Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20100122

Dossier : A-391-09

Référence : 2010 CAF 25

 

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

 

 

 

ENTRE :

DOREEN TENNINA

appelante

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

ET ENTRE :

NADINE TALOTTA

appelante

 

et

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

 

 

 

 

ET ENTRE :

FRANCESCO CARNOVALE

appelant

 

et

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

 

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2010.

 

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                    LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                              LE JUGE NOËL

                                                                                                LE JUGE EVANS

 


Date : 20100122

Dossier : A-391-09

Référence : 2010 CAF 25

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

DOREEN TENNINA

appelante

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

ET ENTRE :

NADINE TALOTTA

appelante

 

et

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

 

 

 


ET ENTRE :

FRANCESCO CARNOVALE

appelant

 

et

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

[1]               Le ministre du revenu national (le ministre) sollicite l’annulation de l’avis d’appel des appelants déposé le 29 septembre 2009 contre les ordonnances de la Cour fédérale du 1er septembre 2009 rendues en application des paragraphes 225.2(1) et 225.2(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi). Les ordonnances en question sont mieux connues sous le nom d’ordonnances conservatoires. Les appelants ont également déposé un avis de requête en révision sur le fondement du paragraphe 225.2(8) de la Loi devant la Cour fédérale à l’égard des mêmes ordonnances conservatoires.

 

Les dispositions législatives applicables

[2]               L’article 225.2 de la Loi est joint à l’annexe « A » des présents motifs. En bref, l’article 225.1 de la Loi interdit le ministre de prendre les mesures de recouvrement prévues aux alinéas 225.1a) à g) lorsqu’un montant d’une cotisation établie en vertu de la Loi est en litige. Cette restriction vise à empêcher le ministre de prendre des mesures de recouvrement au titre de l’impôt avant la conclusion de l’opposition à la cotisation ou de l’appel de la cotisation ou avant l’expiration du délai prescrit pour déposer une telle opposition ou un tel appel.

 

[3]               Le paragraphe 225.2(2) constitue une exception à l’interdiction prévue à l’article 225.1. Sur requête ex parte du ministre, le juge l’autorise à procéder au recouvrement s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi au contribuable d’un délai pour payer le montant compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant. Le contribuable peut ensuite demander au tribunal de réviser l’autorisation sur le fondement du paragraphe 225.2(8) de la Loi. Le juge qui instruit la requête en révision peut confirmer, annuler ou modifier l’autorisation et rendre toute autre ordonnance qu’il juge indiquée. Conformément au paragraphe 225.2(13), l’ordonnance de révision est finale et sans appel.

 

L’avis d’appel des appelants

[4]               Dans leur avis d’appel, les appelants demandent l’annulation des ordonnances conservatoires et des mesures de recouvrement prises conformément aux ordonnances ainsi que l’application de la procédure normale visée à l’article 225.1 de la Loi au motif que les [traduction] « dispositions concernant la requête ex parte prévues à l’article 225.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu sont inopérantes et inconstitutionnelles ». Les demandeurs allèguent divers manquements à la Charte canadienne des droits et libertés.

 

 

 

Les arguments

[5]               Le ministre prétend que l’article 225.2 de la Loi établit une procédure complète et exhaustive pour contester une ordonnance conservatoire. Les appelants doivent suivre cette procédure (paragraphe 225.2(8) de la Loi), et le paragraphe 225.2(13) leur interdit expressément d’interjeter appel devant la Cour.

 

[6]               Les appelants font valoir que le paragraphe 225.2(13) a simplement pour effet d’interdire [traduction] « précisément et strictement » l’interjection d’un appel d’une demande fondée sur les paragraphes 225.2(8) et 225.2(11) de la Loi. Il n’empêche pas d’interjeter appel de l’ordonnance initiale, [traduction] « particulièrement lorsque les appelants contestent, pour des motifs constitutionnels, la compétence de la Cour fédérale pour rendre une ordonnance en application du paragraphe 225.2(2) ». Il semblerait que la requête en révision présentée devant la Cour fédérale est fondée sur les mêmes motifs.

 

Analyse

[7]               Pour les motifs suivants, je conclus que l’avis d’appel des appelants doit être radié.

 

[8]               Premièrement, il ne convient pas que deux mêmes parties soulèvent la même question dans un dossier identique, simultanément, devant deux tribunaux. Une telle approche risque de causer des décisions contradictoires et de déconsidérer l’administration de la justice : Del Zotto c. Canada (Ministre du revenu national) (2000), 181 F.T.R. 168 (C.F.).

 

[9]               Deuxièmement, la Cour suprême du Canada a affirmé à plusieurs reprises, en matière d’interprétation de la loi, qu’il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Bien que la législation canadienne en matière d’impôt ait reçu une interprétation stricte à une époque où l’interprétation littérale des lois était plus courante, aujourd’hui, toutes les lois, y compris la Loi de l’impôt sur le revenu, doivent être interprétées de manière textuelle, contextuelle et téléologique : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601. Les dispositions de la Loi doivent être interprétées de manière à assurer l’uniformité, la prévisibilité et l’équité : Shell Canada Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622.

