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Federal Court of Appeal

Cour d'appel fédérale

 

 

Date : 20090630

Dossier : A-393-08

Référence : 2009 CAF 222

 

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE EVANS                 

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

APOTEX INC.

et

APOTEX PHARMACHEM INC.

 

appelantes

et

ADIR et

SERVIER CANADA INC.

 

intimées

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), les 1er et 2 juin 2009

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                       LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE LINDEN

                                                                                                            LE JUGE EVANS

 


Federal Court of Appeal

Cour d'appel fédérale

Date : 20090630

Dossier : A-393-08

Référence : 2009 CAF 222

 

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE EVANS                 

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

APOTEX INC.

et

APOTEX PHARMACHEM INC.

 

appelantes

et

 

 

ADIR et

SERVIER CANADA INC.

 

intimées

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Apotex Inc. et Apotex Pharmachem Inc. (ci-après collectivement appelées Apotex) du jugement rendu par la juge Snider, le 2 juillet 2008, dans le cadre d’une action en contrefaçon du brevet canadien no 1,341,196 (le brevet 196).

 

[2]               Les intimées, ADIR et Servier Canada Inc. (appelées indifféremment ADIR ou Servier tout au long des présents motifs), ont intenté une action contre Apotex, dans laquelle il est allégué que celle-ci a contrefait le brevet 196 d’ADIR. Apotex a opposé à l’action plusieurs moyens de défense. Elle a notamment fait valoir que le brevet 196 est invalide parce qu’il n’est pas inventif à la lumière des divulgations antérieures et des connaissances générales communes; qu’ADIR n’était pas le premier inventeur; que le brevet n’a pas d’utilité; qu’il n’existait aucun fondement pour faire une prédiction valable à la date du dépôt au Canada. Par voie de demande reconventionnelle, Apotex a réclamé des dommages-intérêts en vertu de l’article 36 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34 (la Loi sur la concurrence) au motif qu’ADIR a obtenu le brevet 196 en violation de l’article 45 de la Loi sur la concurrence.

 

[3]               La juge Snider a notamment conclu que les revendications no 1, 2, 3 et 5 du brevet 196 sont valides et ont été contrefaites par Apotex. Elle a rejeté la demande reconventionnelle d’Apotex. Bien qu’Apotex invoque plusieurs moyens d’appel et allègue que la juge de première instance a commis de nombreuses erreurs, nul ne conteste sa décision concernant la contrefaçon (si sa conclusion concernant la validité est maintenue) ou les réparations (si Apotex n’obtient pas gain de cause dans le présent appel).

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que les erreurs reprochées par Apotex touchent principalement les conclusions de fait tirées par la juge de première instance à l’égard desquelles Apotex n’a pas démontré qu’une erreur manifeste et dominante a été commise. Je conclus également que, dans la mesure où les arguments d’Apotex se rapportent à des questions de droit, la juge de première instance n’a pas commis les erreurs alléguées. Par conséquent, je rejetterais l’appel.

CONTEXTE

 

[5]               ADIR est une société pharmaceutique innovatrice. Elle est la titulaire du brevet 196. Servier exploite les droits de brevet au Canada. La demande relative au brevet 196 a été déposée le 1er octobre 1981. En conséquence, c’est la version antérieure au 1er octobre 1989 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 (la Loi sur les brevets) qui s’applique. Lorsqu’il est fait mention de la Loi sur les brevets dans les présents motifs, sauf indication contraire, il est question de la Loi sur les brevets antérieure à octobre 1989.

 

[6]               Le brevet revendique la priorité par rapport à deux demandes de brevet déposées en France le 2 octobre 1980 et le 7 avril 1981. La présente procédure porte sur les revendications no 1, 2, 3 et 5, lesquelles sont ainsi libellées :

 

1.         Composés répondant à la formule générale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

dans laquelle :

 

R1 représente un atome d'hydrogène ou un groupe alkyle de 1 à 4 atomes de carbone

 

R2 représente un groupe alkyle linéaire de 1 à 6 atomes de carbone et leurs sels d'addition pharmaceutiquement acceptables.

 

 

2. Un composé selon la revendication 1 où R2 est un alkyle de 3 ou 4 atomes de carbone et leurs sels pharmaceutiquement acceptables.

 

 

3. Un composé selon la revendication 1 où R2 est un n-propyle et ses sels pharmaceutiquement acceptables.

 

 

5. Le composé selon la revendication 1 qui est le {N - [(1,S) éthoxycarbonyl - 1 butyle] (S) - alanyle} - 1 carboxy – 2(S) (3aS,7aS) perhydroindole et ses sels pharmaceutiquement acceptables.

 

[7]               Le brevet 196 a été délivré au terme de longues procédures en cas de conflit mettant en cause les demandes déposées par Schering Corporation (Schering) et Hoechst Aktiengesellschaft (Hoechst). Les procédures ont finalement été résolues par une ordonnance de la Cour fédérale, sur consentement, en date du 12 décembre 2000. Les revendications nos 1 à 3 du brevet 196 ont été délivrées le 6 mars 2001 et expirent le 6 mars 2018. La revendication no 5 du brevet 196 a été corrigée à deux reprises et a été délivrée, sous sa forme actuelle, le 14 mai 2001; elle expire le 14 mai 2018.

 

[8]               La question en litige en l’espèce porte sur la mise au point des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA). L’ECA est une enzyme qui peut se lier à une protéine, l’angiotensine I, pour produire l’angiotensine II, ce qui a pour effet d’élever la pression artérielle par constriction des vaisseaux sanguins. Les inhibiteurs de l’ECA se lient à l’ECA pour prévenir la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II, ce qui contribue à abaisser la pression artérielle. Le premier inhibiteur de l’ECA efficace par voie orale, le captopril, a été inventé par Bristol-Myers Squibb (Squibb) vers 1977.

 

[9]               À la suite de l’invention du captopril, d’autres sociétés pharmaceutiques ont commencé à mettre sur pied des programmes de recherche sur les inhibiteurs de l’ECA. Pour pallier les graves effets secondaires ressentis par certains utilisateurs de captopril, Merck & Co. (Merck) a mis au point un nouvel inhibiteur de l’ECA, l’énalapril, qu’elle a présenté à l’occasion d’un congrès à Troy (New York) (« le congrès de Troy ») le 18 juin 1980. L’énalapril a un groupe N-carboxyalkyle au lieu du groupe sulfhydryl-méthylène qui posait problème dans le captopril. Le captopril et l’énalapril contiennent la même unité proline.

 

[10]           Schering et ADIR avaient toutes deux travaillé sur les inhibiteurs de l’ECA avant le congrès de Troy. À la suite de cette divulgation, Schering et ADIR, entre autres, se sont intéressées à la molécule d’énalapril.

 

[11]           Les travaux de recherche de Schering étaient axés sur l’utilisation de diverses structures bicycliques au lieu de la proline sur une molécule de type énalapril. Un des composés créés par Schering grâce à ces travaux contenait des molécules ayant un cycle perhydroindole au lieu de l’unité proline. Schering a présenté une demande de brevet le 20 octobre 1981, et a obtenu par la suite le brevet canadien no 1,341,206 (le brevet 206). Le brevet 206 concerne la molécule de ramipril, un composé inhibiteur de l’ECA. Schering et ses licenciés ont commercialisé le ramipril, lequel a connu un énorme succès commercial.

 

[12]           Les travaux d’ADIR étaient également axés sur l’utilisation de structures bicycliques au lieu de la proline sur le squelette de Merck. En 1981, M. Vincent, un scientifique d’ADIR, a créé une molécule avec un cycle perhydroindole à l’extrémité proline d’une molécule de type énalapril (aussi connue sous le nom d’extrémité C-terminale), mais a également utilisé un propyle sur la chaîne latérale à l’autre extrémité (aussi connue sous le nom d’extrémité N-terminale). Le 1er septembre 1981, ADIR a testé un sel énantiomériquement pur (S) de ce composé, appelé perindopril. Elle a déposé la demande de brevet canadien no 387,093 (la demande 093) relativement à ces travaux.

 

[13]           Schering et Hoechst avaient également déposé des demandes de brevet relativement à divers composés inhibiteurs de l’ECA. Le commissaire aux brevets (le commissaire) a placé en conflit la demande 093, la demande de brevet  no 388,336 (Schering), la demande de brevet no 384,787 (Hoechst) et la demande de brevet no 418,453 (Hoechst), tel que le prévoyait la Loi sur les brevets.

 

[14]           Le 8 août 1996, le commissaire a rendu ses décisions, conformément au paragraphe 43(7) de la Loi sur les brevets. Aucun des demandeurs n’était satisfait des résultats et ils ont introduit six actions à la Cour fédérale, conformément au paragraphe 43(8). Les instances ont ensuite été réunies dans le dossier T-228-97 de la Cour, à la suite d’une ordonnance rendue par le juge Joyal (l’ordonnance du juge Joyal).

 

[15]           ADIR, Hoechst et Schering ont finalement réglé l’instance. Le 12 décembre 2000, le juge Nadon, alors juge à la Cour fédérale, a prononcé une ordonnance, sur consentement, qui répartissait les revendications entre les parties (l’ordonnance du juge Nadon). Le brevet 196 vise les revendications attribuées à ADIR.

 

[16]           Servier est un licencié d’ADIR et fabrique du perindopril pour le vendre au Canada. Le perindopril fait partie d’une famille de composés. Il s’agit d’un inhibiteur de l’ECA et il est utilisé pour le traitement de l’hypertension et de l’insuffisance cardiaque. Le perindopril est l’ingrédient actif dans le médicament que Servier vend au Canada sous la marque de commerce COVERSYL. Depuis au moins 2006, Apotex, un fabricant de médicaments génériques, fabrique des produits de perindopril au Canada et les exporte à des sociétés affiliées et à d’autres sociétés à l’étranger.

 

LA DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE

[17]           Après 30 jours de procès, la juge Snider a conclu que le brevet 196 est valide et a été contrefait par Apotex. Tel qu’indiqué ci-dessus, elle a rejeté la demande reconventionnelle d’Apotex en vertu de la Loi sur la concurrence. Les conclusions de la juge sont résumées ci-dessous.

 

La qualité pour agir

[18]           La juge de première instance a statué que seules ADIR et Servier Canada avaient qualité pour agir à titre de demanderesses. La preuve n’était pas suffisamment convaincante pour qu’elle puisse conclure que les demanderesses étrangères autres qu’ADIR détenaient une licence pour utiliser le brevet 196 au Canada ou qu’elles pouvaient autrement se réclamer du breveté, ADIR.

 

L’interprétation des revendications

[19]           L’interprétation des revendications no 1, 2, 3 et 5 du brevet 196 n’était pas litigieuse. La juge Snider a interprété les revendications en fonction de l’objet du brevet. Elle a décrit la personne versée dans l’art comme une personne possédant au moins quelques années d’expérience en milieu universitaire ou dans l’industrie dans son domaine, et titulaire d’une maîtrise ou d’un doctorat en chimie organique synthétique, en chimie médicinale, en pharmacologie ou en biochimie, ou un médecin possédant plusieurs années d’expérience dans le traitement de l’hypertension ou de l’insuffisance cardiaque chez les humains.

 

[20]           La juge Snider a conclu qu’une personne versée dans l’art interpréterait les revendications en cause de la façon suivante :

La revendication no 1 se rapporte à un sous-ensemble de composés répondant à la formule générale I, dans laquelle R1 représente un atome d’hydrogène ou un groupe alkyle d’un à quatre atomes, et R2 représente un groupe alkyle linéaire d’un à six atomes de carbone, et leurs sels d’addition pharmaceutiquement acceptables. Les composés selon la revendication no 1 ont 5 centres chiraux, mais rien n’est indiqué quant à la configuration stéréochimique particulière des stéréocentres. L’essentiel est que chaque composé selon la revendication contient à la fois un groupe perhydroindole bicyclique 6,5 sur la partie C-terminale et un groupe alkyle linéaire d’un à six atomes sur la partie N-terminale.

