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Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20090820

Dossier : A-312-09

Référence : 2009 CAF 250

 

PRÉSENTE : LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

 

JANSSEN-ORTHO INC. et

ORTHO-McNEIL PHARMACEUTICAL, INC.

 

appelantes

et

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

intimés

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 août 2009.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 20 août 2009.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                                  LA JUGE SHARLOW

 


 

 

 

 

Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20090820

Dossier : A-312-09

Référence : 2009 CAF 250

PRÉSENTE : LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

 

JANSSEN-ORTHO INC. et

ORTHO-McNEIL PHARMACEUTICAL, INC.

 

appelantes

et

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

intimés

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

[1]               Les appelantes Janssen-Ortho Inc. et Ortho-McNeil Pharmaceutical, Inc. font appel de l’ordonnance rendue par le juge Hughes le 29 juillet 2009 (2009 CF 783) confirmant l’ordonnance rendue par le protonotaire Aalto le 12 juin 2009 (2009 CF 650). L’ordonnance du protonotaire Aalto faisait droit à la requête d’Apotex Inc. visant à faire rejeter la demande présentée par Janssen en vertu de l’article 6 des Règlements sur les médicaments brevetés (avis de conformité), D.O.R.S. 93/133 (le Règlement AC). Janssen a demandé à la Cour de rendre une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Apotex un avis de conformité pour sa version générique de Tramacet avant l’expiration du brevet canadien no 2 095 523 (soit le 3 septembre 2012). Je suis donc saisie d’une requête présentée par Janssen visant à obtenir un sursis d’exécution de l’ordonnance rendue par le protonotaire Aalto jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’appel de l’ordonnance rendue par le juge Hughes. La requête est contestée par Apotex. Le ministre de la Santé n’a pas comparu.

 

[2]               Janssen n’a pas demandé de sursis d’exécution de l’ordonnance rendue par le juge Hughes, soit l’ordonnance visée par l’appel. Or, Apotex n’a pas allégué que la requête de Janssen était entachée d’une erreur fondamentale en raison de cette omission, et je ne traiterai pas davantage de cette question.

 

[3]               Les faits ne sont pas contestés. Janssen fabrique du Tramacet depuis 2005 en vertu d’un avis de conformité délivré par le ministre de la Santé. L’ingrédient médicinal actif du Tramacet est une combinaison de tramadol et d’acétaminophène. Le brevet 523, qui revendique certaines combinaisons de tramadol et d’acétaminophène, est inscrit à l’égard de Tramacet au registre des brevets tenu par le ministre sous le régime du Règlement AC.

 

[4]               Le 1er février 2008, Apotex a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle auprès du ministre en vue d'obtenir un avis de conformité pour sa version générique de Tramacet. Il semble que le ministre prévoit délivrer un avis de conformité à Apotex pour sa version générique de Tramacet le 21 août 2009, à moins qu’il lui soit interdit de le faire en raison d’une ordonnance de la Cour. (Cette requête sera instruite le 19 août 2009.)

 

[5]               Le 12 mars 2008 ou vers cette date, Apotex a signifié un avis d’allégation à Janssen conformément au paragraphe 5(1) du Règlement AC. Cet avis d’allégation vise les revendications du brevet 523 telles que rédigées à cette date, et la non-contrefaçon et l’invalidité y sont alléguées. Les allégations d’invalidité sont fondées sur plusieurs motifs subsidiaires, notamment la prétention portant que les revendications du brevet 523 ont une portée plus large que l’invention.

 

[6]               Le 18 avril 2008, après que Janssen a reçu signification de l’avis d’allégation d’Apotex et en réponse à cet avis, Janssen a déposé un acte de renonciation à l’égard des revendications du brevet 523. La renonciation a été enregistrée par le Bureau des brevets le 22 avril 2008.

 

[7]               Je ne suis pas en mesure d’interpréter les revendications du brevet, mais je crois pouvoir affirmer que la renonciation, comme son nom l’indique, vise à réduire l’étendue des revendications du brevet 523. Par exemple, voici la formulation de la revendication 1 avant et après la renonciation :

Avant

1. Il s’agit d’une composition pharmaceutique contenant du tramadol et de l’acétaminophène.

 

 

Après

1. Il s’agit d’une composition pharmaceutique contenant du tramadol et de l’acétaminophène comme seuls ingrédients actifs, selon un rapport de poids du tramadol et de l’acétaminophène allant d’environ 1:1 à environ 1:1600. 

