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Date : 20190319


Dossier : A-130-18

Référence : 2019 CAF 49

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

JAMES WILSON

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Ottawa (Ontario) le 7 mars 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 19 mars 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y A SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

MOTIFS CONCORDANTS :

LA JUGE WOODS

 


Date : 20190319


Dossier : A-130-18

Référence : 2019 CAF 49

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

JAMES WILSON

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  M. Wilson présente une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue le 28 mars 2018 par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (la Division d’appel). La division générale du Tribunal de la sécurité sociale (la Division générale) avait conclu que la pension du syndicat du demandeur constituait une rémunération à déduire de ses prestations de maladie; la Division d’appel n’a trouvé aucune erreur dans cette décision.

[2]  Dans sa demande de contrôle judiciaire, M. Wilson conteste la décision de la Division d’appel essentiellement pour deux motifs. Premièrement, il soutient que la Division d’appel a commis une erreur en concluant que la Division générale avait à juste titre décidé que la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) n’avait pas violé les règles d’équité procédurale ou de justice naturelle en omettant d’examiner la convention collective ou le régime de retraite avant de décider que le revenu de pension constituait une rémunération à déduire des prestations de maladie. Deuxièmement, il soutient que la Division d’appel a commis une erreur de droit dans son interprétation et son application des articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement). Après avoir examiné attentivement le dossier et les observations des parties, je suis d’avis que cette demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[3]  Conformément à l’alinéa 35(2)e) du Règlement, les sommes versées ou payables à un prestataire par versements périodiques ou sous forme de montant forfaitaire au titre ou au lieu d’une pension constituent une rémunération aux fins du calcul du bénéfice des prestations et doivent être réparties, en vertu du paragraphe 36(14) du Règlement, sur la période pour laquelle elles sont payées ou payables. Le paragraphe 21(3) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) prévoit en outre que, si un prestataire reçoit une rémunération pour une période d’une semaine de chômage pendant laquelle il est incapable de travailler en raison d’une maladie, cette rémunération est déduite des prestations payables à l’égard de cette semaine.

[4]  La définition de « pension » qui se trouve au paragraphe 35(1) du Règlement est cruciale pour la décision en l’espèce. Selon cette définition, une pension de retraite provenant d’un emploi ou du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 doit être considérée comme une « pension ». Les prestations de retraite sont donc une rémunération qui doit être déduite des prestations (y compris les prestations de maladie) payables en vertu de la Loi (voir le paragraphe 21(3) de la Loi).

[5]  En l’espèce, la principale question dont étaient saisies la Division générale et la Division d’appel était de savoir si les versements mensuels que le demandeur recevait de son syndicat constituaient une rémunération pour l’application des articles 35 et 36 du Règlement qui doit être déduite de ses prestations de maladie. Le demandeur a travaillé comme électricien pendant 46 ans et a cotisé à un régime de retraite collectif qui faisait partie de la convention collective de son syndicat. Malheureusement, il a dû cesser de travailler le 23 décembre 2014 en raison de traitements contre le cancer et il n’a jamais pu reprendre le travail depuis. Lorsque l’appelant a présenté une demande de prestations de maladie en septembre 2015, la Commission l’a informé que le revenu de pension qu’il recevait de son syndicat devait être déduit de ses prestations. Comme il a été mentionné précédemment, cette décision a été confirmée par la Division générale et la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

[6]  Il n’est pas contesté que le revenu reçu par le demandeur de son syndicat était une somme payée ou payable périodiquement au titre d’une pension de retraite (alinéa 35(2)e) du Règlement). La question est de savoir si cette pension découle d’un emploi (paragraphe 35(1) du Règlement). La Loi et le Règlement sont muets à ce sujet, mais la Cour a établi quelques critères dans l’arrêt MacNeil c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2009 CAF 306 (l’arrêt MacNeil) pour déterminer si une pension provient ou non d’un emploi. Ces critères peuvent se résumer ainsi : 1) Le cotisant exerce-t-il un contrôle sur les cotisations versées au régime en son nom? 2) Le régime est-il un régime privé de nature à constituer un régime d’épargne ou un régime enregistré d’épargne-retraite (REER)? 3) Les cotisations de pension varient-elles directement en fonction du travail effectué par le cotisant? (voir l’arrêt MacNeil aux paragraphes 28 à 35).

[7]  Le demandeur soutient que sa pension ne peut être considérée comme une pension de retraite provenant d’un emploi, puisque lui et d’autres membres du syndicat sont les seuls à cotiser au régime. Il a fait valoir que, comme les entrepreneurs qui l’employaient et le syndicat n’avaient rien cotisé au régime, le revenu de pension ne pouvait pas constituer une rémunération.

[8]  À l’audience devant la Division générale, le demandeur n’a pas produit la convention collective ni les documents relatifs au régime de retraite, se fondant uniquement sur son témoignage. La Division générale a néanmoins trouvé le demandeur crédible et a accepté son témoignage selon lequel il n’avait aucun contrôle sur les cotisations faites au régime en son nom. Elle a également conclu que les cotisations de retraite du demandeur étaient directement liées à ses heures de travail et qu’il n’y avait aucune preuve voulant que le régime en question fût privé, semblable à un régime d’épargne ou à un REER. C’est pour cette raison que la Division générale a conclu que la pension de retraite du demandeur provenait de son emploi.

