Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour d'appel fédérale

    CANADA

Federal Court of Appeal

 

Date : 20100115

Dossier : A-90-09

Référence : 2010 CAF 13

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

ANTHONY COMPARELLI

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 janvier 2010.

Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 15 janvier 2010.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                          LE JUGE NOËL

                                                                                                            LA JUGE TRUDEL

 


Cour d'appel fédérale

    CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20100115

Dossier : A-90-09

Référence : 2010 CAF 13

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

ANTHONY COMPARELLI

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Question portée en appel

 

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt par laquelle la juge Valerie Miller (la juge) a rejeté l’appel formé par l’appelant à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001.

 

[2]               La cotisation a été établie au motif que, en vertu de l’article 227.1 de la Loi , l’appelant est responsable du fait que MindTheStore.com Inc. (MTS) a omis de verser des retenues à la source au titre de l’impôt sur le revenu fédéral et provincial, ainsi que des cotisations à l’assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada.

 

[3]               L’article 227.1 est libellé comme suit :

 

227.1 (1) Lorsqu’une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu aux paragraphes 135(3) ou 135.1(7) ou aux articles 153 ou 215, ou a omis de verser cette somme ou a omis de payer un montant d’impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d’imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

 

(2) Un administrateur n’encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la société est responsable selon ce paragraphe a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 223 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution ou elle a fait l’objet d’une dissolution et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures ont été engagées et du jour de la dissolution;

c) la société a fait une cession ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l’ordonnance de faillite.

 

(3) Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe (1) lorsqu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

227.1 (1) Where a corporation has failed to deduct or withhold an amount as required by subsection 135(3) or 135.1(7) or section 153 or 215, has failed to remit such an amount or has failed to pay an amount of tax for a taxation year as required under Part VII or VIII, the directors of the corporation at the time the corporation was required to deduct, withhold, remit or pay the amount are jointly and severally, or solidarily, liable, together with the corporation, to pay that amount and any interest or penalties relating to it.

 

 

(2) A director is not liable under subsection 227.1(1), unless

 

(a) a certificate for the amount of the corporation’s liability referred to in that subsection has been registered in the Federal Court under section 223 and execution for that amount has been returned unsatisfied in whole or in part;

(b) the corporation has commenced liquidation or dissolution proceedings or has been dissolved and a claim for the amount of the corporation’s liability referred to in that subsection has been proved within six months after the earlier of the date of commencement of the proceedings and the date of dissolution; or

(c) the corporation has made an assignment or a bankruptcy order has been made against it under the Bankruptcy and Insolvency Act and a claim for the amount of the corporation’s liability referred to in that subsection has been proved within six months after the date of the assignment or bankruptcy order.

 

 

(3) A director is not liable for a failure under subsection 227.1(1) where the director exercised the degree of care, diligence and skill to prevent the failure that a reasonably prudent person would have exercised in comparable circumstances.

 

 

Analyse de la décision de la Cour canadienne de l’impôt et des arguments avancés par les parties

 

[4]               La juge a estimé que l’appelant n’avait pas agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté requis pour éviter que MTS omette de verser les sommes retenues à la source. L’appelant ne pouvait donc pas invoquer le paragraphe 227.1(3) pour échapper à sa responsabilité.

 

[5]               Pour parvenir à cette conclusion, la juge a fait les constatations suivantes :

 

            a)         l’appelant était en tout temps un administrateur interne de l’entreprise;

 

            b)         il participait à la gestion quotidienne de MTS;

 

            c)         en 1999, il a été nommé président et directeur général de MTS, et il a été président de l’entreprise jusqu’au 27 juin 2000;

 

            d)         il s’agit d’un homme intelligent qui connaît les affaires;

 

            e)         il connaissait fort bien les obligations que lui imposait la Loi étant donné qu’il avait déjà eu affaire à l’Agence de revenu du Canada lorsque MTS avait omis d’effectuer certains versements dans les délais prescrits;

 

            f)          l’appelant était au courant de la situation financière précaire de MTS, celle-ci n’ayant pour ainsi dire aucun revenu et devant compter sur un financement par emprunt pour être à même de poursuivre ses opérations;

 

            g)         les sommes que l’appelant a avancées à MTS devaient uniquement permettre à celle-ci de poursuivre ses opérations et non lui donner les moyens de ne pas omettre de verser les retenues à la source;

 

            h)         pendant ses six années d’existence, c’est-à-dire 1996, 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001, MTS a presque toujours omis de verser les déductions à la source;

 

            i)          l’appelant ne peut pas rejeter sur un tiers la responsabilité de cette omission.

