits contractuels (Canada c. Golden, [1986] 1 R.C.S. 209, à la p. 214). Plusieurs décisions furent depuis rendues appliquant la notion de bien à des droits contractuels ou même personnels (voir par exemple, Valley Equipment Ltd. c. La Reine, 2008 CAF 65, para. 26; Nadeau c. La Reine, 2003 CAF 400, para. 28; Kieboom c. M.R.N., [1992] 3 CF 488 (C.A.F.), pp. 499 et 500; Sani Sport Inc. c. La Reine, [1990] 2 C.T.C. 15 (C.A.F.), p. 23; La Capitale, Cie D’assurance générale c. La Reine, 98 DTC 6215 (C.A.F.), p. 6221; Rapistan Canada Ltd. c. M.R.N., [1974] 1 CF 739 (C.A.F.), p. 742; Pe Ben Industries Co. c. La Reine, 88 DTC 6347 (CF 1ère instance), p. 6351, 3ième para. avant la fin).

 

[40]           Par ailleurs, comme l’explique le juge de la CCI, la décision de notre Cour dans l’affaire Manrell c. La Reine, 2003 CAF 128, [2003] 3 C.F. 727 n’assiste aucunement l’avocat de RCI (2006) (motifs, paras. 61 à 63). Le principe qui découle de cette décision est que seul un droit qui confère un recours contre quelqu’un d’autre constitue un « bien ». Le droit conféré à RCI et CTVNS en vertu des ententes de non-concurrence était évidemment de cette nature.

 

[41]           En ce qui a trait à la notion de « disposition », le juge de la CCI n’a pas commis d’erreur en attribuant à ce mot son sens usuel dans l’application de l’article 14. C’est ce qu’avait fait la Cour suprême dans l’affaire Compagnie Immobilière BCN, supra, où il fut décidé que le mot « disposition » en anglais (« aliéné » en français) avait une portée suffisamment large pour englober l’extinction d’un droit conféré par un bail (ibidem, pp. 878 à 879).

 

[42]           Le juge de la CCI a d’emblée eu raison de conclure qu’aux fins des dispositions relatives au gain en capital, il y eut « disposition » selon la définition prévue à l’alinéa 54 a) selon laquelle ce mot comprend « un événement donnant droit [...] au produit de disposition d’un bien ». J’ajouterai qu’au niveau des principes ou de la politique fiscale, il n’y a aucune raison de traiter la notion de « disposition » différemment selon qu’il s’agisse de biens visés à l’article 38 ou à l’article 14.

[43]           Dans son mémoire (para. 65), l’avocat de RCI (2006) s’en est remis à la décision de la Cour suprême dans 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, sans référer à aucun passage, pour faire valoir que « seule l’annulation d’une créance monétaire » peut donner lieu à une « disposition ». Il s’agissait dans cette affaire de décider si des pénalités statutaires encourues dans le cours normal des affaires pouvaient être déduites dans le calcul du revenu. Avec égards, cet arrêt ne traite aucunement de la notion de disposition et ne dit rien de la sorte. En principe, tout droit monnayable est susceptible de donner lieu à une disposition lorsque monnayé.

 

[44]           L’avocat de RCI (2006) a aussi fait valoir lors de l’audition que la conclusion du juge de la CCI allait à l’encontre de la décision de notre Cour dans Robert McNeill v. The Queen, 2000 DTC 6211. Il s’agissait dans cette affaire de déterminer si un montant payé à titre de dommages intérêts pour bris de contrat pouvait être déduit dans le calcul du revenu du payeur. La Cour d’appel s’est fondée sur la décision de la Cour suprême dans 65302 British Columbia, supra, pour conclure que le montant était assimilable à une pénalité encourue dans le cours normal des affaires (McNeill, supra, para. 14). L’avocat de RCI (2006) se fonde sur le fait que la ventilation du montant payé – telle qu’elle appert dans la décision de première instance (99 DTC 280) – indique qu’un item d’achalandage fut pris en compte dans le calcul des dommages. Il semble conclure de ceci que la vente d’achalandage n’est pas assujettie à l’article 14. Encore une fois, l’article 14 n’était pas en cause dans cette affaire, et le fait qu’un item d’achalandage fut pris en compte dans le calcul du montant n’affecte en rien la nature du montant en cause, en l’occurrence des dommages assimilables à des pénalités encourues dans le cours normal des affaires (McNeill, supra, para. 16).