 

Les revendications nos 2, 3 et 5 dépendent de la revendication no 1. À titre de revendications dépendantes, elles ont nécessairement une portée plus limitée que la revendication no 1 et doivent être interprétées conformément à la revendication plus large.

 

La revendication no 2 se rapporte à un sous-ensemble de composés visés par la revendication no 1, dans lesquels R2 se limite à un n-propyle ou à un n-butyle, et leurs sels pharmaceutiquement acceptables. Le composé selon la revendication no 2 possède 5 centres chiraux, mais la configuration stéréochimique particulière d’aucun des stéréocentres n’est précisée.

 

La revendication no 3 correspond à un ensemble encore plus restreint de composés visés par la revendication no 1, dans lesquels R2 se limite à un n-propyle et à ses sels pharmaceutiquement acceptables. Comme pour les revendications nos 1 et 2, la revendication no 3 porte sur un composé ayant 5 centres chiraux, dont la configuration stéréochimique particulière n’est cependant pas précisée. Comme il y a 5 centres chiraux ou centres d’asymétrie, la revendication no 3 englobe 32 (25) composés différents.

 

Enfin, la revendication no 5 (dans sa version d’aujourd’hui) se rapporte à un seul stéréoisomère dans lequel chacun des 5 centres chiraux est de configuration (S). Il n’est pas contesté que la revendication no 5 englobe le perindopril de même que ses sels pharmaceutiquement acceptables. Bien qu’elle soit formulée comme étant une revendication dépendante (« Le composé selon la revendication 1 »), la  revendication concerne un seul composé. Les mots indiquant une dépendance ne sont pas nécessaires à l’interprétation de la revendication no 5.

 

 

 

La nature de l’invention

 

[21]           La question qui opposait les parties était celle de savoir si, à la lumière de la description, les revendications devraient être interprétées comme étant des exemples d’une invention supposée ou d’une classe de composés englobant l’ensemble de la formule générale I, ou si les revendications devraient être complètes en elles-mêmes. La juge Snider a conclu que les revendications nos 1, 2, 3 et 5 constituent une ou plusieurs inventions qui sont distinctes de la classe plus vaste de composés de la formule générale I dans la description. L’invention revendiquée par le brevet, selon une interprétation téléologique des revendications en litige, est celle divulguée par les revendications nos 1, 2, 3 et 5.

 

La contrefaçon directe

[22]           La juge Snider a conclu qu’il y avait des preuves abondantes de contrefaçon directe par Apotex. Par la fabrication et la vente de produits de perindopril sous le nom commercial Apo-Perindopril, Apotex a fabriqué, construit, exploité, offert en vente et vendu des produits de perindopril qui sont visés par les revendications nos 1, 2, 3 et 5 du brevet 196.

 

L’incitation

[23]           La juge Snider a appliqué le critère applicable à l’incitation énoncé dans Warner Lambert c. Wilkinson Sword Canada Inc. (1988), 19 F.T.R. 198, 19 C.P.R. (3d) 402 (C.F. 1re inst.) (Warner Lambert). Elle a conclu qu’il n’avait pas été satisfait au premier élément du critère de la décision Warner Lambert et qu’il n’y avait pas eu incitation.

 

Les exonérations de responsabilité

[24]           La juge Snider a conclu qu’Apotex n’a pas de responsabilité à l’égard des quantités de perindopril relevées qui sont visées par l’exonération à des fins réglementaires et expérimentales prévue à l’article 55.2 de la Loi sur les brevets (après le 1er octobre 1989). Apotex est responsable à l’égard de ses ventes pour l’exportation. La contrefaçon commise par Apotex comporte, en partie, la fabrication de perindopril à des fins d’exportation. À cet égard, Apotex a contrefait le brevet 196 et est responsable envers Servier Canada et ADIR.

 

Les corrections apportées à la revendication no 5

[25]           La juge Snider a rejeté la prétention d’Apotex à savoir qu’elle n’a pas contrefait la revendication no 5, laquelle est fondée sur le fait que le commissaire aux brevets a corrigé à tort, à deux reprises, la revendication.

 

Le contrôle judiciaire

[26]           La juge de première instance a tiré cette conclusion après avoir déclaré qu’elle n’était pas convaincue par l’argument de Servier selon lequel Apotex était tenue de procéder par voie de contrôle judiciaire. Elle a conclu que l’article 59 et les paragraphes 60(1) et 60(2) de la Loi sur les brevets permettent à Apotex de soulever des allégations d’invalidité fondées sur des actions illégales du commissaire comme moyen de défense à une action en contrefaçon.

 

La norme de contrôle

[27]           La juge Snider a appliqué l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir). Elle a conclu que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable et a appliqué cette norme.

 

Le caractère raisonnable de la décision

[28]           La juge de première instance a statué que la décision du commissaire de corriger la revendication no 5, prise en vertu de l’article 8 de la Loi sur les brevets, était raisonnable. Elle a également conclu que les corrections portaient sur des erreurs d’écriture.

 

L’évidence

L’extrémité C-terminale

[29]           La juge Snider s’est fondée sur le critère de l’évidence et son cadre d’application énoncés dans Novopharm Ltd. c. Janssen-Ortho Inc., 2007 CAF 217, 59 C.P.R. (4th) 116 (C.A.F.), autorisation de pourvoi refusée, [2007] C.S.C.R. no 442 (Janssen-Ortho). Elle n’était pas convaincue que l’ajout du groupe perhydroindole bicyclique 6,5 était évident.

 

L’invention

[30]           La juge de première instance a conclu que l’invention a un bicycle 6,5 à l’extrémité C-terminale du composé et un groupe alkyle linéaire de 1 à 6 atomes de carbone à l’extrémité N-terminale.

 

La personne normalement versée dans l’art

[31]           Tel que je l’ai indiqué ci-dessus, la juge Snider a statué que la personne hypothétique versée dans l’art vise plusieurs personnes versées dans l’art possédant de l’expérience professionnelle ou universitaire, et titulaires d’une maîtrise, d’un doctorat ou d’un diplôme en médecine.

 

Les connaissances

[32]           La juge Snider a résumé les éléments de preuve représentant l’état de la technique. Elle a fait abstraction des réalisations à l’extérieur du domaine de l’inhibition de l’ECA invoquées par Apotex, car Apotex n’avait pas démontré qu’une personne versée dans l’art irait au-delà du domaine en cause.

 

Le climat régnant dans le domaine

[33]           La juge Snider a conclu que la tendance générale en matière de réalisations antérieures était de penser que le sous-site S2´ de l’ECA était capable d’accepter un large éventail de groupes, dont certains étaient plus gros que le perhydroindole. De plus, la juge de première instance a reconnu que deux des groupes décrits dans les réalisations antérieures, soit le tryptophane et la THIQ, contenaient des structures bicycliques. Elle a également reconnu qu’un spécialiste en chimie médicinale aurait la capacité d’utiliser la méthode RSA pour manipuler les composés chimiques. Cependant, elle a conclu qu’Apotex n’avait pas démontré comment une personne versée dans l’art, sans esprit inventif ou original, pourrait colliger les réalisations antérieures sur les inhibiteurs de l’ECA (et même certaines sources à l’extérieur du domaine de l’inhibition de l’ECA), formuler certains postulats fondamentaux et combiner ces connaissances pour arriver à une molécule de perindopril. La juge de première instance a retenu le témoignage d’un expert selon lequel de petites modifications de structure peuvent avoir des effets pharmacologiques imprévisibles.

 

La motivation

[34]           La juge Snider a conclu que l’on reconnaissait, après le congrès de Troy, l’existence d’un problème précis à résoudre, à savoir mettre au point un meilleur inhibiteur de l’ECA que celui réalisé par Merck. La preuve étayait l’existence d’une motivation générale au sein de l’industrie pour se fonder sur la divulgation de Merck au congrès de Troy plutôt que de la contourner. La preuve indiquait également qu’une inventivité avait été utilisée.

 

Le temps et les efforts

[35]           Bien qu’il n’ait pas été contesté qu’ADIR, Hoechst, Warner-Lambert et Schering ont mis au point des composés incorporant des modifications bicycliques après la divulgation de Merck au congrès de Troy, la juge de première instance n’était pas convaincue, eu égard au dossier, qu’un autre chimiste a découvert le perindopril, avec son bicycle 6,5 et un groupe linéaire alkyle. En outre, aucun élément de preuve n’indiquait que les autres composés aient été mis au point par des personnes ordinaires versées dans l’art. Au contraire, Mme Smith et M. Vincent ont fait preuve d’inventivité et d’ingéniosité, à la différence d’une personne d’une compétence normale dans l’art.

 

Le succès commercial

[36]           Le fait que Servier a connu un succès commercial avec ses ventes de perindopril n’a pas été contesté.

 

L’extrémité N-terminale

[37]           Outre ses conclusions à l’égard de l’extrémité C-terminale, la juge Snider a constaté que le fait qu’il n’y ait pas de termes dans la description du brevet 196 qui limitent l’invention à une chaîne latérale alkyle linéaire n’était pas pertinent étant donné que l’invention n’était pas la formule générale I. Par ailleurs, malgré la divulgation de substituants ayant des chaînes latérales alkyles linéaires, rien n’indiquait qu’on puisse s’attendre à ce qu’une personne ordinaire versée dans l’art sache comment sélectionner, sans difficulté, cette classe de substituants parmi les nombreuses autres énumérées.

 

L’utilité

[38]           La juge Snider a conclu qu’Apotex ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer que les composés des revendications nos 1, 2 et 3 du brevet 196 n’avaient pas d’utilité.

 

La promesse du brevet 196

[39]           Compte tenu de la divulgation du brevet, la juge Snider a statué que la promesse du brevet 196 est que tous les composés revendiqués auront un certain niveau d’inhibition de l’ECA lorsqu’évalués in vitro et que certains composés posséderont une activité suffisante pour traiter l’hypertension et l’insuffisance cardiaque.

 

L’article de M. Vincent paru en 1992

[40]           La juge Snider a statué que l’article de M. Vincent paru en 1992 ne montre pas, selon la prépondérance des probabilités, soit expressément, soit par inférence, que les composés de la revendication no 3 du brevet 196 n’ont pas d’utilité. Elle a accepté l’explication de M. Vincent selon laquelle l’objet de l’article n’était pas de décrire l’activité ou l’inactivité absolue. Elle a constaté que les données sous-jacentes des tests ont montré qu’aucun des composés n’avait une activité nulle. Elle a conclu que l’« aveu » de M. Laubie sur ce point était ambigu relativement à la question de savoir s’il y avait une activité nulle in vitro ou in vivo.

 

Le rapport du Dr Gavras

[41]           La juge Snider a statué que le rapport du Dr Gavras n’a pas établi une absence d’utilité pour les composés de la revendication no 3. Comme elle avait déjà conclu que le brevet ne promet pas un « effet antihypertenseur thérapeutique », elle a considéré que les résultats des tests n’étaient pas pertinents. Quoi qu’il en soit, la juge Snider a conclu que la méthode d’analyse du Dr Gavras comportait des lacunes si importantes qu’elle ne pouvait accorder que peu de poids à ses résultats.

 

La prédiction valable

[42]           La juge Snider a appliqué le critère en trois éléments applicable à la prédiction valable énoncé dans l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (2002), 21 C.P.R. (4th) 499 (C.S.C.) (Wellcome) et a conclu qu’Apotex ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’une personne versée dans l’art, à la date du dépôt, ne pouvait pas valablement prédire que les composés trans des revendications nos 1, 2 et 3 auraient une utilité.

