Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190402


Dossiers : A-94-18

A-95-18

Référence : 2019 CAF 63

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

SEARA ALIMENTOS LTDA.

appelante

et

AMIRA ENTERPRISES INC.

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 avril 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20190402


Dossiers : A-94-18

A-95-18

Référence : 2019 CAF 63

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

SEARA ALIMENTOS LTDA.

appelante

et

AMIRA ENTERPRISES INC.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1]  Seara Alimentos Ltda. [Seara] interjette appel de deux décisions rendues par la juge Heneghan de la Cour fédérale (2018 CF 351 et 2018 CF 350). Les motifs de ces deux décisions sont identiques et seront désignés ci-après par la « décision de la CF ». Les deux appels ont été entendus ensemble et la défenderesse Amira Enterprises Inc. [Amira] ne s’est pas présentée devant la Cour.

[2]  Seara a sollicité devant la Cour fédérale le contrôle judiciaire de deux décisions rendues par la Commission d’opposition des marques de commerce (COMC) qui avait rejeté deux demandes de Seara, visant l’enregistrement de deux marques de commerce, à laquelle Amira s’était opposée. La première décision portait sur la demande d’enregistrement no 1 511 822 pour la marque de commerce « SEARA » (2016 COMC 167) et la deuxième portait sur la demande no 1 504 296 pour la marque « SEARA & Design » reproduite ci-dessous (2016 COMC 168) :

[3]  La COMC a rejeté les demandes au motif qu’il y aurait probablement confusion entre cette marque et la marque « SERA » (no LMC769140) enregistrée par Amira. Les deux décisions de la COMC seront occasionnellement désignées par les « décisions de la COMC » dans les présents motifs.

[4]  La Cour fédérale a jugé que la preuve additionnelle produite par Seara n’était pas significative et qu’elle était inadmissible en appel aux termes du paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). La Cour fédérale a donc examiné les décisions de la COMC selon la norme de la décision raisonnable et rejeté l’appel de Seara au motif que les décisions étaient bel et bien raisonnables au regard des faits et du droit.

[5]  La Cour fédérale semble avoir mal interprété le critère applicable quant à l’évaluation de l’importance d’une preuve additionnelle en appel. Pourtant, je suis d’avis, pour les motifs qui suivent, qu’il convient de confirmer le rejet de l’appel des décisions de la COMC interjeté par Seara devant la Cour fédérale.

I.  Faits et procédures

A.  Faits

[6]  Les demandes d’enregistrement déposées le 18 novembre 2010 (no 1 504 296) et le 19 janvier 2011 (no 1 511 822) étaient fondées sur l’utilisation projetée du dessin-marque ou du mot « SEARA » servant de marque en liaison avec les produits suivants :

la viande, le poisson, la volaille et le gibier; les extraits de viandes; les fruits et les légumes en conserve, congelés, séchés et cuits ; les gelées, les confitures, les compotes; les œufs, le lait et les produits laitiers; les huiles et les matières grasses alimentaires; les mets préparés basés sur des plats de viande (de bœuf, de porc et de volailles) et les mets congelés basés sur des plats de viande (de bœuf, de porc et de volailles).

[7]  La marque « SERA » d’Amira a été enregistrée le 8 juin 2010 en fonction de l’utilisation au Canada qui remonte au 1er septembre 1998 en rapport avec les produits suivants :

les produits alimentaires turcs, à savoir : les fruits transformés, à savoir les fruits séchés et les confitures, les noix comestibles, les pois chiches; les légumes transformés, à savoir les gombos, les aubergines, le chou, les légumes prêts à consommer, les cornichons, la purée de piment, les feuilles de vigne ; les assaisonnements, à savoir les sirops, les loukoums, le halva et les produits de boulangerie, comme le yafca (de la pâte phyllo).

[8]  Amira a déposé ses déclarations d’opposition au dessin-marque et au mot « SEARA » servant de marque le 18 mars 2013 (pour la demande no 1 504 296) et le 3 septembre 2013 (pour la demande no 1 511 822). Il est notable que seule Seara a déposé des observations écrites dans le cadre de l’instance devant la COMC et qu’aucune des parties n’ait alors demandé d’audience.

