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Date : 20090831

Dossier : A-227-09

Référence : 2009 CAF 255

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de madame la juge SHARLOW

 

ENTRE :

 

LA SOCIÉTÉ TELUS COMMUNICATIONS

 

appelante

et

 

LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES, BELL CANADA, TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA, MTS ALLSTREAM, ROGERS CÂBLE COMMUNICATIONS INC. et LA COALITION OF COMMUNICATIONS CONSUMERS

 

intimés

 

 

 

L’appel a été réglé par écrit sans la comparution des parties.

 

L’ordonnance a été rendue à Ottawa (Ontario), le 31 août 2009.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                                  LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20090831

Dossier : A-227-09

Référence : 2009 CAF 255

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de madame la juge SHARLOW

 

ENTRE :

 

LA SOCIÉTÉ TELUS COMMUNICATIONS

 

appelante

et

 

LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES, BELL CANADA, TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA, MTS ALLSTREAM, ROGERS CÂBLE COMMUNICATIONS INC. et LA COALITION OF COMMUNICATIONS CONSUMERS

 

intimés

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

[1]               La société Telus communications (Telus) a interjeté appel, avec l’autorisation de la Cour, de deux décisions du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC). L’achèvement de l’entente quant au contenu du livret d’appel requiert la résolution d’un différend concernant certains documents que Telus souhaite obtenir du CRTC. Devant moi a été déposée une requête par Telus pour ordonner au CRTC de fournir les documents. La requête est contestée par le CRTC et Bell Canada.

Faits

[2]               Une partie du contexte factuel est contesté. Le sommaire suivant vise à être une description simplifiée et neutre. Il ne vise pas et ne doit pas être pris comme étant une expression d’une opinion quelconque concernant la résolution de quelque point qui soit en appel.

 

[3]               Depuis quelques années, Bell Canada a fourni à Travaux publics un réseau privé de télécommunication géré pour le ministère de la Défense nationale en vertu d’une entente ci-après nommée une [traduction] « entente particulière au client » ou l’EPC. Conformément à la décision de télécom CRTC 2002-76 datée du 12 décembre 2002 (Mesures de protection à l’égard des affiliées des titulaires, groupements effectués par Bell Canada et questions connexes), Bell Canada a commencé à fournir ces services à partir d’un tarif.

 

[4]               L’EPC de Bell Canada devait prendre fin en juin 2007. En 2006, Travaux publics a entamé un appel d’offres concurrentiel pour choisir un fournisseur des services en question après cette date. Avant que le processus d’appel d’offres soit terminé, le tarif pour l’EPC de Bell Canada a été modifié pour fournir une prolongation de 18 mois par mois qui pourrait entraîner et a éventuellement entraîné la prolongation de ses modalités jusqu’au 15 décembre 2008. Cela était pour permettre la transition nécessaire entre Bell Canada et le soumissionnaire gagnant, si ce dernier n’était pas Bell Canada.

 

[5]               En juin 2007, Telus a été nommé le soumissionnaire retenu. À un moment donné, il était évident que la transition à Telus prenne plus de temps que prévu et, par conséquent, Travaux publics aurait toujours besoin des services de Bell Canada après le 15 décembre 2008. Toutefois, Bell Canada et Travaux publics n’ont pu s’entendre sur les modalités en vertu desquelles Bell Canada fournirait les services en question après le 15 décembre 2008. Le 10 novembre 2008, Travaux publics a fait une demande au CRTC pour décider les modalités des services après le 15 décembre 2008, conformément à l’article 27 de la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38. La partie pertinente de l’article 27 se lit comme suit :

27. (1) Tous les tarifs doivent être justes et raisonnables.

(2) Il est interdit à l’entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l’imposition ou la perception des tarifs y afférents, d’établir une discrimination injuste, ou d’accorder – y compris envers elle-même – une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature.

27. (1) Every rate charged by a Canadian carrier for a telecommunications service shall be just and reasonable.

(2) No Canadian carrier shall, in relation to the provision of a telecommunications service or the charging of a rate for it, unjustly discriminate or give an undue or unreasonable preference toward any person, including itself, or subject any person to an undue or unreasonable disadvantage.