 

Les composés (R,R,R)

[43]           La juge de première instance n’était pas convaincue que Servier ne disposait pas d’une base solide pour prédire que les composés de configuration (R,R,R) sur le squelette de la molécule auraient l’utilité inhibitrice de l’ECA promise dans le brevet 196. Elle a statué que les réalisations antérieures, notamment la demande de brevet européen no 0 012 401 A1 de Merck (la demande 401) et l’article de Patchett, A. A. et al., « A new class of Angiotensin-converting enzyme inhibitors », 288 Nature 280 (l’article paru dans Nature), forment une base factuelle et un raisonnement valable à partir desquels il est possible de prédire qu’il y aurait un certain degré d’inhibition de l’ECA, même faible.

 

Les composés trans

[44]           La juge Snider a rejeté les allégations d’Apotex selon lesquelles Servier ne pouvait avoir valablement prédit l’utilité des composés énumérés dans les revendications nos 1, 2 et 3 qui contiennent la configuration trans de deux atomes de carbone asymétriques sur le bicycle 6,5 fusionné à la date du dépôt au Canada étant donné qu’une personne versée dans l’art n’aurait pas su, à la date en question, comment synthétiser de tels produits.

 

La paternité de l’invention

[45]           L’argument d’Apotex selon lequel les scientifiques d’ADIR n’étaient pas les premiers inventeurs des composés brevetés en vertu du brevet 196 a été rejeté. Selon l’interprétation de la juge Snider, le paragraphe 61(1) de la Loi sur les brevets s’applique uniquement dans le cas de conflits qui n’ont pas donné lieu à une procédure. Ayant examiné l’objet de la Loi sur les brevets relativement au premier inventeur et à la prévisibilité, elle a conclu que le législateur a prévu qu’un brevet délivré au terme du processus en cas de conflit est à l’abri de toute attaque ultérieure quant à la paternité de l’invention, sauf dans les circonstances exposées dans la Loi sur les brevets, plus particulièrement à l’alinéa 61(1)b). Les procédures devaient donc régler de façon définitive la question de la paternité de l’invention. L’interprétation d’Apotex selon laquelle la question de la paternité de l’invention pouvait être soulevée qu’il y ait eu ou non des procédures en cas de conflit aurait pour effet de vider de leur sens les mots « qui aurait dû donner lieu à des procédures en cas de conflit » à l’alinéa 61(1)b).

 

[46]           La juge Snider a statué qu’il était interdit à Apotex de contester la validité du brevet 196 pour cause de paternité de l’invention parce que les revendications en cause dans les procédures en cas de conflit étaient des revendications qui avaient donné lieu à des procédures en cas de conflit.

 

[47]           La juge de première instance a également conclu qu’Apotex ne s’était pas acquittée de son fardeau de prouver que la scientifique de Schering, Mme Smith, était la première à connaître et à utiliser l’invention du brevet 196. Bien qu’elle ait reconnu que Schering avait mis au point au moins un composé possédant une activité d’inhibition de l’ECA visé par la formule générale I avant que les scientifiques d’ADIR aient mis au point et testé leurs deux composés, tel qu’indiqué ci-dessus, elle a conclu que l’invention du brevet 196 était contenue dans les revendications et non la formule générale I.

 

La Loi sur la concurrence

[48]           La juge Snider a rejeté la demande reconventionnelle d’Apotex dans laquelle celle-ci réclamait des dommages-intérêts en vertu de l’article 36 de la Loi sur la concurrence. Elle a conclu qu’il est établi en droit que sans « quelque chose de plus », la simple revendication de droits de brevet ne peut constituer une violation en vertu de l’article 45 de la Loi sur la concurrence. Chaque étape des procédures en cas de conflit et la délivrance du brevet 196 étaient conformes à la Loi sur les brevets ou aux Règles des Cours fédérales. Compte tenu des faits portés à sa connaissance, elle a jugé que le « quelque chose de plus » qui était requis était absent. En conséquence, le brevet 196 ne pouvait donner lieu à une violation de l’article 45 de la Loi sur la concurrence. Avant la délivrance du brevet 196, il ne pouvait y avoir amoindrissement de la concurrence. À la suite de la délivrance du brevet, Servier ne pouvait détenir que la puissance commerciale inhérente au brevet 196. ADIR exerçait simplement ses droits en vertu de la Loi sur les brevets.

 

[49]           À titre subsidiaire, la juge Snider a statué que le délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 36(4) de la Loi sur la concurrence avait expiré. Elle a conclu qu’en l’absence de collusion constante, le délai de prescription courait à compter de la date de l’entente de règlement ou, au plus tard, à compter de la date de la délivrance du brevet. Elle a également jugé que le principe de la possibilité de découverte ne s’appliquait pas puisque le paragraphe 36(4) de la Loi sur la concurrence énonce expressément une date précise à partir de laquelle le délai de prescription commence à courir, indépendante de la connaissance d’une cause d’action. Même si le délai de la possibilité de découverte s’appliquait, la juge Snider a statué qu’Apotex a eu connaissance de l’entente de règlement et en a reçu copie en avril 2003. En conséquence, la date la plus tardive à compter de laquelle le délai de prescription de deux ans pouvait courir (selon le principe de la possibilité de découverte) serait avril 2003. Elle a donc conclu qu’Apotex avait bien dépassé le délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 36(4) de la Loi sur la concurrence.

 

[50]           En ce qui concerne la question de savoir si les actes d’ADIR qui restreindraient la concurrence ont pour effet de priver Servier de son droit à une réparation en equity, la juge Snider a statué qu’en concluant l’entente de règlement, Servier (ou ADIR) exerçait ses droits en vertu de la Loi sur les brevets. En conséquence, la juge de première instance a conclu qu’Apotex a omis de démontrer qu’il y avait un comportement qui priverait Servier du droit à toute réparation en equity qu’elle pourrait solliciter.

 

Les réparations

[51]           La juge Snider a conclu que Servier Canada et ADIR ont droit à ce qui suit :

    • un jugement déclaratoire portant que le brevet 196 est valide;

 

    • une injonction permanente, sous réserve du droit d’Apotex de vendre ses produits de perindopril pour une période supplémentaire de 30 jours à compter de la date du jugement;

 

    • des dommages-intérêts dont le calcul aura lieu après le jugement (par suite d’une ordonnance datée du 14 mars 2007, dans laquelle la protonotaire Aronovitch a prévu la disjonction de l’instruction de la présente action, afin de reporter le calcul des dommages ou des bénéfices);

 

    • des intérêts avant et après jugement.

 

Les questions en litige

[52]           Apotex allègue que la juge de première instance aurait commis plusieurs erreurs. Elle a repris dans une large mesure de nombreux arguments qu’elle avait invoqués devant la juge de première instance. Les erreurs alléguées sont classées sous les rubriques énumérées ci-dessous. Lorsque des questions subsidiaires distinctes sont soulevées relativement à un sujet précis, elles sont indiquées.

a)         La nature de l’invention

b)         L’évidence

            1)         la juge de première instance a appliqué le mauvais critère;

            2)         la juge de première instance a appliqué le critère à la mauvaise date;

3)         la juge de première instance a commis une erreur en limitant indûment le domaine des réalisations en cause;

            4)         la juge de première instance a commis une erreur en appliquant la norme.

c)         La paternité de l’invention

d)         L’utilité

e)         La prédiction valable

f)          Les corrections apportées à la revendication no 5

g)         La Loi sur la concurrence

 

Les dispositions législatives pertinentes

[53]           Les dispositions législatives mentionnées dans les présents motifs sont reproduites à l’annexe A.

 

La nature de l’invention

[54]           Apotex affirme que la juge de première instance a commis une erreur en établissant l’invention du brevet 196. En bref, elle avance comme arguments que la juge de première instance s’est posé la mauvaise question, qu’elle a commis une erreur en n’appliquant pas l’arrêt May & Baker Limited et al. c. Boots Pure Drug Company Limited (1950), 67 R.P.C. 23 (C.L.) (May & Baker) et en concluant que les composés spécifiques revendiqués dans le brevet 196 constituent des inventions distinctes plutôt que diverses facettes de la même invention. Au bout du compte, ces allégations ne forment qu’une seule plainte : la juge Snider n’a pas souscrit à l’opinion d’Apotex selon laquelle l’invention du brevet correspond à la classe plus vaste de composés de la formule générale I, et rien de plus.

 

[55]           Selon Apotex, son argument reposait sur la question suivante : [traduction] « qu’a inventé [le prétendu inventeur]? » Elle prétend que la juge de première instance a conclu à tort, à l’encontre de May & Baker et du paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets (lequel prévoit qu’un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention), que les revendications nos 1, 2, 3 et 5 du brevet 196 divulguent une ou plusieurs inventions qui sont distinctes de la classe plus vaste de composés que couvre la formule générale I décrite dans le mémoire descriptif. Selon Apotex, une telle conclusion [traduction] « ne peut être valable en droit » parce qu’elle confond les notions d’invention et de monopole.

 

[56]           Apotex soutient que l’arrêt May & Baker permet d’affirmer qu’une invention ne saurait exister sous la forme de deux composés spécifiquement décrits qui sont distincts de l’invention divulguée d’une classe générale. Ayant observé qu’il n’y avait aucun problème d’interprétation des revendications en tant que tel, Apotex prétend que la formule générale figurant dans la divulgation constitue l’invention. Se fondant sur les arrêts C.H. Boehringer Sohn c. Bell-Craig Ltd., [1962] R.C. de l’É. 201, conf. par [1963] R.C.S. 410 (Boehringer) et Hoechst Pharmaceuticals of Canada Ltd. c. Gilbert & Co., [1965] 1 R.C. de l’É. 710, conf. par [1966] R.C.S. 189 (Hoechst) pour tirer des conclusions différentes, Apotex affirme que la juge de première instance a commis une erreur parce que les questions d’interprétation et de vérification de l’invention divulguée par un brevet n’ont pas fait l’objet de décisions antérieures faisant autorité en la matière.

 

[57]           Pour plusieurs raisons, je ne suis pas convaincue que la juge Snider a commis les erreurs qu’on lui reproche. L’alinéa 34a) de la Loi sur les brevets oblige le demandeur à décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l’inventeur. L’alinéa e) de ce même article oblige le demandeur à indiquer particulièrement et revendiquer distinctement la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame comme son invention.

 

[58]           Selon l’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067 (Whirlpool), l'interprétation des revendications précède l'examen des questions de validité et de contrefaçon. L’arrêt énonce également le principe selon lequel l’interprétation téléologique oblige le tribunal à considérer l’ensemble du brevet (y compris les revendications et la divulgation) pour déterminer la nature de l’invention. De fait, plusieurs des précédents cités par Apotex dans son mémoire des faits et du droit illustrent l’application de ces principes. La jurisprudence plus récente indique qu’il n’est pas nécessairement facile de saisir l’idée originale à partir des seules revendications, même dans les cas où l’interprétation des revendications n’est pas en cause. La seule présence d’une formule chimique peut appeler à se fonder sur le mémoire descriptif pour définir l’idée originale qui sous-tend les revendications : Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265 (Sanofi).

 

[59]           La juge de première instance a agi conformément à la jurisprudence susmentionnée. Elle a examiné l’ensemble du brevet afin de déterminer son invention alors que tous s’entendaient sur l’interprétation des revendications. Étant en présence de positions opposées quant à la nature de l’invention, elle a examiné la jurisprudence pertinente dans laquelle une large classe de composés était décrite dans la divulgation et des revendications plus limitées à l’égard de composés étaient formulées dans les revendications. Afin de conforter son analyse, elle a fait référence aux arrêts Boehringer, Hoechst et, de notre Cour, Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., 2006 CAF 323, [2007] 3 R.C.F. 588, autorisation de pourvoi refusée, [2006] C.S.C.R. no 507 (Merck lisinopril).