[45]           L’avocat de RCI (2006) reproche aussi au juge de la CCI d’avoir mal appliqué la 3ième condition de l’élément E de la formule prévue au paragraphe 14(5) de la Loi. Il se fonde sur la décision de notre Cour dans La Reine c. Toronto Refiners And Smelters Limited, 2002 CAF 476, pour dire que l’analyse devait se faire en fonction du payeur.

 

[46]           Contrairement à ce que soutient l’avocat de RCI (2006), je ne crois pas que cette décision fasse en sorte que l’analyse doive se faire en fonction du payeur en tout état de cause. La Cour dans cette affaire faisait face à une situation exceptionnelle, le paiement en question ayant été effectué par une autorité publique en vertu d’un texte législatif, dans un contexte hors commerce. Afin de tenir compte du contexte réel du paiement, la Cour devait garder à l’esprit que le paiement émanait d’une autorité publique, i.e., la Ville de Toronto, agissant dans l’exercice d’un pouvoir d’expropriation (Toronto Refiners, supra (para. 18)). À toutes fins utiles, ceci rendait la question qui sous-tend l’élément E inapplicable puisque personne ne paierait un montant pour obtenir le droit d’être exproprié.

 

[47]           La décision rendue par notre Cour seize années plus tôt dans The Queen v. Goodwin Johnson (1960) Ltd., [1986] 1 C.T.C. 448, semble cependant contraire à la position adoptée par le juge de la CCI. Il s’agissait dans cette affaire de décider si un paiement de 830 000 $ reçu par l’intimée constituait un montant en immobilisations admissible en vertu du paragraphe 14(1). Cette disposition qui est sensiblement la même que celle qui nous occupe se lisait comme suit :

 

14(1) Lorsque par suite d’une opération effectuée après 1971, une somme est devenue payable à un contribuable au cours d’une année d’imposition à l’égard d’une entreprise qu’il exploite ou qu’il a exploitée et que la contrepartie donnée par ce contribuable pour cette somme était telle que, si le contribuable avait effectué un paiement après 1971 pour cette contrepartie, ce paiement aurait constitué pour le contribuable une dépense en immobilisations admissible à l’égard de l’entreprise. Il faut inclure dans le calcul du revenu tiré dans l’année par le contribuable de l’exploitation de l’entreprise, la fraction, si fraction il y a, de la moitié de la somme ainsi payable (moitié appelée ci-après dans le présent article un « montant en immobilisations admissible » à l’égard de l’entreprise) qui est en sus du montant admissible des immobilisations cumulatives à l’égard de l’entreprise, existant immédiatement avant que la somme ainsi payable soit devenue payable au contribuable.

14(1) Where, as a result of a transaction occurring after 1971, an amount has become payable to a taxpayer in a taxation year in respect of a business carried on or formerly carried on by him and the consideration given by the taxpayer therefore was such that, if any payment had been made by the taxpayer after 1971 for that consideration, the payment would have been an eligible capital expenditure of the taxpayer in respect of the business, there shall be included in computing the taxpayer's income for the year from the business the amount, if any, by which 1/2 of the amount so payable (which 1/2 is hereafter in this section referred to as an "eligible capital amount" in respect of the business) exceeds the taxpayer's cumulative eligible capital in respect of the business immediately before the amount so payable became payable to the taxpayer.

[Je souligne]

 

[48]           Les juges majoritaires (Heald et Urie jj.c.a.) ont conclu que la nature du paiement entre les mains du payeur était déterminante de la nature du paiement entre les mains de l’intimée (Goodwin Johnson, supra, p. 455) :

 

[...] [subsection 14(1)] employs the curious technique of determining whether or not a payment is an eligible capital expenditure by notionally considering the recipient of the payment as the payor for the consideration which was given in return for the payment. In my opinion, that notional change of roles cannot be effected in a vaccum. By that I mean, the circumstances in which the actual payment was made, for the actual consideration given, do not change and cannot be ignored. They are vital in making the determination required to ascertain whether or not the payment is an eligible capital expenditure. As I have concluded that the payment by Naden of $830,000 as the actual payor, was in settlement of an action for damages for breach of contract so too then is the payment of that sum by the notional payor, the respondent. [...]