B.  Dossier de la COMC

[9]  Deux affidavits ont été déposés à la COMC. Déposé au nom d’Amira, l’affidavit de Mme Jennifer Leah Stecyk, spécialiste en recherche de marques de commerce, a produit en preuve la copie certifiée conforme de l’enregistrement de la marque de commerce d’Amira et le résultat des recherches sur les termes « Seara » et « Seara Brazil » (dossier d’appel A-94-18, vol. 1, p. 143 et 144). Déposé au nom de Seara, l’affidavit de Mme Jill Roberts (l’affidavit Roberts) a produit en preuve plusieurs marques de commerce semblables à la marque « SERA » d’Amira ainsi qu’un certain nombre de pages Internet tirées de dictionnaires en ligne (dossier d’appel A-94-18, vol. 1, p. 243 à 245).

C.  Décisions de la COMC

[10]  Amira a soulevé dans les instances d’opposition des motifs autres que la confusion probable avec sa marque, mais la COMC a rejeté ces motifs. Comme il a été signalé, la Commission a conclu que les marques de Seara n’étaient pas enregistrables aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi au motif qu’elles étaient susceptibles de créer de la confusion avec la marque de commerce déposée d’Amira. Il s’agit là du seul motif pertinent quant à la présente procédure.

[11]  Pour rejeter l’enregistrement du mot servant de marque (« SEARA ») dans la première décision (2016 CMOC 167), la Commission avait tenu compte de chaque ensemble de facteurs que le paragraphe 6(5) de la Loi définit :

  • a) La COMC a conclu que le caractère distinctif inhérent des marques, énoncé à l’alinéa 6(5)a) de la Loi ne jouait en faveur d’aucune partie parce qu’aucune des marques n’est particulièrement forte, bien que la marque de Seara ait un « caractère distinctif inhérent relativement plus prononcé », car le mot « Sera », qui sert parfois à désigner une personne, est un mot d’usage courant en anglais (le pluriel du mot « serum ») et en français (une forme du verbe « être » conjugué au futur) qui n’est ni descriptif ni suggestif des produits d’Amira visés par l’enregistrement. La COMC a ajouté qu’elle ne pouvait déterminer de manière significative à quel point la marque d’Amira était connue au Canada pour ce qui est des produits visés par l’enregistrement. La COMC a également remarqué que « Seara » ne semble pas être un nom commun répertorié dans les dictionnaires anglais ou français, mais plutôt une municipalité du Brésil; le nom d’un lieu géographique n’a cependant pas de caractère distinctif inhérent (aux paragraphes 17 à 27);

  • b) En outre, pour ce qui est de la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, la COMC a conclu que l’absence d’une preuve de « véritable usage des marques par les parties » signifie, par application de l’alinéa 6(5)b), que ce facteur ne favorise aucune partie (aux paragraphes 28 à 30);

  • c) De plus, la COMC a conclu que le genre des produits visés par les alinéas 6(5)c) et d) de la Loi (le genre de produits, services ou entreprises) favorisait nettement Amira, surtout du fait qu’il existe un chevauchement évident entre les produits énumérés dans les déclarations de ces deux marques. La COMC conclut également que, du fait que les produits des parties sont recoupés ou étroitement liés, il existe, aux fins de l’appréciation de la probabilité de confusion, une possibilité de recoupement des voies de commercialisation des parties (aux paragraphes 31 à 37).

  • d) La COMC a conclu que le degré de ressemblance visé par l’alinéa 6(5)e) jouait lui aussi en faveur d’Amira. La Commission a cité l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [Masterpiece], par lequel la Cour suprême du Canada affirme que le degré de ressemblance pourrait être l’élément le plus important dans la liste du paragraphe 6(5) de la Loi. La COMC a conclu que la preuve portant sur ce facteur jouait en faveur d’Amira après avoir noté une certaine ressemblance entre les mots « SEARA » et « SERA » lorsque le consommateur canadien moyen les prononce (aux paragraphes 39 à 45);

  • e) Enfin, à l’égard des autres circonstances de l’espèce, la COMC a constaté la rareté des autres marques enregistrées pertinentes dont les mots servant de marque seraient semblables, par exemple « SERRA », ce qui ne lui permet pas de tirer des conclusions sur l’état du marché des produits alimentaires en vue d’établir la probabilité de confusion entre les marques Amira et Seara (aux paragraphes 46 à 51).