[8]               Les renonciations sont l’objet de l’article 48 de la Loi sur les brevets, L.R.C., 1985, ch. P‑4, dont les extraits pertinents sont libellés ainsi :

48. (1) Le breveté peut, en acquittant la taxe réglementaire, renoncer à tel des éléments qu’il ne prétend pas retenir au titre du brevet, ou d’une cession de celui-ci, si, par erreur, accident ou inadvertance, et sans intention de frauder ou tromper le public, dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) il a donné trop d’étendue à son mémoire descriptif, en revendiquant plus que la chose dont lui-même, ou son mandataire, est l’inventeur;

b) il s’est représenté dans le mémoire descriptif, ou a représenté son mandataire, comme étant l’inventeur d’un élément matériel ou substantiel de l’invention brevetée, alors qu’il n’en était pas l’inventeur et qu’il n’y avait aucun droit.

48. (1) Whenever, by any mistake, accident or inadvertence, and without any wilful intent to defraud or mislead the public, a patentee has

(a) made a specification too broad, claiming more than that of which the patentee or the person through whom the patentee claims was the inventor, or

(b) in the specification, claimed that the patentee or the person through whom the patentee claims was the inventor of any material or substantial part of the invention patented of which the patentee was not the inventor, and to which the patentee had no lawful right,

the patentee may, on payment of a prescribed fee, make a disclaimer of such parts as the patentee does not claim to hold by virtue of the patent or the assignment thereof.

[…]

[…]

(4) Dans toute action pendante au moment où elle est faite, aucune renonciation n’a d’effet, sauf à l’égard de la négligence ou du retard inexcusable à la faire.

(4) No disclaimer affects any action pending at the time when it is made, unless there is unreasonable neglect or delay in making it.

[…]

[…]

(6) Après la renonciation, le brevet est considéré comme valide quant à tel élément matériel et substantiel de l’invention, nettement distinct des autres éléments de l’invention qui avaient été indûment revendiqués, auquel il n’a pas été renoncé et qui constitue véritablement l’invention de l’auteur de la renonciation, et celui-ci est admis à soutenir en conséquence une action ou poursuite à l’égard de cet élément.

(6) A patent shall, after disclaimer as provided in this section, be deemed to be valid for such material and substantial part of the invention, definitely distinguished from other parts thereof claimed without right, as is not disclaimed and is truly the invention of the disclaimant, and the disclaimant is entitled to maintain an action or suit in respect of that part accordingly.

 

[9]               Le 25 avril 2008, trois jours après l’enregistrement de la renonciation visant les revendications du brevet 523, Janssen a présenté une demande en vertu de l’article 6 du Règlement AC afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex pour sa version générique de Tramacet avant l’expiration du brevet 523.

 

[10]           L’ordonnance d’interdiction sollicitée par Janssen ne visait pas le bien-fondé des allégations de non‑contrefaçon et d’invalidité d’Apotex à l’égard du brevet 523 (sauf, à titre d’argument subsidiaire, l’allégation de présomption d’abandon en vertu de l’article 73 de la Loi sur les brevets). Le principal motif à l’appui de la demande d’interdiction présentée par Janssen est que l’avis d’allégation d’Apotex est invalide parce qu’il ne visait pas les revendications du brevet 523 telles qu’elles avaient été modifiées par la renonciation.

 

[11]           Évidemment, il aurait été impossible pour Apotex, le 1er février 2008, de traiter des revendications modifiées parce que la renonciation n’avait pas encore été déposée, et, selon la jurisprudence de la Cour, il est interdit de modifier un avis d’allégation. Si l’argument de Janssen est juste, Apotex devrait signifier un nouvel avis d’allégation visant la version des revendications du brevet 523 existant après la renonciation. Alors, considérant que Janssen répondrait au moyen d’une nouvelle demande d’interdiction, une nouvelle suspension de nature législative de 24 mois débuterait conformément à l’article 7 du Règlement AC et ce, au détriment d’Apotex.

