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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20100721

Dossier : A-454-09

Référence : 2010 CAF 197

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

ELI LILLY CANADA INC.,

ELI LILLY AND COMPANY,

ELI LILLY AND COMPANY LIMITED et

ELI LILLY SA

appelantes

et

 

NOVOPHARM LIMITED

intimée

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), les 21 et 22 juin 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 juillet 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                   LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LE JUGE NADON

                                                                                                                    LA JUGE SHARLOW


 

Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20100721

Dossier : A-454-09

Référence : 2010 CAF 197

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

ELI LILLY CANADA INC.,

ELI LILLY AND COMPANY,

ELI LILLY AND COMPANY LIMITED et

ELI LILLY SA

appelantes

et

 

NOVOPHARM LIMITED

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]        Les demanderesses (Lilly) ont intenté une action en contrefaçon de brevet contre la défenderesse (Novopharm) relativement au brevet d'invention canadien no 2 041 113 (le brevet 113), un brevet de sélection protégeant le composé olanzapine (vendu sous le nom de marque Zyprexa), dont Lilly est propriétaire. L'olanzapine est utilisée pour traiter la schizophrénie.

 

[2]        Des années auparavant, Lilly avait obtenu le brevet d'invention canadien no 1 075 687 (le brevet 687), un brevet de genre englobant quelque 15 billions de composés considérés comme utiles dans le traitement de l'anxiété légère et de certains troubles psychotiques, tels que la schizophrénie et la manie aiguë. Le brevet 687 a expiré il y a 15 ans.

 

[3]        Novopharm a déposé une défense et demande reconventionnelle à l'égard de l'action en contrefaçon de Lilly. Novopharm soutenait que Lilly ne pouvait obtenir gain de cause parce que le brevet 113 était invalide. À la suite d'un procès qui a duré 44 jours et au cours duquel quelque 30 témoins ont témoigné, un juge de la Cour fédérale (le juge de première instance) a donné raison à Novopharm et a rejeté l'action de Lilly. Les revendications du brevet 113 ont été jugées invalides : voir la décision 2009 CF 1018 de la Cour fédérale.

 

[4]        Lilly interjette appel du jugement de la Cour fédérale. Bien que diverses observations et divers arguments aient été avancés en appel, le point litigieux principal soulève une seule question : les conditions de validité d'un brevet de sélection constituent‑elles un motif distinct de contestation de la validité d'un brevet? Je conclus que la réponse à cette question est négative. Le juge de première instance est parvenu à la conclusion contraire. À mon avis, il a commis une erreur en concluant ainsi et, parce qu'il a abordé la question sous cet angle, il n'a pas bien analysé les questions de l'évidence, du double brevet, de l'utilité et de la suffisance.

 

Le contexte

[5]        La chlorpromazine a été le premier médicament antipsychotique offert sur le marché, en 1953. Malgré son utilité dans le traitement de la schizophrénie, le médicament entraînait des effets secondaires extrapyramidaux (ESEP) comme des contractions involontaires graves de la face et de la langue ainsi que des distorsions corporelles douloureuses. L'halopéridol, lancé dans les années 1960, provoquait également des ESEP. On appelle ces médicaments des antipsychotiques « typiques » ou de première génération. La clozapine, un antipsychotique « atypique » ou de deuxième génération, a été introduite en 1968. La clozapine ne provoquait pas d'ESEP, mais causait de graves effets secondaires hématologiques (diminution considérable du nombre de globules blancs, ou agranulocytose) chez certains patients. Elle a été retirée du marché, puis réintroduite plus tard. Toutefois, les patients qui prennent de la clozapine doivent se soumettre à une surveillance stricte du nombre de leurs globules blancs.

 

[6]        Dans les années 1970, des scientifiques, dont ceux travaillant chez Lilly, se sont mis en quête d'un composé sûr, analogue à la clozapine, qui ne provoquerait pas d'ESEP ni d'agranulocytose. Messieurs Jiban Chakrabarti et David Tupper, chimistes pour Lilly, ont mené des recherches sur des médicaments ayant une activité utile sur le système nerveux central. Ces travaux ont abouti au brevet 687 sur lequel figurent les noms de MM. Chakrabarti et Tupper à titre d'inventeurs. La demande de brevet a été déposée en 1975, et le brevet a été délivré le 15 avril 1980. Il a expiré en avril 1995.

 

[7]        Le brevet 687 visait un vaste genre (ou classe) d'environ 15 billions de composés de thiénobenzodiazépine. Il énumérait des exemples et décrivait les critères relatifs aux composés « privilégiés » et « les plus privilégiés ». Le brevet englobait l'olanzapine, sans la divulguer. Le juge de première instance a conclu que l'olanzapine figurait parmi les composés « les plus privilégiés » (motifs du jugement, par. 23). Le brevet 687 divulguait expressément la flumézapine, l'éthylflumézapine et l'éthylolanzapine (appelé composé 222). Il revendiquait la flumézapine et l'éthylflumézapine (revendications nos 19 et 21).

 

[8]        Le brevet 687 indiquait que les composés de thiénobenzodiazépine avaient démontré une activité utile sur le système nerveux central lors de tests effectués sur des animaux et possédaient de puissantes propriétés neuroleptiques, sédatives, relaxantes et antiémétiques. Ces composés présentaient un bon écart CAR‑CAT. Les résultats du test de CAR (conditionnement d'évitement chez les rongeurs) laissaient entrevoir une utilité antipsychotique possible et ceux du test de CAT (capacité d'induire la catalepsie chez les rongeurs) donnaient une indication sur la survenue d'ESEP. Selon le brevet, grâce à ces propriétés, les composés seraient utiles dans le traitement des états anxieux légers et de certains troubles psychotiques comme la schizophrénie. Les composés affichaient un indice thérapeutique élevé (écart important entre la dose efficace et la dose ayant un effet toxique notable). La gamme des doses efficaces était très large, allant de 0,1 à 20 mg par kg par jour. Le brevet 687, comme l'a conclu le juge de première instance, mettait l'accent sur les composés (leurs éléments, leur structure et leurs procédés de fabrication).