 

[Je souligne.]

 

Après avoir analysé le paiement dans la perspective du payeur, les juges majoritaires conclurent que la dépense était de nature courante et donc ne constituait pas une dépense en immobilisations admissible (ibidem, p. 456).

 

[49]           Le juge Pratte (dissident) tira la conclusion contraire. Il précisa tout d’abord (ibidem) :

 

[...] In this case, it is common ground that the notional payment that must be assumed to have been made by the respondent is an eligible capital expenditure if it is an expenditure made on account of capital. The narrow issue to be resolved, therefore, is simply whether that notional payment was on account of capital or not.

 

 

Selon lui, le libellé du paragraphe 14(1) était incontournable et faisait en sorte que la question hypothétique devait s’analyser en fonction du « contribuable », en l’occurrence l’intimée (ibidem,
p. 457) :

 

[...] under subsection 14(1), the question is not whether the payment made by [the payor] to the respondent was a capital out-lay. It probably was not. The real and only question is whether the notional payment that must be assumed to have been made by the respondent was on account of capital. That question, as I have already said, must be answered in the affirmative.

[Je souligne.]

 

[50]           Le juge de la CCI, sans traiter de cette décision, mais conscient de son existence puisqu’il y réfère (motifs, para. 85), retient sans le dire le raisonnement du juge Pratte. Il va de soi qu’il était lié par la décision majoritaire, et qu’il ne pouvait comme juge de la CCI, choisir de suivre l’opinion minoritaire (voir à cet égard le commentaire du juge de la CCI, para. 76, note 29). Il avait cependant le loisir d’exprimer son opinion sur la question afin qu’elle puisse être considérée dans l’éventualité d’un appel. À cet égard, le juge de la CCI écrit ce qui suit :

 

[77] Ici, à mon avis, le texte est clair et non équivoque. Dans le contexte de l’élément E de la définition du montant cumulatif des immobilisations admissibles, la contrepartie dont il est question est ce que le « contribuable » a donné pour recevoir le paiement visé par l’élément E. Ici, ce que RCI et CTVNS (ainsi que SEC), qui sont les « contribuables » ont donné en contrepartie des 12 millions de dollars, c’étaient les droits qu’elles détenaient en vertu des ententes de non-concurrence. Maintenant, si le contribuable (et non ceux qui ont versé « le montant ») avait fait un « paiement » « pour cette contrepartie », « ce paiement » aurait-il été « pour lui » une dépense en capital admissible? Ainsi, si RCI et CTVNS avaient versé 12 millions de dollars pour cette contrepartie, à savoir les « droits » créés par les ententes de non-concurrence, est-ce que cette dépense aurait été une dépense en capital admissible pour elles? Il est clair que la question doit être tranchée en fonction du contribuable, et non pas en fonction de celui qui verse le montant. Si ces deux sociétés avaient acquis après 1971 les droits créés par les ententes de non-concurrence, il se serait agi, à mon avis, d’une dépense en capital admissible. Les montants n’auraient pas été déductibles comme dépenses courantes dans le calcul de leur revenu étant donné la prohibition énoncée à l’alinéa 18(1)b) de la Loi pour les dépenses en capital. En effet, il se serait agi d’une telle dépense puisque l’obtention des engagements de non-concurrence leur aurait conféré un avantage durable pour leur entreprise; cette dépense aurait été engagée dans le but de tirer un revenu de leur entreprise et aucune des exceptions prévues à la définition de « dépense en capital admissible » au paragraphe 14(5) de la Loi n’aurait été applicable.

 

 