[12]  De même, pour rejeter la demande d’enregistrement du dessin-marque (« SEARA & Design ») dans la deuxième décision (2016 COMC 168), la COMC a procédé de nouveau à l’analyse de chaque disposition du paragraphe 6(5) :

  • a) À l’égard de l’alinéa 6(5)a), la COMC était d’avis que, même si elle était consciente que le dessin de la marque « SEARA » est « ovale avec cinq rayons de soleil », l’élément nominal demeure la caractéristique dominante de la marque compte tenu de sa taille relative et de son positionnement et du fait que les éléments graphiques ne sont pas « particulièrement frappants ou uniques ». Elle a conclu que le facteur du caractère distinctif inhérent jouait légèrement en faveur d’Amira, mais que la marque Seara pouvait augmenter en force en se faisant connaître au Canada par la promotion ou l’emploi (en soulignant encore une fois qu’aucune des parties n’avait présenté de preuve sur cet aspect (aux paragraphes 17 à 27).

  • b) En ce qui concerne l’alinéa 6(5)b), la Commission a observé que « en l’absence d’éléments de preuve indiquant que les parties ont réellement fait usage de leurs marques, le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)b) ne favorise aucune des parties » (aux paragraphes 28 à 30);

  • c) Lors de l’analyse des alinéas 6(5)c) et d), la COMC a remarqué que certains des produits des parties se recoupent clairement, tandis que d’autres semblent être étroitement liés, puisqu’il s’agit dans tous les cas de produits alimentaires. De plus, ni l’enregistrement d’Amira ni la demande de Seara ne contient de restriction en ce qui a trait aux voies de commercialisation des parties (aux paragraphes 31 à 37);

  • d) Lors de l’analyse de l’alinéa 6(5)e), tenant compte du son des mots « SERA » et « SEARA » et des similitudes entre ces mots, la COMC a noté qu’il pourrait y avoir un peu de ressemblance entre les deux marques (aux paragraphes 38 à 44);

  • e) Enfin, vu les circonstances de l’espèce, la COMC a noté à nouveau que la preuve de l’état du registre n’était d’aucune utilité à Seara sur la question de la probabilité de confusion entre sa marque et celle d’Amira (aux paragraphes 45 à 50).

D.  Nouveaux éléments de preuve

[13]  Seara a produit en preuve devant la Cour fédérale deux affidavits supplémentaires avec des pièces en annexe. L’affidavit de Mme Fernanda Ramirez Gallo Pires (l’affidavit Gallo) indique notamment que Seara vend actuellement divers produits de volaille au Canada aux fins de distribution dans le secteur de la restauration et que l’entreprise a vendu plus de 37 millions de kilogrammes de produits de volaille de 2003 à 2010 et aussi de 2014 à 2016 (au paragraphe 24). Dans son affidavit, Mme Gallo Pires signale que Seara n’a pas vendu de produits au Canada de mars 2010 à 2014 parce que l’entreprise a été acquise par un certain nombre de propriétaires qui n’employaient pas les marques « SEARA » au Canada. De plus, depuis 2014, Mme Gallo Pires y affirme qu’il n’y a jamais eu de confusion entre les produits de Seara et ceux qui sont vendus sous la marque « SERA » (au paragraphe 26). Sinon, l’affidavit Gallo porte surtout sur les activités commerciales et de mise en marché dans beaucoup de pays du monde, en particulier le Brésil, et propose une prononciation du mot servant de marque qui diffère de celle qui a été présentée à la COMC (dossier d’appel A-94-18, vol. 2, p. 324 à 331).

[14]  Le deuxième affidavit est celui de Mme Genny Tremblay (affidavit Tremblay), détective privée, et il expose la visite de celle-ci dans une épicerie moyen-orientale dans laquelle des produits de marque « SERA » sont vendus; il expose également les tentatives de communiquer avec plusieurs distributeurs de produits Seara pour savoir si ceux-ci connaissent les produits de marque « SERA » (ils ne les connaîtraient pas) [dossier d’appel A-94-18, vol. 3, pages 523-528].

