Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour d’appel fédérale

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20100604

Dossier : A-50-10

Référence : 2010 CAF 149

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence de Madame la juge Sharlow

 

ENTRE :

PAUL CHEUNG ET LIONS COMMUNICATIONS INC.

demandeurs

et

 

TARGET EVENT PRODUCTION LTD.

défenderesse

 

 

 

 Entendue par téléconférence à Ottawa (Ontario), et

tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 4 juin 2010.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 4 juin 2010.

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :                                                         LA JUGE SHARLOW                                                            

 


Cour d’appel fédérale

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20100604

Dossier : A-50-10

Référence : 2010 CAF 149

 

En présence de Madame la juge Sharlow   

 

ENTRE :

PAUL CHEUNG ET LIONS COMMUNICATIONS INC .

demandeurs

et

 

TARGET EVENT PRODUCTION LTD.

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

[1]               PAUL CHEUNG ET LIONS COMMUNICATIONS INC. (collectivement, « Lions ») ont interjeté appel, et la défenderesse Target Event Production Ltd. (« Target ») a interjeté l’appel incident du jugement dans le cadre de l’action T-702-08 (2010 CF 27). Dans cette action, Target a réclamé des dommages-intérêts et d’autres réparations contre Lions pour violation du droit d’auteur et imitation frauduleuse (passing-off) relativement à l’entreprise de Target, le Marché Richmond Night, qui exerçait ses activités de 2000 à 2007. Durant les trois dernières années, le Marché Richmond Night était situé sur la propriété du Vulcan Way à Richmond, en Colombie-Britannique. Le bail a expiré en 2007 et n’a pas été renouvelé. À partir de 2008, Lions ont exploité un marché similaire appelé le Marché Summer Night, sur la propriété de Vulcan Way.

 

[2]               L’action de Target a été accueillie en partie, dans un jugement qui se lit comme suit :

 

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS, LA COUR ORDONNE que soit versée à la demanderesse [Target] la somme suivante :

 

(i)                  une somme de 15 000 $ au titre des dommages-intérêts pour violation du droit d’auteur et commercialisation trompeuse, pour le paiement de laquelle Lions et Paul Cheung sont tous deux responsables solidairement;

(ii)                les dépens payables sur la base avocat-client;

(iii)               les intérêts payables en vertu de la Court Order Interest Act, R.S.B.C. 1996.

 

LA COUR DÉCLARE ÉGALEMENT qu’il existe un droit d’auteur sur le plan du site du marché de Target et que ce droit d’auteur a été violé en 2008 sur la propriété de Vulcan Way lors de la construction du Marché Lions.

 

LA COUR ENJOINT aux défendeurs de cesser de violer le droit d’auteur de la demanderesse sur le plan du site du marché de Target en exploitant un marché qui constitue une reproduction d’une partie importante du plan du site du marché de Target. Pour plus de clarté, je signale que cette violation peut être évitée de plusieurs façons, notamment par :

 

         l’achat par Lions du plan du site du marché de Target;

         le réaménagement par Lions du Marché Lions de manière à ce qu’il ne constitue plus une reproduction d’une partie importante;

        la fermeture par Lions du Marché Lions.

 

[3]               Comme il a été mentionné, Lions ont porté cette décision en appel et Target a interjeté l’appel incident. L’avis d’appel de Lions conteste la plupart des questions de fond qui ont été décidées en faveur de Target. Il conteste également l’adjudication des dépens sur la base avocat-client sur un certain nombre de motifs, incluant l’omission du juge de fournir des raisons pour l’adjudication de dépens sur une base avocat-client. Lions demandent un sursis d’exécution du jugement et les procédures associées à l’évaluation des coûts en attendant la décision de l’appel et de l’appel incident. La préoccupation la plus urgente est l’adjudication des dépens sur la base avocat-client, pour laquelle Target réclame approximativement 265 000 $.