 

[9]        Des recherches plus approfondies ont été menées sur certains des composés visés par le brevet 687. Monsieur Chakrabarti a publié un article en 1980 où il présentait des données sur 76 de ces composés. Au départ, la flumézapine et l'éthylflumézapine semblaient prometteuses. Toutefois, les recherches sur l'éthylflumézapine ont été abandonnées en 1978 après que des études sur le chien eurent montré que le composé causait une réduction du nombre de globules blancs. L'attention s'est alors tournée vers la flumézapine, qui a fait l'objet d'essais cliniques jusqu'à ce qu'on signale, en avril 1982, des taux élevés d'enzymes hépatiques et d'une enzyme musculaire appelée créatine‑phosphokinase (CPK) chez certains patients. En consultation avec la Food and Drug Agency (Agence des aliments et des médicaments, FDA), Lilly a cessé ses essais cliniques. Même si les études sur la flumézapine auraient pu se poursuivre, la direction de Lilly a décidé d'y mettre fin.

 

[10]      Sept autres composés, dont l'olanzapine, ont été synthétisés par la suite. L'équipe de recherche de Lilly préférait l'olanzapine (un composé méthylénique plutôt qu'un composé éthylénique) en raison de sa performance générale dans une batterie de tests in vitro et sur des animaux. En 1983, Lilly était convaincue que l'olanzapine pouvait être un antipsychotique utile. Les études se sont poursuivies et, en 1986, l'olanzapine a été administrée à des volontaires en bonne santé. En 1989, des essais cliniques ont été entrepris chez des patients. Lilly a décidé de déposer le brevet 113, qui indique que l'olanzapine a été sélectionnée à partir de la classe visée par le brevet 687. La demande de brevet pour l'olanzapine a été déposée au Canada le 24 avril 1991, et le brevet 113 a été délivré le 14 juillet 1998.

 

[11]      Le brevet 113 a révélé que Lilly [TRADUCTION] « avait découvert un composé qui possède des propriétés surprenantes et inattendues comparativement à la flumézapine et à d'autres composés apparentés ». Le brevet mentionnait également d'autres avantages perçus de l'olanzapine par rapport à des agents antipsychotiques connus qui n'étaient pas inclus dans le brevet de genre. Selon le brevet, l'olanzapine est un antipsychotique efficace dans le traitement de la schizophrénie, présentant une forte activité [TRADUCTION] « à des doses étonnamment faibles », et le traitement privilégié chez les adultes varie de 0,1 à 20 mg par jour. Le brevet 113 revendiquait aussi les compositions pharmaceutiques du médicament.

 

Le jugement de première instance

[12]      Tel qu'il a été mentionné précédemment, l'instruction de l'action en contrefaçon intentée par Lilly a duré 44 jours au cours desquels quelque 30 personnes ont témoigné. Novopharm a présenté une défense à l'encontre de l'allégation de contrefaçon qui la visait et une demande reconventionnelle au motif que le brevet 113 était invalide, en invoquant plus particulièrement comme moyens l'antériorité, le double brevet, l'erreur dans la désignation de l'inventeur, l'évidence, l'article 53 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4 (la Loi), et l'article 73 de la Loi.

 

[13]      Dans ses motifs de jugement, le juge de première instance a identifié les avantages déclarés dans le brevet 113 par rapport à ceux du brevet 687 et à d'autres antipsychotiques. Il a déterminé que les avantages déclarés par rapport aux composés visés par le brevet 687 comprenaient les suivants : élévation des enzymes hépatiques moins fréquente qu'avec la flumézapine, taux plus faibles de CPK par rapport à la flumézapine, risque plus faible d'ESEP par rapport à la flumézapine, et absence d'augmentation du taux de cholestérol comparativement à l'éthylolanzapine. En ce qui concerne les autres antipsychotiques, les avantages déclarés étaient les suivants : efficacité plus élevée à de faibles doses, plus faible élévation de la prolactine, risque plus faible d'ESEP, et aucun changement dans le nombre de globules blancs.

 

[14]      Le juge de première instance a conclu que si ces avantages constituaient un avantage substantiel procuré par le médicament (ou un désavantage substantiel évité par comparaison au brevet de genre), s'ils étaient connus ou prédits au moment du dépôt et s'ils avaient été suffisamment divulgués, le brevet 113 serait un brevet de sélection valide.

 

[15]      Il a conclu que la preuve relative aux avantages énoncés dans le brevet 113 était insuffisante. Plus particulièrement, le juge de première instance était d'avis que les avantages mentionnés n'étaient pas importants et particuliers, qu'une personne versée dans l'art ne serait pas en mesure de conclure qu'il existe une différence inventive entre le brevet 687 et le brevet 113, qu'il n'avait pas été satisfait au critère de la prédiction valable, que Lilly ne savait pas vraiment ce que seraient les effets de l'olanzapine et que le brevet 113 ne répondait pas aux exigences d'une divulgation suffisante. Son avant‑dernière conclusion était que le brevet 113 ne remplissait pas les conditions de validité d'un brevet de sélection. Dans des motifs brefs, le juge de première instance a conclu que le brevet 113 était invalide pour cause de double brevet, d'antériorité et d'insuffisance de la divulgation. Il a également examiné sommairement la question de l'évidence.

 

La norme de contrôle applicable

[16]      La norme de contrôle est exposée dans Housen c. Nikolaison, [2002] 2 R.C.S. 235. La Cour suprême a répété dans cette décision qu'un appel ne constitue pas un nouveau procès. La norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte, ce qui signifie qu'il est loisible à une cour d'appel de substituer son opinion à celle du juge de première instance. Dans le cas des conclusions de fait, la norme de contrôle applicable est celle de l'erreur manifeste et dominante, c'est‑à‑dire que les conclusions de fait ne peuvent être infirmées en l'absence d'une erreur évidente.

 

Les dispositions légales

[17]      Les dispositions légales dont il est question dans les présents motifs sont reproduites à l'annexe A.

