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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20100120

Dossiers : A-270-09

A-271-09

 

Référence : 2010 CAF 21

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE TRUDEL

 

 

ENTRE :

STERLING LUMBER COMPANY

appelante

et

RONALD HARRISON et

CAROLINA MAT CO. INC.

intimés

 

ET ENTRE :

SWAMP MATS INC.

appelante

et

RONALD HARRISON et

CAROLINA MAT CO. INC.

intimés

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 20 janvier 2010.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 20 janvier 2010.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                           LE JUGE EVANS


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20100120

 

Dossiers : A-270-09

A-271-09

 

Référence : 2010 CAF 21

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

STERLING LUMBER COMPANY

appelante

et

RONALD HARRISON et

CAROLINA MAT CO. INC.

intimés

ET ENTRE :

SWAMP MATS INC.

appelante

et

RONALD HARRISON et

CAROLINA MAT CO. INC.

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 20 janvier 2010)

 

LE JUGE EVANS

[1]               Il s’agit de l’appel interjeté par Sterling Lumber Company (Sterling Lumber) à l’encontre d’une ordonnance de la Cour fédérale datée du 17 juin 2009, en vertu de laquelle le juge Campbell a rejeté une requête en jugement sommaire contre les intimés, Roland Harrison et Caroline Mat Co. Inc. Un autre appel a été interjeté par Swamp Mats Inc. (dossier no A-271-09) à l’encontre d’une ordonnance semblable concernant les mêmes intimés. Les appels ont été entendus ensemble et les motifs s’appliquent aux deux.

 

[2]               La requête découlait d’une action que les intimés avaient intentée contre Sterling Lumber pour avoir contrefait le brevet canadien no 2462302 (le brevet 302), qui porte sur des triples épaisseurs de bois d’œuvre boulonnées pour pose temporaire, utilisées comme revêtement sur lequel les véhicules lourds peuvent circuler en l’absence de route permanente. Selon la requête de Sterling Lumber, le brevet était invalide pour plusieurs raisons, y compris pour cause d’antériorité, parce que M. Harrison, inventeur du revêtement et titulaire du brevet, vendait ses plateformes plus d’un an avant la date du dépôt de la demande de brevet 302, le 29 mars 2004.

 

[3]               Le juge avait rejeté la requête au motif que l’interprétation de la revendication no 14 du brevet 302 était une question sérieuse à trancher et qu’il n’était pas en mesure de tirer une conclusion factuelle quant au sens des mots [traduction] « jeu de surfaces croisées alignées verticalement » du point de vue d’une personne versée dans l’art. Par conséquent, il a affirmé être incapable de trancher la question de l’antériorité.

 

[4]               L’ordonnance du juge des requêtes commençait par les mots [traduction] « [c]omme l’indiquait la transcription de la requête en jugement sommaire […] », ce qui laisse entendre que le juge avait donné des motifs additionnels à l’appui de son ordonnance. Toutefois, nous ne connaissons pas les autres motifs, le cas échéant, que le juge a donnés de vive voix parce que le dossier d’appel contient seulement quelques pages de la transcription du contre-interrogatoire. Dans une ordonnance datée du 25 août 2009, le juge Sexton a ordonné que la transcription complète de l’audition de la requête soit versée dans le dossier d’appel.

 

[5]               L’appel de Sterling Lumber est fondé sur le fait que M. Harrison a admis, lorsqu’il a été contre‑interrogé sur son affidavit, avoir emmagasiné et vendu des plateformes comme celles qui sont décrites dans la revendication no 4 avant 2003, et que l’acheteur d’une plateforme n’aurait eu qu’à l’examiner pour en fabriquer des semblables.

 

[6]               Les intimés déclarent cependant que les réponses de M. Harrison a données aux questions portant sur la vente des plateformes ne constituent pas des aveux et ne sont pas assez claires pour permettre d’établir que le juge a commis une erreur en rejetant la requête en jugement sommaire. L’avocat soutient plus particulièrement qu’on ne sait pas exactement si M. Harrison voulait dire que les plateformes avaient été emmagasinées avant 2003, vendues avant 2003, ou les deux. Il faudrait également, selon l’avocat, disposer d’éléments de preuve sur la question de savoir si l’achat d’une plateforme aurait permis à l’acheteur d’en fabriquer des semblables, parce que M. Harrison a déclaré, au paragraphe 8 de son affidavit, que la conception de son produit était restée confidentielle.

