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Date : 20081222

Dossiers : A-237-07

A-583-06

 

Référence : 2008 CAF 415

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE BLAIS

                        LE JUGE PELLETIER

 

                                                                                                                                             A-237-07

ENTRE:

DIMITRIOS PAPADOPOULOS

demandeur

 

et

 

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS , DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER

et

CORUS ENTERTAINMENT INC.

défendeur

 

A-583-06

ENTRE:

DIMITRIOS PAPADOPOULOS

demandeur

 

et

 

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS , DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER

et

CORUS ENTERTAINMENT INC.

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 19 novembre 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 décembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     Le juge Blais

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20081222

Dossiers : A-237-07

A-583-06

 

                                                                                                                Référence : 2008 CAF 415

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE BLAIS

                        LE JUGE PELLETIER

 

A-237-07

ENTRE:

DIMITRIOS PAPADOPOULOS

demandeur

 

et

 

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS , DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER

et

CORUS ENTERTAINMENT INC.

défendeur

 

A-583-06

ENTRE:

DIMITRIOS PAPADOPOULOS

demandeur

 

et

 

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS , DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER

et

CORUS ENTERTAINMENT INC.

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE BLAIS

[1]               Le demandeur a déposé une plainte contre le défendeur Syndicat canadien des communications de l’énergie et du papier, ci-après (le Syndicat), devant le Conseil canadien des relations industrielles, ci-après (le Conseil). La plainte alléguait une violation par le Syndicat de l’article 37 du Code canadien du travail, ci-après (le Code), lequel prévoit qu’un syndicat ne doit pas agir de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociations qu’il représente.

 

[2]               Après avoir donné aux parties l’opportunité d’exposer leur position par écrit et de déposer la preuve documentaire qu’elles jugeaient pertinente, le Conseil a rendu une décision en date du 5 décembre 2006.

 

[3]               Le 12 avril 2007, suite à une demande de réexamen déposée au Conseil par le demandeur, le Conseil a rendu une nouvelle décision rejetant la demande de réexamen du demandeur, après avoir donné l’opportunité aux parties d’exposer leur position respective sur la question en litige.

 

[4]               Le demandeur a par la suite déposé deux demandes de contrôle judiciaire à l’encontre des deux décisions du Conseil, lesquelles font l’objet de la présente décision.

 

[5]               La récente décision de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. no 9 (QL), nous enseigne que les normes de contrôle applicables ont été maintenant réduites à la norme de la décision raisonnable ou encore de la décision correcte.

 

[6]               Les parties ont convenu, correctement à mon avis, que la norme de contrôle applicable dans l’analyse du présent dossier est celle de la décision raisonnable. Par ailleurs, dans l’analyse de la question à savoir si une règle de justice naturelle a été violée, la Cour appliquera la norme de la décision correcte.

 

[7]               La Cour entend disposer en premier lieu de la prétention du demandeur à l’effet que le Conseil n’aurait pas respecté les règles de justice naturelle dans l’analyse de la demande. J’ai examiné en détail la volumineuse preuve documentaire dont a été saisi le Conseil tant au moment de sa décision initiale, rendue en décembre 2006, qu’en réexamen de la décision initiale par sa décision rendue en avril 2007.

 

[8]               Le demandeur prétend qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale du fait que son dossier tel que conservé au bureau du Conseil à Montréal ne contenait pas tous les éléments de preuve qui se trouvaient dans son dossier au bureau du Conseil à Ottawa. De là, le demandeur allègue que le Conseil a décidé sa cause sans avoir tenu compte de tous les éléments de preuve au dossier, allégation qui présuppose que le Conseil a rendu ses deux décisions sur la foi du dossier tel que constitué à Montréal. Cet argument ne peut être retenu puisque le Conseil a soumis une copie certifiée de son dossier à la Cour, c'est-à-dire le dossier sur lequel il s’est penché en rendant ses deux décisions. En l’absence d’une preuve que ce dossier n’est pas complet, l’argument du demandeur doit être rejeté.

 

[9]               Le demandeur n’a pas réussi à me convaincre que le Conseil, tant dans sa décision initiale qu’en réexamen, n’a pas respecté une règle de justice naturelle; à mon avis, le Conseil a été en mesure d’examiner l’ensemble du dossier qui était devant lui, et la copie certifiée a été soumise en entier à l’examen de notre Cour.

