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Date : 20190228


Dossier : A-166-18

Référence : 2019 CAF 40

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC.

demanderesse

et

METRO CABLE T.V. MAINTENANCE AND SERVICE EMPLOYEES’ ASSOCIATION

et GRAND RIVER TECHNICAL EMPLOYEES ASSOCIATION

défenderesses

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 28 février 2019.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 28 février 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GAUTHIER

 


Date: 20190228


Dossier : A-166-18

Référence : 2019 CAF 40

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC.

demanderesse

et

METRO CABLE T.V. MAINTENANCE AND SERVICE EMPLOYEES’ ASSOCIATION

et GRAND RIVER TECHNICAL EMPLOYEES ASSOCIATION

défenderesses

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 28 février 2019.)

LA JUGE GAUTHIER

[1]  Rogers Communications Canada Inc. (Rogers ou la demanderesse) demande le contrôle judiciaire d’une décision (2018 CCRI 879) par laquelle le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil), s’appuyant sur l’article 18 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code), a accueilli la demande de la Metro Cable T.V. Maintenance and Service Employees’ Association (le syndicat ou la défenderesse) visant à ajouter à une unité de négociation de 540 employés de la région du Grand Toronto un groupe de 20 employés d’une entreprise récemment acquise par Rogers ayant les mêmes descriptions de travail.

[2]  Le Conseil a rendu sa décision après avoir procédé au réexamen que notre Cour lui a ordonné d’effectuer (2017 CAF 127). Deux questions demeurées en suspens dans sa décision initiale devaient être tranchées : 1) dans quelle mesure, s’il en est, les modifications apportées au Code par la Loi sur le droit de vote des employés, L.C. 2014, ch. 40, ont-elles une incidence sur la demande présentée par le syndicat au titre de l’article 18?; et 2) le syndicat a-t-il démontré que l’expansion proposée à l’unité de négociation avait l’appui d’une « double majorité »?

[3]  Les modifications susmentionnées dictaient la tenue d’un scrutin secret dans le cadre du processus d’accréditation prévu par l’article 28 du Code. Elles ont été en vigueur pendant deux ans seulement, de juin 2015 à juin 2017, puis ont été abrogées. Or, comme Rogers a soulevé la question devant le Conseil sans toutefois l’expliciter, il fallait l’examiner. Par ailleurs, au vu d’une jurisprudence flottante se rapportant à la deuxième question, notre Cour a demandé au Conseil de clore le débat.

[4]  Nous sommes d’avis que le Conseil a traité des deux questions dans une décision exhaustive et bien motivée.

[5]  S’agissant de la première question, le syndicat n’a pas pris position. Il était prêt à fournir tous les éléments de preuve demandés par le Conseil. Il tenait principalement à ce que la décision soit rendue au plus tôt, car les employés concernés attendaient une réponse depuis 2015.

[6]  Le Conseil a analysé minutieusement la thèse de Rogers voulant que le Conseil doive, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 18, ordonner la tenue d’un scrutin secret, au motif qu’il s’agissait d’une nouvelle accréditation pour ces 20 employés. Le Conseil a examiné l’économie du Code, l’objet de ses dispositions et de ses modifications, les débats législatifs et sa propre politique en la matière. Il a conclu que le législateur n’avait pas eu l’intention de limiter le vaste pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 18. Le Conseil n’a pas retenu l’argument selon lequel il s’agissait d’un cas dictant nécessairement la tenue d’un scrutin secret pour ces 20 employés, puisqu’il a ajouté foi aux éléments de preuve présentés par le syndicat corroborant le souhait d’une majorité de ces employés de se faire représenter par ce dernier.

[7]  La décision du Conseil était raisonnable. Il lui était loisible de la rendre. En effet, il ressort du libellé même de l’article 18 que le Conseil disposait d’une certaine latitude dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en l’espèce :

Réexamen ou modification des ordonnances

Review or amendment of orders

18. Le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

18. The Board may review, rescind, amend, alter or vary any order or decision made by it, and may rehear any application before making an order in respect of the application.