 

[60]           La juge de première instance a estimé que les circonstances de l’espèce concordaient avec celles des affaires Boehringer, Hoechst et Merck lisinopril. Cela étant, elle a jugé que la formule générale I ne constituait pas l’invention du brevet, comme l’a fait valoir Apotex. Elle a plutôt conclu que les revendications nos 1, 2, 3 et 5 du brevet 196 constituent une ou plusieurs inventions qui sont distinctes de la classe plus vaste de composés de la formule générale I dans la description.

 

[61]           Les faits de l’affaire May & Baker se distinguaient des circonstances où, comme dans les affaires Boehringer, Hoechst et Merck lisinopril, la classe de composés décrite par une formule générale est divulguée dans le mémoire descriptif, mais les revendications sont limitées à un composé et à un petit genre apparenté au composé. Dans l’arrêt May & Baker, la question était de savoir si une modification visant à éliminer une classe et à ajouter une revendication pour deux composés donne lieu à une invention très différente. La Cour a statué qu’autoriser la modification du mémoire descriptif équivaudrait à revendiquer une invention très différente de celle qui avait été revendiquée à l’origine. La Cour, dans l’arrêt Merck lisinopril, au paragraphe 38, a observé que, dans l’arrêt May & Baker, aucune des revendications ne faisait mention expressément des deux substances et que les substances n’étaient mentionnées qu’à titre d’exemples de substances faisant partie d’une classe plus large. En conséquence, elles étaient considérées dans cet arrêt comme des exemples d’une large classe d’inventions. Tel n’était pas le cas dans l’affaire Merck lisinopril et tel n’est pas le cas en l’espèce.

 

[62]           À l’appui de sa position, Apotex invoque des décisions portant sur le double brevet. Cette jurisprudence n’est d’aucun secours. Le concept de double brevet interdit la délivrance de plus d’un brevet pour la même invention. Cette jurisprudence n’étaye pas le principe au soutien duquel elle a été invoquée.

 

[63]           Contrairement à ce qu’affirme Apotex, la juge Snider n’a pas laissé entendre que les arrêts Boehringer, Hoechst et Merck lisinopril posent comme principe que chaque revendication divulgue une invention distincte. En fait, elle a plutôt conclu que, dans la présente affaire, la lecture des revendications à la lumière du mémoire descriptif révèle l’existence de plus d’une invention. Il est à noter que le paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets envisage la possibilité qu’un brevet vise plus d’une invention.

 

[64]           Qui plus est, la présente affaire porte sur la même question en litige que celle qui a été examinée et tranchée à l’encontre d’Apotex dans l’arrêt Merck lisinopril. Apotex n’a pas parlé de l’arrêt Merck lisinopril dans ses observations écrites, sauf dans une note en bas de page dans laquelle elle a allégué que la juge Snider a mal interprété l’arrêt (une allégation que j’ai rejetée). Aucun argument n’a été invoqué relativement à l’arrêt Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, 220 D.L.R. (4th) 149. Le juge Rothstein, alors juge à Cour d’appel, y a examiné le critère utilisé pour que la Cour renverse l’une de ses décisions. En bref, il s’agit du critère de l’erreur manifeste. Apotex n’a formulé aucune allégation de ce genre à l’égard de l’arrêt Merck linisopril.

 

[65]           Lors de l’audition du présent appel, et malgré sa franche admission qu’elle avait présenté les mêmes arguments dans l’affaire Merck lisinopril, Apotex a continué d’invoquer l’arrêt May & Baker et a maintenu que celui-ci s’appliquait, et non Merck lisinopril. Cet argument reposait principalement sur l’allégation selon laquelle le perindopril n’aurait pas été divulgué dans la demande 093. À cela on peut répondre que la revendication no 8 de la demande 093 revendiquait le perindopril et ses stéréoisomères.

 

[66]           Par ailleurs, après avoir entendu de nombreux éléments de preuve et arguments et après avoir examiné le brevet dans son intégralité, la juge de première instance est arrivée à une conclusion différente. Comme je l’ai déjà indiqué, elle a estimé que les circonstances de l’espèce concordaient avec celles des affaires Boehringer, Hoechst et Merck lisinopril. Il était loisible à la juge d’arriver à cette conclusion au vu du dossier et je ne vois là aucune erreur qui justifierait notre intervention. Par conséquent, le présent moyen d’appel ne saurait être retenu.

 

L’évidence

[67]           La question de l’évidence repose dans une large mesure sur la recherche des faits. La juge de première instance a appliqué le cadre d’analyse énoncé dans l’arrêt Janssen-Ortho. Par la suite, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire Sanofi. Le cadre de Janssen-Ortho n’est pas incompatible avec celui décrit dans l’arrêt Sanofi. Par conséquent, les conclusions de fait de la juge de première instance sont tout aussi pertinentes dans le cas de l’analyse dans l’arrêt Sanofi. Dans la mesure où un facteur donné de l’arrêt Sanofi n’aurait pas été analysé, il faudra déterminer si les conclusions de fait de la juge de première instance sont suffisantes pour répondre à l’analyse de la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi. Je reviendrai sur cette question un peu plus loin dans les présents motifs.

 

(1) La juge de première instance a appliqué le mauvais critère

[68]           Apotex prétend que la juge Snider a commis une erreur en faisant porter l’examen relatif à l’évidence sur les revendications du brevet 196. Elle allègue que, ce faisant, la juge de première instance a, à tort, expressément rejeté comme facteur pertinent ce que la divulgation révélait à propos de l’esprit inventif. Si elle avait interprété l’ensemble du mémoire descriptif, elle aurait conclu que l’invention était la classe de composés décrite dans la formule générale I.

 

[69]           À mon avis, cette allégation constitue une deuxième tentative en ce qui concerne le premier argument d’Apotex sur la nature de l’invention. J’approuve et je fais miens les propos tenus dans l’arrêt Angiotech Pharmaceuticals Inc. c. Conor Medsystems Inc., [2008] UKHL 49 (Angiotech), au paragraphe 19, lequel a été invoqué par Servier à cet égard. Dans l’arrêt Angiotech, lord Hoffman a déclaré que [traduction] « l’invention est le produit décrit dans la revendication et le breveté a le droit de voir la question de l’évidence tranchée en fonction de sa revendication et non d’une vague paraphrase fondée sur l’étendue de sa divulgation dans la description ». Cela concorde avec l’observation de la Cour dans l’arrêt Janssen-Ortho, selon laquelle « [l]a question porte sur la revendication telle que la Cour l’interprète » (paragraphe 25). Cela concorde également avec l’arrêt Sanofi, dans lequel, alors qu’il décrivait le cadre approprié de l’examen relatif à l’évidence, le juge Rothstein a déclaré, au paragraphe 67, que le deuxième volet tient à la nécessité de « [d]éfinir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation ». Aucune erreur n’a été établie à cet égard.

 

(2) La juge de première instance a appliqué le critère à la mauvaise date

[70]           Apotex prétend que la juge Snider a commis une erreur en retenant la date de dépôt de la demande 093 (le 1er octobre 1981) plutôt que la date de dépôt de la demande de priorité (le 2 octobre 1980). Le perindopril n’avait pas été synthétisé ou testé avant le 1er septembre 1981. Elle ne donne aucune raison pour expliquer pourquoi le choix de la date antérieure appuierait son argument relatif à l’évidence. En effet, le fait de retenir la date ultérieure a eu pour effet d’englober davantage de réalisations antérieures qui pouvaient être invoquées par Apotex (par exemple, l’article paru dans Nature le 20 novembre 1980).

 

[71]           Lors de l’audition du présent appel, l’avocat d’Apotex a été interrogé au sujet du paragraphe 55 de l’arrêt Merck lisinopril, dans lequel la Cour a statué que lorsqu'une demande canadienne contient des documents relatifs à un objet inventé après la date de priorité, cet objet ne peut recevoir cette date. Un tel vice dans la demande de priorité n'invalidera pas le brevet en entier, mais la demande portera simplement la date du dépôt de la demande au Canada. L’avocat a répondu qu’il ne s’agissait pas d’un point important.

 

[72]           Apotex n’a pas démontré que la juge de première instance a commis une erreur en retenant le 1er octobre 1981 comme date d’invention. Je conviens avec Servier que, comme la juge Snider a conclu que les revendications nos 1, 2, 3 et 5 du brevet 196 n’étaient pas évidentes le 1er octobre 1981, elle aurait sans aucun doute abouti à la même conclusion si elle s’était fondée sur la date antérieure alors que moins de réalisations antérieures auraient été accessibles à la personne versée dans l’art.

 

(3) La juge de première instance a commis une erreur en limitant indûment le domaine des réalisations en cause

[73]           L’évidence est considérée en fonction des réalisations antérieures que la personne versée dans l’art examinerait afin de résoudre le problème visé par le brevet. C’est ce qu’on appelle ordinairement les connaissances générales courantes. La juge Snider a conclu que, faute de preuve en ce sens, on ne saurait présumer qu’une personne versée dans l’art examinerait des réalisations antérieures à l’extérieur du domaine de l’inhibition de l’ECA. Compte tenu de la preuve dont elle disposait, elle n’était pas convaincue que la personne versée dans l’art regarderait à l’extérieur de ce domaine. C’est là une conclusion de fait.

 

[74]           Apotex affirme que, comme la juge de première instance a défini la personne versée dans l’art comme un composite, notamment un médecin qui possède de l’expérience dans le traitement de l’hypertension ou de l’insuffisance cardiaque, il n’était pas raisonnable de supposer qu’un médecin traitant de tels problèmes ne considérerait pas les autres traitements possibles. Toutefois, les Drs Gavras et Brunner, les médecins experts d’Apotex, n’ont pas apporté la preuve que les réalisations antérieures à l’extérieur de l’inhibition de l’ECA étaient pertinentes. Je ne vois pas ce qu’on pourrait reprocher à la juge de première instance.

 

[75]           Apotex n’a pas démontré que la juge Snider a commis une erreur susceptible de contrôle dans son appréciation de la preuve relative à la question de savoir si la personne versée dans l’art regarderait à l’extérieur du domaine de l’inhibition de l’ECA. Au vu du dossier, il était loisible à la juge de première instance de tirer la conclusion à laquelle elle est arrivée.

 

(4) La juge de première instance a commis une erreur en appliquant la norme

[76]           Apotex décrit cette allégation comme son [traduction] « argument le plus important » en ce qui concerne l’évidence. Fait à noter, elle reprend dans une large mesure devant la Cour les arguments qu’elle a invoqués en première instance devant la juge Snider. En outre, dans une partie de son argument, Apotex reformule sa thèse concernant la nature de l’invention. Sa position à cet égard a été rejetée par la juge de première instance, avec laquelle je suis d’accord. Il convient de répéter qu’il incombe à Apotex d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’une revendication est évidente : Whirlpool; Sanofi.

 

[77]           La juge Snider a conclu que les éléments essentiels des revendications en litige sont l’utilisation à la fois d’un groupe perhydroindole 6,5 et d’un groupe alkyle linéaire d’un à six atomes à l’une ou l’autre des extrémités de la molécule. Elle a jugé que les réalisations antérieures ont décrit l’utilisation de groupes volumineux, notamment le tryptophane et la THIQ (lesquels contiennent tous deux des structures bicycliques). Toutefois, elle a conclu qu’il y avait des différences entre le tryptophane et la THIQ par rapport à la structure bicyclique 6,5 utilisée dans le perindopril, de sorte qu’il n’aurait pas paru évident à une personne versée dans l’art d’utiliser ce dernier.