[15]  Dans ses observations formulées après l’audience, Seara a admis que tous les éléments prouvant l’emploi de la marque au Canada concerne uniquement les produits de volaille surgelés et non pas les autres produits énumérés dans ses demandes d’enregistrement. Seara a également confirmé que les éléments de preuve ne concernent les produits de volaille surgelés que dans la mesure où ils sont distribués dans le secteur de la restauration et étiquetés [traduction] « NE PAS VENDRE AU DÉTAIL » (voir p. ex. le dossier d’appel A-94-18, vol. 2, p. 450; voir aussi l’affidavit Gallo, au paragraphe 20, dossier d’appel, vol. 2, p. 328). Cet élément concorde avec la partie de l’affidavit Gallo dans lequel il est implicite que les consommateurs finaux visés pour les produits Seara sont surtout les restaurants (affidavit Gallo, aux paragraphes 20 et 22, dossier d’appel A-94-18, vol. 2, p. 328 et 329).

E.  Décision de la Cour fédérale

[16]  La Cour fédérale a exposé au paragraphe 54 de ses motifs les deux questions principales de l’appel, que voici :

  • 1) Les nouveaux éléments sont-ils importants?

  • 2) S’ils étaient importants, ces éléments de preuve changeraient-ils la conclusion selon laquelle il y a confusion?

[17]  Cependant, lorsqu’elle discute le critère de l’importance, la Cour fédérale fait les observations suivantes aux paragraphes 57 et 59 de ses motifs :

Si les nouveaux éléments de preuve ne sont pas importants, dans la mesure où ils n’ont aucun effet sur les conclusions de fait, alors, la Cour doit alors appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable; voir la décision dans l’affaire Kabushiki Kaisha Mitsukan Group Honsha c. Sakura-Nakaya Alimentos Ltda., 2016 CF 20 au paragraphe 17.

[...]

Les éléments de preuve seraient importants s’ils avaient changé l’issue de l’instance devant la Commission. Si les nouveaux éléments de preuve sont « importants », alors la Cour doit réexaminer l’ensemble des éléments de preuve, incluant ceux dont la Commission était déjà saisie, à titre d’audience de novo.

[Non souligné dans l’original.]

[18]  La Cour fédérale a conclu que la nouvelle preuve présentée ne satisfaisait pas au critère de l’importance et que rien ne justifiait un examen de novo de la décision rendue (décision de la CF, au paragraphe 101).

[19]   Vu les questions dont la Cour est saisie, il n’est pas nécessaire d’exposer plus en détail les conclusions de la Cour fédérale.

II.  Questions en litige

[20]  Notre Cour est saisie des deux questions suivantes dans le présent appel :

  • 1) La Cour fédérale a-t-elle fixé un seuil trop élevé d’appréciation de l’importance de la nouvelle preuve présentée?

  • 2) Dans l’affirmative, l’appel des décisions de la COMC doit-il être accueilli?

[21]  La question des conclusions de la Cour fédérale sur l’admissibilité de la nouvelle preuve, notamment sur l’importance de celle-ci, commande l’application des normes d’appel consacrées par l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33. La formulation du critère de l’importance est une question de droit isolable qui commande la norme de la décision correcte.

[22]  Après avoir admis de nouveaux éléments en preuve lors d’un appel d’une décision de la COMC par application de l’article 56 de la Loi, la Cour reprend l’analyse du dossier de la preuve sur le fond. Cependant, l’admission de nouveaux éléments n’aboutit pas automatiquement à la répudiation des conclusions de la COMC sur chaque question en litige. Seules les questions en litige qui sont visées par les nouveaux éléments de preuve peuvent justifier une nouvelle analyse de la Cour. Sinon, les conclusions de la COMC doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable (voir Saint Honore Cake Shop Limited c. Cheung’s Bakery Products Ltd., 2015 CAF 12, au paragraphe 18 [Saint Honore]). Autrement dit, lorsqu’un élément de preuve additionnel est produit devant la Cour fédérale et qu’il aurait eu une incidence sur les conclusions de fait de la COMC ou l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit tirer ses propres conclusions quant aux questions auxquelles cet élément se rapporte (voir Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145 (C.A.), aux paragraphes 46 à 51, autorisation d’interjeter appel à la C.S.C. refusée, 27839 (le 14 septembre 2000) [Brasseries Molson]).


