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Date : 20100120

Dossiers : A-579-08

A-110-09

Référence : 2010 CAF 19

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

demanderesse

et

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET DES TRAVAILLEUSES DES POSTES

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2010.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                              LE JUGE NOËL

 


Date : 20100120

Dossier : A-579-08

A-110-09

Référence : 2010 CAF 19

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

demanderesse

et

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET DES TRAVAILLEUSES DES POSTES

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2010.)

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit de deux demandes de contrôle judiciaire visant une décision du 21 octobre 2008 par laquelle le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) a accrédité le Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes (le syndicat défendeur) à titre d’agent négociateur pour une unité englobant « tous les employé(e)s de la Société canadienne des postes effectuant la livraison du courrier aux itinéraires ruraux et du service suburbain, à l’exclusion des superviseurs et de ceux de niveau supérieur ».

 

[2]               Le 29 janvier 2009, à la demande de la Société canadienne des postes (la demanderesse), le Conseil a publié les motifs de l’ordonnance (les motifs) dans lesquels le Conseil a expliqué que les cartes de membre signées de nombreuses années avant la date de présentation de la demande d’accréditation et le versement continu de cotisations syndicales par les employés en vertu d’une convention collective volontairement reconnue satisfont aux exigences prévues aux articles 30 et 31 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles, 2001, DORS/2001-520 (le Règlement) et constituent une preuve valide que les employés souhaitaient que le syndicat défendeur les représente. Le Conseil a également rejeté la demande de réexamen de l’ordonnance et a refusé de modifier la description de l’unité de négociation de manière à refléter l’entente intervenue entre les parties en 2003 concernant la portée de l’unité de négociation.

 

[3]               La première demande de contrôle judiciaire visait la décision initiale accueillant, sans exposer de motifs, la demande d’accréditation présentée par le syndicat défendeur (A-579-08). La deuxième demande de contrôle judiciaire visait la décision du 29 janvier 2009 par laquelle le Conseil a refusé de réexaminer sa décision antérieure et a exposé les motifs de sa décision d’accueillir la demande du défendeur (A-110-09).

 

[4]               En vertu d’une ordonnance du 23 avril 2009, les deux demandes de contrôle judiciaire ont été consolidées, le dossier A-579-08 étant désigné à titre de dossier principal. Conformément à cette ordonnance, les présents motifs tranchent les deux demandes, la version originale étant classée dans le dossier A-579-08 et une copie de ces motifs dans le dossier A‑110‑09.

 

[5]               À titre de question préliminaire, le défendeur soutient que, en vertu du paragraphe 22(1) du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code) et du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, le contrôle judiciaire d’une décision du Conseil n’englobe pas les erreurs de droit. Étant donné que les erreurs alléguées par la demanderesse dans les avis de demande respectifs constituent des erreurs de droit, le défendeur soutient qu’il faudrait, pour ce motif, rejeter sommairement les demandes de contrôle judiciaire.

 

[6]               Il n’est pas nécessaire de trancher cette question parce que même si les erreurs alléguées pouvaient effectivement être assujetties à un contrôle, il n’a pas été démontré que notre intervention serait justifiée. 

 

[7]               La contestation de la décision du Conseil se résume à ceci : il n’était pas raisonnable de la part du Conseil de se fier à des cartes d’adhésion syndicale signées de nombreux mois, et même des années, avant la date de présentation de la demande afin de vérifier que les employés souhaitaient adhérer au syndicat défendeur. Dans la même veine, il n’était pas raisonnable de la part du Conseil de se fier au versement des cotisations syndicales puisque les employés étaient tenus d’effectuer de tels versements, sans égard à leur volonté d’adhérer ou non au syndicat défendeur. La demanderesse soutient que cela se révèle particulièrement vrai compte tenu de l’article 31 du Règlement.