 

[12]           Le 27 juin 2008, Apotex a déposé une requête en vertu de l’alinéa 6(5)b) du Règlement AC en vue d'obtenir une ordonnance rejetant la demande d’interdiction de Janssen. Cette disposition est libellée ainsi :

 

6. (5) Sous réserve du paragraphe (5.1), lors de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter tout ou partie de la demande si, selon le cas : […]

b) il conclut qu’elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement, à l’égard d’un ou plusieurs brevets, un abus de procédure.

6. (5) Subject to subsection (5.1), in a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court may, on the motion of a second person, dismiss the application in whole or in part […]

(b) on the ground that it is redundant, scandalous, frivolous or vexatious or is otherwise an abuse of process in respect of one or more patents.

 

[13]           Après une analyse de la jurisprudence pertinente, le protonotaire Aalto a conclu qu’Apotex était uniquement tenu de traiter des revendications du brevet 523 telles qu’elles étaient formulées lorsque l’avis d’allégation a été déposé. Il a statué que la demande d’interdiction de Janssen était un abus de procédure et qu’elle était vouée à l’échec. Le 12 juin 2009, il a rendu une ordonnance rejetant la demande d’interdiction. C’est cette dernière ordonnance qui est visée par la requête en sursis d’exécution de Janssen.

 

[14]           Janssen a interjeté appel de l’ordonnance rendue par le protonotaire Aalto. Le 29 juin 2009, le juge Hughes a rendu une ordonnance rejetant cet appel. L’ordonnance du juge Hughes fait l’objet du présent appel.

 

[15]           Comme il a été mentionné précédemment, le ministre prévoit délivrer un avis de conformité à Apotex pour sa version générique de Tramacet le 21 août 2009, à moins qu’il lui soit interdit de le faire en raison d’une ordonnance de la Cour. La Cour pourrait, par exemple, rendre une ordonnance accueillant l’appel de Janssen, rejetant ainsi l’ordonnance du juge Hughes, et, selon l’ordonnance qu’il aurait dû rendre, accueillant l’appel de l’ordonnance du protonotaire Aalto et annulant ainsi cette ordonnance et rejeter la requête d’Apotex visant à rejeter l’ordonnance d’interdiction de Janssen.

 

[16]           Janssen a tenté en vain de faire instruire cet appel avant le 21 août 2009. La possibilité que l’appel soit accueilli avant cette date étant nulle, Janssen demande le sursis d’exécution de l’ordonnance du protonotaire Aalto en tenant pour acquis qu’une telle ordonnance ferait en sorte de traiter sa demande d’interdiction comme si elle n’avait pas été rejetée par l’ordonnance du protonotaire Aalto.

 

L’ordonnance du protonotaire Aalto est-elle susceptible de sursis?

[17]           En général, le rôle d’un sursis d’exécution d’une ordonnance judiciaire est d’empêcher à une partie de faire ce qui est exigé dans cette ordonnance. Une ordonnance qui ne fait que rejeter une demande sans fondement n’exige pas à quiconque de faire quoi que ce soit. Apotex soutient qu’une telle ordonnance n’est pas susceptible de sursis.

 

[18]           Apotex souligne avec raison que l’ordonnance du protonotaire Aalto est une ordonnance rejetant une demande qu’il a jugée sans fondement. Cette ordonnance n’ordonne à personne de faire quoi que ce soit. Elle met simplement fin aux tentatives de Janssen d’empêcher le ministre de faire la chose que la loi l’habilite à faire, soit délivrer un avis de conformité à Apotex en s’assurant qu’il a été satisfait aux exigences du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870. Pour ce motif, Apotex soutient que l’ordonnance ne saurait être susceptible de sursis.

 

[19]           L’avocat de Janssen a admis qu’il a été incapable de trouver de précédent où un tribunal aurait accordé un sursis d’exécution d’une ordonnance n’exigeant pas de faire quelque chose, mais il allègue qu’un tel sursis est possible en droit. À son avis, la délivrance d’un avis de conformité à Apotex incombant au ministre en vertu de la loi (à supposer qu’il est satisfait aux exigences réglementaires applicables) est le résultat inévitable de l’ordonnance du protonotaire Aalto. Toutefois, il se trouve que le ministre est tenu d’agir par l’application du Règlement sur les aliments et drogues, et non en raison de l’ordonnance du protonotaire Aalto.