III.  Discussion

A.  La Cour fédérale a-t-elle fixé un seuil trop élevé d’appréciation de l’importance de la nouvelle preuve présentée?

1)  Le critère applicable

[23]  Comme il a été signalé précédemment, le critère d’admission de nouveaux éléments de preuve en vertu du paragraphe 56(5) de la Loi consiste à rechercher, si ces éléments avaient été produits devant la Cour fédérale, « auraient pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire » (Brasseries Molson, au paragraphe 51, sous la plume du juge Rothstein, j.c.a.). Il faut lire les mots « would have » (« aurait pu avoir ») au regard du contexte. Décider si la Cour fédérale devra réexaminer les preuves sur une question donnée constitue un critère préliminaire. Par conséquent, ce critère ne peut pas et ne doit pas comporter d’emblée un réexamen en vue de déterminer purement et simplement si le résultat ou l’issue en serait modifié. Telle est la raison pour laquelle les mots « would have » dans la formulation du critère ont toujours été traduits en français par « aurait pu avoir » (voir par exemple Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 35, au paragraphe 71; Pizzaiolo Restaurants inc. c. Les Restaurants La Pizzaiolle inc., 2016 CAF 265, au paragraphe 2; Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145, au paragraphe 51 [C.A.]).

[24]  De plus, il est bien reconnu que le critère de l’importance concerne la portée et la valeur probante de ce nouvel élément de preuve. Si la preuve présentée ne fait que compléter ou confirmer les conclusions de la COMC, celle-ci ne saurait être suffisamment importante pour justifier son admissibilité (voir U-haul International Inc. c. U Box It Inc., 2017 CAF 170, au paragraphe 26). Pour avoir de l’importance, la preuve additionnelle ne doit pas être très répétitive et elle doit renforcer la valeur probante de l’ensemble des preuves (Cortefiel, S.A. c. Doris Inc., 2013 CF 1107, au paragraphe 33, confirmée par 2014 CAF 255; voir aussi Servicemaster Company c. 385229 Ontario Ltd. (Masterclean Service Company), 2015 CAF 114, aux paragraphes 23 et 24).

[25]  La question est donc la suivante : cette preuve supplémentaire aurait-elle pu, en vertu de sa portée et de sa valeur probante, avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur le pouvoir discrétionnaire de la COMC? Autrement dit, dans le cadre de l’analyse sur la confusion en l’espèce, cette preuve résulterait-elle en une conclusion différente découlant d’un ou de plusieurs facteurs définis au paragraphe 6(5) de la Loi et une nouvelle conclusion sur la probabilité d’une confusion entre les marques?

[26]  À l’aide de cette bonne compréhension du critère, il semble, vu les observations du paragraphe 17 ci-dessus que la Cour fédérale avait l’impression que n’était importante la nouvelle preuve que si elle aboutissait obligatoirement à une nouvelle issue de l’instance. Tel n’est pas le cas.

2)  La question de l’admissibilité de la nouvelle preuve

[27]  Une partie de l’affidavit Gallo aurait dû être reçue en preuve, car elle a une pertinence directe quant à l’analyse portant sur le paragraphe 6(5), notamment en ce qui concerne l’alinéa a) sur le caractère distinctif et en ce qui concerne les alinéas c) et d) sur le genre des produits et la nature du commerce.

[28]  Je commence par souligner que, en plus de cette erreur d’interprétation du critère d’importance, la Cour fédérale a omis de vérifier lors de son examen de la nouvelle preuve si elle aurait pu avoir une incidence sur le facteur consacré par l’alinéa 6(5)a) de la Loi qui porte sur le caractère distinctif inhérent ou acquis (voir la décision de la CF, au paragraphe 62). Cette omission est importante, car le caractère distinctif acquis est précisément le critère sur lequel Seara a insisté lors des débats. C’est logique, puisqu’il ressort des nouvelles preuves de Seara que l’entreprise a vendu des millions de kilogrammes en produits de volaille surgelés au Canada. Comme je l’ai signalé, la COMC a soulevé à plusieurs reprises le problème de l’absence d’éléments de preuve portant sur l’emploi des marques.

[29]  Pour examiner les preuves dans leur ensemble, la Cour fédérale semble avoir mis l’accent sur le fait que l’essentiel de l’affidavit Gallo porte sur les activités commerciales de Seara au Brésil et à l’extérieur du Canada. Seara a toutefois reconnu devant nous à l’audience que toute la preuve portant sur l’emploi des marques au Brésil n’était pas pertinente en l’espèce. Cela dit, la Cour fédérale n’explique pas pourquoi les éléments prouvant son utilisation au Canada n’aurait pu avoir une incidence sur les conclusions pertinentes tirées par la COMC. À mon avis, les nouveaux éléments de preuve portant sur la distribution de millions de kilogrammes en produits de volaille au Canada jouent directement quant à l’analyse de bon nombre des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) dont la COMC a tenu compte. Ils corrigent une lacune dans le dossier présenté à la COMC, car il manquait manifestement des éléments portant sur le caractère distinctif acquis, le genre de produits vendus et les voies de commercialisation des produits de chaque partie. Les nouvelles preuves étaient donc significatives et probantes.