 

[10]           L’article 225.2 de la Loi comporte des dispositions exhaustives concernant les ordonnances conservatoires. Le législateur prévoit un recours pour les contribuables lésés par une ordonnance conservatoire ex parte. Le paragraphe 225.2(8) prévoit que sur demande du contribuable, un juge du même tribunal qui a accordé l’autorisation visée au paragraphe 225.2(2) peut réviser l’ordonnance. Le paragraphe 225.2(11) confère des pouvoirs généraux au juge de révision, qui peut annuler ou modifier l’autorisation et rendre toute autre ordonnance qu’il juge indiquée. En bref, le texte législatif prévoit et incorpore un mécanisme de révision à l’égard des ordonnances ex parte. Le mécanisme adopté et légiféré par le législateur est celui prévu au paragraphe 225.2(8), ni plus ni moins.

 

[11]           Il est bien établi en droit que, conformément au paragraphe 225.2(13), l’ordonnance rendue en application du paragraphe 225.2(11) est sans appel : Papa c. sa Majesté la Reine, 2009 CAF 112, 2009 DTC 5090; Dauphin c. Canada, 2009 CAF 257, 2009 DTC 5164. Il est également bien établi en droit qu’une personne n’a pas le droit d’interjeter appel d’une décision sauf si la loi l’autorise expressément; la Charte ne confère pas ce droit. L’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, lequel accorde le droit d’interjeter appel, peut être écarté par d’autres lois : Canada (Secrétaire d’État) c. Luitjens, (1992) 142 N.R. 173 (C.A.F.); autorisation d’appel refusée, (1992) 143 N.R. 316 n. S’appuyant sur l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, les appelants cherchent à faire indirectement ce qu’ils ne peuvent faire directement.

 

[12]           Troisièmement, bien qu’il soit incontestablement loisible aux parties de contester la constitutionnalité d’une loi ou des dispositions d’une loi particulière, le fait d’invoquer l’invalidité constitutionnelle ne crée pas de droit d’appel lorsqu’il n’en existe pas autrement.

 

[13]           En résumé, une ordonnance rendue en application du paragraphe 225.2(2) de la Loi est sans appel. Les appelants peuvent uniquement se prévaloir de la révision prévue au paragraphe 225.2(8).

 

[14]           Par conséquent, je radierais l’avis d’appel avec dépens en faveur de l’intimé.

 

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Marc Noël j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            John M. Evans j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau

 


ANNEXE « A »

 

Loi de l’impôt sur le revenu (1985, ch. 1 (5e suppl.))

 

 

225.2 (1) Au présent article, « juge » s’entend d’un juge ou d’un juge local d’une cour supérieure d’une province ou d’un juge de la Cour fédérale.

 

Recouvrement compromis

 

(2) Malgré l’article 225.1, sur requête ex parte du ministre, le juge saisi autorise le ministre à prendre immédiatement des mesures visées aux alinéas 225.1(1)a) à g) à l’égard du montant d’une cotisation établie relativement à un contribuable, aux conditions qu’il estime raisonnables dans les circonstances, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi à ce contribuable d’un délai pour payer le montant compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant.

 

Recouvrement compromis par la réception d’un avis de cotisation

 

(3) Le juge saisi peut accorder l’autorisation visée au paragraphe (2), même si un avis de cotisation pour le montant de la cotisation établie à l’égard du contribuable n’a pas été envoyé à ce dernier au plus tard à la date de la présentation de la requête, s’il est convaincu que la réception de cet avis par ce dernier compromettrait davantage, selon toute vraisemblance, le recouvrement du montant. Pour l’application des articles 222, 223, 224, 224.1, 224.3 et 225, le montant visé par l’autorisation est réputé être un montant payable en vertu de la présente loi.

 

 

 

Affidavits

 

(4) Les déclarations contenues dans un affidavit produit dans le cadre de la requête visée au présent article peuvent être fondées sur une opinion si des motifs à l’appui de celle-ci y sont indiqués.

 

Signification de l’autorisation et de l’avis de cotisation

 

(5) Le ministre signifie au contribuable intéressé l’autorisation visée au présent article dans les 72 heures suivant le moment où elle est accordée, sauf si le juge ordonne qu’elle soit signifiée dans un autre délai qui y est précisé. L’avis de cotisation est signifié en même temps que l’autorisation s’il n’a pas été envoyé au contribuable au plus tard au moment de la présentation de la requête.

 

 

Mode de signification

 

(6) Pour l’application du paragraphe (5), l’autorisation est signifiée au contribuable soit par voie de signification à personne, soit par tout autre mode ordonné par le juge.

 

 

 

Demande d’instructions au juge

 

(7) Lorsque la signification au contribuable ne peut par ailleurs être raisonnablement effectuée conformément au présent article, le ministre peut, dès que matériellement possible, demander d’autre instructions au juge.

 

Révision de l’autorisation

 

(8) Dans le cas où le juge saisi accorde l’autorisation visée au présent article à l’égard d’un contribuable, celui-ci peut, après avis de six jours francs au sous‑procureur général du Canada, demander à un juge de la cour de réviser l’autorisation.