 

[78]           Essentiellement, l’argument d’Apotex tient à ce qu’on avait démontré dans les réalisations antérieures que [traduction] « des changements considérables pouvaient être apportés à la charpente générale d’un inhibiteur non peptidique de l’ECA, en particulier à l’extrémité C‑terminale ». De plus, compte tenu de la divulgation de Merck lors du congrès de Troy et de sa demande 401 qui en a découlé, ainsi que des divulgations dans la revue Nature, l’une quelconque de diverses substitutions pourrait être effectuée à l’autre extrémité, à savoir l’extrémité N‑terminale (la chaîne latérale), donnant ainsi un produit ayant une activité satisfaisante.

 

[79]           Le problème avec ces arguments, c’est que la juge Snider est arrivée à une conclusion différente. En ce qui concerne l’extrémité C‑terminale et plus particulièrement le groupe perhydroindole 6,5, après avoir examiné avec soin les éléments de preuve, la juge de première instance a conclu que, malgré la divulgation relative au tryptophane et à la THIQ dans les réalisations antérieures, il n’aurait pas paru évident à une personne versée dans l’art de concevoir un inhibiteur de l’ECA présentant un groupe acide perhydroindole carboxylique à l’extrémité C‑terminale. La juge Snider a énuméré et a décrit expressément un certain nombre de différences, en comparant le tryptophane et la THIQ au groupe acide perhydroindole carboxylique, afin d’étayer sa conclusion selon laquelle la personne versée dans l’art n’aurait pas été portée à utiliser un groupe acide perhydroindole carboxylique (paragraphes 253 à 256 de ses motifs).

 

[80]           Apotex prétend que ces différences sont [traduction] « des différences chimiques et techniques entre le tryptophane et la THIQ » et constituent de [traduction] « fausses distinctions » fondées sur la sagesse rétrospective. Je ne suis pas d’accord. Apotex ne fournit aucun élément permettant d’étayer son allégation selon laquelle la juge de première instance aurait dû faire abstraction de ces distinctions. Qui plus est, à mon avis, les observations de la juge de première instance à cet égard étaient exactes.

 

[81]           Apotex allègue également que la juge de première instance a commis une erreur parce qu’elle n’a pas accordé suffisamment d’importance au fait que d’autres chimistes avaient créé des composés en utilisant des substitutions bicycliques à la suite du congrès de Troy. La juge Snider a conclu qu’il n’avait pas été établi clairement si certains de ces scientifiques avaient effectivement découvert le perindopril et que, même si c’était le cas, ils étaient des inventeurs plutôt que des personnes versées dans l’art. L’arrêt Sanofi établit une distinction semblable entre la personne versée dans l’art ayant de grandes compétences et la personne versée dans l’art dotée de compétences usuelles (paragraphe 71). Quoi qu’il en soit, même si la juge de première instance a fait erreur sur ce point, il ne s’agit que de l’un des facteurs dont il faut tenir compte. Ce n’est absolument pas un critère déterminant et on ne peut affirmer que cela constitue une erreur manifeste et dominante.

 

[82]           Apotex soutient ensuite que la preuve d’expert produite par Servier relativement à la prédiction valable réfute son allégation de non-évidence. Elle fait référence, en particulier, au témoignage de M. Bartlett selon lequel les quatre premiers composés testés par ADIR ont fourni un fondement solide pour conclure que le perhydroindole [traduction] « serait toléré au site de liaison de l’ECA ». Sur cette base, Apotex extrapole la proposition selon laquelle la THIQ et l’indoline 6,5 sont [traduction] « beaucoup plus près » du perhydroindole que ces autres composés et le perhydroindole constituait donc un choix évident.

 

[83]           Apotex ne produit aucun élément de preuve pour étayer son allégation selon laquelle la THIQ et l’indoline 6,5 sont « beaucoup plus près » du perhydroindole que les composés testés précédemment. Je ne suis pas disposée à conclure à une erreur manifeste et dominante sur la foi de simples affirmations qui ne sont nullement étayées par la preuve.

 

[84]           En ce qui concerne l’extrémité N-terminale, Apotex allègue que l’une quelconque de diverses substitutions pourrait être effectuée à l’autre extrémité des molécules d’énalapril ou de captopril, donnant ainsi un produit ayant une activité satisfaisante, compte tenu de la divulgation de Merck lors du congrès de Troy et de sa demande 401 qui en a découlé, ainsi que des divulgations dans la revue Nature. Au nombre de ces substituants figuraient les alkyles linéaires, y compris un méthyle, un éthyle et un n-propyle, les alkyles ramifiés, le cycloalkyle et le phénéthyle. Apotex prétend essentiellement que, comme le squelette de Merck était connu, la seule invention est la substitution, ce qui va de soi.

 

[85]           Une fois encore, la juge de première instance est arrivée à une conclusion différente. La juge Snider a traité expressément de cette question et a conclu que, bien que l’article paru dans Nature et les diapositives du congrès de Troy aient divulgué un certain nombre de groupes alkyles linéaires, ces documents n’auraient pas incité une personne versée dans l’art à choisir un groupe alkyle linéaire (paragraphe 265 de ses motifs). Rien dans les réalisations antérieures ne pouvait conduire une personne versée dans l’art à remplacer le phénéthyle dans l’énalapril par le propyle dans le perindopril. Après avoir examiné et apprécié la preuve concernant la chaîne latérale à l’extrémité N‑terminale, il était loisible à la juge de première instance de conclure que l’ajout d’une chaîne latérale alkyle linéaire à l’extrémité N‑terminale n’allait pas de soi.

 

[86]           Selon la [traduction] « dernière observation » d’Apotex concernant la structure bicyclique, lorsque la juge de première instance a souligné que « les réalisations antérieures contenaient des indications selon lesquelles un tel cycle pourrait fonctionner », elle semble avoir [traduction] « eu recours en effet à une analyse selon laquelle cela valait la peine d’être tenté ». Cet argument n’a pas été invoqué à l’audience. La juge Snider a également conclu que la tâche de combiner tous les éléments des réalisations antérieures pour arriver à un tel modèle exigeait une pensée originale et inventive. À mon avis, les commentaires de la juge de première instance ne font qu’anticiper le critère de l’essai allant de soi qui sera ensuite énoncé dans l’arrêt Sanofi. La juge Snider n’était pas convaincue que l’invention allait de soi.

 

[87]           Pour en revenir au point de départ, la juge Snider a conclu que l’invention des revendications en litige consiste à utiliser à la fois un groupe perhydroindole 6,5 à l’extrémité C‑terminale et un groupe alkyle linéaire à l’extrémité N‑terminale. Apotex ne fait nulle mention dans ses observations de la combinaison que la juge Snider a considéré être l’invention.

 

[88]           Enfin, il reste à déterminer si l’analyse de la juge Snider concernant l’évidence concorde avec celle formulée dans l’arrêt Sanofi (rendu après que la présente affaire a été jugée). Par souci d’exhaustivité, j’examinerai brièvement le cadre d’analyse de l’arrêt Sanofi pour m’assurer qu’aucun facteur pertinent et important n’a été oublié.

 

[89]           La juge Snider a identifié la personne versée dans l’art et aucune erreur n’est alléguée à l’égard de sa conclusion (paragraphes 101 à 104 et 251 de ses motifs). Les réalisations antérieures pertinentes sont précisées aux paragraphes 229 à 240 et 252 de ses motifs. L’idée originale de la revendication en cause est énoncée aux paragraphes 125 à 133 et 206 de ses motifs. Les différences entre, d’une part, le tryptophane et le perindopril et, d’autre part, la THIQ et le perindopril sont énumérées au paragraphe 253. Comme nous l’avons vu, la question de savoir s’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux est abordée au paragraphe 256 des motifs de la juge Snider. Dans l’arrêt Sanofi, au paragraphe 66, le juge Rothstein affirmé, que la seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas. Par ailleurs, elle a observé que de petites modifications de structure peuvent avoir des effets pharmacologiques imprévisibles (paragraphe 255). Les efforts – leur nature et leur ampleur – requis pour réaliser l’invention sont décrits aux paragraphes 254 à 256 de ses motifs, tandis que le motif, fourni par l’antériorité, de rechercher la solution au problème est présenté aux paragraphes 257 à 259. Bien qu’elle n’en traite pas dans son analyse sur l’évidence, la juge Snider était consciente de la démarche qui a mené à l’invention (paragraphes 58 à 62 de ses motifs) et elle a déclaré, au paragraphe 260, que l’inventivité et l’ingéniosité des travaux réalisés par M. Vincent étaient incontestées.

 

[90]           À mon avis, les conclusions de la juge Snider respectent le cadre énoncé dans l’arrêt Sanofi. Apotex n’a pas démontré que la juge Snider a commis une erreur en concluant que sa contestation relative à l’évidence devait être rejetée.

 

La paternité de l’invention

[91]           Outre ses observations à l’égard de l’évidence, Apotex fait valoir que les scientifiques d’ADIR n’étaient pas les premiers inventeurs du brevet 196. En conséquence, elle affirme que le brevet est invalide.

 

[92]           La juge Snider a rejeté l’argument d’Apotex selon lequel Schering est le premier inventeur de l’objet du brevet 196. À la suite d’une analyse approfondie et exhaustive du paragraphe 61(1) de la Loi sur les brevets (paragraphes 393 à 427 de ses motifs), elle a conclu qu’Apotex ne pouvait plus contester la validité du brevet 196 à moins qu’elle ne puisse établir l’existence d’un « conflit qui n’a pas donné lieu à une procédure ». Vu son interprétation de l’alinéa 61(1)b), la juge Snider a conclu qu’il n’y avait pas de conflit qui n’a pas donné lieu à une procédure étant donné que les mots « aurait dû » doivent s’interpréter comme signifiant aurait dû donner lieu à une procédure en cas de conflit mais ne l’a pas fait.

 

[93]           Toutefois, la juge Snider a également tiré une certaine conclusion de fait, sans tenir compte de son interprétation de l’alinéa 61(1)b). Apotex devait d’abord démontrer que l’invention était déjà connue ou exploitée par une autre personne. La juge de première instance a conclu qu’Apotex n’avait pas prouvé que Schering a inventé le brevet 196 avant ADIR. Après avoir entendu tous les témoins, dont Mme Smith, de chez Schering, la juge Snider a conclu qu’Apotex ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait à cet égard.

 

[94]           La juge de première instance a analysé minutieusement la preuve et les arguments à cet égard aux paragraphes 442 et 443 de ses motifs. Tel qu’indiqué au paragraphe 454 de ses motifs, Apotex s’est appuyée sur son argument selon lequel l’invention du brevet 196 est la formule générale I énoncée dans le mémoire descriptif. Comme nous l’avons vu plus haut, cette thèse a été rejetée par la juge de première instance ainsi que par la Cour. La juge Snider a conclu qu’Apotex n’a présenté aucun élément de preuve pour montrer que Schering avait inventé des composés visés par les revendications nos 1, 2, 3 et 5 du brevet. Apotex, ayant adopté sa position en première instance, affirme maintenant que Schering a inventé une structure contenant un perhydroindole et une chaîne alkyle linéaire, mais ne cite aucun élément de preuve pour appuyer son affirmation. Au contraire, elle affirme qu’[traduction] « on peut difficilement soutenir que l’incapacité des scientifiques de Schering à synthétiser une chaîne latérale alkyle linéaire pourrait l’empêcher de l’englober dans son invention ».

 

[95]           La juge de première instance a conclu que les revendications du brevet 196 définissent l’invention. La revendication no 5 se rapporte au perindopril tandis que les revendications nos 1, 2 et 3 visent une petite classe de composés apparentés au perindopril qui contiennent à la fois un groupe perhydroindole bicyclique 6,5 à l’extrémité C-terminale et un groupe alkyle linéaire d’un à six atomes à l’extrémité N-terminale (paragraphes 124, 131, 133 et 250 de ses motifs).