[30]  Il est important de souligner toutefois que les preuves présentées par Seara portent en grande partie sur les ventes de produits de volaille surgelés dans le passé (2003-2010), alors que ses demandes sont fondées sur l’emploi projeté. Disposant en appel de ces preuves additionnelles, Seara ne peut pas feindre d’ignorer le fondement de ses propres demandes dans le but de tirer profit de ses chiffres de vente à présent disponibles pour des produits vendus au cours de cette période. Seara avait néanmoins la possibilité d’invoquer le caractère distinctif acquis de ses produits dès le dépôt de ses demandes. Concrètement, l’affidavit Gallo établirait clairement que Seara a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 30 millions de dollars avec la vente de plus de 10 millions de kilogrammes en produits de volaille surgelés de manière continue de 2014 à 2016 (voir le dossier d’appel A-94-18, vol. 3, p. 458).

[31]  En outre, les nouveaux éléments de preuve portant sur l’absence de confusion à l’heure actuelle chez les consommateurs des marques Amira et des marques Seara est, à mon avis, d’une faible valeur probante, compte tenu du poste que Mme Gallo occupe chez Seara et du manque d’explications sur la manière dont elle s’est formé une opinion. Ils ne répondraient pas au critère, même s’ils ont peut-être une certaine pertinence pour ce qui est des « circonstances en l’espèce », conformément au paragraphe 6(5).

[32]  Des nouvelles preuves présentées par Seara ne satisfont pas au critère de l’importance. Par exemple, l’insistance de l’affidavit Gallo sur la bonne prononciation du mot « SEARA » servant de marque ne comble pas les lacunes des preuves détectées par la COMC; il ne fait que proposer une solution de rechange à ce qui a déjà été examiné par la COMC (voir Amira Enterprises Inc. c. Seara Alimentos S.A., 2016 COMC 167, au paragraphe 41). De toute manière, les éléments de preuve portant sur la « bonne » prononciation sont sans importance, puisqu’il est très possible, comme la COMC l’a conclu, que le consommateur canadien moyen ne soit pas au courant de la bonne prononciation. Lors de l’audience devant notre Cour, l’avocat de Seara a admis en fin de compte que cette preuve n’est pas particulièrement pertinente et est simplement répétitive.

[33]  Pour résumer, de nouvelles preuves ont été présentées par Seara relativement à l’emploi des marques enregistrées au Canada depuis le dépôt des demandes d’enregistrement, qui désignent des produits de volaille surgelés pour distribution dans le secteur de restauration et qui sont importantes aux fins du présent appel. Cependant, comme il a été mentionné, cette conclusion ne suffit pas à elle seule pour trancher l’appel. Peu importe que je procède au réexamen des facteurs pour lesquels les nouvelles preuves ont de l’importance ou que j’examine les conclusions de la COMC sur ces mêmes questions selon la norme de la décision raisonnable, comme la Cour fédérale l’a fait, il demeure que je suis d’avis de rejeter l’appel.

B.  Le présent appel doit-il être accueilli?

1)  Probabilité de confusion

[34]  Le régime général régissant l’analyse sur la confusion a été consacré par la Cour suprême. Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque « SEARA », alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce « SERA » [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques : Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au paragraphe 20. Il ne faut procéder ni à un examen minutieux des deux marques ni à une comparaison côte à côte (Masterpiece, au paragraphe 40).

[35]  Telle est la trame de fond au regard de laquelle la Cour suprême souligne que le degré de ressemblance entre les deux marques est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion et que les autres facteurs ne prennent de l’importance que si le degré de ressemblance entre les marques est jugé très élevé (Masterpiece, au paragraphe 49).

[36]  Je commence par ce facteur important. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la conclusion principale de la COMC relativement à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, selon laquelle il existe un haut degré de ressemblance entre les deux marques « SEARA » et la marque déposée d’Amira tant sur le plan visuel que phonétique, surtout ce dernier, ne doit pas être remise en question. En effet, car les nouvelles preuves présentées par Seara ne portent pas vraiment sur les petites différences entre les marques « SEARA » et « SERA » ni sur le dessin de la marque, mais plutôt sur le fait que les marques se rapportent à des produits alimentaires différents et que les produits de Seara visent un segment de l’industrie (aucune vente au détail) différent de celui d’Amira (aliments de spécialité vendus au détail par des voies de commercialisation différentes aux consommateurs canadiens).