 

Les questions en litige

[18]      Tel qu'il a été mentionné d'entrée de jeu, la principale question soulevée est de savoir si les conditions de validité du brevet de sélection constituent un motif distinct de contestation de la validité d'un brevet. Il s'agit d'une question de droit qui donne matière à révision suivant la norme de la décision correcte. Des questions touchant l'antériorité, l'évidence, la suffisance de la divulgation et le double brevet ont également été soulevées. Les normes de contrôle applicables à ces questions seront déterminées au fur et à mesure que les allégations d'invalidité seront examinées.

 

Les brevets de sélection

[19]      Pour bien situer le premier point en litige, il faut déterminer la nature des brevets de sélection. Le manque de jurisprudence canadienne sur la question des brevets de sélection a été constaté dans Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2007] 2 R.C.F. 137, 2006 CAF 214, autorisation d'appel refusée, [2007] 1 R.C.S. xiii (Pfizer). Le sujet s'est présenté plus fréquemment depuis que cette constatation a été faite, et tout particulièrement dans Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., [2008] 3 R.C.S. 265, 2008 CSC 61 (Sanofi).

 

[20]      Même s'ils ne se limitent pas aux produits chimiques, les brevets de sélection y sont souvent associés. En termes simples, le brevet d'origine (ou de genre) fait habituellement état, en termes généraux, d'un groupe de produits ou de processus qui donnent tous un ou des résultats particuliers, ou dont on peut prédire qu'ils donneront ces résultats. Si on découvre ensuite qu'un ou plusieurs éléments du genre ont une propriété, une qualité ou une utilisation, cette découverte peut constituer une invention donnant naissance à un brevet de sélection valide. Tel qu'il a été expliqué dans Pfizer et Sanofi, les brevets de sélection existent pour encourager les chercheurs à faire davantage preuve de génie inventif de manière à découvrir de nouveaux avantages à des composés appartenant à la catégorie connue.

 

[21]      Un brevet de sélection peut être demandé à l'égard d'un composé sélectionné dans une catégorie comportant des milliers d'éléments ou n'en comportant que deux. Dans la présente affaire, comme nous l'avons déjà vu, le brevet 687 englobait environ 15 billions de composés de thiénobenzodiazépine. Le brevet 113 vise un composé chimique spécifique, l'olanzapine, ou un sel d'addition acide de ce composé.

 

[22]      Dans Sanofi, on a soulevé la question de savoir si le fait qu'un brevet avait été délivré pour un genre de composés signifiait forcément qu'un brevet ne pouvait pas être délivré pour un composé de ce genre, autrement dit s'il était impossible, en droit, qu'un brevet de sélection soit valide. Le juge Rothstein, s'exprimant au nom de la Cour, a invoqué le courant jurisprudentiel s'inscrivant dans la foulée de l'arrêt In re I.G. Farbenindustrie A.G.'s Patents (1930), 47 R.P.C. 289 (Ch. D.) (I.G. Farbenindustrie), à l'appui de la conclusion selon laquelle un système de brevets de genre et de sélection est acceptable en principe. Au paragraphe 10 de ses motifs, le juge Rothstein, s'appuyant sur les propos du juge Maugham dans I.G. Farbenindustrie, a décrit comme suit les caractéristiques d'un brevet de sélection valide :

1.         L'utilisation des éléments sélectionnés permet d'obtenir un avantage important ou d'éviter un inconvénient important.

 

2.         Tous les éléments sélectionnés (« à quelques exceptions près ») présentent cet avantage.

 

3.         La sélection vise une qualité particulière propre aux composés en cause. Une recherche plus poussée révélant qu'un petit nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage ne permettrait pas d'invalider le brevet de sélection. Toutefois, si la recherche démontrait qu'un grand nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage, la qualité du composé revendiqué dans le brevet de sélection ne serait pas particulière.

 

[23]      Même si les conditions énoncées dans I.G. Farbenindustrie sont suffisamment claires, la question soulevée dans la présente affaire n'a été soulevée ni dans cet arrêt ni dans Sanofi. Cette question s'énonce comme suit : à quelle étape, ou quand, les conditions de validité d'un brevet de sélection doivent‑elles être examinées? Il s'agit de la question litigieuse principale et elle est importante. Tel qu'il a été souligné précédemment, il s'agit d'une question de droit à l'égard de laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

 

Les conditions de validité d'un brevet de sélection constituent‑elles un motif distinct de contestation de la validité d'un brevet?

 

[24]      Lilly a soutenu, dans ses observations écrites, que le juge de première instance a commis une erreur en créant [TRADUCTION] « un amalgame illégitime en fusionnant la règle de la prédiction valable de l'utilité avec l'évidence et la suffisance de la divulgation et en exigeant ainsi que Lilly fournisse la preuve de l'étape inventive (à savoir les avantages) dans la divulgation ». Lilly s'est dite d'avis que la question de la « sélection » porte sur la question de l'évidence et qu'elle est tranchée de façon appropriée lors de l'examen s'y rapportant.

 

[25]      Novopharm désapprouve la démarche adoptée par Lilly en la considérant comme n'étant qu'une attaque déguisée et inadmissible des conclusions de fait du juge de première instance. Elle a soutenu que Lilly a intenté son action et plaidé sa cause en assimilant le brevet 113 à un brevet de sélection. Par conséquent, Novopharm l'a contesté comme s'il s'agissait d'un brevet de sélection, en alléguant, entre autres choses, que [TRADUCTION] « Lilly n'avait pas réussi à démontrer ou à prédire valablement que l'olanzapine possédait les avantages importants ou particuliers promis dans le brevet 113 ». Elle a insisté sur le fait que le juge avait conclu que les avantages allégués [TRADUCTION] « ne constituent pas à l'égard de l'olanzapine des avantages importants ou particuliers qui dépassent ceux des autres composés de la classe visée par le brevet 687 (ou ceux des antipsychotiques antérieurement connus) ». Novopharm a résumé sa position en disant que [TRADUCTION] « le brevet n'a pas d'utilité ».