 

Délai de présentation de la requête

 

 

(9) La requête visée au paragraphe (8) doit être présentée:

a) dans les 30 jours suivant la date où l’autorisation a été signifiée au contribuable en application du présent article;

b) dans le délai supplémentaire que le juge peut accorder s’il est convaincu que le contribuable a présenté la requête dès que matériellement possible.

 

Huis clos

 

(10) Une requête visée au paragraphe (8) peut, à la demande du contribuable, être entendue à huis clos si le contribuable démontre, à la satisfaction du juge, que les circonstances le justifient.

 

 

Ordonnance

 

(11) Dans le cas d’une requête visée au paragraphe (8), le juge statue sur la question de façon sommaire et peut confirmer, annuler ou modifier l’autorisation et rendre toute autre ordonnance qu’il juge indiquée.

 

 

Mesures non prévues

 

(12) Si aucune mesure n’est prévue au présent article sur une question à résoudre en rapport avec une chose accomplie ou en voie d’accomplissement en application du présent article, un juge peut décider des mesures qu’il estime les plus aptes à atteindre le but du présent article.

 

 

Ordonnance sans appel

 

(13) L’ordonnance rendue par un juge en application du paragraphe (11) est sans appel.

 

225.2 (1) In this section, “judge” means a judge or a local judge of a superior court of a province or a judge of the Federal Court.

 

Authorization to proceed forthwith

 

(2) Notwithstanding section 225.1, where, on ex parte application by the Minister, a judge is satisfied that there are reasonable grounds to believe that the collection of all or any part of an amount assessed in respect of a taxpayer would be jeopardized by a delay in the collection of that amount, the judge shall, on such terms as the judge considers reasonable in the circumstances, authorize the Minister to take forthwith any of the actions described in paragraphs 225.1(1)(a) to 225.1(1)(g) with respect to the amount.

 

Notice of assessment not sent

 

 

(3) An authorization under subsection 225.2(2) in respect of an amount assessed in respect of a taxpayer may be granted by a judge notwithstanding that a notice of assessment in respect of that amount has not been sent to the taxpayer at or before the time the application is made where the judge is satisfied that the receipt of the notice of assessment by the taxpayer would likely further jeopardize the collection of the amount, and for the purposes of sections 222, 223, 224, 224.1, 224.3 and 225, the amount in respect of which an authorization is so granted shall be deemed to be an amount payable under this Act.

 

Affidavits

 

(4) Statements contained in an affidavit filed in the context of an application under this section may be based on belief with the grounds therefor.

 

 

Service of authorization and of notice of assessment

 

(5) An authorization granted under this section in respect of a taxpayer shall be served by the Minister on the taxpayer within 72 hours after it is granted, except where the judge orders the authorization to be served at some other time specified in the authorization, and, where a notice of assessment has not been sent to the taxpayer at or before the time of the application, the notice of assessment shall be served together with the authorization.

 

How service effected

 

(6) For the purposes of subsection 225.2(5), service on a taxpayer shall be effected by

(a) personal service on the taxpayer; or

(b) service in accordance with directions, if any, of a judge.

 

Application to judge for direction

 

(7) Where service on a taxpayer cannot reasonably otherwise be effected as and when required under this section, the Minister may, as soon as practicable, apply to a judge for further direction.

 

 

Review of authorization

 

(8) Where a judge of a court has granted an authorization under this section in respect of a taxpayer, the taxpayer may, on 6 clear days notice to the Deputy Attorney General of Canada, apply to a judge of the court to review the authorization.

 

Limitation period for review application

 

(9) An application under subsection 225.2(8) shall be made

(a) within 30 days from the day on which the authorization was served on the taxpayer in accordance with this section; or

(b) within such further time as a judge may allow, on being satisfied that the application was made as soon as practicable.

 

 

Hearing in camera

 

(10) An application under subsection 225.2(8) may, on the application of the taxpayer, be heard in camera, if the taxpayer establishes to the satisfaction of the judge that the circumstances of the case justify in camera proceedings.

 

Disposition of application

 

(11) On an application under subsection 225.2(8), the judge shall determine the question summarily and may confirm, set aside or vary the authorization and make such other order as the judge considers appropriate.

 

Directions

 

(12) Where any question arises as to the course to be followed in connection with anything done or being done under this section and there is no direction in this section with respect thereto, a judge may give such direction with regard thereto as, in the opinion of the judge, is appropriate.

 

No appeal from review order

 

(13) No appeal lies from an order of a judge made pursuant to subsection 225.2(11).

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-391-09

 

INTITULÉ :                                                   Doreen Tennina et al c
Ministre du Revenu national

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 22 janvier 2010

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Rocco Galati

 

POUR LES APPELANTS

 

Nancy Arnold

Angela Shen

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ROCCO GALATI LAW FIRM

PROFESSIONAL CORPORATION

Toronto (Ontario)

 

POUR LES APPELANTS

 

JOHN H. SIMS, c.r.

SOUS‑PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.