 

[96]           Je conviens avec Servier, laquelle invoque une abondante jurisprudence au paragraphe 40 de son mémoire des faits et du droit, de ce qui suit :

[traduction]

Pour pouvoir obtenir gain de cause, Apotex doit établir que Mme Smith « a pris possession de la destination précise en y laissant sa marque avant le breveté », c’est-à-dire [que les renseignements donnés sont,] « en termes d’utilité pratique, les mêmes que ceux que donnent » le brevet 196.

 

 

[97]           Je conviens également avec Servier qu’Apotex doit établir que Mme Smith a démontré l’utilité de l’invention en testant tous les composés appartenant à la classe revendiquée ou qu’elle a valablement prédit l’utilité, à défaut de quoi elle n’a réalisé aucune invention.

 

[98]           Les parties s’entendent pour dire que Mme Smith et l’équipe de Schering n’ont fabriqué ni testé aucun des composés visés par les revendications au cours de la période pertinente. En conséquence, l’utilité des composés revendiqués, notamment le perindopril, ne pouvait faire l’objet d’une prédiction valable. Comme l’a conclu la juge de première instance, les allégations d’Apotex n’étaient tout simplement pas étayées par la preuve. En outre, comme nous l’avons vu, la juge Snider a expressément rejeté les arguments d’Apotex après avoir entendu le témoignage de Mme Smith et l’ensemble de la preuve pertinente et après avoir examiné cette preuve (notamment le « registre de divulgation de l’invention » de Mme Smith ainsi que son affidavit produit lors de procédures en cas de conflit). La juge de première instance a également conclu, ailleurs dans ses motifs, que seuls les scientifiques d’ADIR avaient fait la prédiction valable requise pour être les véritables inventeurs (paragraphe 380 de ses motifs). Fait à noter, Apotex a interjeté appel de cette décision uniquement à l’égard de la fabrication des composés trans.

 

[99]           Apotex n’a pas établi que la juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante en concluant sans équivoque qu’elle avait omis de s’acquitter de son fardeau de prouver que Mme Smith était la première à connaître et à utiliser l’invention du brevet 196. Ces motifs suffisent pour trancher la question de la paternité de l’invention. Il n’est pas nécessaire d’examiner l’alinéa 61(1)b) de la Loi sur les brevets.

 

L’utilité

[100]       Apotex prétend que la juge Snider a commis une erreur dans l’interprétation de l’utilité promise de l’invention. Elle allègue que le mémoire descriptif contient plusieurs promesses spécifiques d’utilité pharmaceutique, notamment la promesse d’une utilisation thérapeutique à titre d’antihypertenseurs. De plus, Apotex affirme que la juge de première instance a commis les erreurs suivantes : en limitant la promesse du brevet à l’activité d’inhibition de l’ECA in vitro; en refusant de prendre en considération l’abrégé du brevet 196 afin de déterminer ce qu’il promet; en déterminant si la promesse avait été remplie.

 

[101]       La détermination de ce que promet le brevet est un élément de l’interprétation des revendications, une question de droit : Bristol-Myers Squibb Co. c. Apotex Inc., 2007 CAF 379, au paragraphe 27. Généralement, cela nécessite l’aide de témoins experts et ce fut le cas en l’espèce.

 

[102]       La juge Snider a conclu que le brevet 196 comporte une promesse non ambiguë de l’inhibition de l’ECA. Qu’il ait également promis que « tous les composés auront une utilité à titre de médicaments antihypertenseurs chez les humains », comme l’a soutenu Apotex, ne ressortait pas clairement de la lecture du brevet selon la juge de première instance. Par conséquent, elle a ensuite examiné les preuves d’experts. Devant des avis contradictoires, elle a évalué la preuve et a adopté ce qu’elle estimait être l’« opinion la meilleure et la plus raisonnable ». Elle a exprimé sa préférence pour les témoignages des experts de Servier par rapport à ceux des experts d’Apotex. Elle estimait que les experts d’Apotex exigeaient à tort que chaque composé connaisse « du succès au point d’être un médicament qu’un médecin pourrait prescrire ». La juge de première instance a conclu que l’utilisation thérapeutique était possible, mais non garantie.

 

[103]       Apotex allègue que le « contexte » n’étaye pas une telle interprétation. Je rejette cet argument. Une déclaration selon laquelle les composés de la formule générale I ont des propriétés pharmaceutiques intéressantes ne garantit pas que tous les composés auront une utilisation thérapeutique. De même, l’exposé de la description selon lequel l’invention englobe les compositions pharmaceutiques contenant comme ingrédient actif au moins un composé de la formule générale I ne garantit pas que tous les composés auront une utilisation thérapeutique.

 

[104]       En ce qui concerne le refus de la juge de première instance de prendre en considération l’abrégé du brevet 196 pour déterminer la promesse du brevet, à mon avis, elle a eu raison de conclure que l’article 175 des Règles sur les brevets l’empêchait de le faire. Le fait que, dans l’arrêt Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902 (Monsanto), au paragraphe 18, l’abrégé a été cité, parmi les autres parties de la divulgation du brevet, ne signifie pas que l’abrégé peut être utilisé pour déterminer la promesse du brevet. Par ailleurs, l’arrêt Monsanto n’utilise pas l’abrégé pour apprécier l’utilité.

 

[105]       Le paragraphe 175(1) des Règles sur les brevets prévoit expressément que l’abrégé ne peut être pris en considération dans l’évaluation de l’étendue de la protection demandée ou obtenue. Voir également : Roger T. Hughes et Dino P. Clarizio, Hughes and Woodley on Patents, 2e éd., feuilles mobiles (Markham : LexisNexis Canada Inc., 2005), à la page 302. Le paragraphe 175(2) prévoit le contenu de l’abrégé à des fins de référence, non pour faciliter l’interprétation. La promesse d’un brevet, comme nous l’avons vu plus haut, constitue un des aspects de l’interprétation des revendications. Apotex ne prétend pas que l’abrégé est pertinent pour l’interprétation des revendications. Au contraire, elle reconnaît que ce n’est pas le cas (mémoire des faits et du droit, au paragraphe 70). La juge de première instance n’a pas commis d’erreur en refusant de considérer l’abrégé comme un facteur servant à déterminer la promesse du brevet.

 

[106]       Apotex allègue que la juge Snider a conclu à tort que la promesse du brevet 196 est « que tous les composés revendiqués auront un certain niveau d’inhibition de l’ECA lorsqu’évalués in vitro et que certains composés posséderont une activité suffisante pour traiter l’hypertension et l’insuffisance cardiaque » (paragraphe 293 de ses motifs). Elle invoque le mémoire descriptif du brevet et affirme que [traduction] « le mémoire descriptif du brevet ne fait nulle mention d’une telle restriction de la promesse ». En effet, le seul test qui est divulgué dans le mémoire descriptif se trouve à la page 29, où l’activité des composés lorsque administrés à des chiens conscients, c’est-à-dire in vivo, est décrite.

 

[107]       Apotex a raison d’affirmer que le brevet ne contient pas de restriction in vitro. Il faut supprimer les mots « lorsqu’évalués in vitro » de la conclusion de la juge de première instance. La promesse du brevet devrait être reformulée en ces termes (compte tenu des conclusions de la juge de première instance) : « […] tous les composés revendiqués auront un certain niveau d’inhibition de l’ECA et […] certains composés posséderont une activité suffisante pour traiter l’hypertension et l’insuffisance cardiaque ».

 

[108]       Selon toute vraisemblance, l’erreur découle de la preuve extrinsèque (l’article de M. Vincent). D’après cette preuve, seules 4 des 32 variantes possibles du perindopril ont été testées in vivo et elles ont été testées parce qu’elles étaient les plus prometteuses.

 

[109]       Toutefois, une personne versée dans l’art n’a pas besoin de la preuve extrinsèque pour comprendre que le test a été réalisé uniquement sur un sous-ensemble des composés revendiqués. Sur la base de l’interprétation du brevet par Apotex, chaque composé énuméré dans les revendications avait été synthétisé. (La contestation d’Apotex relativement à l’utilité du brevet porte principalement que le brevet promettait que tous les composés revendiqués exerceraient un certain degré d’inhibition de l’ECA et qu’ils auraient tous comme effet thérapeutique d’abaisser la pression artérielle.) Apotex a par ailleurs reconnu non seulement qu’ADIR n’avait pas réellement synthétisé tous les composés (mémoire des faits et du droit, au paragraphe 65) mais également que cela lui aurait été impossible (motifs de la juge de première instance, au paragraphe 453). Par conséquent, avec ou sans l’article de M. Vincent, une personne versée dans l’art n’aurait pu conclure que le brevet promettait que chaque variante du composé abaisserait la pression artérielle.

 

[110]       Je suis d’avis que la juge de première instance peut avoir cherché à rappeler à Apotex que l’évaluation in vitro par ADIR des 32 stéréoisomères du perindopril, entre autres composés, était suffisante pour établir une prédiction valable selon laquelle tous les composés de la classe avaient les propriétés inhibitrices de l’ECA minimales requises pour satisfaire à la norme peu élevée qui est exposée dans la promesse du brevet. Sa seule erreur est d’avoir ajouté les mots « in vitro » dans son énonciation de la promesse. Le reste de son raisonnement demeure valable. L’erreur n’a aucune incidence sur l’issue de l’affaire, et Apotex ne prétend pas le contraire.

 

[111]       Apotex allègue également que la juge Snider a commis des erreurs dans son appréciation de la preuve relativement à la prétendue absence d’utilité des composés revendiqués. Ces arguments sont axés sur les conclusions de la juge de première instance relativement à l’article de M. Vincent paru en 1992 (étayées par les données sous-jacentes des tests pharmacologiques internes qui n’ont pas été contredites par Apotex) et au prétendu aveu de M. Laubie. Bien qu’Apotex allègue des erreurs de fait et de droit, elle ne relève aucune erreur de droit. Les erreurs alléguées concernent les conclusions de fait, lesquelles sont susceptibles de contrôle seulement si une erreur manifeste et dominante est démontrée.

 

[112]       La juge Snider a examiné en profondeur ces questions aux paragraphes 296 à 319 de ses motifs. Compte tenu de la preuve factuelle et de la preuve d’expert dont elle a été saisie, il lui était loisible de conclure que l’article de M. Vincent paru en 1992 ne montre pas, selon la prépondérance des probabilités, soit expressément, soit par inférence, que les composés de la revendication no 3 du brevet 196 n’ont pas d’utilité. De même, il lui appartenait de tirer une conclusion à l’égard du témoignage de M. Laubie. L’appréciation de la preuve ne relève pas d’une cour d’appel.

 

[113]       Apotex n’a pas démontré que la juge de première instance a commis une erreur en établissant l’utilité des revendications nos 1, 2 et 3 du brevet 196. En conséquence, l’argument concernant l’utilité ne peut être retenu.

 

La prédiction valable

[114]       Se fondant sur l’arrêt Wellcome, Apotex fait valoir que les composés trans revendiqués n’ont pas fait l’objet d’une prédiction valable étant donné que le brevet 196 ne divulgue aucune méthode permettant de les fabriquer. Elle invoque les paragraphes 69 et 70 de l’arrêt Wellcome pour étayer sa thèse que la prédiction valable nécessite non seulement une prédiction valable selon laquelle la prétendue invention va fonctionner, mais également une prédiction valable selon laquelle l’invention peut être fabriquée.