 

[4]               Un sursis interlocutoire a été accordé le 20 mai 2010 en attendant la décision de la requête en sursis, sous réserve que Lions consignent à la Cour le montant des dommages-intérêts accordés au procès, soit 15 000 $. Ce paiement a été effectué le 20 mai 2010. L’ordonnance de sursis exigerait les 15 000 $ pour demeurer à la Cour en attendant la décision de l’appel et de l’appel incident.

 

[5]               Cette requête a été entendue par téléconférence. À la fin de la téléconférence, j’ai informé les parties que la requête en sursis sera accordée en attendant la décision de l’appel et de l’appel incident, sous réserve de deux conditions : (1) que les 15 000 $ déposés en Cour soient retenus en attendant la décision de l’appel et de l’appel incident; et (2) que Lions fassent de leur mieux pour s’assurer que les démarches nécessaires afin que la question à trancher soit prête pour audition soient terminées le plus tôt possible de telle sorte que l’audience soit fixée à la première date disponible. J’ai également informé les parties que les dépens suivront l’issue de la cause, et que mes motifs pour accorder le sursis seraient émis prochainement. Voici ces motifs.

 

[6]               Au soutien de la requête en sursis, Lions ont fourni des éléments de preuve, qui demeurent ni contestés ni contredits, indiquant que a) Lions Communications Inc. deviendrait insolvable si elle était tenue de payer la somme de 265 000 $ en attendant l’issue de l’appel b) M. Cheung n’a pas les moyens de payer cette somme, et c) les procédures d’adjudication des dépens nécessiteront des ressources considérables en ce qui concerne le temps et les frais juridiques.

 

[7]               Lions soutiennent que si les dépens avocat-client sont taxés au montant de 265 000 $ et qu’ils sont obligés de payer cette somme, ils pourraient être incapables de recouvrer le montant si l’appel des dépens adjugé est accueilli et l’appel incident échoue. Cet argument est fondé sur les états financiers de Target déposés comme pièces dans la procédure de la Cour fédérale. Target soutient que ses états financiers démontrent sa solvabilité. Cela peut être le cas à la fin de l’année 2008. Toutefois, Target n’a pas fourni d’éléments de preuve de sa situation financière actuelle.

 

[8]               Compte tenu du dossier devant moi, il n’est pas clair si la position d’actif net divulguée dans le bilan de l’année 2008 de Target tient compte des frais juridiques de 265 000 $ qui, selon la demande de dépens avocat-client de Target, ont été engagés devant la Cour fédérale. Une dépense de cette envergure accumulée après la fin de 2008 augmenterait les obligations de Target au point qu’elle dépasserait la valeur comptable de ses actifs. De plus, il est clair que Target n’a pas opéré de marché depuis le Marché Richmond Night qui a fermé en 2007. Il est raisonnable de déduire, compte tenu de la preuve mise à ma disposition, que Target n’aurait pas les moyens de repayer la somme de 265 000 $ à Lions si les dépens avocat-client sont payés, mais si l’appel des dépens adjugé est accueilli et l’appel incident échoue.

 

[9]               Target soutient également que Lions ont retardé de manière déraisonnable l’introduction de cette requête en sursis. Le jugement porté en appel a été rendu en janvier de l’année 2010. À la fin du mois de mars, Lions ont été informés du montant que Target réclamait pour ses dépens sur la base avocat-client. Moins de six semaines plus tard, Lions ont écrit à la Cour pour demander une date d’audition rapprochée pour une requête en sursis, et ont joint un affidavit, un projet d’avis de requête et un projet de mémoire des faits et du droit. L’avocat de Target était en pièce jointe avec les documents. Durant l’intervalle, Lions ont essayé d’obtenir le consentement de Target afin de reporter les démarches pour exécuter le jugement, incluant les procédures d’adjudication des dépens. Vu les faits de l’espèce, je ne suis pas convaincue qu’il y a eu un délai déraisonnable de la part de Lions.