 

[8]               En ce qui a trait au premier argument, l’alinéa 28c) du Code confère au Conseil le pouvoir discrétionnaire de décider si les employés souhaitent que le syndicat les représente « à la date du dépôt de la demande, ou à celle qu’il estime indiquée [...] ». Il s’ensuit qu’il n’y a pas de limite temporelle imposée au Conseil dans son évaluation de l’intention des employés. À cet égard, le Conseil a affirmé (paragraphe 26 des motifs) :

 

En ce qui a trait à la question de la date de certaines des cartes de membre, le Conseil a jugé que le libellé de l’alinéa 31(1)a) du Règlement n’impose pas une limite temporelle à la validité des demandes d’adhésion, contrairement à l’alinéa 31(1)b). Ainsi, le Conseil a conclu qu’il n’y a aucune restriction quant à son habilité à accepter des demandes d’adhésion présentées par le syndicat. Bien que le Conseil préfère ordinairement que les demandes d’adhésion soient relativement récentes, dans les circonstances exceptionnelles de la présente affaire, où le syndicat a effectué un recrutement auprès des entrepreneurs postaux, a présenté une demande au Conseil puis est arrivé à une entente avec l’employeur en vue d’obtenir une reconnaissance volontaire, le Conseil est disposé à conclure que les demandes d’adhésion présentées par le syndicat sont toujours valides et qu’elles peuvent être utilisées pour déterminer la volonté des employés aux fins de l’article 28 du Code. Le fait que l’employeur a confirmé en 2003 que le STTP l’avait convaincu que le syndicat détenait l’appui de la majorité, auquel il faut ajouter que le Conseil n’a reçu d’observations d’aucun des membres de l’unité de négociation proposée, même si un avis de la demande a été affiché à chaque lieu de travail pendant la période requise, appuie la conclusion du Conseil que les employés désirent toujours être représentés par le syndicat.

 

 

[9]               Il n’a pas été démontré que cette conclusion était déraisonnable.

 

[10]           Pour ce qui est du deuxième argument, le Conseil a signalé que les types de preuve admissible, en ce qui concerne la volonté des employés d’adhérer à un syndicat particulier, exposés à l’article 31 du Règlement ne sont pas exhaustifs. Selon le Conseil, ils ne limitent pas à la preuve dont le Conseil peut tenir compte dans son évaluation de la volonté des employés (paragraphe 28 des motifs) :

 

Le Conseil dispose d’une grande latitude pour déterminer la volonté des employés et, bien que les dispositions de l’article 31 du Règlement fournissent des exemples de preuve admissible, elles ne limitent pas sa latitude à cet égard. Dans Débardeurs et affiliés de Sainte-Croix, précitée, le Conseil a effectué une analyse approfondie du pouvoir discrétionnaire qu’il détient pour déterminer la volonté des employés et a indiqué que la preuve d’une adhésion continue et du paiement des cotisations syndicales au moyen d’un précompte des cotisations peut constituer une preuve admissible de la volonté des employés.

 

 

[11]           Le Conseil a ensuite statué (paragraphe 29 des motifs) :

 

Compte tenu des circonstances exceptionnelles de la présente affaire, y compris le fait que le syndicat avait déjà démontré en 2003 que la majorité des employés de l’unité de négociation désirait que le syndicat les représente, avait retiré sa demande d’accréditation initiale après avoir conclu une entente de reconnaissance volontaire avec l’employeur et signé une convention collective que les employés ont ratifiée, le Conseil était convaincu, dans l’affaire à l’étude, que la preuve des paiements versés au syndicat par l’application d’une disposition de précompte des cotisations syndicales dans la convention collective constituait une preuve d’adhésion admissible. Par conséquent, le Conseil a déterminé que la preuve d’adhésion établissait que la majorité des employés de l’unité de négociation désire être représentée par le syndicat.

 

 

[12]           Encore une fois, il n’a pas été démontré que cette conclusion était déraisonnable.

 

[13]           Enfin, pour ce qui est du refus du Conseil de décrire l’unité de négociation en se reportant à l’entente intervenue en 2003, le Conseil a signalé à juste titre qu’il n’est pas restreint par la description de l’unité proposée dans la demande d’accréditation présentée par un syndicat, et qu’il n’est pas lié non plus par des ententes qu’auraient conclues les parties (paragraphe 20 des motifs). Le Conseil a expliqué de manière détaillée pourquoi il a choisi de ne pas reprendre la formulation de l’entente en vue de l’accréditation de l’unité de négociation (paragraphes 21 à 24 des motifs). Nous ne pouvons déceler d’erreur à cet égard.

 

[14]           Les deux demandes de contrôle judiciaire seront rejetées avec un seul mémoire de dépens dans le dossier A-579-08.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B., trad.a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  A-579-08

                                                                        A-110-09

 

 

INTITULÉ :                                                   Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 20 janvier 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                              Le juge en chef Blais

                                                                        Le juge Létourneau

                                                                        Le juge Noël

 

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :                Le juge Noël

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael S. Smyth

John Craig

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Gaston Nadeau

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Trudel Nadeau

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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