[37]  Seara soutient que c’est en raison de la différence entre les produits et les voies de commercialisation que les petites différences entre les marques demeurent importantes. Je serais du même avis si les demandes d’enregistrement examinées (surtout celle du dessin-marque) se limitaient à des produits de volaille, surgelés ou non, destinés au secteur de la restauration. Mais il m’est impossible de le faire en tenant compte du libellé des demandes actuelles.

[38]  Pour ce qui est des alinéas 6(5)a) et b) de la Loi, le chiffre d’affaires de Seara en distribution vers le secteur de la restauration depuis 2014 va dans le sens de la conclusion voulant que les marques de Seara ont acquis un certain caractère distinctif. De plus, la conclusion de la COMC sur l’absence d’éléments de preuve à l’appui du caractère distinctif acquis de la marque « SERA » dans le secteur alimentaire en général et dans le secteur du détail en particulier, que je retiens, vient appuyer un peu plus la conclusion voulant que ce facteur joue un peu en faveur de Seara.

[39]  Ensuite, pour ce qui est des alinéas 6(5)c) et d), Seara a établi un emploi des marques d’importance en ce qui concerne les produits de volaille surgelés destinés à la restauration par opposition au marché de détail. Ce sont par contre ses éléments de preuve sur les voies de commercialisation d’Amira qui sont non concluants.

[40]  C’est là que réside le problème. Malgré l’insistance de Seara lors de l’audience à dire que les produits vendus dans le secteur de la restauration ne chevauchent pas les produits de spécialité d’Amira vendus dans les grandes surfaces ou les magasins de spécialité, l’état déclaratif des produits et services faisant partie de ses demandes d’enregistrement ne contient aucune restriction sur les voies de commercialisation. Qui plus est, les demandes de Seara font état de beaucoup plus de produits que les produits de volaille surgelés qu’elle vend présentement; ces demandes visent à faire enregistrer les marques relativement à des produits tels que les fruits, le poisson, les plats cuisinés et bien d’autres choses.

[41]  Il m’est impossible d’ignorer le libellé actuel des demandes de Seara parce que les produits actuels sur lesquels les marques sont apposées en ce moment transitent par des milieux commerciaux autres que ceux d’Amira. Comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, au paragraphe 53, l’état déclaratif des produits soumis au registraire est important et demeure le centre de l’analyse relative à la confusion. À l’inverse, l’emploi actuel des marques par le demandeur est de moindre importance. Cela s’explique comme suit : ce qui est en cause dans une affaire comme l’espèce, c’est ce que l’enregistrement de la marque permettrait à Seara de faire et non ce que Seara fait actuellement. Par conséquent, ces facteurs ne jouent pas en faveur de Seara.

[42]  Par conséquent, attendu que la nouvelle preuve présentée par Seara ne concerne que la distribution de produits de volaille surgelés dans le secteur de la restauration et vu le dossier de la preuve présenté à la COMC, Seara n’a pas établi que l’emploi projeté de la marque sur les autres produits énumérés dans ses demandes, notamment les « fruits et légumes en conserve, congelés, secs ou cuits; gelées, confitures » qui, eux, chevauchent les produits faisant partie de l’enregistrement d’Amira (marque SERA), ne créerait vraisemblablement aucune confusion.

[43]  Compte tenu de ce qui précède, l’appel serait en principe rejeté.

2)  Décision partagée

[44]  Lors de l’audience, l’avocat de Seara a reconnu que les demandes ratissaient peut-être trop large et qu’il serait opportun de leur apporter des correctifs. Comme autre possibilité, Seara a invité la Cour à envisager la possibilité de rendre une décision dite partagée qui permettrait d’accueillir seulement une partie de la demande.

[45]  Cette décision partagée implique qu’une partie de l’état déclaratif des produits et services soit radiée dans la demande d’enregistrement. Par conséquent, Seara nous demande en fait d’accueillir ses demandes d’enregistrement de ses marques de commerce en limitant les produits à ceux de la volaille, c’est-à-dire en radiant de son état déclaratif « les fruits et les légumes en conserve, congelés, séchés et cuits ; les gelées, les confitures, les compotes » et les produits autres que ceux de la volaille.