 

[6]               Le CRTC a rendu une ordonnance intérimaire demandant à Bell Canada de continuer à fournir les services à Travaux publics après le 15 décembre 2008 selon les modalités déjà établies dans l’EPC, en attendant les dispositions de la demande de Travaux publics. Le CRTC a indiqué que sa décision, une fois prise, entrerait en vigueur le 16 décembre 2008.

 

[7]               La nature précise des intérêts de Telus dans la demande de Bell Canada est une question en litige. La demande de Travaux publics nommait Telus, MTS Allstream et Rogers Communications Inc., comme parties intéressées. Ces parties avaient l’autorisation de présenter une demande, de même que la Coalition of Communications Consumers.

 

 

[8]               Il semblerait, selon les demandes de Telus au CRTC, que Telus avait un intérêt dans la demande de Bell Canada parce que la décision du CRTC qui en découlait pouvait être un précédent. La demande de Telus au CRTC aborde, entre autres, les principes à appliquer dans l’établissement des tarifs pour les services requis pendant la transition entre deux fournisseurs de services de télécommunication à un seul client qui a besoin de services particuliers et complexes en matière de télécommunication.

 

[9]               Telus a également exprimé avoir un intérêt précis dans l’entente entre Bell Canada et Travaux publics parce que, à titre de succession désignée à Bell Canada, elle jouerait nécessairement un rôle dans la transition en question et pourrait être dans une position de fournir une preuve utile ou faire avec succès une demande ou faire des présentations utiles sur la preuve déposée par Bell Canada et Travaux publics.

 

[10]           Je note qu’au moins une des observations de Bell Canada au CRTC indique que Telus était assujetti à une obligation contractuelle de payer à Travaux publics les dépens de la transition à la suite des délais occasionnés par Telus. Si une telle indemnité existe, et le cas échéant, les modalités précises de cette indemnité n’apparaissent pas au dossier. Toutefois, Telus pourrait s’inquiéter de l’argument de Bell Canada selon lequel le CRTC ne doit pas indûment s’inquiéter à imposer des dépens à Travaux publics (et par conséquent les contribuables canadiens) parce qu’une compensation demandée par Bell Canada pourrait être payée par Telus.

 

[11]           Ce qui suit est un extrait des motifs de la décision concernant Bell Canada qui comprend la description du CRTC concernant le processus d’audience :

 

[traduction]

12.

Dans une lettre datée du 19 décembre 2008, le Conseil a établi une audience publique pour résoudre un différend bilatéral entre Bell Canada, à titre de fournisseur de services et [Travaux publics], à titre d’acheteur. Le Conseil a affirmé que seules les demandes de [Travaux publics] et de Bell Canada devaient être présentées pour fournir l’information requise concernant les services requis et les tarifs, les modalités et les conditions qui devraient s’appliquer. Le Conseil a indiqué qu’il tiendrait compte des observations écrites de [Telus], de MTS Allstream et de la Coalition pour arriver à sa décision. [Telus] ne s’est pas opposé à ce processus. Étant donné la nature confidentielle de plusieurs des questions à discuter, les parties ont été averties qu’une partie de l’audience se déroulerait à huis clos.

13.

Le Conseil a procédé aux interrogatoires de Bell Canada et [Travaux publics] pour appuyer l’évaluation de leurs propositions et de leurs observations. Celles-là comprennent les interrogatoires de Bell Canada concernant ses dépens pour fournir les services de transition.

14.

L’audience initiale s’est déroulée le 22 janvier 2009 devant un tribunal de trois commissaires. Une partie de l’audience concernait l’autorité du Conseil et l’autre partie concernait les modalités et tarifs appropriés pour la provision des services de transition. À la conclusion de l’audience, les parties ont été encouragées à négocier un règlement à l’amiable plutôt que de laisser le Conseil rendre un jugement. Le Conseil a conclu que les parties étaient les mieux placées pour résoudre cette question et a suggéré les deux « supports » entre lesquels une solution pouvait être trouvée. Le Conseil a noté que, si la question pouvait être résolue par les deux parties, il choisirait un des deux supports ci-haut mentionnés à la conclusion de l’audience.