 

 

[10]           Je souligne en passant que l’avocat de Lions a formulé un certain nombre d’allégations de conduite irrégulière de la part de l’avocat de Target. À mon avis, ces allégations ne sont pas bien fondées et je n’en ai pas tenu compte. Le dossier révèle que Target a présenté rapidement et peut-être de quelque façon énergiquement pour exécuter le jugement et protéger les intérêts de Target, et n’a pas accédé aux demandes de l’avocat de Lion pour cesser ces activités. Toutefois, rien ne permet de conclure que ces actes étaient inappropriés.

 

[11]           Target soutient que Lions devraient être privés de solliciter une réparation en equity puisqu’ils ne sont pas sans reproche. Cet argument est fondé sur l’élément de preuve selon laquelle en mars 2010, Lions ont exercé des activités de commercialisation en utilisant un plan d’aménagement qui, selon l’avocat de Target, est suffisamment semblable au plan d’aménagement faisant l’objet de la demande de droit d’auteur de Target, de manière à former une violation additionnelle au droit d’auteur de Target. Target soutient que Lions auraient dû divulguer que ses activités de commercialisation du mois de mars 2010 utilisaient ce plan d’aménagement « similaire ». Target soutient également qu’une telle utilisation peut constituer un manquement à l’injonction dans le jugement porté en appel.

 

[12]           Je ne suis pas convaincue que Lions avaient l’obligation, quand ils ont demandé le sursis, de divulguer qu’en mars 2010, leurs activités de commercialisation utilisaient un plan d’aménagement en particulier. La requête en sursis n’a pas été présentée ex parte. Si j’accepte d’emblée la preuve soumise par Target en opposition à cette requête en sursis, Target avait connaissance, en mars 2010, avant que ne soit présentée la requête en sursis, la façon dont Lions avaient exploité leurs activités de commercialisation.

 

[13]           Quant à la prétention que Lions ont encore une fois violé le droit d’auteur de Target dans les plans d’aménagement ou qu’ils ont violé l’injonction, je souligne que le plan d’aménagement de mars 2010 qui aurait servi à Lions durant ce mois est semblable au plan d’aménagement de Target protégé par le droit d’auteur, mais qu’il est également différent à certains égards. Je ne suis pas disposé à conclure, compte tenu du peu d’éléments de preuve dont je dispose, que Lions ont violé le droit d’auteur de Target ou l’injonction du mois de mars 2010.

 

[14]           Afin de déterminer s’il est question de sursis d’un jugement jusqu’à l’appel, la Cour a uniformément suivi RJR-MacDonald Inc. c. Canada (procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Selon cet arrêt, un sursis peut être accordé si l’appel soulève une question sérieuse à juger, si le demandeur subira un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé, et si la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur.

 

 

[15]           Target a admis avec raison l’existence d’une question sérieuse en litige. Il n’est pas nécessaire que j’ajoute d’autres observations sur le fond.

 

[16]           En ce qui concerne le deuxième critère, je suis convaincue que la situation financière de Lions est telle qu’elle est susceptible de subir un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé. À cet égard, je n’accepte pas l’argument de Target selon lequel la preuve du préjudice irréparable est insuffisante et hypothétique. À mon avis, le dossier appuie l’inférence que le paiement des dépens s’élevant à 265 000 $ porterait atteinte à la capacité de Lions Communications Inc. de poursuivre ses activités.

 

[17]           Target a soutenu que je devrais tenir compte du fait que l’adjudication des dépens peut être évaluée à une somme inférieure à la somme de 265 000 $ demandée. Cela est possible, certes, mais je n’ai aucune preuve qui me permet d’évaluer le bien-fondé de la demande, même si j’étais disposé à le faire.

 

[18]           Je suis conscient des autorités pour lesquelles la perspective d’une difficulté financière ne satisfait pas au critère du préjudice irréparable. Toutefois, je n’interprète pas ces décisions comme établissant que les difficultés financières ne peuvent jamais être un préjudice irréparable. À mon avis, il s’agit d’une conclusion de fait qui doit être tirée en fonction de chaque cas.

