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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal


 

Date : 20100113

Dossier : A-159-09

Référence : 2010 CAF 9

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

COSTCO WHOLESALE CANADA LTD.

intimée

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 janvier 2010.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 13 janvier 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE TRUDEL

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal


 

 

Date : 20100113

Dossier : A-159-09

Référence : 2010 CAF 9

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

COSTCO WHOLESALE CANADA LTD.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]               L’appel vise une décision du juge Campbell J. Miller de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la Cour de l’impôt) par laquelle il accueille l’appel interjeté par Costco Wholesale Canada Ltd. (l’intimée ou Costco) à l’égard de trois nouvelles cotisations datées du 15 décembre 2006 établies, de façon concourante, sur le fondement de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi), et par laquelle il annule lesdites cotisations.

 

[2]               Il s’agit de déterminer si Costco aurait dû percevoir la TPS sur un paiement trimestriel effectué par American Express (Amex) en faveur de Costco suivant l’une des deux ententes en cause dans cette affaire (la Convention de comarquage). Selon le ministre du Revenu national (le ministre), ce paiement représentait la contrepartie d’une fourniture taxable effectuée par Costco en faveur d’Amex, de sorte qu’il était assujetti à la TPS.

 

[3]               Le juge de la Cour de l’impôt a statué que le paiement trimestriel, qui était selon lui un paiement visé à l’alinéa 3.01a) de la Convention de comarquage (motifs, par. 15), ne se rapportait aucunement à une fourniture de bien ou service par Costco en faveur d’Amex, s’agissant plutôt d’une remise sur une partie des frais bruts payables par Costco à Amex. En tirant cette conclusion, le juge de la Cour de l’impôt a précisé que, bien que le droit d’exclusivité que Costco accordait à Amex était « certes important » et qu’il constituait un « élément crucial du marché dans son ensemble », il ne s’agissait pas d’une fourniture taxable effectuée par Costco en faveur d’Amex, mais simplement d’un outil de négociation, la situation étant assimilable à celle où une partie cherche à obtenir une réduction de prix en raison du volume des opérations (motifs, par. 27 et 30(i)).

 

[4]               L’appelante soutient qu’en concluant ainsi le juge de la Cour de l’impôt a omis de tenir compte de la définition élargie du terme « bien » qui figure au paragraphe 123(1) de la Loi et qui vise notamment un « droit quelconque ». Elle fait valoir que le droit d’exclusivité, qui était selon le juge de la Cour de l’impôt un élément crucial du marché dans son ensemble, est visé par cette définition. L’appelante est d’avis que cet argument est étayé par l’abondante jurisprudence relative à la portée de cette disposition (elle s’appuie sur les arrêts suivants : Vanex Truck Services Ltd. c. Canada, 2001 CAF 159, par. 12 à 14; RCI Environment Inc. c. Canada; 2008 CAF 419, par. 39, et sur les décisions qui y sont citées).

 

[5]               Il n’a pas été question de la définition de « bien » dans les actes de procédure de la Couronne, mais elle a été portée à l’attention du juge de la Cour de l’impôt pendant l’argumentation (transcription, dossier d’appel modifié, p. 241). Il appert néanmoins que le juge de la Cour de l’impôt n’avait pas cette définition à l’esprit lorsqu’il a rendu sa décision étant donné qu’il n’en est aucunement fait mention dans ce qui est par ailleurs une décision exhaustive et bien motivée.

 

[6]               Compte tenu des conclusions tirées par le juge de la Cour de l’impôt, la définition élargie de « bien » était un facteur à prendre en compte pour trancher la question en litige devant lui. Plus particulièrement, il devait, pour justifier sa conclusion, expliquer pourquoi, au regard de cette définition, le paiement visé à l’alinéa 3.01(a) de la Convention de comarquage ne constituait pas un paiement effectué en contrepartie de la fourniture d’un bien.

 

[7]               L’intimée s’oppose à ce que cet argument soit soulevé en appel. Elle n’invoque pas la prescription ni que la Loi empêche par ailleurs la Cour de tenir compte de la disposition en question. Elle laisse plutôt entendre que l’argument n’a pas été soulevé devant le juge de la Cour de l’impôt (mémoire de l’intimée, par. 25) et elle soutient que le but de tout appel est de corriger les erreurs commises par le tribunal de première instance et non de débattre à nouveau d’une affaire en invoquant de nouveaux arguments (Kaiman c. Graham, 75 R.P.R. (4th) 157 (C.A. Ont.); 2009 ONCA 77 (C.A.), par. 20 (Kaiman), qui fait référence à l’arrêt Canadiana Towers Ltd. c. Fawcett, (1978), 21 O.R. (2d) 545 (C.A.), à la p. 548).

 

[8]               Or, comme nous l’avons vu, la définition de « bien » a été portée à l’attention du juge de la Cour de l’impôt et il semble avoir tiré un certain nombre de conclusions nécessitant qu’elle soit prise en compte (motifs, par. 27 in fine, 30(i) et 32, 2e phrase). Dans ces circonstances, il serait inapproprié de permettre que cette affaire soit tranchée sans que cette définition soit considérée.

 

[9]               L’intimée fait néanmoins valoir qu’il serait hasardeux que notre Cour modifie les conclusions du juge de la Cour de l’impôt sans disposer d’un dossier factuel complet (Shaver Hospital for Chest Diseases c. Slesar, (1979) 27 O.R. (2d) 383, par. 20, qui fait référence à The Owners of the Tasmania c. Smith, (1890) 15 App. Cas. 223 (H.L.); Braber Equipment Ltd. c. Fraser Surrey Docks Ltd. [1999] B.C.J. no 2360, 1999 BCCA 579, par. 6 et 7; Kaiman, précité, par. 18 à 21). Elle ajoute qu’il faudra, si la définition de « bien » s’applique au vu des faits, résoudre des questions de répartition qui n’ont pas encore été examinées, et qu’à cet égard le dossier est incomplet.

 

[10]           Dans les circonstances, j’estime qu’il y a lieu d’accueillir l’appel, d’annuler la décision du juge de la Cour de l’impôt et de lui renvoyer l’affaire pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant compte de la définition de « bien » au regard de la preuve existante ou de tout autre élément qu’il pourrait décider d’admettre en preuve. J’ordonnerais que les dépens suivent l’issue de la cause.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            Gilles Létourneau, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Jonhanne Trudel, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL J. MILLER, DATÉ DU 6 MARS 2009, DOSSIER NO 2007-1374(GST)G

 

DOSSIER :                                                                A-159-09

 

INTITULÉ :                                                               SA MAJESTÉ LA REINE et

                                                                                    COSTCO WHOLESALE CANADA LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       Le 11 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                    LA JUGE TRUDEL

 

DATE DU JUGEMENT :                                         Le 13 janvier 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Me Marilyn Vardy

Suzanne Bruce

 

POUR L’APPELANTE

 

Me William I. Innes

Neil E. Bass

Wendy Brousseau

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Fraser Milner Casgrain, S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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