 

[10]           Quant à la plainte du demandeur, il appert du dossier devant le Conseil que le demandeur aurait reçu une note de service de l’employeur, indiquant que le quart de nuit serait aboli, ce qui avait un impact direct sur ses conditions d’emploi et que le demandeur s’est plaint de ces changements, dès le 6 décembre 2004. Le même jour, la déléguée en chef du Syndicat, défendeur dans le présent dossier, a répondu à cette plainte par courriel et a répondu à chacune des violations alléguées de la Convention collective, article par article, en expliquant la position du Syndicat.

 

[11]           La représentante du Syndicat a conclu que la revendication du demandeur ne trouvait pas fondement dans la Convention collective et elle offrait cependant son soutien ultérieur au demandeur.

 

[12]           Plus de deux mois plus tard, soit le 11 février 2005, le demandeur a avisé son syndicat qu’il entendait déposer un grief alléguant un congédiement déguisé.

 

[13]           La représentante syndicale a encore une fois répondu en détail à chacune des allégations du demandeur en expliquant pourquoi le Syndicat croyait qu’il n’était pas opportun de déposer ce grief qui n’avait à peu près aucune chance de succès.

 

[14]           Le grief proposé n’a donc pas eu de suite et n’a donc pas été déposé. Le demandeur qui avait initié des discussions directement avec l’employeur par lettre le 11 février 2005 est arrivé à une entente directement avec son employeur, moins de trois semaines après sa discussion avec la représentante syndicale.

 

[15]           Il n’a pas été possible de connaître les détails de l’entente intervenue entre le demandeur et l’employeur vu la confidentialité de l’entente. Il est donc impossible de connaître quels sont les éléments du grief qui n’auraient pas été réglés.

 

[16]           À la lecture des deux décisions, tant celle de décembre 2006 que d’avril 2007 en réexamen, je suis satisfait que le Conseil a fait un examen minutieux de la preuve qui lui était soumise et a référé à un grand nombre des éléments et arguments soumis de part et d’autre.

 

[17]           En outre, je suis d’avis que les décisions du Conseil sont tout à fait raisonnables dans les circonstances, compte tenu de la preuve qui lui était soumise.

 

[18]           L’article 37 du Code indique qu’un agent syndical ne doit pas agir d’une façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi dans la représentation de l’un ou l’autre des employés et de l’unité de négociations.

 

[19]           En dépit des graves accusations soulevées par le demandeur, il appert que les représentants syndicaux ont réagi promptement aux allégations du demandeur et ont exposé de façon claire et précise pourquoi le Syndicat concluait à l’absence de fondement de la majorité des points soulevés par le demandeur.

 

[20]           Le Conseil est arrivé à la conclusion que le Syndicat a pris toutes les mesures nécessaires pour examiner la réclamation du demandeur avant de décider de ne pas supporter le grief proposé.

 

[21]           Dans sa décision récente, Société Télé-Mobile c. Syndicat des travailleurs en télécommunications, 2004 CAF 438, [2004] A.C.F. no 2123 (QL), notre Cour mentionne aux paragraphes 46 et 47 :

46     Les conseils de relations industrielles au Canada comptent parmi les plus élevés de nos tribunaux administratifs et ils sont vus comme dépositaires d'un large mandat et d'une spécialisation correspondante en ce qui a trait à la réglementation des relations de travail. Les solides clauses privatives que l'on trouve en général dans leurs lois habilitantes sont un autre signe de la volonté du législateur de voir les cours de justice, dans les procédures de contrôle judiciaire, acquiescer en général aux décisions des conseils de relations industrielles. Ces observations valent tout à fait pour le Conseil canadien des relations industrielles.

 

47     Il est inutile de mener une analyse pragmatique et fonctionnelle complète chaque fois que la décision d'un conseil de relations industrielles est l'objet d'une procédure de contrôle judiciaire : il existe un large consensus sur le statut des offices de ce genre, sur le champ de leur mandat et de leur spécialisation et sur les objets généraux du Code. De plus, de solides clauses privatives sont généralement insérées dans leurs lois habilitantes. Le travail d'enquête peut donc se concentrer sur la nature de la question en litige et sur le point de savoir si cette question entre dans le champ de la spécialisation du Conseil. Ici également, la jurisprudence dispense les juridictions de contrôle de chercher constamment à réinventer la roue : par interprétation de leurs lois constitutives et des lois qui s'y rattachent étroitement, les décisions des conseils de relations industrielles ne sont en principe réformables que selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, quand bien même la disposition législative en cause renfermerait également une signification juridique plus générale […].

