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Date : 20090504

Dossier : A-565-08

Référence : 2009 CAF 138

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE SEXTON

                       

 

ENTRE :

NOVOPHARM LIMITED

appelante

et

ELI LILLY CANADA INC.,

ELI LILLY AND COMPANY LIMITED ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 4 mai 2009

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 4 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                        LE JUGE SEXTON

 


 

 

Date : 20090504

Dossier : A-565-08

Référence : 2009 CAF 138

 

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE SEXTON

                       

 

ENTRE :

NOVOPHARM LIMITED

appelante

et

ELI LILLY CANADA INC.,

ELI LILLY AND COMPANY LIMITED ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 4 mai 2009)

LE JUGE SEXTON

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Novopharm à l’encontre d’une décision par laquelle le juge Martineau de la Cour fédérale a rejeté sa requête visant à obtenir un jugement déclarant que certains articles du Règlement modifiant le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/2008-211 (le Règlement modificatif), excédaient les pouvoirs du gouverneur en conseil, ainsi que tout autre redressement corrélatif (2008 CF 1221). Le juge des requêtes a conclu qu’il n’avait pas compétence pour rendre le jugement déclaratoire demandé par Novopharm et, subsidiairement, qu’il aurait exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’accorder s’il avait eu compétence. Par conséquent, il était inutile d’examiner l’autre redressement demandé.

 

[2]               Novopharm a introduit sa requête en réponse à une demande présentée par l’intimée Eli Lilly Canada (Lilly) en application du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement AC). Eli Lilly and Company Limited a obtenu le brevet canadien no 2,214,005 (le brevet 005), le 3 juillet 2001, relativement à l’olanzapine, et Lilly commercialise des comprimés fondants d’olanzapine au Canada. La demande présentée par Lilly visait à obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un avis de conformité (AC) à Novopharm relativement à sa version générique des comprimés fondants d’olanzapine.

 

[3]               En général, l’alinéa 6(5)a) du Règlement AC autorise un fabricant de médicaments génériques à saisir le tribunal d’une requête en vue de faire rejeter la demande d’ordonnance d’interdiction présentée par un innovateur au motif que le brevet pertinent n’est pas admissible à l’inscription au registre. Novopharm prétend que le brevet 005 n’est pas admissible à l’inscription au registre parce qu’il n’est pas pertinent quant aux suppléments à la présentation de drogue nouvelle de Lilly et quant aux AC auxquels il se rapporte et à l’égard desquels il est inscrit.

 

[4]               Cependant, le Règlement AC a été modifié le 12 juin 2008 par le Règlement modificatif, pris en vertu du paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4. Le paragraphe 6(5.1) du Règlement AC, édicté par l’article 3 du Règlement modificatif, prévoit qu’une demande ne peut être rejetée pour la seule raison que le brevet n’est pas admissible à l’inscription au registre où il était inscrit avant le 17 juin 2006. Le brevet 005 était inscrit avant cette date et constitue donc un « brevet bénéficiant de droits acquis ».

 

[5]               Par ailleurs, l’article 2 du Règlement modificatif a modifié le Règlement AC de manière à prévoir que le ministre ne peut refuser d’ajouter au registre un brevet bénéficiant de droits acquis pour la seule raison que celui-ci n’est pas pertinent quant à une présentation de drogue nouvelle ou quant aux suppléments à une présentation de drogue nouvelle. De plus, le ministre ne peut supprimer du registre un brevet bénéficiant de droits acquis, sous réserve de quelques exceptions fondées sur le « bon sens ». L’article 4 du Règlement modificatif a prévu des dispositions transitoires relativement aux brevets bénéficiant de droits acquis.

 

[6]               Comme l’indique le paragraphe 4(8) du Règlement modificatif, le nouveau paragraphe 6(5.1) ne s’applique pas si la requête du fabricant de médicaments génériques visant à faire rejeter la demande a été présentée avant la date de publication du Règlement modificatif dans la partie I de la Gazette du Canada, soit le 26 avril 2008. Cependant, comme la requête a été présentée par Novopharm après cette date, elle ne pouvait bénéficier de cette exception.

 

[7]               Si le Règlement modificatif n’avait pas été pris, le brevet 005 ne serait pas à l’abri de l’application possible de l’alinéa 6(5)a). En conséquence, Novopharm a demandé au juge des requêtes de déclarer que les articles 2, 3 et 4 du Règlement modificatif excédaient les pouvoirs de réglementation conférés par la Loi sur les brevets et qu’ils étaient donc inopérants.