15.

Des audiences additionnelles se sont déroulées le 27, le 29 et le 30 janvier 2009. Bell Canada et [Travaux publics] ont déposé deux propositions modifiées au cours de cette période.

16.

Plus tard, le 28 janvier 2009, [Telus] a déposé une lettre au Conseil demandant que les procédures soient ajournées pour une semaine et que [Telus] ait l’autorisation de déposer une preuve des dépens pour les services DVACS et la transition qui pourrait être examinée par le Conseil et les autres parties.

17.

Par l’entremise d’une lettre datée du 29 janvier 2009, le Conseil a rejeté la demande de [Telus]. Le conseil a noté, entre autres, que

 

       [Telus] a eu amplement l’occasion de déposer ses commentaires et a reçu les observations complètes de la demande de [Travaux publics];

 

       [Telus] n’a pas opposé la décision rendue par le Conseil le 19 décembre 2008 indiquant qu’une preuve additionnelle de [Telus] n’était pas requise;

 

       [Telus] a eu amplement l’occasion de déposer ses commentaires sur le processus des procédures, mais sa demande a été déposée bien au-delà d’un mois après que le processus ait été établi et à la suite de deux audiences publiques;

 

       [Telus] est une participante sophistiquée et expérimentée dans les procédures du Conseil.

18.

Le Conseil a conclu qu’il incombait à [Telus] de faire connaître son opposition aussitôt que possible et non la veille que le Conseil rende sa décision.

19.

Dans sa lettre, le Conseil a également rejeté l’affirmation de [Telus] que sa participation était nécessaire pour corriger le dossier des procédures concernant les services et la transition de DVACS.

20.

La dernière audience a eu lieu le 30 janvier 2009. Les deux parties n’avaient pas négocié de redressement d’ici là. Ayant tenu compte des dernières propositions des parties, le Conseil a choisi celle déposée par Bell Canada. Le Conseil a conclu qu’elle était le choix approprié étant donné les circonstances et a noté qu’il fournirait les motifs de sa décision par écrit dans les trois semaines suivantes. Le Conseil a affirmé que sa décision est en vigueur à partir du 16 décembre 2008.

 

[12]           Ce qui n’est pas évident dans ce sommaire est que les parties ne sont pas arrivées à une entente sur la procédure que le CRTC devait suivre dans l’application de la demande de Bell Canada. La position de Telus est que le CRTC n’a pas pris une décision sur un tarif qui serait « juste et raisonnable » conformément à l’article 27 de la Loi sur les télécommunications, mais a simplement adopté en guise de décision à faire le choix entre deux propositions concurrentielles, ce qui selon Telus est un exercice inapproprié du mandat juridique du CRTC. Le CRTC et Bell Canada se retrouvent dans des positions opposées sur la manière dont la décision a été prise et son bien-fondé.

 

[13]           Telus et le CRTC ne sont pas non plus d’accord sur la nature des procédures devant le CRTC. Telus dit qu’elle s’attendait que le CRTC suive une procédure qui comprendrait une audience publique durant laquelle il tiendrait compte des observations des parties intéressées sur les principes à appliquer concernant la transition. Toutefois, le CRTC semble avoir utilisé les procédures seulement comme un mécanisme pour résoudre un différend entre deux parties, Travaux publics et Bell Canada, dans lequel l’intérêt des autres parties était limité.

 

[14]           En raison de la qualification du CRTC des procédures axées sur le différend bilatéral, Telus n’était pas autorisé à participer dans la partie des audiences (les procédures « à huis clos ») pendant laquelle les questions importantes en litige ont été discutées. Les observations de Bell Canada et de Travaux publics ont été échangées entre elles-mêmes avec certaines censures mineures, mais elles ont été fournies à Telus et aux autres parties dans un format lourdement censuré. Apparemment, les parties majeures des observations de Bell Canada et de Travaux publics, ainsi que tout ce qui a été dit pendant l’audience à huis clos, ont été classées comme étant confidentielles conformément au paragraphe 39(1) de la Loi sur les télécommunications, et n’ont pas été divulguées par le CRTC conformément au paragraphe 39(4).