 

[115]       Selon la juge Snider, le passage invoqué ne mentionne pas la nécessité de prédire la fabrication d’un composé comme composante de  l’utilité. Dans l’arrêt Wellcome, la cour a plutôt affirmé qu’un brevet doit divulguer comment utiliser le brevet ou le mettre en pratique (l’exigence du caractère suffisant), et également que le breveté doit avoir un fondement solide pour prédire que l’invention va fonctionner. L’arrêt Wellcome parle uniquement de l’utilité comme du critère pertinent pour déterminer si la prédiction est valable. Apotex ne cite aucune décision où la fabrication d’une invention a servi à vérifier la validité de la prédiction.

 

[116]       Comme la juge Snider l’a fait remarquer, l’utilité d’une classe de composés chimiques peut faire l’objet d’une prédiction valable par « renvoi à l’architecture de la classe particulière » (paragraphe 376 de ses motifs). Apotex n’a pas allégué que l’utilité des composés trans comme inhibiteurs de l’ECA ne pouvait être valablement prédite, s’ils pouvaient être fabriqués. Il faut vérifier le caractère suffisant de la divulgation pour appuyer l’allégation selon laquelle l’objet d’un brevet n’a pu être fabriqué. Par conséquent, la juge de première instance n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que le caractère suffisant de la divulgation du procédé de fabrication des composés trans ne relève pas de la prédiction valable. Apotex n’a pas invoqué d’argument relativement au caractère suffisant du brevet 196.

 

[117]       Quoi qu’il en soit, Apotex n’a pas démontré que la juge Snider a commis une erreur manifeste et dominante en tirant les conclusions de fait selon lesquelles, à la date du dépôt au Canada, « la prédiction des inventeurs selon laquelle tous les composés inclus dans la revendication no 3 du brevet 196 auraient une activité à titre d’inhibiteurs de l’ECA était valable », ou qu’elle ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de convaincre la juge qu’une personne versée dans l’art « ne pouvait pas valablement prédire que les composés trans des revendications nos 1, 2 et 3 auraient une utilité » (paragraphe 380 de ses motifs).

 

Les corrections apportées à la revendication no 5

[118]       Cette question a été longuement débattue devant la juge Snider. Les paragraphes 174 à 222 de ses motifs décrivent en détail la manière dont elle a été abordée. En résumé, la revendication no 5 du brevet 196, telle que délivrée à l’origine le 6 mars 2001, ne constituait pas une revendication à l’égard du perindopril. Le commissaire a délivré deux certificats de correction le 3 avril et le 14 mai 2001, respectivement. Apotex soutient que la juge Snider a commis une erreur en concluant que ces certificats avaient été valablement délivrés.

 

[119]       En première instance, Apotex a invoqué l’article 59 de la Loi sur les brevets pour justifier son point de vue selon lequel elle pouvait remettre en question les décisions du commissaire. Cet article prévoit que, dans une action en contrefaçon, le défendeur peut invoquer comme moyen de défense tout fait ou manquement qui, d’après la Loi sur les brevets ou en droit, entraîne la nullité du brevet. Se fondant sur Grenier c. Canada, 2005 CAF 348, [2006] 2 R.C.F. 287 (C.A.) et Pason Systems Corp. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2006 CF 753, 54 C.P.R. (4th) 40, Servier a fait valoir qu’Apotex ne pouvait invoquer cet argument étant donné qu’elle devait procéder par voie de contrôle judiciaire. Servier maintient sa position en appel et soutient qu’Apotex ne conteste pas la validité du brevet, comme l’exige l’article 59, mais la validité des certificats.

 

[120]       Selon la juge Snider, la qualité d’Apotex pour présenter une demande de contrôle judiciaire était discutable. Se fondant sur son interprétation de l’article 59 et des paragraphes 60(1) et 60(2) de la Loi sur les brevets, elle a conclu que rien n’empêchait Apotex de soulever la question des actes du commissaire lors de la délivrance des certificats. Elle a statué que la décision du commissaire devait être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable et a conclu que la décision du commissaire était raisonnable.

 

[121]       Apotex soutient que la juge de première instance a commis une erreur dans sa décision concernant la norme de contrôle étant donné que la question [traduction] « en était une de première impression », soit celle de savoir [traduction] « si les conditions prévues par la loi relativement aux corrections étaient respectées ».

 

[122]       Bien que les observations des parties à cet égard soient détaillées et soulèvent des points nouveaux et intéressants, il n’est pas nécessaire, à mon avis, que la Cour se prononce sur le bien-fondé des conclusions de la juge Snider concernant la possibilité pour Apotex de se prévaloir du contrôle judiciaire ou de son choix de la décision raisonnable comme norme de contrôle applicable. Au bout du compte, l’argument d’Apotex ne saurait être retenu.

 

[123]       En outre, bien que la juge de première instance ait conclu que la décision du commissaire était raisonnable, elle a, de fait, accédé au désir d’Apotex en réexaminant la question. Elle a entendu les témoignages de Me Landry, avocat et agent de brevets, et de Mme Jaguelin de chez Servier et a examiné les documents connexes. Elle a entendu des témoignages selon lesquels les conventions d’appellation des composés chimiques sont différentes en anglais et en français.

 

[124]       Après avoir entendu les témoignages et examiné les documents, la juge Snider a tiré une conclusion de fait. Elle a conclu, sans équivoque, qu’il s’agissait d’erreurs d’écriture sous forme de désignations alphanumériques incorrectes. Bien qu’elles aient été commises pendant le processus de traduction, elles ne constituaient pas des erreurs de traduction. Cette conclusion cadre parfaitement avec la définition formulée dans la décision Bayer AG c. Le commissaire des brevets, [1981] 1 C.F. 656; (1980), 53 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.), selon laquelle une erreur d’écriture est une erreur qui survient dans le processus mécanique de rédaction ou de transcription, et qui ne se caractérise pas par une évidence relative ou par la gravité ou l’insignifiance relative de ses conséquences.

 

[125]       Au risque de me répéter, la Cour ne modifiera pas les conclusions de fait du juge de première instance en l’absence d’une erreur manifeste et dominante. L’argument d’Apotex selon lequel [traduction] « la norme applicable à l’examen des faits est une question de droit » place la barre trop haut. Tout au plus, la décision de la juge de première instance soulève une question mixte de fait et de droit et est fortement axée sur les faits. Par conséquent, la norme de contrôle applicable à sa décision demeure la même.

 

[126]       Apotex n’a pas démontré que la juge Snider a commis une erreur manifeste et dominante en tirant sa conclusion de fait. L’examen des éléments de preuve qu’elle a pris en considération mène inévitablement à la conclusion qu’il lui était loisible de rendre cette décision. Par conséquent, Apotex ne peut avoir gain de cause même si la juge de première instance a commis une erreur en tirant sa conclusion (et je ne me prononce pas sur ce point) à l’égard de la possibilité de se prévaloir du contrôle judiciaire et du choix de la norme de contrôle applicable à la décision du commissaire.

 

La Loi sur la concurrence

[127]       Dans sa demande reconventionnelle, Apotex a allégué qu’ADIR avait enfreint l’article 45 de la Loi sur la concurrence en concluant une entente de règlement avec Schering et Hoechst dans le dossier T-228-97 de la Cour fédérale.

 

[128]       De façon succincte, afin de mettre cette allégation en contexte, je réexaminerai les circonstances. Lorsque ADIR a déposé la demande 093, certaines de ses revendications ont été confrontées à celles d’autres demandes déposées par Schering et Hoechst. Le commissaire a rendu ses décisions sur la paternité des inventions à l’égard des revendications concurrentes. Conformément au paragraphe 43(8) de la Loi sur les brevets, les parties ont introduit six actions demandant à la Cour fédérale de déterminer leurs droits respectifs relativement aux éléments visés par les revendications concurrentes. Le juge Joyal a ordonné que les instances soient réunies dans le dossier T-228-97 de la Cour. L’ordonnance du juge Joyal prévoyait également que chaque partie avait le droit de contester tout aspect de toute décision du commissaire concernant l’attribution d’une revendication déclarée en conflit, peu importe que la partie ait participé directement ou non aux procédures en cas de conflit à l’égard de cette revendication.

 

[129]       Après la tenue des interrogatoires préalables, ADIR, Schering et Hoechst ont signé un procès-verbal de règlement qui mettait fin à l’instance. Le 12 décembre 2000, le juge Nadon a prononcé une ordonnance, sur consentement, qui prévoyait la répartition des revendications entre ADIR, Schering et Hoechst. Selon l’ordonnance, ADIR avait droit à la délivrance d’un brevet limité aux revendications indiquées dans l’annexe A de l’ordonnance. Le résultat des revendications attribuées à ADIR a été le brevet 196.

 

[130]       Apotex prétend que l’entente de règlement qui assurait à chacune des parties l’obtention de brevets visant les inhibiteurs de l’ECA commercialisés était illégale parce que anticoncurrentielle. Se fondant sur ce qu’elle décrit comme la [traduction] « perception » d’ADIR, Apotex allègue qu’ADIR a conclu l’entente afin d’éviter qu’aucune revendication visant le perindopril ne soit délivrée ou que des revendications se chevauchant qui englobent le perindopril ne soient attribuées à plusieurs parties. L’acquisition du brevet 196 aurait soi-disant réduit indûment la concurrence sur le marché des inhibiteurs de l’ECA, causant ainsi un préjudice à Apotex et lui donnant droit à des dommages-intérêts aux termes de l’article 36 de la Loi sur la concurrence.

 

[131]       La juge Snider a examiné avec soin les principes applicables énoncés dans les arrêts Molnlycke AB c. Kimberley-Clark of Canada Ltd. et al. (1991), 36 C.P.R. (3d) 493 (C.A.F.) (Molnlycke); Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., 2004 CAF 232, 32 C.P.R. (4th) 195 (C.A.F.) (Eli Lilly no 1) et Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., 2005 CAF 361, 44 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.) (Eli Lilly no 2), ainsi que les dispositions pertinentes de la Loi sur la concurrence. Elle a pris en considération les circonstances entourant l’entente de règlement et a finalement rejeté la demande reconventionnelle au motif que, à chaque étape du processus, ADIR avait exercé ses droits en vertu de la Loi sur les brevets et des Règles des Cours fédérales, et rien de plus. À titre subsidiaire, elle a conclu que, quoi qu’il en soit, la demande d’Apotex était prescrite.

 

[132]       Apotex prétend que la juge de première instance a commis une erreur en ne tenant pas compte des circonstances entourant l’entente de règlement en 2001. En examinant le brevet en fonction de sa validité en 2008, la juge Snider aurait fait abstraction de la possibilité que, si les procédures en cas de conflit avaient été tranchées par la Cour fédérale plutôt que réglées par les parties, ADIR ne se serait peut-être pas vu octroyer des droits de brevet exclusifs. Il s’ensuit manifestement qu’il est [traduction] « probable » que l’[traduction] « acquisition de droits de brevet exclusifs ait conféré à ADIR un pouvoir de marché plus grand que celui qu’elle aurait pu détenir par ailleurs ».

 

[133]       La Cour a statué à maintes reprises qu’on ne peut déduire de la preuve de l’exercice des droits en vertu de la Loi sur les brevets seulement qu’il y a eu amoindrissement indu de la concurrence. Les arguments d’Apotex reposent sur des suppositions. Apotex ne fournit aucune preuve de la soi-disant « probabilité » d’un pouvoir de marché plus grand ni aucune preuve de la soi-disant « probabilité » que les parties aux procédures en cas de conflit se seraient vu attribuer des revendications qui se chevauchent à l’égard du perindopril.

 

[134]       Rien ne laisse croire que la Cour fédérale n’aurait pu attribuer les revendications en cause telles qu’elles étaient réparties. D’ailleurs, Apotex reconnaît au paragraphe 91 de son mémoire des faits et du droit que la cour aurait pu attribuer à une partie une revendication exclusive à l’égard du perindopril.