 

[20]           Janssen s’appuie sur l’extrait suivant tiré de l’arrêt RJR – MacDonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311 (les juges Sopinka et Cory s’exprimant au nom de la Cour) à la page 329 :

 […] Nous sommes d'avis que la Cour est habilitée, tant en vertu de l'art. 65.1 que de l'art. 27, non seulement à accorder un sursis d'exécution et une suspension d'instance dans le sens traditionnel, mais aussi à rendre toute ordonnance visant à maintenir les parties dans une situation qui, dans la mesure du possible, ne sera pas cause de préjudice en attendant le règlement du différend par la Cour, de façon que cette dernière puisse rendre une décision qui ne sera pas dénuée de sens et d'efficacité.  Notre Cour doit être en mesure d'intervenir non seulement à l'égard des termes mêmes du jugement, mais aussi à l'égard de ses effets.  Cela signifie que notre Cour doit posséder la compétence d'interdire à une partie d'accomplir tout acte fondé sur le jugement, qui, s'il était accompli, tendrait à annuler ou à diminuer l'effet de la décision de notre Cour. […]

 

[21]           La Cour aurait ordonné un sursis d’exécution même en l’absence d’un pouvoir d’origine législative. Voici comment la Cour s’est exprimée à la page 332 :

Enfin, si la compétence de notre Cour ne pouvait reposer sur l'art. 65.1 de la Loi et l'art. 27 des Règles, nous sommes d'avis que le fondement de cette compétence pourrait être le par. 24(1) de la Charte.  Une lacune dans les pouvoirs accessoires de notre Cour en matière de procédure permettant de préserver les droits des parties en attendant le règlement final d'un différend touchant des droits constitutionnels ne devrait pas faire obstacle à une réparation fondée sur la Charte.

 

[22]           Je ne suis pas convaincue que l’arrêt RJR – MacDonald démontre que l’ordonnance du protonotaire Aalto en l’espèce est susceptible de sursis. Dans l’arrêt RJR – MacDonald, la Cour était saisie d’une demande visant à obtenir la suspension d’une décision de la Cour d’appel du Québec déclarant que certaines dispositions de la Loi réglementant les produits du tabac, L.R.C. 1985, ch. 14 (4e suppl.) étaient valides. Après le jugement, un règlement a été édicté en vertu de la Loi réglementant les produits du tabac qui, à son entrée en vigueur, avait pour effet d’imposer des obligations onéreuses aux parties revendiquant la contestation constitutionnelle. C’est dans ces circonstances que la Cour suprême du Canada a conclu qu’elle avait compétence pour suspendre la décision de la Cour d’appel du Québec, même si cette dernière avait été rendue sous la forme d’un jugement déclaratoire.

 

[23]           Je ne considère pas que l’arrêt RJR – Macdonald étaye l’argument portant que l’ordonnance rejetant la demande d’interdiction qu’a présentée Janssen en vertu du Règlement AC est susceptible de sursis du fait qu’elle constitue un obstacle empêchant le ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex en vertu du Règlement sur les aliments et drogues. Je souscris à la prétention d’Apotex selon laquelle la requête de Janssen devrait être rejetée parce qu’il n’y a rien à suspendre.

 

Le régime du Règlement AC

[24]           Je souscris également à l’opinion d’Apotex portant que la requête en sursis d’exécution de Janssen vise à prolonger le sursis réglementaire au-delà de la période prévue dans le Règlement AC. La Cour a rejeté de telles tentatives dans d’autres contextes : voir Merck Frosst Canada Inc. c. Apotex Inc. (C.A.), [1997] 2 C.F. 561 et Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd, 2005 CAF 2.

 

[25]           Le sursis réglementaire commence, conformément à l’alinéa 7(1)d) du Règlement AC, lorsque le ministre a la preuve qu’une demande d’interdiction a été présentée et se termine, conformément au paragraphe 7(4) du Règlement AC, lorsque la demande d’interdiction est rejetée par le tribunal saisi de la requête.