 

[15]           Le 30 janvier 2009, le CRTC a rendu sa décision sur le bien-fondé de la demande de Bell Canada (la décision Bell Canada). Cette décision a été prise principalement sur l’information et les arguments produits dans les procédures à huis clos. Le 20 février 2009, le CRTC a rendu ses motifs pour la décision Bell Canada, intitulé « Décision de télécom CRTC 2009-85, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada – Demande visant à ce que le Conseil rende une décision concernant les services de télécommunication offerts par Bell Canada ». Telus a seulement reçu la version publique des motifs, desquels une importante partie de l’information factuelle a été censurée.

 

[16]           Le 29 janvier 2009, le CRTC a publié le Bulletin de radiodiffusion et de télécommunication CRTC 2009-38, intitulé « Pratiques et procédures concernant la médiation assistée par le personnel, l’arbitrage de l’offre finale et les audiences accélérées ». Ce bulletin de pratique affirme, entre autres, la procédure à suivre pour procéder à l’arbitrage de l’offre finale. Selon Telus, le CRTC n’a jamais utilisé l’arbitrage de l’offre finale comme technique en matière d’audience sur les tarifs de télécommunication. Telus a également affirmé que le CRTC a publié ce bulletin pratique sans avertissement, et sans donner aux parties intéressées l’occasion de faire des observations. Telus prend la position que le CRTC, dans sa décision sur le bien-fondé en l’espèce, a actuellement employé l’arbitrage de l’offre finale même s’il n’a publié le bulletin de pratique pertinent que le jour avant de rendre la décision. Le CRTC prend la position que l’arbitrage de l’offre finale n’a pas été utilisé en l’espèce.

[17]           Telus demande et s’est vu accorder l’autorisation d’interjeter appel de la décision Bell Canada ainsi que la publication du bulletin pratique du 29 janvier 2009. Je paraphrase les motifs de l’appel comme suit :

[traduction]

La décision Bell Canada

1.

Le CRTC a contrevenu à son obligation d’équité procédurale en

a)         refusant à Telus de participer à l’audience,

b)         ne divulguant pas l’information pertinente à Telus,

c)         changeant les procédures à mi-chemin du processus,

d)         utilisant les procédures d’arbitrage pour prendre la décision Bell Canada,

e)         refusant un ajournement pour permettre à Telus de participer,

f)          manquant de fournir des motifs appropriés.

2.

En utilisant l’arbitrage de l’offre finale pour établir les tarifs, le CRTC

a)         a dépassé son autorité,

b)         a entravé son pouvoir discrétionnaire,

c)         a tenu compte de considérations non pertinentes,

d)         n’a pas établi de tarifs justes et raisonnables,

e)         a renoncé à son devoir juridique.

La décision du bulletin pratique

3.

En adoptant le bulletin pratique, le CRTC :

a)         a mis en vigueur des règles de pratique et de procédure sans les publier dans la Gazette du Canada et sans donner aux parties intéressées l’occasion de faire des commentaires, contrairement à l’alinéa 67(1)b) de la Loi sur les télécommunications

b)         a contrevenu à son obligation de consultation,

c)         a adopté une procédure d’arbitrage qui n’est pas de son autorité et a entravé son pouvoir discrétionnaire.

 

[18]           Dans l’avis d’appel, Telus a inclus une requête conformément à l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (qui s’applique à l’appel en l’espèce à cause de l’article 350 des Règles), que le CRTC produise des copies conformes des documents suivants en sa possession et dont Telus n’a pas la possession :

[traduction]

a)

la transcription complète de l’audience, y compris les procédures à huis clos en censurant seulement les données particulières aux dépens;

b)

toutes les observations faites par Bell Canada et [Travaux publics] au CRTC en censurant seulement les données particulières aux dépens;

c)

les motifs du CRTC en censurant seulement les données particulières aux dépens;

d)

tous les documents de breffage du personnel du CRTC concernant l’utilisation de l’arbitrage de l’offre finale pertinent à la décision [Bell Canada];

e)

les documents de breffage du personnel du CRTC qui ont été déposés devant le CRTC avant sa décision de publier le [bulletin pratique daté du 29 janvier 2009];

f)

la documentation concernant la considération d’arbitrage de l’offre finale du CRTC avant de publier le [bulletin pratique daté du 29 janvier 2009].