[9]  Le demandeur soutient maintenant que la Division d’appel a commis une erreur de droit en concluant que la Division générale n’avait pas omis d’observer un principe de justice naturelle ni refusé d’exercer sa compétence en ne renvoyant pas l’affaire à la Commission pour enquête. Selon le demandeur, il incombait à la Commission d’obtenir et d’examiner la convention collective ou le régime de retraite pour déterminer, à la lumière des facteurs énoncés dans l’arrêt MacNeil, si oui ou non la pension provenait d’un emploi.

[10]  Je conviens avec l’intimé que la Division d’appel n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en rejetant ce motif d’appel. Il est bien établi qu’un tribunal n’est pas tenu de demander des éléments de preuve à un demandeur. Il incombe toujours à ce dernier d’étayer sa cause et de présenter tous les éléments de preuve sur lesquels il a l’intention de se fonder (voir Bourgeois c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 117; Grosvenor c. Canada (Procureur général), 2018 CF 36 au paragraphe 38). Pourtant, le demandeur a choisi de ne pas déposer le régime de retraite et la convention collective devant la Commission et, par la suite, devant la Division générale. Bien que représenté par un avocat, le demandeur n’a soulevé aucun manquement à l’équité procédurale devant la Division générale, et il n’a pas non plus demandé d’ajournement pour présenter ces documents qui, selon lui, auraient dû faire partie du dossier.

[11]  Dans ces circonstances, je ne vois pas comment on peut sérieusement soutenir que la Division générale a manqué à son obligation en matière d’équité procédurale. Le demandeur a eu toutes les occasions possibles de répondre aux prétentions et de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa position. S’il estimait que le libellé même de sa convention collective ou de son régime de retraite était essentiel à son dossier, il lui incombait de le présenter en preuve. Il a plutôt choisi de se fonder sur son témoignage, que la Division générale a accepté. De plus, le demandeur n’a pas fourni, ni devant la Division d’appel ni devant la Cour, de renseignements supplémentaires qui auraient pu être tirés du régime de retraite ou de la convention collective et qui auraient pu mener à un résultat différent. Par conséquent, la Division d’appel a eu raison de conclure que la Division générale n’avait pas manqué à un principe de justice naturelle aux termes de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34.

[12]  Je suis également d’avis que la Division d’appel n’a pas commis d’erreur dans son interprétation et son application des articles 35 et 36 du Règlement. Saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour ne peut intervenir que si la décision de la Division d’appel est déraisonnable; c’est la norme de contrôle applicable lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi ou des lois étroitement liées à sa fonction (voir Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, au paragraphe 14; Canada (Procureur général) c. Bellil, 2017 CAF 104, au paragraphe 9; Cameron c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 100, au paragraphe 3).

[13]  Le demandeur a tenté de distinguer les circonstances de son affaire de celles examinées dans l’affaire MacNeil, au motif que les cotisations dans cette affaire avaient été versées par l’employeur. Toutefois, la Division générale a rejeté cette distinction et a conclu que, dans les deux cas, les cotisations étaient prélevées sur le salaire du travailleur et que le rôle de l’employeur consistait simplement à administrer le transfert de la cotisation du travailleur au régime. Le demandeur n’a pas été en mesure de convaincre la Division d’appel qu’une telle conclusion constituait une erreur de droit, et je ne suis pas non plus en mesure de conclure que la Division d’appel a commis une erreur de droit susceptible de contrôle en concluant ainsi.

[14]  Je tiens à ajouter, en conclusion, que je suis très sensible au sort du demandeur et à ce qu’il pourrait percevoir comme un résultat injuste. Toutefois, comme l’a fait remarquer la Division générale, la loi telle qu’elle est rédigée doit être appliquée et il n’appartient pas à la Cour de rendre des décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire.

[15]  La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Étant donné que l’intimé n’a pas demandé les dépens, aucuns dépens ne sont adjugés.

« Yves de Montigny »

J.A.

« Je suis d’accord

J.B. Laskin, j.c.a. »

 


LA JUGE WOOODS (motifs concordants)

[16]  Je suis d’accord avec mon collègue le juge de Montigny sur la décision concernant la demande, mais je statuerais en l’espèce en me fondant sur des motifs plus limités. À mon avis, il est possible de statuer sur la demande en se fondant sur les motifs de mon collègue énoncés aux paragraphes 9 à 11 ci-dessus. Ces paragraphes traitent entièrement des observations du demandeur devant la Cour et il n’est pas nécessaire d’examiner d’autres questions.

« Judith Woods »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-130-18

 

 

INTITULÉ :

JAMES WILSON c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 MARS 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y a SOUScrit :

LE JUGE LASKIN

 

MOTIFS CONCORdANTS :

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 MARS 2019

 

COMPARUTIONS :

Blandie Samson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Stéphanie Yung-Hing

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blande Samson Law Office

Ottawa (Ontario)

 

pour le demandeur

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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