 

[135]       Qui plus est, comme le montre le paragraphe 472 des motifs de la juge Snider, les parties ont convenu que la jurisprudence permet d’affirmer qu’il doit y avoir « quelque chose de plus » au-delà de la simple revendication de droits de brevets pour conclure à la violation de l’article 45 de la Loi sur la concurrence. Il convient de reproduire la conclusion de la juge de première instance : « Chaque étape du processus, depuis la demande de chaque partie jusqu’au processus de règlement, à l’ordonnance du juge Nadon et ultimement à la délivrance du brevet 196, était conforme aux droits d’ADIR en vertu de la Loi sur les brevets et aux Règles des Cours fédérales. L’entente de règlement était simplement une étape de l’exercice des droits de brevets d’ADIR » (paragraphe 475 de ses motifs).

 

[136]       Je ne trouve aucune faille dans la conclusion de la juge de première instance à cet égard. Encore une fois, il s’agit d’une conclusion de fait et Apotex n’a pas démontré d’erreur manifeste et dominante. Cela ne veut pas dire qu’il ne pourrait jamais y avoir de circonstances dans lesquelles une entente de règlement pourrait constituer le « quelque chose de plus » dont il était question dans les arrêts Eli Lilly. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Je m’explique mal en quoi une entente qui a donné effet à une réparation que la cour pouvait accorder et qui a été soumise à l’approbation de la cour pourrait constituer une infraction à la Loi sur la concurrence.

 

[137]       Étant donné que la présente décision porte un coup fatal à la demande reconventionnelle présentée par Apotex, il n’est pas nécessaire d’examiner la question du délai de prescription.

 

Conclusion

[138]       Cela répond aux arguments invoqués par Apotex. Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

            A.M. Linden, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            John M. Evans, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.


ANNEXE A

des motifs du jugement

en date du 30 juin 2009

dans l’affaire

APOTEX INC.

et

APOTEX PHARMACHEM INC.

et

ADIR et

SERVIER CANADA INC.

A-393-08

 

Loi sur les brevets,

(L.R., 1985, ch. P-4)

 

8. Un document en dépôt au Bureau des brevets n’est pas invalide en raison d’erreurs d’écriture; elles peuvent être corrigées sous l’autorité du commissaire.

 

 

34(1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur:

 

(a) décrit d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l’inventeur;

(e) indique particulièrement et revendique distinctement la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame comme son invention.

 

 

36(1) Un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne peut être tenu pour invalide du seul fait qu’il a été accordé pour plus d’une invention.

 

 

59. Dans toute action en contrefaçon de brevet, le défendeur peut invoquer comme moyen de défense tout fait ou manquement qui, d’après la présente loi ou en droit, entraîne la nullité de brevet; le tribunal prend connaissance de cette défense et des faits pertinents et statue en conséquence.

 

60(1) Un brevet ou une revendication se rapportant à un brevet peut être déclaré invalide or nul par la Cour fédérale, à la diligence du procureur générale du Canada ou à la diligence d’un intéressé.

(2) Si une personne a un motif raisonnable de croire qu’un procédé employé ou dont l’emploi est projeté, ou qu’un article fabriqué, employé ou vendu ou dont l’emploi ou la vente par elle, pourrait, d’après l’allégation d’un breveté, constituer une violation d’un droit de propriété ou privilège exclusif accordé de ce chef, elle peut intenter une action devant la Cour fédérale contre le breveté afin d’obtenir une déclarations que ce procédé ou cet article ne constitue pas ou ne constituerait pas une violation de ce droit de propriété ou de ce privilège exclusif.

 

61(1) Aucun brevet ou aucune revendication dans un brevet ne peut être déclaré invalide ou nul pour la raison que l'invention qui y est décrite était déjà connue ou exploitée par une autre personne avant d'être faite par l'inventeur qui en a demandé le brevet, à moins qu'il ne soit établi que, selon le cas :

a) cette autre personne avait, avant la date de la demande du brevet, divulgué ou exploité l'invention de telle manière qu'elle était devenue accessible au public;

b) cette autre personne avait, avant la délivrance du brevet, fait une demande pour obtenir au Canada un brevet qui aurait dû donner lieu à des procédures en cas de conflit;

c) cette autre personne avait à quelque époque fait au Canada une demande ayant, en vertu de l'article 28, la même force et le même effet que si elle avait été enregistrée au Canada avant la délivrance du brevet et pour laquelle des procédures en cas de conflit auraient dû être régulièrement prises si elle avait été ainsi enregistrée.

 

 

 

Règles sur les brevets, DORS/96-423

 

175(1) La demande contient un abrégé qui présente de l’information technique et qui ne peut être pris en considération dans l’évaluation de l’étendue de la protection demandée ou obtenue.

 

 

(2) L’abrégé est un bref exposé technique de la description et indique l’utilité de l’invention ainsi que la façon dont elle se distingue d’autres inventions.

 

 

 

 

 

 

 

Loi sur la concurrence

(L.R., 1985, ch. C-34)

 

36(1) Toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite :

 

a) soit d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI;

….

 

(3) La Cour fédérale a compétence sur les actions prévues au paragraphe (1).

 

(4) Les actions visées au paragraphe (1) se prescrivent :

a) dans le cas de celles qui sont fondées sur un comportement qui va à l’encontre d’une disposition de la partie VI, dans les deux ans qui suivent la dernière des dates suivantes

(i) soit la date du comportement en question,

(ii) soit la date où il est statué de façon définitive sur la poursuite;

 

b) dans le cas de celles qui sont fondées sur le défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance du Tribunal ou d’un autre tribunal, dans les deux ans qui suivent la dernière des dates suivantes :

(i) soit la date où a eu lieu la contravention à l’ordonnance du Tribunal ou de l’autre tribunal,

(ii) soit la date où il est statué de façon définitive sur la poursuite.

 

 

45(1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l’une de ces peines, quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne :

a) soit pour limiter, indûment, les facilités de transport, de production, de fabrication, de fourniture, d’emmagasinage ou de négoce d’un produit quelconque;

b) soit pour empêcher, limiter ou réduire, indûment, la fabrication ou production d’un produit ou pour en élever déraisonnablement le prix;

c) soit pour empêcher ou réduire, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l’achat, le troc, la vente, l’entreposage, la location, le transport ou la fourniture d’un produit, ou dans le prix d’assurances sur les personnes ou les biens;

 

d) soit, de toute autre façon, pour restreindre, indûment, la concurrence ou lui causer un préjudice indu.

 

 

(2) Il demeure entendu qu’il n’est pas nécessaire, pour établir qu’un complot, une association d’intérêts, un accord ou un arrangement constitue l’une des infractions visées au paragraphe (1), de prouver que le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement, s’il était exécuté, éliminerait ou éliminerait vraisemblablement la concurrence, entièrement ou à toutes fins utiles, sur le marché auquel il se rapporte, ni que les participants, ou l’un ou plusieurs d’entre eux, visaient à éliminer la concurrence, entièrement ou à toutes fins utiles, sur ce marché.

Patent Act, R.S.C. 1985, c. P-4

 

 

8. Clerical errors in any instrument of record in the Patent Office do not invalidate the instrument, but they may be corrected under the authority of the Commissioner.

 

 

34(1)An applicant shall in the specification of his invention

 

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

 

[…]

(e) particularly indicate and distinctly claim the part, improvement or combination that he claims as his invention.

 

 

36(1) A patent shall be granted for one invention only but in an action or other proceeding a patent shall not be deemed to be invalid by reason only that it has been granted for more than one invention.

 

 

59. The defendant, in any action for infringement of a patent may plead as a matter of defence any fact of default which by this Act or by law renders the patent void, and the court shall take cognizance of that pleading and of the relevant facts and decide accordingly.

 

 

60(1) A patent or any claim in a patent may be declared invalid or void by the Federal Court at the instance of the Attorney General of Canada or at the instance of any interested person.

 

(2) Where any person has reasonable cause to believe that any process used of proposed to be used or any article made, used or sold or proposed to be made, used or sold by him might be alleged by any patentee to constitute an infringement of an exclusive property or privilege granted thereby, he may bring an action in the Federal Court against the patentee for a declaration that the process or article does not or would not constitute an infringement of the exclusive property or privilege.

 

 

 

 

61(1) No patent or claim in a patent shall be declared invalid or void on the ground that, before the invention therein defined was made by the inventor by whom the patent was applied for, it had already been known or used by some other person, unless it is established that

 

(a) that other person had, before the date of the application for the patent, disclosed or used the invention in such manner that it had become available to the public;

(b) that other person had, before the issue of the patent, made an application for patent in Canada on which conflict proceedings should have been directed; or

(c) that other person had at any time made an application in Canada which, by virtue of section 28, had the same force and effect as if it had been filed in Canada before the issue of the patent and on which conflict proceedings should properly have been directed had it been so filed.

 

 

 

 

Patent Rules, SOR/96-423

 

175(1) An application shall contain an abstract that provides technical information and that cannot be taken into account for the purpose of interpreting the scope of protection sought or obtained.

 

(2) The abstract shall consist of a brief technical statement of the description indicative of the utility of the invention and the manner in which the invention is distinguishable from other inventions.

 

 

 

 

 

 

Competition Act,

R.S.C. 1985, c. C-34

 

36(1) Any person who has suffered loss or damage as a result of

 

(a) conduct that is contrary to any provision of Part VI, or

[…]

 

 

(3) For the purposes of any action under subsection (1), the Federal Court is a court of competent jurisdiction.

 

(4) No action may be brought under subsection (1),

(a) in the case of an action based on conduct that is contrary to any provision of Part VI, after two years from

(i) a day on which the conduct was engaged in, or

(ii) the day on which any criminal proceedings relating thereto were finally disposed of, whichever is the later; and

(b) in the case of an action based on the failure of any person to comply with an order of the Tribunal or another court, after two years from

 

 

(i) a day on which the order of the Tribunal or court was contravened, or

(ii) the day on which any criminal proceedings relating thereto were finally disposed of, whichever is the later.

 

 

45(1) Every one who conspires, combines, agrees or arranges with another person

 

 

 

 

(a) to limit unduly the facilities for transporting, producing, manufacturing, supplying, storing or dealing in any product,

 

(b) to prevent, limit or lessen, unduly, the manufacture or production of a product or to enhance unreasonably the price thereof,

 

(c) to prevent or lessen, unduly, competition in the production, manufacture, purchase, barter, sale, storage, rental, transportation or supply of a product, or in the price of insurance on persons or property, or

 

(d) to otherwise restrain or injure competition unduly,

is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding five years or to a fine not exceeding ten million dollars or to both.

(2) For greater certainty, in establishing that a conspiracy, combination, agreement or arrangement is in contravention of subsection (1), it shall not be necessary to prove that the conspiracy, combination, agreement or arrangement, if carried into effect, would or would be likely to eliminate, completely or virtually, competition in the market to which it relates or that it was the object of any or all of the parties thereto to eliminate, completely or virtually, competition in that market.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-393-08

 

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU LE 2 JUILLET 2008 PAR MADAME LA JUGE SNIDER DE LA COUR FÉDÉRALE, DOSSIER NO T-1548-06)

 

INTITULÉ :                                                                           APOTEX INC. et APOTEX PHARMACHEM INC. c. ADIR et SERVIER CANADA INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LES 1ER ET 2 JUIN 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LINDEN, LE JUGE EVANS

                                                                                               

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 30 JUIN 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Harry B. Radomski

Nando De Luca

Benjamin Hackett

 

POUR LES APPELANTES

 

Judith Robinson

Daniel A. Artola

Joanne Chriqui

Richard Wagner

G. Ian Clarke

POUR LES INTIMÉES

 

 

 

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES APPELANTES

Ogilvy Renault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LES INTIMÉES

 

 

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