 

[19]           Je conclus également que la prépondérance des inconvénients est en faveur de Lions. J’infère de la preuve documentaire dont je dispose qu’il existe un risque sérieux de non-recouvrement si l’appel est accueilli à l’égard de l’adjudication des dépens sur la base avocat-client. À cet égard, je tire une conclusion défavorable de l’omission de Target de fournir les renseignements au sujet de sa situation financière. En revanche, tout en reconnaissant que Lions deviendraient insolvables s’ils devaient maintenant payer 265 000 $ en dépens avocat-client, rien ne me permet de conclure que la situation financière de Lions est susceptible de se détériorer, ou que la capacité de Target d’exécuter sa demande de dépens avocat-client pourrait être compromise si le sursis est accordé et le pourvoi échoue.

 

[20]           Target a soutenu que si un sursis est accordé, il ne doit s’appliquer qu’à l’exécution de quelconque évaluation d’adjudication. À mon avis, ce n’est pas une manière acceptable étant donné que Lions seraient obligés d’allouer des ressources au processus d’évaluation. Ces ressources deviendraient inutiles si l’appel de l’adjudication des dépens avocat-client était accueilli.

 

 

[21]           Lions ont demandé leurs dépens de la présente requête sur un « barème supérieur », c’est-à-dire les dépens taxés conformément à la colonne V du tarif B des Règles des Cours fédérales. Je ne vois aucune raison de s’écarter du barème des dépens habituel dans la présente requête (colonne III), ou de s’écarter de la règle habituelle selon laquelle les dépens d’une requête interlocutoire doivent être les dépens qui suivent l’issue de la cause.

 

[22]           L’avocat de Lions soutient, en se rapportant à la Règle 420 des Règles des Cours fédérales, que n’importe quels dépens adjugés doivent être doublés en raison de ce qu’il appelle l’offre de règlement écrit au début du mois de mai. L’avocat de Target affirme que la lettre en question n’était pas une offre de règlement et ne peut justifier une adjudication du double des dépens. En fait, la lettre était une offre de la part de Lions de fournir à Target une sécurité de 15 000 $ de dommages-intérêts (par un paiement à l’avocat en fiducie ou une consignation à la Cour) et de ne pas solliciter un sursis d’exécution du jugement, si Target arrêtait les procédures d’adjudication des dépens, s’abstenait d’intenter des procédures pour outrage, et ne faisait aucune « contestation incidente » contre l’entreprise Lions. Comme j’ai déterminé que les dépens de la présente requête sont les dépens qui suivront l’issue de la cause, il n’est pas nécessaire de déterminer, à ce stade-ci, si la lettre a un effet ou devrait avoir un effet sur le montant des dépens dans la présente requête. Cet aspect devrait être examiné quand les dépens de la requête sont adjugés après l’appel et l’appel incident.

 

[23]           Dans leurs observations, les deux avocats ont tenté de proposer des sommes qui pourraient être appropriées pour l’adjudication dans la présente requête. Toutefois, il était évident que les avocats n’étaient pas pleinement disposés à traiter la question du montant des dépens. Pour ce motif, je ne fixerai pas les dépens de cette requête.

 

 

K. Sharlow

j.c.a.

 

 


 COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                                                 A-50-10         

 

 

INTITULÉ :                                                                           Paul Cheung et Lions Communications Inc. c. TARGET EVENT PRODUCTION LTD.           

 

REQUÊTE ENTENDUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE AVEC COMPARUTION DES PARTIES

 

 

DATE DE LA TÉLÉCONFÉRENCE :                                Le 4 juin 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 4 JUIN 2010         

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Howard K. Knopf

Me Katherine Ducey

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Me Paul Smith

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Macera & Jarzyna LLP

Ottawa (Ontario)

 

Campbell, Froh, May ET Rice LLP

Richmond (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

POUR LES DEMANDEURS

Smiths IP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.