 

(Nous soulignons.)

 

[22]           Quant à la décision du Conseil en réexamen, notre Cour a aussi rendu une décision dans un dossier qui avait suivi le même parcours procédural; Williams c. Fraternité internationale des Teamsters, section locale 938, 2005 CAF 302, [2005] A.C.F. no 1550 (QL). Dans ce dossier, M. Williams avait déposé une plainte contre son syndicat, également en vertu de l’article 37 du Code, qui fut rejetée. Une demande de réexamen fut également déposée et rejetée. Dans sa décision rejetant le contrôle judiciaire, le juge Nadon précise :

4     La Cour a toujours statué que les décisions du Conseil commandent la plus grande retenue de la part des tribunaux judiciaires. En l'espèce, tous les critères utilisés pour une analyse pragmatique et fonctionnelle mènent à la conclusion que la décision du Conseil ne doit pas être modifiée à moins qu'elle soit manifestement déraisonnable (voir Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C. S. 226). La seule exception concerne les questions d'équité procédurale auxquelles il appartient à la Cour de donner une réponse juridique (voir S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100).

 

5     Le critère de la décision manifestement déraisonnable est très exigeant. Une décision n'est pas manifestement déraisonnable pour la simple raison que la Cour peut ne pas être d'accord avec celle-ci. Pour que la décision du Conseil sur une demande de réexamen soit manifestement déraisonnable, la Cour doit conclure qu'elle est clairement irrationnelle.

 

(Nous soulignons.)

 

[23]           Plus loin, le juge ajoute au paragraphe 7 :

7     Il m'est impossible de dire que la décision du Conseil sur la demande de réexamen était manifestement déraisonnable. Une demande de réexamen n'est pas une possibilité d'obtenir une nouvelle audience et ne constitue pas non plus un appel. Dans son examen de la décision initiale, la formation chargée du réexamen ne pouvait substituer sa propre appréciation des faits à celle de la formation initiale. En l'espèce, vu les faits dont elle a été saisie, la formation initiale a conclu que le syndicat avait le droit de ne pas poursuivre l'affaire et le demandeur n'invoque aucun fait ou motif nouveau qui pourrait modifier cette conclusion.

 

 

[24]           Dans la décision devant notre Cour, le Conseil énonce à la page 4 :

La banc [sic] de révision remarque que la plupart des observations du requérant renferment des arguments identiques ou semblables à ceux qui ont été présentés au banc initial. Une telle tentative de débattre de nouveau une affaire ne constitue pas un motif de réexamen.

 

[25]           En l’absence de preuve de faits nouveaux, le Conseil avait raison de refuser la révision. En ce qui me concerne, les conclusions du Conseil sont tout à fait raisonnables dans les circonstances.

 

[26]           Je rejetterais les deux demandes de contrôle judiciaire, avec dépens; d’une part celle s’attaquant à la décision initiale du 5 décembre 2006 rendue par le Conseil canadien des relations industrielles ainsi que la décision en réexamen du Conseil canadien des relations industrielles, rendue le 12 avril 2007.

 

[27]           Les présents motifs s’appliqueront aux dossiers A-237-07 et A-583-06.

 

 

 

« Pierre Blais »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord. »

            « M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord. »

            « J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

           


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIERS :                 A-237-07 et A-583-06

 

INTITULÉS :                                                                                                                     A-237-07

DIMITRIOS PAPADOPOULO c. SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS , DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER

and CORUS ENTERTAINMENT INC.

A-583-06

DIMITRIOS PAPADOPOULO c. SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS , DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER

and CORUS ENTERTAINMENT INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   19 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Pierre Blais

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Nadon

                                                                                                Le juge Pelletier

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 22 décembre 2008

COMPARUTIONS :

Dimitrios Papadopoulos

Se représente lui-même

 

Michael Cohen

 

 

 

Patrick Glaude

Pour le défendeur, Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada

 

Pour le défendeur,

Corus Entertainment Inc.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Melançon Marceau Grenier et Sciortino

Montréal (Québec)

 

 

BCF s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

Pour le défendeur, Communications Energy and Paperworkers Union of Canada

 

Pour le défendeur,

Corus Entertainment Inc.

 

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