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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20100111

Dossier : A-588-08

Référence : 2010 CAF 6

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

ANTHONY MOODIE

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

 

intimée

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 janvier 2010.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 11 janvier 2010.

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                               LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20100111

Dossier : A-588-08

Référence : 2010 CAF 6

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

ANTHONY MOODIE

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par le MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

 

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 11 janvier 2010)

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               L’appelant conteste la décision du juge Mosley de la Cour fédérale par laquelle il a rejeté l’appel formé contre la décision de la protonotaire Milczynski de radier sa déclaration modifiée et de rejeter son action en dommages‑intérêts avec dépens.

 

 

[2]               L’appelant soutient à tort qu’il s’agit de déterminer s’il peut, en tant que demandeur, intenter une poursuite en dommage-intérêts contre la Couronne en ce qui concerne un acte administratif ou s’il doit d’abord présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale : voir le paragraphe 3 de son mémoire des faits et du droit.

 

[3]               Nous estimons que c’est à tort que l’appelant soumet l’argument susmentionné étant donné que le juge a rejeté son appel au motif qu’il n’avait pas épuisé les recours administratifs s’offrant à lui sous le régime légal de règlement des griefs applicable aux membres des Forces armées canadiennes (voir les paragraphes 26 à 30 des motifs de la décision) et que son action était par conséquent prématurée : ibidem, paragraphes 37 à 41.

 

[4]               Le juge a en outre conclu que l’action de l’appelant « est un grief déguisé et une plainte déguisée de discrimination » : ibidem, paragraphe 41.

 

[5]               Nous n’avons décelé aucune erreur dans la conclusion du juge selon laquelle la demande principale de l’appelant vise à obtenir un jugement déclarant qu’il a été libéré à tort des Forces armées canadiennes ainsi qu’une ordonnance le réintégrant dans ses fonctions : ibidem, paragraphe 38. Comme le juge Mosley, nous sommes d’avis qu’il « s’agit […] manifestement d’une forme de redressement qu’il pourrait obtenir au moyen de la procédure de règlement des griefs » : ibidem.

 

[6]               Une preuve abondante, constituée de solides éléments, étaye la conclusion du juge selon laquelle l’action de l’appelant est un grief déguisé et une plainte déguisée de discrimination, qui visait donc à contourner la procédure de grief. Comme le juge l’a conclu, ce ne sont pas des allégations de manquement à la Charte qui sont au cœur de la demande de l’appelant, mais plutôt des allégations relatives à des événements directement liés à l’exercice des ses fonctions dans les Forces armées canadiennes. : ibidem, paragraphe 30.

 

[7]               Nous sommes d’avis que le juge a appliqué correctement le droit en tenant compte de la véritable nature du différend plutôt que du manquement allégué tel que l’avait lui-même caractérisé l’appelant. Voici comment s’exprime la Cour suprême du Canada dans Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 R.C.S. 667, au paragraphe 93, en ce qui concerne une question similaire :

 

Ce n’est pas parce que M. Vaid prétend que ses droits fondamentaux ont été violés que sa cause est nécessairement du ressort de la Commission canadienne des droits de la personne étant donné qu’« il faut s’attacher non pas à la qualité juridique du tort, mais aux faits qui donnent naissance au litige ».

 

[8]               Notre Cour a adopté une approche semblable dans Roitman c. Canada, 2006 CAF 266, où le juge Décary écrit :

 

Une déclaration ne doit pas être prise au pied de la lettre. Le juge doit aller au-delà des termes employés, des faits allégués et de la réparation demandée, et il doit s’assurer que la déclaration ne constitue pas une tentative déguisée visant à obtenir devant la Cour fédérale un résultat qui ne peut par ailleurs pas être obtenu de cette cour.

 

 

[9]               Le juge Décary a poursuivi en paraphrasant les propos de la Cour suprême du Canada dans Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, au paragraphe 11, et notre Cour dans Prentice c. Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2005 CAF 395 (autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée, [2006] C.S.C.R. no 26, le 19 mai 2006), au paragraphe 24, comme suit : « le demandeur n’est pas autorisé à présenter son action de façon un peu artificielle, quant au délit fondé sur la négligence, afin de contourner l’application d’une loi » : ibidem; voir également Donovan c. Canada (Procureur général) (2008), 273 Nfld. & P.E.I. R. 116, au paragraphe 13 (C.A. T.-N.); et Genge c. Canada (Procureur général) (2007), 270 Nfld. & P.E.I. R. 182, au paragraphe 40 (C.A. T.-N.).

 

[10]           En rejetant l’appel, le juge a réaffirmé qu’il était loisible à l’appelant de poursuivre ses griefs, de présenter une demande de contrôle judiciaire des décisions qui en résulteront et, au besoin, de reprendre son action en dommages‑intérêts : voir le paragraphe 47 des motifs de la décision.

 

[11]           Le fait que le juge de première instance ne serait pas en mesure, même si on permettait à l’appelant de poursuivre son action, de déterminer le montant d’une éventuelle indemnité additionnelle parce que l’indemnité que l’appelant cherche à obtenir peut de toute façon être recouvrée, du moins pour une large part, sous le régime de diverses lois fédérales, montre également que l’action est prématurée : voir Prentice, précité, aux paragraphes 74 et 75.

 

[12]           L’appelant a mal caractérisé la décision faisant l’objet de l’appel. Toutefois, lorsque la véritable question en jeu est examinée, il ne fait pas de doute qu’il ne peut être accueilli. L’appel sera donc rejeté avec dépens.

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                          A-588-08

 

 

INTITULÉ :                                                         ANTHONY MOODIE c.

                                                                              SA MAJESTÉ LA REINE DU

                                                                              CHEF DU CANADA représentée par le MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 11 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                               LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                              LE JUGE NOËL

                                                                              LA JUGE TRUDEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :             LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

COMPARUTIONS :

 

Charles C. Roach

POUR L’APPELANT

 

Jacqueline Dais‑Visca

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Roach, Schwartz & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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