 

[26]           En l’espèce, le sursis réglementaire a pris fin lorsque le protonotaire Aalto a rendu son ordonnance. En demandant de suspendre l’exécution de l’ordonnance du protonotaire Aalto, Janssen cherche à obtenir une réparation qui n’est pas prévue dans le cadre de la loi. À mon avis, cette réparation ne devrait pas être accordée.

 

Le critère de l’arrêt RJR – MacDonald

[27]           Même si je n’avais pas conclu que la requête en sursis devrait être rejetée pour les motifs susmentionnés, je l’aurais rejetée en me fondant sur l’arrêt RJR-MacDonald Inc.(précité).

 


[28]           Je suis prête à supposer, sans toutefois trancher la question, qu’il s’agit d’un argument valable. Or, je ne suis pas convaincue que Janssen a démontré qu’elle subirait un préjudice irréparable si le sursis n’était pas accordé ou si l’appel de l’ordonnance du juge Hughes était accueilli, ni que la prépondérance des inconvénients favorise un sursis d’exécution.

 

[29]           Tous les éléments du préjudice qu’allègue Janssen découlent directement ou indirectement de l’accroissement de la concurrence attribuable à l’entrée sur le marché de la version générique de Tramacet lancée par Apotex. Or, le rejet de la demande d’interdiction de Janssen ne nuit à aucun de ses droits à titre de titulaire du brevet 523. Janssen conserve le droit d’exercer tous les recours possibles contre Apotex pour contrefaçon, y compris une injonction et des dommages-intérêts.

 

[30]           Janssen allègue qu’elle subira un préjudice qui ne peut être réparé au moyen de dommages‑intérêts en raison des répercussions négatives sur ses programmes de commercialisation et de promotion et des divers obstacles causés à son objectif de devenir un chef de file dans le domaine du soulagement de la douleur. Or, la preuve présentée par Janssen à cet égard ne réussit pas à démontrer que ces répercussions négatives, dans l’hypothèse où elles surviennent, ne peuvent être évaluées en argent.

 

[31]           Janssen soutient également que si le sursis n’est pas accordé, son droit d’appel deviendra théorique et éteint de façon permanente, ce qui constitue un préjudice irréparable. Je suis d’accord pour dire que si le ministre délivre l’avis de conformité à Apotex, l’appel de Janssen deviendra probablement théorique. Toutefois, le droit d’appel de Janssen ne sera pas éteint parce que la Cour pourrait accepter, à sa discrétion, d’instruire l’appel malgré son caractère théorique.

 

[32]           Ce dont se plaint réellement Janssen est que puisque son appel deviendra théorique, il sera privé de la possibilité de conserver l’avantage découlant du sursis réglementaire prévu par le Règlement AC. Or, il est bien établi que la perte du sursis réglementaire ne peut constituer un préjudice irréparable (Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2001), 11 C.P.R. (4th) 539 (C.A.F.); Janssen-Ortho Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CAF 168).

 

[33]           Enfin, Janssen n’a pas présenté un engagement clair et non équivoque visant à indemniser Apotex si le sursis d’exécution était accordé et si son appel est rejeté. La déclaration suivante dans les observations écrites de son avocat constitue l’engagement présenté par Janssen :

[traduction]

Il serait permis à Apotex de demander une indemnisation en vertu de l’article 8 du Règlement si l’approbation de ses produits était retardée et les appelantes s’engagent à lui payer des dommages-intérêts […]

 

[34]           Cette déclaration ne précise pas clairement quel montant Apotex serait en droit de réclamer à Janssen ni quand ou dans quelles circonstances Apotex serait indemnisée. Par exemple, il n’est pas clair si Janssen s’engage à indemniser Apotex pour un préjudice qui est, ou qui pourrait être, visé par l’article 8, mais qui pourrait néanmoins avoir un lien de causalité avec la demande d’interdiction.

 

Conclusion

[35]           Pour ces motifs, la requête présentée par Janssen demandant le sursis d'exécution de l’ordonnance du protonotaire Aalto sera rejetée avec dépens.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL. B., trad. a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-312-09

 

INTITULÉ :                                                                           JANSSEN-ORTHO INC. et al

                                                                                                c. APOTEX INC. et al

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER AVEC COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 20 août 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Jason Markwell

Kristin Wall

 

POUR L’APPELANTE

 

Andrew Brodkin

Sandon Shogilev

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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