 

[26]      À l'audition de l'appel, les observations sur ce point ont été quelque peu nuancées. Lilly a clarifié et circonscrit sa position, en faisant valoir qu'il n'existait aucun fondement en droit pour contester la validité de façon indépendante en s'appuyant uniquement sur les critères de l'arrêt I.G. Farbenindustrie. Parallèlement, elle a fermement défendu l'assertion selon laquelle la validité d'un brevet de sélection porte sur l'évidence. Novopharm, pour sa part, a avancé que le juge de première instance avait adopté la démarche appropriée [TRADUCTION] « établie il y a 80 ans dans l'arrêt I.G. Farbenindustrie [...] le fondement du droit du brevet de sélection au Canada ». Elle a invoqué la définition d'« invention » à l'article 2 de la Loi et a soutenu que, dans un brevet de sélection, les avantages font partie de l'invention. Si les avantages ne sont pas établis, il n'y a pas d'invention. Selon Novopharm, le juge de première instance a interprété les brevets 687 et 113 avant de procéder à une analyse de l'utilité.

 

[27]      À mon avis, la contestation visant une conclusion suivant laquelle les conditions de validité d'un brevet de sélection n'ont pas été remplies ne constitue pas un motif distinct de contestation de la validité d'un brevet. Les conditions de validité d'un brevet de sélection servent plutôt à définir le brevet et, par conséquent, à guider l'analyse des motifs de validité prévus dans la Loi — nouveauté, évidence, suffisance et utilité. Bref, un brevet de sélection peut être contesté pour les motifs prévus dans la Loi. J'en arrive à cette conclusion pour diverses raisons.

 

[28]      Tel qu'il a été souligné dans Sanofi, les conditions énoncées dans I.G. Farbenindustrie décrivent les brevets de sélection (paragraphe 9). En d'autres termes, les conditions s'apparentent à une définition. Le juge Rothstein a conclu que l'arrêt I.G. Farbenindustrie offrait un bon point de départ pour l'analyse requise (paragraphe 11). Il va de soi qu'avant d'entreprendre une analyse des critères de la nouveauté, de l'évidence, de la suffisance et de l'utilité, il faudrait connaître la nature du brevet que l'on doit examiner.

 

[29]      Les observations de lord Walker dans l'arrêt Synthon B.V. v. SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All E.R. 685, [2005] U.K.H.L. 59 (Synthon), aux paragraphes 57 et 58, qui sont reproduites ci‑dessous, ont été citées à dessein et approuvées dans Sanofi :

[TRADUCTION]

 

L'origine du droit des brevets est purement législative et étonnamment ancienne. [...] Eu égard à l'interprétation et à l'application des dispositions législatives sur les brevets, la doctrine jurisprudentielle a largement contribué au fil des ans à clarifier les notions abstraites des lois et à en assurer l'application uniforme.

 

Il est tout de même salutaire de se faire rappeler de temps à autre que les concepts généraux auxquels se réfèrent les avocats spécialisés en droit des brevets prennent appui sur un texte législatif et ne sauraient avoir aucun autre véritable fondement.

 

Fait à noter, la Loi ne fait aucunement état d'une sélection invalide.

 

[30]      Dans I.G. Farbenindustrie, à la page 322, le juge Maugham affirme ce qui suit :

[TRADUCTION]

 

Après analyse, je crois qu'il serait malavisé de tenter d'énoncer en termes définitifs toutes les conditions dont un brevet de sélection doit dépendre puisque, après tout, un brevet de sélection ne diffère pas en soi de tout autre brevet et peut être contesté pour les motifs usuels de défaut d'objet, d'utilité ou de nouveauté, et ainsi de suite.

 

De la même manière, dans Sanofi, au paragraphe 9, le juge Rothstein a confirmé qu'un brevet de sélection n'est pas différent en soi de tout autre brevet. De plus, l'auteur Harold G. Fox, dans son ouvrage intitulé Canadian Patent Law and Practice, 4e édition (Toronto, Carswell, 1969), à la page 91, exprime la même opinion.

 

[31]      En outre, dans Sanofi, le juge Rothstein a incorporé son examen des supposés avantages du bisulfate de clopidogrel (Plavix) à l'analyse de l'antériorité, de l'évidence et du double brevet. Il n'a pas procédé à une analyse indépendante des conditions de validité des brevets de sélection. Il ne suffit pas d'affirmer, comme Novopharm l'a fait, que les avantages n'étaient pas en cause dans Sanofi. Il ressort clairement du mémoire des faits et du droit de Novopharm et de son argumentation orale que, dans le cas d'un brevet de sélection, les avantages allégués sont toujours en cause en raison de la nature même du brevet.

 

[32]      Finalement, dans l'ouvrage Terrell on the Law of Patents, 16e édition (Londres, Street & Maxwell, 2006), aux pages 279 et 294, l'auteur discute du critère de suffisance par rapport au brevet de sélection. Le brevet de sélection est considéré sous l'angle de l'antériorité dans Re E.I. du Pont de Nemours & Co. (Witsiepe's) Application, [1981] F.S.R. 377 (C.A.), conf. par [1982] F.S.R. 303 (Ch. des lords) (E.I. du Pont). Bien entendu, comme l'a mentionné Lilly, l'évidence est pertinente quant à la validité d'un brevet de sélection et, comme Novopharm l'a soutenu, l'utilité l'est également. La notion de sélection est omniprésente dans toute l'analyse se rapportant aux différents motifs de l'invalidité alléguée.

 

[33]      Novopharm n'a invoqué aucun précédent, et je n'en ai trouvé aucun, où l'analyse des conditions de validité d'un brevet de sélection, sans plus, a mené à l'invalidité du brevet. Il est possible d'affirmer que le manque de jurisprudence, considéré avec les observations que j'ai formulées précédemment, indique qu'il n'existe aucun motif distinct de contestation de ce genre. Je le répète, une conclusion suivant laquelle les conditions de validité d'un brevet de sélection n'ont pas été remplies ne constitue pas un motif distinct de contestation de la validité d'un brevet. Dans la mesure où le paragraphe 27 de l'arrêt Pfizer ou les motifs dissidents dans Apotex Inc. c. Janssen‑Ortho Inc., 2009 CAF 212, peuvent être interprétés comme laissant entendre le contraire, il ne faut pas en tenir compte. Un brevet de sélection n'est pas différent de tout autre brevet. Sa validité peut être contestée suivant les motifs prévus par la Loi.