 

[7]               Puisque nous ne savons pas si, ou comment, le juge Campbell s’est penché sur cette question, l’avocat a convenu que nous devions l’examiner de nouveau. À notre avis, M. Harrison a répondu clairement à la question qui lui a été posée lors du contre-interrogatoire sur son affidavit : avant 2003, il a vendu des plateformes de bois fabriquées manuellement selon la description présentée dans la revendication no 14. Quoi qu’il en soit, sa réponse était assez claire pour que son avocat lui demande des clarifications, ce qu’il n’a pas fait.

 

[8]               En outre, le principe voulant que les parties à une requête en jugement sommaire présentent leur cause sous son meilleur jour empêche les intimés de déclarer que de nouveaux éléments de preuve peuvent être produits au procès et contredire la déclaration que M. Harrison avait faite contre intérêt et sous serment, selon laquelle il vendait les plateformes en question avant 2003.

 

[9]               La seule question qui reste à trancher, à notre avis, est celle de savoir si les ventes antérieures de plateformes constituaient une « divulgation habilitante » de la revendication no 14. Dans la plupart des cas, la vente antérieure d’un produit rendra accessibles les renseignements concernant le contenu et le mode de fabrication : voir Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro‑Industries Ltd., 2002 CAF 158, paragraphe 42. En l’absence de preuve contraire, nous sommes d’avis que quiconque aurait acheté une plateforme aurait su comment la fabriquer simplement en l’examinant.

 

[10]           L’avocat des intimés soutient qu’il aurait fallu aussi demander à M. Harrison, au cours de son contre‑interrogatoire, si les ventes avaient été faites sans restriction, d’autant plus qu’au paragraphe 8 de son affidavit, M. Harrison déclare : [traduction] « J’ai entouré d’une confidentialité absolue chacun de mes dessins et toutes les machines que j’ai construites pour en garantir la brevetabilité. » Nous ne sommes pas de cet avis.

 

[11]           Lorsque le paragraphe 8 et le paragraphe 7 sont lus de concert, la référence à la confidentialité semble se limiter aux dessins et à la construction des machines qui ont permis à M. Harrison de fabriquer ses plateformes d’une manière économiquement viable. Les machines sont visées par d’autres revendications relatives au brevet 302 et ne sont pas en cause dans le présent appel.

 

[12]           Étant donné notre interprétation de l’affidavit, le fait que les ventes de produits ne sont normalement pas assujetties à des clauses de confidentialité et que M. Harrison savait s’il avait imposé ou non aux acheteurs l’obligation de garder l’information confidentielle, nous sommes tous d’avis qu’il revenait à l’avocat des intimés de demander des éclaircissements ou, peut‑être, de tenter de déposer un autre affidavit. Comme l’avocat n’a fait ni l’un ni l’autre, nous concluons, d’après la preuve dont nous disposons, que les ventes constituaient une divulgation habilitante.

 

[13]           Par conséquent, nous décidons que la cause des intimés est tellement douteuse qu’elle ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits : voir AMR Technology Inc. c. Novopharm Limited, 2008 FC 970, paragraphes 6-8.

 

[14]           Pour ces motifs, l’appel sera accueilli avec un seul mémoire de dépens tant devant la Cour que devant les instances inférieures, l’ordonnance de la Cour fédérale datée du 17 juin 2009 est annulée, la requête en jugement sommaire de l’appelante est accueillie, et l’action que les intimés ont intentée contre l’appelante pour avoir contrefait la revendication no 14 du brevet 302 est rejetée, avec un seul mémoire de dépens.

 

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-270-09

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE RENDUE LE 17 JUIN 2009 PAR LE JUGE CAMPBELL, DANS LE DOSSIER DE LA COUR FÉDÉRALE NO T‑2058-05

 

INTITULÉ :                                                   STERLING LUMBER COMPANY c.

                                                                        RONALD HARRISON ET CAROLINA MAT CO. INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 20 janvier 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                              LES JUGES NADON, EVANS ET TRUDEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LE JUGE EVANS

 

 

COMPARUTIONS :

 

Arthur B. Renaud

Christopher D. Heer

 

POUR L’APPELANTE

 

Kenneth D. Hanna

Mala Joshi

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bennett Jones LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Ridout & Maybee LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-271-09

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE RENDUE LE 17 JUIN 2009 PAR LE JUGE CAMPBELL, DANS LE DOSSIER DE LA COUR FÉDÉRALE

NO T-2099-05

 

INTITULÉ :                                                   SWAMP MATS INC. c.

                                                                        RONALD HARRISON ET CAROLINA MAT CO. INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 20 janvier 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                              LES JUGES NADON, EVANS ET TRUDEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LE JUGE EVANS

 

 

COMPARUTIONS :

 

Arthur B. Renaud

Christopher D. Heer

 

POUR L’APPELANTE

 

Kenneth D. Hanna

Mala Joshi

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bennett Jones LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Ridout & Maybee LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

 

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