 

[6]               L’appelant ne conteste aucunement ces constatations. Quoi qu’il en soit, elles sont largement étayées par la preuve. Je ne relève en l’occurrence aucune erreur manifeste et dominante de nature à justifier une intervention de notre Cour.

 

[7]               L’avocat de l’appelant a fait valoir que la juge n’a pas appliqué le bon critère afin de déterminer si l’appelant a agi avec le degré de soin et de diligence nécessaire pour éviter que l’entreprise omette d’effectuer les versements prévus. D’après lui, elle a commis une erreur de droit isolable, laquelle est susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte.

 

[8]               La thèse de l’appelant est fondée sur son interprétation de l’arrêt rendu par notre Cour dans Worrell c. Canada, [2001] 2 C.F. 203, également publié sous l’intitulé Procureur général du Canada et al. c. McKinnon et al., 2000 DTC 6593. Selon lui, la juge aurait dû aboutir à la conclusion à laquelle notre Cour est parvenue dans cette autre affaire. Il fait valoir que si la juge n’a pas appliqué l’arrêt Worrell, c’est parce qu’elle a pris en compte des considérations dénuées de pertinence, écartant par là même des éléments pertinents.

 

[9]               Après avoir analysé les faits de l’affaire Worrell et les avoir comparés à ceux de la présente affaire, la juge a conclu que l’affaire Worrell était nettement différente de l’espèce. Je souscris à son analyse et à sa conclusion.

 

[10]           Plusieurs éléments distinguent les deux affaires. Par exemple, la société Worrell était en activité depuis 30 ans alors que MTS, elle, n’a jamais vraiment démarré. Contrairement à MTS, dans Worrell, l’entreprise n’avait aucun antécédent de versements non effectués à de nombreuses reprises.

 

[11]           Par dessus tout, la juge a estimé important et déterminant le fait que la quasi-totalité de la dette de l’entreprise Worrell envers Revenu Canada au titre des retenues à la source non versées se soit accumulée après que la banque eut commencé à exercer un contrôle sur les chèques émis par la société : voir le paragraphe 43 de ses motifs de jugement.

 

[12]           En toute déférence, j’estime que c’est à juste titre que la juge a rappelé, au paragraphe 42 de ses motifs, que « le moyen de défense prévu au paragraphe 227.1(3) de la Loi oblige l’administrateur à agir avec un degré raisonnable de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir l’omission de versement » (en caractères gras dans l’original). Ce moyen de défense ne saurait donc être retenu en l’espèce puisque MTS n’a fait que perpétuer les omissions de versement, se contentant d’essayer de réduire le montant des versements en souffrance, espérant que la société parviendrait à survivre et qu’elle finirait par être financièrement en mesure de rembourser les arriérés accumulés. Comme notre Cour l’a dit au paragraphe 69 de l’arrêt Worrell, « le public n’a pas à assurer contre son gré ce risque, aussi raisonnable qu’il soit du point de vue commercial pour les administrateurs de continuer à exploiter l’entreprise sans rien faire pour prévenir les défauts de versement à l’avenir ».

 

[13]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            Marc Noël, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-90-09

 

 

INTITULÉ :                                                   ANTHONY COMPARELLI c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 13 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NOËL

                                                                        LA JUGE TRUDEL

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 15 janvier 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas D. Langley

POUR L’APPELANT

 

Jenny P. Mboutsiadis

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wilson Vukelich LLP

Markham (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.