 

Application à la présente affaire

[34]      Dans la présente affaire, le juge de première instance, en cernant les questions en litige, a reconnu que la question principale était celle de la validité du brevet 113. Il a souligné que Novopharm contestait la validité du brevet 113 en faisant valoir de nombreux moyens. Il a ensuite affirmé ce qui suit au paragraphe 10 :

[...] mais je suis persuadé que la preuve appuie dans l'ensemble le principal moyen — celui suivant lequel le brevet 113 n'est pas un brevet de sélection valide — de sorte que je ne vais aborder les autres moyens que brièvement, à la fin de mes motifs. [...]

 

Novopharm a fait valoir comme autres moyens : l'antériorité, le double brevet, l'erreur dans la désignation de l'inventeur, l'évidence, l'article 53 de la Loi (fausse déclaration) et l'article 73 de la Loi (abandon présumé). Les moyens liés à l'erreur dans la désignation de l'inventeur et ceux liés aux articles 53 et 73 de la Loi ne sont pas visés par l'appel et je n'en dirai pas plus sur ces moyens.

 

[35]      Le juge de première instance a examiné le brevet 113 en s'intéressant plus particulièrement aux propriétés avantageuses attribuées à l'olanzapine. Il a divisé les avantages en deux catégories : les avantages de l'olanzapine par rapport aux autres composés du brevet 687 et sa supériorité sur d'autres antipsychotiques connus. Il a cerné les revendications en cause, puis a posé la question suivante : « Le brevet 113 est‑il un brevet de sélection valide? » Il a résumé le contenu du brevet et a ensuite établi que la première étape consistait à « décider si un ou plusieurs des avantages déclarés de l'olanzapine étaient connus ou pouvaient être valablement prédits, au moment où le brevet 113 a été déposé en 1991 ». La deuxième étape, selon le juge de première instance, consistait à « déterminer si on pouvait considérer qu'au moins un d'entre eux présentait un avantage important par rapport aux composés du brevet 687 et était d'une certaine manière particulier à l'olanzapine ». Si tel était le cas, la troisième étape consistait à déterminer « si la divulgation de cet avantage important et spécial dans le brevet 113 était adéquate ». Le juge de première instance a conclu que, si la réponse à l'une de ces questions était négative, il devait alors conclure que le brevet 113 était invalide.

 

[36]      Dans son analyse, le juge de première instance a répondu à la première question (à savoir si les avantages déclarés étaient connus ou valablement prédits au moment du dépôt) en renvoyant brièvement aux témoignages de certains experts concernant les données et les tests réalisés à l'égard de chacun des avantages allégués dans le brevet 113. Il a conclu que la preuve ne démontrait aucune supériorité de l'olanzapine sur la flumézapine ou l'éthylolanzapine (des composés du brevet 687) et ne fournissait aucun fondement factuel ou raisonnement soutenant une prédiction selon laquelle l'olanzapine posséderait les avantages déclarés par rapport à ces composés ni aucun raisonnement à l'appui d'une prédiction valable. Il a également conclu que le brevet ne divulguait pas de fondement factuel ou de raisonnement suffisant. Il est parvenu à la même conclusion à l'égard des avantages allégués en comparaison avec d'autres médicaments antipsychotiques.

 

[37]      Le juge de première instance a répondu par la négative à la deuxième question (à savoir si les avantages allégués étaient importants et particuliers). Il a conclu, encore une fois en se fondant sur les témoignages des experts concernant les données et les tests, que, si tant est qu'ils existent, ces avantages sont négligeables. Il a particulièrement critiqué les résultats d'une étude réalisée chez le chien. En ce qui a trait à la troisième question (suffisance de la divulgation), il a conclu que, si le brevet avait exposé le fondement factuel et le raisonnement sur lesquels reposaient les affirmations relatives aux avantages importants et spéciaux, les obligations de divulgation permettant de conclure à la validité du brevet de sélection auraient alors été remplies. Toutefois, comme il avait déjà conclu, en répondant à la première question, qu'aucune supériorité n'avait été établie et qu'il n'existait aucun fondement factuel ni raisonnement à l'appui d'une prédiction valable, il a conclu que la divulgation faite dans le brevet 113 était insuffisante.

 

[38]      Le juge de première instance a finalement conclu, compte tenu de ce qui vient d'être exposé, que le brevet 113 n'était pas un brevet de sélection valide. Mis à part l'évidence, dont je discuterai plus loin, il a soutenu, en s'appuyant en grande partie sur le même fondement, que la plupart des autres moyens invoqués pour contester le brevet 113 devenaient superflus.

 

[39]      Il est bien évident que le juge de première instance a considéré les conditions de validité du brevet de sélection exposées dans l'arrêt I.G. Farbenindustrie comme un fondement distinct pour contester la validité du brevet 113. J'ai conclu précédemment qu'une conclusion suivant laquelle les conditions de validité d'un brevet de sélection n'ont pas été remplies ne constitue pas un motif distinct de contestation de la validité d'un brevet. Un brevet de sélection n'est pas différent de tout autre brevet. Sa validité peut être contestée pour les motifs prévus par la Loi. Il s'ensuit forcément que le juge de première instance a commis une erreur en tranchant la question de la validité du brevet 113 sur le fondement qu'il a invoqué. Cela ne veut pas dire, toutefois, que son analyse n'est pas pertinente quant à la question de l'utilité ou d'autres motifs de validité.

 

L'interprétation

[40]      Les revendications pertinentes du brevet 113 sont les revendications nos 3, 6, 13, 14, 15 et 16, qui sont énoncées comme suit :

[TRADUCTION]

Revendication 3 : 2-méthyl-10-(4-méthyl-1-pipérazinyl)-4H-thiéno-[2,3-b][1,5] benzodiazépine.

 

Revendication 6 : L'utilisation d'un composé décrit à la revendication 2 ou 3 en vue de la fabrication d'un médicament pour le traitement de la schizophrénie.

 

Revendication 13 : Une composition pharmaceutique renfermant le composé décrit à la revendication 3 ainsi qu'un diluant ou un excipient pharmaceutiquement acceptable.