[46]  Seara affirme que la compétence de la COMC à rendre une décision partagée est avalisée par une vieille jurisprudence de la Cour fédérale du Canada, Section de première instance : Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH (1986), 10 C.P.R. (3d) 486, p. 492 (C.F. 1re inst.) [Coronet], citée dans Les Marques Metro / Metro Brands S.E.N.C. c. 1161396 Ontario Inc., 2017 CF 806. La jurisprudence Coronet a été invoquée par la COMC à bien des reprises par le passé : voir notamment Protech Chemicals Ltd./Protech Chimie Ltée. c PROTECH S.A.M., 2018 COMC 77, au paragraphe 87. Je remarque également que ce pouvoir a été exercé depuis au moins quatre décennies : voir entre autres Wenward (Canada) Ltd. c. Dynaturf Co. (1976), 28 C.P.R. (2d) 20 (Reg. TM); Interlago A.G. c. Mego Corporation (1978), 46 C.P.R. (2d) 198 (C.O.M.C.). De plus, avec la nouvelle loi visant à uniformiser la loi avec le Traité de Singapour sur le droit des marques, signé à Singapour le 27 mars 2006 et visant à conférer le pouvoir de prendre des règlements pour appliquer le Protocole relatif à l’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989, la compétence de rendre des décisions partagées a été plus explicitement énoncée dans les modifications apportées à la Loi qui entreront en vigueur le 17 juin 2019 (voir l’article 35 de la Loi visant à combattre la contrefaçon de produits, L.C. 2014, ch. 32 et le paragraphe 343(3) de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2014, L.C. 2014, ch. 20; le Décret fixant au 17 et 18 juin 2019 les dates d’entrée en vigueur de certaines dispositions des trois lois, TR/2018-100, C.P. 2018-1329, Gazette du Canada, Partie II, p. 4243)

[47]  À mon avis, vu les preuves au dossier, je pourrais effectivement conclure que le dessin-marque « SEARA » utilisé en lien avec la distribution de produits de volaille dans le secteur de la restauration ne créerait pas vraisemblablement de la confusion avec la marque « SERA » enregistrée par Amira.

[48]  Cependant, en présumant, sans même décider, que la compétence de rendre des décisions partagées existe aujourd’hui, je ne pourrais conclure qu’il serait loisible à la Cour ou à la COMC de déceler une restriction dans les voies de commercialisation du genre « pour distribution dans le secteur de la restauration », alors que ces mots n’apparaissent pas dans la demande d’enregistrement d’origine.

[49]  Par conséquent, je tire la même conclusion que celle de la Cour fédérale, à savoir que l’appel interjeté par Seara des décisions de la COMC qui rejettent ses demandes d’enregistrement du dessin-marque et du mot « SEARA » servant de marque doit être rejeté. Selon la discussion tenue lors de l’audience, Seara voudra peut-être entreprendre une nouvelle démarche pour demander l’enregistrement de ses marques en lien avec un état déclaratif plus restrictif sur les produits et les voies de commercialisation. À cet égard, je remarque qu’il serait peut-être utile d’intégrer alors des éléments de la preuve pour la marque de commerce « SERRA » enregistrée en 1998 (numéro LMC502539) en lien avec le fromage et l’huile d’olive selon un emploi qui remonterait au moins jusqu’en 1965 pour ce qui est du fromage et à 1998 pour ce qui est de l’huile d’olive.

IV.  Conclusion

[50]  L’appel de la décision de la CF interjeté par Seara doit être rejeté. Étant donné que l’appel n’a pas été contesté, aucuns dépens ne sont adjugés. Une copie des présents motifs sera versée dans les dossiers A-94-18 et A-95-18.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE HENEGHAN DATÉ DU 19 FÉVRIER 2018, DOSSIERS NO T-2174-16 ET T-2175-16

DOSSIERS :

A-94-18; A-95-18

 

INTITULÉ :

SEARA ALIMENTOS LTDA. c. AMIRA ENTERPRISES INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 janvier 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 avril 2019

 

COMPARUTIONS :

Jaimie M. Bordman

 

Pour l’appelant

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Macera & Jarzyna LLP

Ottawa (Ontario)

Pour les appelants

 

 

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