 

[8]               Nous sommes d’avis que le juge des requêtes n’a commis aucune erreur lorsqu’il s’est exprimé en ces termes (au par. 23) :

[traduction]

En conséquence, en rendant un jugement déclaratoire général et contraignant selon lequel le  Règlement modificatif de 2008 est ultra vires et inopérant, la Cour irait bien au-delà de la portée limitée de la procédure sommaire intentée en l’espèce sous le régime du Règlement AC. Voir Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd.; Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc., [1998] 2 R.C.S. 129, par. 93, 95 et 97.

 

Nous sommes d’avis que l’arrêt Eli Lilly (cité par le juge des requêtes), qu’a rendu la Cour suprême, écartait la possibilité que soit accordé un jugement déclaratoire interlocutoire dans une instance relative à un AC. Bien que les déclarations particulières sollicitées dans cette affaire aient concerné les droits privés, la Cour suprême a souligné que l’instance relative à un AC est de nature sommaire et donne généralement lieu à une décision ne liant que les parties au litige. Le fait de rendre un jugement déclarant légal le règlement est incompatible avec la nature limitée de la procédure.

 

[9]               Par ailleurs, comme l’a rappelé le juge des requêtes, en général, les jugements déclaratoires ne sauraient être demandés par voie de requête (Pacific Salmon Inc. c. La Reine, [1985] 1 C.F. 504, p. 510 (1re inst.)). Aucune des décisions invoquées par Novopharm à cet effet ne dit le contraire. Dans Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., [1980] 1 C.F. 184 (1re inst.), inf. par [1985] 2 C.F. 40 (C.A.), conf. par [1989] 1 R.C.S. 695, et Association canadienne des radiodiffuseurs c. Canada, 2005 CF 1217, 50 Admin. L.R. (4th) 26, conf. par 2006 CAF 208, 353 N.R. 12, la cour a ordonné que les questions de droit préliminaires soient tranchées avant l’instruction, dans le contexte d’une action. Il s’agit d’une procédure que prévoient expressément les Règles des Cours fédérales.

 

[10]           La Cour a récemment confirmé dans Conseil canadien pour les réfugiés c. Canada, 2008 CAF 229, 74 Admin. L.R. (4th) 79, au par. 55, qu’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, est la procédure appropriée pour contester la validité d’un règlement pris par le gouverneur en conseil. Bien que l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales habilite la Cour à rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral, le paragraphe 18(3) prévoit que le recours « [est exercé] par présentation d’une demande de contrôle judiciaire ». La demande d’ordonnance ou d’interdiction, qui est présentée par un innovateur en application du paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets et de l’article 6 du Règlement AC, ne constitue pas une telle demande.

 

[11]           En conséquence, nous concluons qu’un jugement déclaratoire relatif à la validité d’une loi ne peut être accordé dans le contexte d’une demande présentée sous le régime du Règlement AC. La voie de recours appropriée pour Novopharm consiste à déposer une demande de contrôle judiciaire en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales en vue d’obtenir un jugement déclaratoire selon lequel le Règlement AC est ultra vires. Nous ne sommes pas convaincus par les arguments de Novopharm qu’il serait peu pratique ou irréalisable qu’elle procède de la sorte.

 

[12]           Pour ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens en faveur des intimés.

 

 

« J. Edgar Sexton »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                      A-565-08

 

(APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE PAR MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU, DE LA COUR FÉDÉRALE, LE 3 NOVEMBRE 2008, DANS LE DOSSIER NO T-703-08 DE LA COUR FÉDÉRALE)

 

INTITULÉ :                                                                    NOVOPHARM LIMITED c. ELI LILLY CANADA INC., ELI LILLY AND COMPANY LIMITED ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                             LE 4 MAI 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                  (LES JUGES DÉCARY, LINDEN ET SEXTON.)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                         LE JUGE SEXTON

 

COMPARUTIONS :

 

JONATHAN STAINSBY

ANDREW SKODYN

 

 

POUR L’APPELANTE

 

ANTHONY CREBER

SCOTT ROBERTSON

 

POUR L’INTIMÉE (ELI LILLY CANADA INC.)

 

Frederick B. WOYIWADA

POUR L’INTIMÉ (LE MINISTRE DE LA SANTÉ)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

HEENAN BLAIKIE S.E.N.C.R.L., SRL

Toronto (Ontario)

 

 

POUR L’APPELANTE

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON S.E.N.C.R.L.

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE (ELI LILLY CANADA INC.)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ (LE MINISTRE DE LA SANTÉ)

 

 

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