 

Revendication 14 : Une composition pharmaceutique sous forme de gélule ou de comprimé qui contient de 0,1 à 20 mg du composé décrit à la revendication 3.

 

Revendication 15 : Une composition pharmaceutique sous forme de gélule ou de comprimé qui contient de 0,5 à 10 mg du composé décrit à la revendication 3.

 

Revendication 16 : Une composition pharmaceutique sous forme de gélule ou de comprimé qui contient de 2,5 à 5 mg du composé décrit à la revendication 3 ainsi qu'un diluant ou un excipient pharmaceutiquement acceptable.

 

[41]      Au paragraphe 46 de ses motifs, le juge de première instance a interprété les revendications comme suit :

·                    Revendication 3 : Olanzapine.

 

·                    Revendication 6 : L'utilisation de l'olanzapine pour la fabrication d'un médicament utilisé dans le traitement de la schizophrénie.

 

·                    Revendication 13 : Une composition pharmaceutique renfermant de l'olanzapine et un diluant ou un excipient pharmaceutiquement acceptable.

 

·                    Revendication 14 : Une composition pharmaceutique sous forme de gélule ou de comprimé qui contient de 0,1 à 20 mg d'olanzapine.

 

·                    Revendication 15 : Une composition pharmaceutique sous forme de gélule ou de comprimé qui contient de 0,5 à 10 mg d'olanzapine.

 

·                    Revendication 16 : Une composition pharmaceutique sous forme de gélule ou de comprimé qui contient de 2,5 à 5 mg d'olanzapine ainsi qu'un diluant ou un excipient pharmaceutiquement acceptable.

 

[42]      Lilly et Novopharm n'ont pas contesté l'interprétation des revendications faite par le juge de première instance.

 

L'antériorité

[43]      L'article 2 de la Loi dispose qu'une invention doit présenter le caractère de la nouveauté. Lors de l'examen du critère de la nouveauté, il ne faut pas que l'invention ait fait l'objet d'une antériorité. La nouvelle démarche à suivre en ce qui concerne l'antériorité est exposée dans Sanofi. Pour réussir à faire déclarer un brevet invalide au motif de l'antériorité, la partie soupçonnée de contrefaçon (en l'occurrence Novopharm) doit satisfaire aux exigences de la divulgation antérieure et du caractère réalisable, considérées séparément.

 

[44]      En ce qui a trait à la divulgation, l'article 28.2 de la Loi est la disposition pertinente. Celle‑ci exige notamment que l'objet de l'invention n'ait pas fait l'objet d'une communication « qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs » plus d'un an avant le dépôt de la revendication. Même si l'arrêt Sanofi aborde la question de la divulgation dans le contexte de la loi antérieure, les principes qui y sont énoncés demeurent applicables. La personne versée dans l'art lit le brevet antérieur pour déterminer s'il divulgue l'invention subséquente. La preuve dont il faut tenir compte se compose uniquement des brevets antérieurs, tels que la personne versée dans l'art les comprendrait. Aucun essai n'est permis.

 

[45]      Lorsqu'il y a eu divulgation, le second élément établissant l'antériorité, soit le caractère réalisable, exige que la personne versée dans l'art soit en mesure de réaliser l'invention. Le caractère réalisable est apprécié en tenant compte du brevet antérieur dans son ensemble. Le brevet antérieur doit renfermer suffisamment de renseignements pour permettre à la personne versée dans l'art d'exécuter le brevet sans trop de difficultés, tout en faisant appel à ses connaissances générales courantes. Si l'invention relève d'un domaine technique où les essais sont monnaie courante, les essais courants sont admis.

 

[46]      Dans Sanofi, le juge Rothstein affirme clairement que, dans le cas d'un brevet de sélection valide, le composé revendiqué a été valablement prédit au moment de l'obtention du brevet de genre, mais il n'avait pas été réalisé et ses avantages particuliers n'étaient pas connus. Après avoir cité le passage où lord Wilberforce fait remarquer dans l'arrêt E.I. du Pont que [TRADUCTION] « c'est l'absence de découverte des avantages particuliers, ainsi que la non‑réalisation, qui permettent à ces personnes de faire une invention liée à un élément de la catégorie », le juge Rothstein conclut qu'« on ne saurait refuser un brevet à celui qui, le premier, réalise le composé et découvre ses avantages particuliers » (paragraphe 31).

 

[47]      Le juge de première instance n'a pas tenu compte des éléments de la démarche adoptée dans Sanofi. Il a conclu que « par définition, le brevet 113 se heurte à l'antériorité du brevet 687 ». Lilly a avancé que le juge de première instance a fait erreur en tirant la conclusion qu'il a tirée et qu'il aurait dû appliquer ce qu'elle a décrit comme étant le critère d'antériorité de l'arrêt Sanofi. Novopharm a soutenu que la position de Lilly ne tenait pas compte des conclusions de fait suivant lesquelles l'olanzapine ne possédait aucun avantage important et particulier. En outre, de l'avis de Novopharm, l'analyse de Sanofi ne tient plus lorsqu'elle est appliquée à une sélection n'ayant pas d'avantages. Il était loisible au juge de première instance de conclure que le brevet 113 était dépourvu de nouveauté.

 

[48]      En toute déférence, l'arrêt Sanofi a force obligatoire. Une analyse relative à l'antériorité doit s'appuyer sur les éléments de la démarche exposée dans cet arrêt et le défaut du juge de première instance de procéder à pareille analyse constitue une erreur de droit. La position de Novopharm et la déclaration du juge de première instance, à mon avis, illustrent les dangers de considérer un brevet de sélection comme étant différent de tout autre brevet. L'arrêt Sanofi fait expressément une mise en garde contre pareille démarche. L'opinion du juge de première instance relativement à l'antériorité était viciée par sa conclusion suivant laquelle l'olanzapine ne faisait pas l'objet d'un brevet de sélection valide, conclusion qu'il avait tirée en croyant à tort que les conditions de validité d'un brevet de sélection constituaient un fondement distinct pour apprécier la validité d'un brevet. Cela dit, je crois qu'il est loisible à notre Cour, sur la foi des conclusions du juge de première instance et des éléments au dossier, de déterminer si le brevet 113 faisait l'objet d'une antériorité.

