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Date : 20091005

Dossier : A-477-08

Référence : 2009 CAF 285

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

 

et

 

 

STANTEC INC.

intimée

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 5 octobre 2009

Jugement prononcé à l’audience à Edmonton (Alberta), le 5 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 


Date : 20091005

Dossier : A-477-08

Référence : 2009 CAF 285

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

 

et

 

 

STANTEC INC.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l’audience à Edmonton (Alberta), le 5 octobre 2009)

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]               La Cour canadienne de l’impôt a fait droit à l’appel interjeté par Stantec Inc. (Stantec). Le débat portait sur la question de savoir si Stantec était admissible aux crédits de taxe sur les intrants (CTI) relativement à la TPS qu’elle avait payée en rapport avec des dépenses qu’elle avait engagées. Se fondant sur trois dispositions distinctes de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi), le juge Campbell Miller a conclu que Stantec remplissait les conditions requises pour obtenir des CTI. Sa Majesté interjette appel de cette décision.

 

[2]               Stantec, société publique canadienne, fonctionne comme une société de portefeuille. Elle est dotée d’un réseau de filiales au Canada et aux États-Unis qui comptent environ 9 000 employés. Ses actions sont inscrites à la Bourse de Toronto depuis plusieurs années.

 

[3]               En 2005, Stantec a engagé des dépenses au Canada pour faire inscrire ses actions au New York Stock Exchange. Cette inscription était une condition préalable à la fusion d’une de ses filiales à cent pour cent, Stantec California, avec une société de la Californie, Keith Companies Inc. (Keith). Cette condition préalable était stipulée à la clause 7.03 du document [traduction] « Accord et plan de fusion et de réorganisation » (l’accord d’acquisition). Stantec a payé la TPS sur les services juridiques, comptables et de consultation se rapportant à son inscription au New York Stock Exchange et a réclamé des CTI. Le ministre a refusé sa demande.

 

[4]               Statuant sur l’appel interjeté à la Cour canadienne de l’impôt, le juge Miller a conclu que Stantec avait droit à des CTI conformément aux paragraphes 186(1) et 186(2) de la Loi. Il a également conclu que Stantec avait le droit de réclamer des CTI en vertu de l’article 169 de la Loi, la disposition générale. Appliquant une définition téléologique de l’article 169, le juge de la Cour de l’impôt a conclu que Stantec s’était livrée à des activités commerciales.

 

[5]               Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit établir que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur sur chacun des motifs pour lesquels il a fait droit à l’appel de Stantec. Autrement dit, si le juge Miller n’a pas commis d’erreur à l’égard d’au moins une de ses conclusions, l’appel doit être rejeté.

 

[6]               La norme de contrôle est celle qui est énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235. La norme applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et, pour toutes les autres questions, celle de l’existence d’une erreur manifeste et dominante.

 

[7]               Même si l’appelante a raison en ce qui concerne les conclusions tirées par le juge de la Cour de l’impôt en vertu du paragraphe 186(1) et de l’article 169 de la Loi ─ et nous ne nous prononçons pas sur cette question ─, il n’en demeure pas moins que l’appelante n’a pas démontré que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante en ce qui concerne la question mixte de droit et de fait visée au paragraphe 186(2).

 

[8]               Le paragraphe 186(2) de la Loi est ainsi libellé :

Loi sur la taxe d’accise,

L.R., 1985, ch. E-15 

 

186.(2) Pour l’application de la présente partie, le bien ou le service qu’un inscrit — personne morale résidant au Canada — (appelé « acheteur » au présent paragraphe) acquiert, importe, ou transfère dans une province participante est réputé avoir été acquis, importé, ou transféré dans la province participante, selon le cas, pour utilisation exclusive dans le cadre de ses activités commerciales, si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) le bien ou le service est lié à l’acquisition réelle ou projetée par l’acheteur de la totalité ou de la presque totalité des actions, émises et en circulation et comportant plein droit de vote en toutes circonstances, du capital-actions d’une autre personne morale;

 

 

 

 

b) tout au long de la période commençant soit au début de l’exécution du service, soit au moment où l’acheteur, selon le cas, a acquis ou importé le bien, ou l’a transféré dans la province participante, et se terminant au dernier en date des jours visés à l’alinéa c), la totalité ou la presque totalité des biens de l’autre personne morale sont des biens acquis ou importés pour consommation, utilisation ou fourniture exclusive dans le cadre d’activités commerciales.