 

[19]           Le CRTC devait se conformer à cette requête en vertu de l’article 318 des Règles ou aviser de toute opposition qu’il le fasse. Dans une lettre datée du 23 juin 2009, le CRTC a avisé l’administrateur et les parties qu’il opposait la production des documents demandés pour les motifs suivants :

[traduction]

a)             Le matériel décrit aux points a), b) et c) a été classé confidentiel conformément à l’article 39 de la Loi sur les télécommunications, et ne sont pas pertinents aux questions en litige de l’appel.

b)             Le matériel demandé au point d) n’existe pas.

c)             La demande du matériel décrit aux points e) et f) est trop générale et constitue un interrogatoire à l’aveuglette, et n’est pas non plus pertinent aux questions en litige de l’appel.

[20]           Dans une lettre datée du 23 juin 2009, Bell Canada a indiqué qu’il appuyait la position du CRTC.

 

La requête de Telus

[21]           Le 17 juillet 2009, Telus a déposé un avis de requête et le dossier de la requête qui est maintenant devant moi. Telus demande une ordonnance exigeant au CRTC de fournir les documents suivants :

[traduction]

a)             concernant la décision Bell Canada :

                                                              i)      la transcription complète des parties de l’audience à huis clos en censurant seulement les données particulières aux dépens et aux tarifs;

                                                             ii)      toutes les observations faites par Bell Canada et Travaux publics au CRTC en censurant seulement les données particulières aux dépens et aux tarifs;

                                                           iii)      les motifs du CRTC pour la décision rendue le 20 février 2009, en censurant seulement les données particulières des dépens et des tarifs;

b)             en ce qui concerne la publication du bulletin pratique, toute la documentation et les documents de breffage du personnel du CRTC qui ont été déposés devant le CRTC menant à sa décision de publier le bulletin pratique.

[22]           Le CRTC et Bell Canada s’opposent à la requête, généralement sur le motif que l’information demandée par Telus n’est pas pertinente, est inadmissible en vertu du paragraphe 39(6) de la Loi sur les télécommunications, ou les deux. Bell Canada soutient également que Telus ne devrait pas avoir le droit de demander la divulgation de documents parce qu’elle ne s’est pas opposée de manière opportune à la classification de l’information confidentielle. En ce qui concerne l’appel sur le bulletin pratique, le CRTC soutient également que Telus s’engage dans un interrogatoire à l’aveuglette inadmissible.

Discussion

[23]           Je vais d’abord me pencher sur les objections du CRTC et de Bell Canada en matière de confidentialité, et ensuite sur les objections en matière de pertinence.

Oppositions en vertu du paragraphe 39(6) de la Loi sur les télécommunications

[24]           L’article 317 des Règles exige que le CRTC donne suite à la requête de Telus à produire tous les documents qui sont pertinents au présent appel, tant qu’ils sont en sa possession et non en la possession de Telus. Le CRTC et Bell Canada, invoquant le paragraphe 39(6) de la Loi sur les télécommunications, s’opposent à produire les documents qui contiennent de l’information qui a été classée confidentielle conformément à l’article 39 de la Loi sur les télécommunications et qui n’a pas été divulguée ou dont la divulgation n’a pas été ordonnée en vertu du paragraphe 39(4).

 

[25]           Les paragraphes 39(1), (4) et (6) de la Loi sur les télécommunications se lisent comme suit :

39. (1) Pour l’application du présent article, la personne qui fournit des renseignements au Conseil peut désigner comme confidentiels :

a) les secrets industriels;

b) les renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par la personne qui les fournit;

c) les renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement

soit de causer à une autre personne ou elle-même des pertes ou profits financiers appréciables

ou de nuire à sa compétitivité,

soit d’entraver des négociations menées par cette autre personne ou elle-même en vue de contrats ou à d’autres fins.