D’ailleurs, je souligne que la Cour suprême a à maintes occasions insisté sur la déférence que commandent l’interprétation, par les tribunaux spécialisés en relations de travail, de leurs régimes administratifs complexes ainsi que l’exercice par ces tribunaux de leur pouvoir discrétionnaire.

[8]  S’agissant de la deuxième question, le Conseil, dans son analyse judicieuse et exhaustive, a clos de façon efficace et raisonnable le débat découlant de sa jurisprudence flottante. Adoptant une orientation claire, dont l’élaboration a commencé dès l’affaire Section locale 362 de la Fraternité internationale des Teamsters (General Teamsters) c. Brink’s Canada Limited, [1996] D.C.C.R.T. no 2, 100 di 39 (DCRT no 1153), conf. par 1997 CarswellNat 3664 (C.A.F.), le Conseil a décidé de suivre l’approche préconisée dans l’arrêt Alliance de la Fonction publique du Canada c. Monnaie royale canadienne, 2003 CCRI 229, et de déduire des circonstances (par. 119 à 121 en particulier) le maintien de l’appui de la majorité de l’unité de négociation existante, à moins de raisons sérieuses d’en douter ou de le remettre en question.

[9]  Soulignons qu’à l’évidence, il ne faut procéder ainsi par inférence que lorsque les circonstances le justifient.

[10]  À cet égard aussi, il était loisible au Conseil de trancher la question comme il l’a fait, étant donné notamment son expérience et son expertise institutionnelles. Le Conseil s’est fondé sur une jurisprudence existante (voir par ex. International Longshore and Warehouse Union, section locale 523 c. Ridley Terminals Inc., 2002 CCRI 185, par. 23 à 25; Syndicat des services du grain c. Saskatchewan Wheat Pool, 2002 CCRI 173, par. 88 à 91), et sa décision reposait sur de solides fondements de politique générale, comme l’économie des ressources du Conseil et le maintien d’un équilibre entre les intérêts et les objectifs en matière de relations de travail. En fait, une formation différente du Conseil a fourni, dans l’arrêt Section locale 31 de la Fraternité internationale des Teamsters c. 669779 Ontario limitée, 2018 CCRI 873 (par. 40 à 51), une analyse distincte de la question de l’appui d’une double majorité et en est arrivée à la même conclusion que le Conseil en l’espèce. Rappelons qu’il s’agit précisément du genre de décisions du Conseil qui appellent la retenue judiciaire.

[11]  Avant de conclure, soulignons les réserves que soulève à notre sens l’avis donné aux employés. Nous nous demandons si l’avis remplit réellement son rôle de communiquer aux employés, avec clarté et transparence, la nature de leurs droits de participation et les conséquences de la demande présentée au Conseil. Même si, en l’espèce, l’avis ne nous apparaît pas déficient au point de vicier la décision, il pourrait en être autrement dans d’autres circonstances.

[12]  Dans l’ensemble, malgré les plaidoiries éloquentes des avocats de Rogers, nous ne voyons aucune raison d’intervenir en l’espèce. Par conséquent, nous rejetterons la demande avec dépens adjugés aux intimées et fixés au montant global convenu de 4 000 $.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION RENDUE LE 8 MAI 2018 PAR LE CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES, No DE DOSSIER DU CONSEIL 31243-C

DOSSIER :

A-166-18

 

 

INTITULÉ :

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC. c. METRO CABLE T.V. MAINTENANCE AND SERVICE EMPLOYEES’ ASSOCIATION

et GRAND RIVER TECHNICAL EMPLOYEES ASSOCIATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 FÉVRIER 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GAUTHIER

COMPARUTIONS :

Fasken Martineau DuMoulin LLP

POUR LA DEMANDERESSE

 

Blaney McMurty LLP

POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Brian Smeenk

Me Tala Khoury

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Christopher McClelland

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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