 

[49]      Au paragraphe 51 de ses motifs, le juge de première instance a défini la personne versée dans l'art comme une personne qui « posséderait un ensemble de connaissances et d'expérience en pharmacie chimique, en toxicologie, en psychiatrie et en pharmacologie de même que la capacité d'interpréter les données provenant d'études sur des animaux et de juger de leur utilité dans le traitement des maladies humaines ». La définition et les compétences de la personne versée dans l'art n'ont pas été contestées.

 

[50]      Lilly a soutenu que les témoignages des experts concernant les deux éléments d'antériorité (à l'exclusion du brevet 687) sur lesquels Novopharm s'appuyait établissaient qu'il n'y avait eu aucune divulgation particulière de l'olanzapine ou de ses avantages dans les brevets antérieurs. Novopharm n'a pas laissé entendre le contraire. Elle s'est contentée d'invoquer le brevet 687 et la conclusion du juge de première instance.

 

[51]      En termes généraux, le brevet 687 divulgue un procédé de synthétisation d'un nombre immense de composés ayant en commun une structure tricyclique. Le juge de première instance a conclu que le brevet mettait l'accent sur les composés — leurs éléments, leur structure et leurs procédés de fabrication. Il a affirmé que leur utilité tenait au fait « qu'ils pourraient être employés dans le traitement de troubles du système nerveux central, notamment la schizophrénie ».

 

[52]      En ce qui a trait à l'exigence de divulgation antérieure, il vaut la peine de répéter qu'à cette étape de l'examen, c'est le contenu de l'antériorité (le brevet 687) qui est pertinent, et non la question de savoir si le contenu est exact. L'olanzapine n'était pas l'un des exemples décrits dans le brevet 687. Elle faisait partie d'une vaste catégorie de composés préférés décrits par rapport à plusieurs critères. Elle n'a pas été expressément divulguée dans le brevet 687. Elle n'avait pas non plus été fabriquée auparavant. Puisque ses avantages (selon le brevet 113) ne pouvaient être déterminés avant sa fabrication, elle n'a pas été divulguée, comme le définit l'arrêt Sanofi, dans le brevet 687.

 

[53]      L'absence de divulgation est suffisante pour repousser l'allégation que fait Novopharm d'invalidité fondée sur l'antériorité. Puisque Novopharm doit satisfaire aux deux exigences (divulgation antérieure et caractère réalisable), il n'y a pas lieu d'examiner le caractère réalisable parce que Novopharm échoue au volet du critère portant sur la divulgation. Le brevet 113 n'a pas été divulgué et, par conséquent, le brevet 687 ne constitue pas une antériorité.

 

L'évidence

[54]      L'article 28.3 de la Loi dispose qu'une invention ne doit pas être évidente. L'arrêt Sanofi reprend l'analyse de l'évidence faite dans Windsurfing International Inc. v. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.) (Windsurfing), et reformulée dans Pozzoli SPA v. BDMO SA, [2007] EWCA Civ 588 (Pozzoli), qui impose la démarche suivante au tribunal :

[TRADUCTION]

1a)       Identifier la « personne versée dans l'art ».

b)         Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne.

 

2.         Définir l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d'interprétation.

 

3.         Recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de « l'état de la technique » et l'idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation.

 

4.         Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

 

[55]      La question de l'« essai allant de soi » se pose à la quatrième étape de la démarche de l'arrêt Windsurfing. Pour conclure qu'une invention résulte d'un « essai allant de soi » et qu'elle est par conséquent invalide pour cause d'évidence, Sanofi nous enseigne que : « le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu'il allait plus ou moins de soi de tenter d'arriver à l'invention. La seule possibilité d'obtenir quelque chose ne suffit pas. » (Voir le paragraphe 66.) L'examen relatif à l'« essai allant de soi » sera indiqué dans les domaines d'activité où les progrès sont souvent le fruit de l'expérimentation, comme dans le secteur pharmaceutique. Une liste non exhaustive d'éléments à prendre en compte est proposée au paragraphe 69 de l'arrêt Sanofi :

1.         Est‑il plus ou moins évident que l'essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l'art?

 

2.         Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l'invention? Les essais sont‑ils courants ou l'expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

 

3.         L'antériorité fournit‑elle un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

 

[56]      Les mesures concrètes ayant mené à l'invention peuvent constituer un autre facteur important. Lors de cet examen, la possibilité de découvrir l'invention n'est pas suffisante. L'invention doit être évidente au regard de l'antériorité et des connaissances générales courantes pour qu'il soit satisfait au critère de l'« essai allant de soi ».

 

[57]      Dans le cas d'un brevet de sélection, l'analyse de l'évidence porte sur les propriétés spéciales du composé, ainsi que sur ses avantages allégués, décrits dans la divulgation du brevet de sélection, car c'est là que le caractère inventif de la sélection y est défini.

 

[58]      Le juge de première instance a fait état du critère de l'évidence énoncé dans l'arrêt Sanofi. Puis, aux paragraphes 145 à 149 de ses motifs, il a tenu les propos suivants :

[145]    Il est clair que ce critère suppose l'existence d'une étape inventive pour arriver à l'objet du brevet en litige. Comme il est ressorti clairement de l'analyse ci‑dessus, je ne trouve pas d'étape inventive dans la décision de Lilly de développer l'olanzapine. En effet, Lilly travaillait sur son propre brevet, le brevet 687, tentant de trouver un composé qui pourrait être administré en toute sécurité à des humains et permettrait d'atteindre l'objectif à la base du brevet 687 lui‑même — une bonne activité antipsychotique et un faible risque de SEP.