39. (1) For the purposes of this section, a person who submits any of the following information to the Commission may designate it as confidential:

(a) information that is a trade secret;

(b)financial, commercial, scientific or technical information that is confidential and that is treated consistently in a confidential manner by the person who submitted it;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected (i) to result in material financial loss or gain to any person, (ii) to prejudice the competitive position of any person, or (iii) to affect contractual or other negotiations of any person.

[...]

[...]

(4) Le Conseil peut effectuer ou exiger la communication de renseignements désignés comme confidentiels fournis dans le cadre d’une affaire dont il est saisi s’il est d’avis, après avoir pris connaissance des observations des intéressés, qu’elle est dans l’intérêt public.

(4) Where designated information is submitted in the course of proceedings before the Commission, the Commission may disclose or require its disclosure where it determines, after considering any representations from interested persons, that the disclosure is in the public interest.

[...]

[...]

(6) Les renseignements désignés comme confidentiels, à l’exception de ceux dont la communication a été effectuée ou exigée aux termes du présent article, ne sont pas admissibles en preuve lors de poursuites judiciaires sauf en cas de poursuite soit pour défaut de communiquer des renseignements en application de la présente loi ou d’une loi spéciale, soit pour faux, parjure ou fausse déclaration lors de leur communication.

(6) Designated information that is not disclosed or required to be disclosed under this section is not admissible in evidence in any judicial proceedings except proceedings for failure to submit information required to be submitted under this Act or any special Act or for forgery, perjury or false declaration in relation to the submission of the information.

 

[26]           À mon avis, il n’est pas loisible au CRTC et à Bell Canada de s’appuyer sur le paragraphe 39(6) de la Loi sur les télécommunications comme seul motif pour résister à la requête de produire les documents demandés dans le cadre de l’appel en l’espèce. Je tire la conclusion selon la formulation du paragraphe 39(6) ainsi que selon son objectif.

 

[27]           À mon avis, la formulation du paragraphe 39(6) n’est pas assez générale pour inclure l’affaire en l’espèce. Généralement, un document est [traduction] « recevable à titre de preuve » s’il respecte le critère juridique d’un document qui pourrait être considéré par une cour comme juge des faits. Dans le présent appel, l’objet des documents n’est pas à cette intention. Telus demande plutôt les documents à utiliser dans le dossier du présent appel pour pouvoir utiliser ces documents afin d’appuyer son opposition à une décision du CRTC qui se fonde sur une information que contiennent les documents. Je n’accepte pas non plus que le législateur prévît utiliser le paragraphe 39(6) pour protéger le CRTC contre son obligation de produire les documents qui sont pertinents à un appel d’une de ses décisions.

 

[28]           Il s’ensuit que la requête de Telus devrait être décidée selon le fait que les documents demandés sont pertinents aux questions en litige de l’appel.

 

[29]           Cela ne veut pas dire qu’il faut faire abstraction de la classification confidentielle de l’information qui se trouve dans les documents. La divulgation de tout document qui est considéré comme étant pertinent, mais qui contient de l’information classée confidentielle, sera retardée afin de permettre le dépôt d’une requête conformément à l’article 151 des Règles pour le traitement du matériel confidentiel. Je suppose qu’une requête de la sorte serait déposée par Bell Canada, à titre de la partie principale intéressée de maintenir la confidentialité de l’information en question. Toutefois, je ne doute pas qu’il soit possible qu’une telle requête soit également déposée par le CRTC.

Oppositions de Bell Canada selon le manque d’opposition opportune

[30]           Je ne suis pas convaincue que Telus devrait être empêchée de demander les documents demandés parce qu’elle n’a pas soulevé d’objections avant que le CRTC désigne l’information comme étant confidentielle. Selon ma compréhension du dossier, Telus pourrait ne pas avoir été dans une position lui permettant d’apprécier la portée de son exclusion du processus jusqu’au moment que le CRTC rende sa décision. Dans ces circonstances, il me semble que Telus n’avait aucun motif au départ de s’opposer à la classification confidentielle de l’information. Ce n’est qu’après que la décision ait été rendue que Telus avait les motifs pour s’opposer à la décision du CRTC de ne pas faire ou de ne pas permettre la divulgation de l’information désignée.