 

Aux fins du crédit de taxe sur les intrants, la taxe relative à la fourniture du bien ou du service à l’acheteur, ou à l’importation ou au transfert du bien par lui, est réputée être devenue payable et avoir été payée par lui au dernier en date des jours suivants :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

c) le jour où l’acheteur a acquis la totalité ou la presque totalité des actions ou, s’il est postérieur, le jour où il a renoncé à les acquérir;

 

 

 

d) le jour où la taxe est devenue payable ou a été payée par lui.

 

Excise Tax Act,

R.S., 1985, c. E-15

 

186.(2) For the purposes of this Part, if

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) a registrant that is a corporation resident in Canada (in this subsection referred to as the “purchaser”) acquires, imports or brings into a participating province a particular property or service relating to the acquisition or proposed acquisition by it of all or substantially all of the issued and outstanding shares, having full voting rights under all circumstances, of the capital stock of another corporation, and

 

(b) throughout the period beginning when the performance of the particular service began or when the purchaser acquired, imported or brought into the participating province, as the case may be, the particular property and ending at the later of the times referred to in paragraph (c), all or substantially all of the property of the other corporation was property that was acquired or imported for consumption, use or supply exclusively in the course of commercial activities,

 

the particular property or service is deemed to have been acquired, imported or brought into the participating province for use exclusively in the course of commercial activities of the purchaser and, for the purpose of claiming an input tax credit, any tax in respect of the supply of the particular property or service to the purchaser, or the importation or bringing in of the particular property by the purchaser, is deemed to have become payable and been paid by the purchaser on the later of

 

(c) the later of the day the purchaser acquired all or substantially all of the shares and the day the intention to acquire the shares was abandoned, and

 

(d) the day the tax became payable or was paid by the purchaser.

 

[9]        Il est acquis aux débats que le juge Miller a correctement énoncé les conditions préalables auxquelles Stantec devait satisfaire pour pouvoir réclamer des CTI en vertu du paragraphe 186(2). Pour être admissible aux crédits de taxe sur les intrants, Stantec devait démontrer :

(i)      qu’elle est une société inscrite qui résidait au Canada;

(ii)     qu’elle projette d’acquérir ou qu’elle a acquis la presque totalité des actions comportant droit de vote de la personne morale cible, Keith Companies;

(iii)     que la presque totalité des biens de Keith Companies sont utilisés exclusivement dans des activités commerciales;

(iv)    que les services d’inscription se rapportent à l’acquisition de la presque totalité des actions de Keith Companies.

 

[10]      Le débat a surtout porté sur la deuxième et de la quatrième condition préalable. Sa Majesté a affirmé devant la Cour de l’impôt et notre Cour qu’il n’y avait pas eu d’acquisition. En première instance, elle a invoqué les arrêts Shell c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622 (Shell), et Singleton c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1046 (Singleton), à l’appui de sa thèse.

 

[11]      Pour répondre à cet argument, le juge de la Cour de l’impôt a tenu compte des notes techniques du mois de décembre 1999 dans lesquelles l’objet de cette disposition était expliqué de la façon suivante :

Le paragraphe 186(2) de la Loi s’applique lorsqu’une personne morale acquiert ou projette d’acquérir la totalité ou la presque totalité des actions avec droit de vote du capital‑actions d’une autre personne morale exerçant exclusivement des activités commerciales. Dans ces circonstances, la personne morale qui fait l’acquisition a droit à des crédits de taxe sur les intrants à l’égard des biens et des services qu’elle acquiert et qui sont liés à la prise de contrôle réelle ou projetée.

 

Il a également cité un extrait de la Série des mémorandums du gouvernement, chapitre 8.1., où il était question du mot « acquérir » :

Le mot « acquérir » n’est pas défini dans la Loi. Dans un dictionnaire ordinaire, ce mot est défini comme suit : « devenir propriétaire de (un bien, [...]), par achat, échange, succession; arriver à posséder; procurer la possession, [...] ». En ce qui concerne un bien, la jurisprudence pertinente indique qu’un bien est acquis en obtenant la propriété ou des éléments habituels de propriété comme la possession, l’utilisation ou le risque.