[78] Même s’il n’est pas nécessaire de s’interroger sur les buts poursuivis par le législateur en adoptant le libellé de la troisième condition énoncée à l’élément E de la définition du montant cumulatif des immobilisations admissibles, je ne peux m’empêcher de constater que le résultat exposé ci-dessus m’apparaît conforme au but du législateur. En effet, quand on a ajouté l’article 14 et l’alinéa 20(1)b) à la Loi lors de la réforme fiscale de 1972, c’était pour permettre aux entreprises de déduire sur plusieurs années une partie de leurs dépenses en capital relatives aux biens incorporels, comme le coût de l’achalandage, qui n’aurait pas été admissible comme dépense avant 1972. En plus de reconnaître l’admissibilité de ce type de dépenses, on a aussi établi des règles pour récupérer dans le revenu, quand le produit de disposition dépasse la fraction non amortie de ces dépenses, les montants déduits en vertu de l’alinéa 20(1)b) à la suite de la disposition d’une immobilisation admissible et pour imposer la plus-value réalisée lors de cette disposition. Or, il est possible de posséder de l’achalandage sans l’avoir acheté. Par exemple, un entrepreneur qui fonde une nouvelle entreprise et qui l’exploite avec succès pendant plusieurs années développe une main d’œuvre qualifiée, bâtit une réputation et une clientèle; cet entrepreneur se trouve ainsi à créer de l’achalandage, c’est-à-dire une capacité de réaliser des bénéfices. Si l’entrepreneur vend son entreprise, il est souvent capable de monnayer cette capacité, même si cet actif n’apparaît pas dans son bilan comme élément distinct. Un indice de la présence de cet achalandage est le fait de recevoir un prix de vente qui dépasse la juste valeur marchande de tous les biens corporels de l’entreprise. Donc, pour déterminer si ce bien constituait un bien faisant partie des stocks, une immobilisation ou une immobilisation admissible, il fallait trouver une façon de faire en sorte que l’article 14 ne s’applique qu’aux immobilisations admissibles.

 

 

[79] [...] Quelle serait la pertinence de la nature d’une dépense pour une tierce partie aux fins de déterminer si l’argent reçu pour la renonciation aux droits créés par les ententes de non-concurrence constitue ou pas un montant en immobilisations admissible pour RCI et CTVNS? Il n’y a aucun intérêt à connaître le statut ou la nature de la dépense entre les mains du [payeur], puisque c’est la nature des droits auxquels ont renoncé RCI et CTVNS qui doit décider de leur traitement fiscal. [...] [références omises.]

 

 

[51]           Selon moi, l’opinion exprimée par le juge de la CCI est convaincante. Au-delà du libellé législatif, qui est clair et limpide quant au point précis qui nous occupe, aucune logique ne peut justifier que le traitement fiscal d’un contribuable soit déterminé en fonction des circonstances relatives à un autre contribuable. À mon sens, la question est suffisamment claire pour nous permettre de dire que l’opinion majoritaire exprimée par notre Cour dans l’affaire Goodwin Johnson, supra, selon laquelle la qualité du montant doit être analysée en fonction du payeur, ne fait plus jurisprudence (voir Miller v. Canada (A.G.), 2002 FCA 370, aux paras. 8 à 10).

 

[52]           J’en viens donc à la conclusion que la question hypothétique devait s’analyser en fonction des deux contribuables en cause soit RCI et CTVNS. Puisque dans la perspective de RCI et CTVNS, le montant hypothétique payé pour acquérir les droits constitués par les ententes de non-concurrence serait une dépense en immobilisations admissible, c’est à bon droit que le juge de la CCI a conclu que le 12 millions devait être inclus dans le calcul du revenu de RCI et CTVNS en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi.

 

[53]           Ayant ainsi conclu, il n’est pas nécessaire que nous nous penchions sur cet aspect du jugement qui analyse la question hypothétique en fonction du payeur (motifs, para. 86) non plus que sur les motifs qui sous-tendent la conclusion alternative selon laquelle la disposition des droits conférés par les ententes de non-concurrence a donné lieu à un gain en capital (motifs, paras. 87 à 89). Je crois cependant utile de dire que l’avocat de RCI (2006) n’a su démontrer aucune brèche dans le raisonnement du juge de la CCI relativement à l’une ou l’autre de ces questions.

 

[54]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

        Robert Décary j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

        Gilles Létourneau j.c.a. »

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-35-08

 

(APPEL D’UN JUGEMENT DU JUGE ARCHAMBAULT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPOT, DU 20 DÉCEMBRE 2007, NO. DES DOSSIERS 2005-3860(IT)G ET

2005-3861(IT)G.)

 

INTITULÉ :                                                                           RCI Environnement Inc. et

                                                                                                (Centres de Transbordement et de Valorisation Nord-Sud Inc.) et Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 1 décembre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT:                                                 Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Décary

                                                                                                Le juge Létourneau

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 29 décembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Maurice Trudeau

POUR L’APPELANTE

 

Nathalie Lessard

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Maurice Trudeau

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur gén.ral du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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