Pertinence – les documents liés à l’appel de la décision Bell Canada

[31]           L’appel de la décision Bell Canada s’oppose, entre autres, au fondement sur lequel repose la décision Bell Canada. À cet égard, l’appel soulève un certain nombre de questions concernant la décision Bell Canada, par exemple, si le CRTC a entravé son pouvoir discrétionnaire, a tenu compte de considérations non pertinentes, ou n’a pas tenu compte de la justesse et du caractère raisonnable des tarifs choisis. Les motifs de l’appel soulèvent également la question sur la participation de Telus dans les parties importantes de l’audience à cause de son intérêt particulier à titre de successeur comme fournisseur de service et sa participation dans la provision de services pendant la transition de Bell Canada à Telus.

 

[32]           En ce qui concerne le différend sur ces questions, Telus soutient que les transcriptions entières de l’audience (y compris les parties à huis clos), toutes les observations faites par Bell Canada et Travaux publics au CRTC, et les motifs (en censurant pour chaque cas les données particulières aux dépens et aux tarifs), sont pertinents à son appel. À mon avis, le bien-fondé de la position de Telus est considérable à cet égard.

 

[33]           Le CRTC et Bell Canada soutiennent que les motifs de l’appel peuvent être déterminés seulement au moyen des documents disponibles au public. Ils peuvent bien démontrer qu’ils aient raison sur ce point, mais ils parlent du point de vue d’une personne qui connaît le dossier au complet. À ce stade-ci, je conclus qu’il est impossible, selon le dossier de la requête devant moi, d’accepter la conclusion que les documents demandés n’aideraient pas la Cour à prendre une décision sur les questions en appel. Par exemple, sans comprendre comment le CRTC est arrivé à sa décision sur les tarifs en question, comment est-il possible de décider si le CRTC devrait avoir tenu compte des observations que Telus puisse avoir faites si elle avait eu davantage accès au processus? Comment est-il possible de décider si le CRTC avait un fondement pour conclure que la proposition choisie fournirait des tarifs qui étaient justes et équitables?

 

[34]           Je suis tenue de conclure que les documents demandés liés à la décision Bell Canada sont pertinents et devraient être fournis.

Pertinence – l’appel sur le bulletin pratique

[35]           Je ne tire pas la même conclusion en ce qui a trait à l’appel concernant le bulletin pratique. Généralement parlant, l’appel soulève la question de savoir s’il est loisible au CRTC d’adopter les parties du bulletin pratique qui concernent l’arbitrage de l’offre finale, et ensuite s’il pouvait le faire sans aviser le public et sans le consulter. À cet égard, Telus demande les documents de breffage du personnel du CRTC et autre documentation présentée au CRTC lorsqu’il a pris sa décision de publier le bulletin pratique.

 

[36]           Je ne vois pas comment les documents liés à la décision de publier le bulletin pratique se rapportent à ces questions. À mon avis, l’appel de cette décision peut être abordé de manière appropriée en tenant compte seulement du contenu du bulletin pratique, des dispositions juridiques applicables et de la jurisprudence.

Conclusion

[37]           Pour ces motifs, la requête de Telus pour la divulgation des documents est accueillie en partie. Il n’y a aucuns dépens à cette requête.

 

« K. Sharlow »

Juge

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-227-09

 

INTITULÉ :                                                                           la société Telus communications c. le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

                                                                                                et al

 

L’APPEL A ÉTÉ RÉGLÉ PAR ÉCRIT SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      La juge Sharlow

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 31 août 2009

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Me John Lowe

POUR L’APPELANTE

 

Me Anthony MacIntyre

 

 

 

POUR L’INTIMÉ

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

Me Randall Hofley

POUR L’INTIMÉE

Bell Canada

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Burnet, Duckworth & Palmer LLP

Calgary (Alberta)

 

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

 

POUR L’INTIMÉ

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

 

Stikeman Elliott LLP

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

Bell Canada

 

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