 

 

[12]      Après avoir examiné les faits, le juge Miller a conclu ce qui suit au paragraphe 24 de ses motifs : « Effectivement, Stantec obtient la pleine propriété de Keith Companies. Elle le fait en ayant, en vertu d’un contrat, le contrôle de la disposition de ces actions sous la forme de leur annulation. Étant donné que Stantec détenait déjà toutes les actions d’une société remplacée, elle obtient, au moyen de cette opération, la totalité du droit de contrôler l’autre société remplacée, dont les activités sont maintenant exercées par la nouvelle société fusionnée ». Il a également estimé qu’en concluant un contrat aux fins de l’annulation des actions de Keith et en détenant toutes les actions de la société fusionnée, Stantec avait effectivement, pour l’application du paragraphe 186(2), acquis toutes les actions de Keith.

 

[13]      Dans le contexte de la présente affaire, les arrêts Shell et Singleton appuient le principe que, lorsqu’on cherche à déterminer la fin et la raison d’être d’une opération, on ne peut se servir de la véritable fin économique pour faire abstraction du texte législatif. En l’espèce, la Loi emploie le mot « acquisition » sans définir ce terme. Les interprétations administratives ne lient pas les tribunaux, mais elles peuvent avoir un certain poids et même constituer un facteur important dans l’interprétation des lois (Silicon Graphics Limited c. Canada, [2003] 1 C.F. 447 (C.A.F.). Les interprétations jurisprudentielles sont régulièrement utilisées.

 

[14]      Le juge de la Cour de l’impôt a examiné l’ensemble des circonstances entourant l’opération en tenant compte de l’objet du paragraphe en question dans le contexte de l’ensemble des dispositions applicables. Sa conclusion constitue tout au plus une réponse à une question mixte de fait et de droit. Aucune erreur manifeste et dominante n’a été démontrée en ce qui concerne sa conclusion que « Stantec a acquis Keith Companies, et ce, quelle que soit la façon dont le mot “acquis” est interprété ».

 

[15]      La quatrième condition préalable est remplie si les services fournis en vue de l’inscription à la Bourse (que Stantec avait obtenus en vue d’inscrire et de négocier ses propres actions au New York Stock Exchange) se rapportent à l’acquisition. L’appelante soutient qu’au moment des faits, les services ne se rapportaient pas aux actions de Keith ou des filiales de Stantec.

 

[16]      Le juge de la Cour de l’impôt a tenu compte de l’arrêt Slattery (Syndic de) c. Slattery, [1993] 3 R.C.S. 430, dans lequel la Cour suprême du Canada a examiné l’expression « relativement à ». Se fondant sur l’interprétation de la Cour suprême, le juge de la Cour de l’impôt a expliqué que le lien qui existait entre les services d’inscription et les actions de Keith ou de Stantec California n’avait pas à être de nature primordiale et encore moins de nature exclusive. Il a conclu que les services d’inscription avaient été acquis pour que Stantec puisse conclure le marché en vue de détenir toutes les actions de la société résultant de la fusion de Keith et de Stantec California. Cette analyse était axée sur le contexte.

 

[17]      Le juge Miller a conclu qu’il était « facile et raisonnable de considérer que ces services ont été acquis relativement aux actions de Keith Companies ou de Stantec California ou aux actions de la société fusionnée, c’est‑à‑dire, l’investissement par Stantec dans sa nouvelle acquisition ». Nous ne pouvons détecter aucune erreur manifeste et dominante dans cette conclusion de fait.

 

[18]      L’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

“Carolyn Layden-Stevensson”

j.c.a.

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          A-477-08

 

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT LE 30 JUIN 2008 DANS LE DOSSIER 2007-2555 (GST)I)

 

INTITULÉ :                                                         Sa Majesté la Reine c. Stantec Inc.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 5 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                                    Les juges Evans, Layden-Stevenson et Trudel

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :             La juge Layden-Stevenson

 

DATE DES MOTIFS :                                        Le 5 octobre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kim Palichuk

POUR L’APPELANTE

 

Donald Cherniawsky

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Felesky Flynn s.r.l.

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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