 

[146]    Au moment où le brevet a été déposé en avril 1991, Lilly n'avait pas encore trouvé de qualités inattendues, importantes ou spéciales pour l'olanzapine qui justifieraient l'obtention d'un nouveau monopole. Lilly avait seulement effectué des tests courants pour évaluer les propriétés de l'olanzapine. Elle possédait certaines indications préliminaires de l'innocuité et de l'efficacité fournies par quelques études de petite envergure portant sur des volontaires en santé et des patients. Les scientifiques de Lilly ont fait preuve de persévérance, de diligence et de rigueur scientifique en poursuivant les travaux sur l'olanzapine jusqu'à ce stade. De nouvelles méthodes de synthèse ont dû être mises au point (après une explosion au laboratoire durant la synthèse de la flumézapine). Mais cela n'est pas suffisant pour justifier un brevet. Il doit y avoir une invention. Dans le contexte d'un brevet de sélection, l'invention consiste en la découverte d'avantages inattendus, importants et spéciaux.

 

[147]    Je ne conclurais pas que la sélection de l'olanzapine comme composé à développer était un choix évident. Il était logique d'essayer un composé non éthylé, non fluoré, vu les problèmes qui ont surgi avec les composés antérieurs. Mais l'olanzapine n'était pas le seul médicament candidat à l'étude et même ne semblait pas particulièrement active. Il n'allait pas « plus ou moins de soi » que l'olanzapine fonctionnerait.

 

[148]    Je crois que le meilleur qualificatif que l'on puisse trouver pour désigner l'olanzapine en 1991 est celui de « quasi‑invention », pour reprendre l'expression employée par le juge Binnie (Apotex Inc. c. Welcome Foundation Ltd., précité, par. 84). L'olanzapine n'était pas évidente et ne constituait pas une véritable invention. C'était un composé prometteur dont certaines des indications préliminaires positives se sont par la suite révélées fondées. Lilly a décelé au départ certains signes lui permettant de croire à son innocuité et à son efficacité, mais rien qui permettait de conclure à l'existence de propriétés surprenantes et inattendues et rien qui permettait de distinguer l'olanzapine des autres composés du brevet 687.

 

[149]    Je conclus que la mise au point de l'olanzapine n'était pas évidente et qu'elle ne constituait pas une invention. Je tiens cependant à signaler que j'emploie le terme « invention » dans son sens juridique, selon les dispositions légales qui s'appliquent aux brevets de sélection. Les scientifiques de Lilly ou d'autres sociétés peuvent fort bien considérer l'olanzapine comme une invention, peut‑être même comme une invention remarquable, mais ce n'est pas la question qui m'est soumise.

 

[59]      Lilly a accepté la conclusion du juge de première instance suivant laquelle la sélection de l'olanzapine comme composé à mettre au point n'était pas un choix évident et celle suivant laquelle il n'allait pas plus ou moins de soi que l'olanzapine fonctionnerait. Toutefois, elle a soutenu que la conclusion concomitante selon laquelle l'olanzapine n'était pas une invention était dénuée de sens. Lilly a fait valoir que la conclusion d'absence d'invention (liée à la question de savoir s'il y avait suffisamment de données pour corroborer les avantages) n'aurait pas dû être prise en considération dans l'analyse de l'évidence. Le titulaire du brevet n'est pas tenu de prouver les avantages pour obtenir un brevet de sélection.

 

[60]      Novopharm a soutenu que la conclusion du juge de première instance selon laquelle l'olanzapine n'était pas évidente a été tirée [TRADUCTION] « en tenant compte de l'analyse du critère de l'« essai allant de soi » de l'arrêt Sanofi et de la sélection de l'olanzapine comme composé à mettre au point ». Selon Novopharm, le juge de première instance a simplement dit qu'il n'était pas évident de sélectionner ce composé particulier de la catégorie. La démarche prescrite par Sanofi suppose une « étape inventive » que le juge de première instance avait déjà considérée comme inexistante. À la lumière de la preuve dont il disposait, il lui était loisible de conclure que l'olanzapine ne pouvait être considérée comme évidente en vertu du critère de l'« essai allant de soi » de l'arrêt Sanofi (qui présumait qu'il y avait des avantages). Il n'y avait pas d'« invention » parce qu'aucun avantage n'avait été démontré ni prédit valablement en 1991.

 

[61]      Les parties sont d'accord que, n'eût été de la conclusion d'inexistence de l'étape inventive du juge de première instance, l'analyse selon la démarche exposée dans l'arrêt Sanofi l'aurait amené à la conclusion que l'olanzapine n'était pas évidente. À mon avis, les conclusions d'absence d'invention et d'absence d'évidence sont incompatibles et ne peuvent être maintenues simultanément. Pareille conclusion constitue une erreur manifeste et dominante. En outre, en concluant qu'il n'y avait pas eu d'étape inventive, le juge de première instance a été induit en erreur par sa conclusion suivant laquelle il n'avait pas été satisfait aux conditions de validité d'un brevet de sélection. Cet examen comportait l'appréciation d'éléments de preuve qui ne doivent pas être pris en considération lors de l'examen de l'évidence, et qui portent plutôt sur l'utilité. Au lieu d'interpréter le brevet pour déterminer l'étape inventive, le juge de première instance a été influencé par sa conclusion antérieure, ce qui a vicié son analyse.

 

[62]      L'idée originale des revendications du brevet 113 est le composé d'olanzapine. Le mémoire descriptif précise qu'il est utile dans le traitement de la schizophrénie et est supérieur aux autres composés du brevet 687. Les raisons expliquant la supériorité alléguée de l'olanzapine sont précisées au paragraphe 38 des motifs du juge de première instance et sont résumées au paragraphe 13 des présents motifs. Il importe en particulier de noter ce que le juge de première instance a qualifié comme étant les avantages déclarés de l'olanzapine par rapport à la flumézapine, l'un des composés revendiqués dans le brevet 687.

 

[63]      Le brevet 687 divulguait globalement 15 billions de composés dont on prédisait qu'ils auraient une activité utile sur le système nerveux central. On prédisait que les composés auraient un indice thérapeutique élevé et seraient utiles dans le traitement d'états anxieux légers et de certains types de troubles psychotiques, comme la schizophrénie et la manie aiguë. Le brevet dressait une liste d'exemples spécifiques et englobait l'olanzapine, sans la divulguer. Il divulguait et revendiquait plus particulièrement la flumézapine et l'éthylflumézapine. Le brevet 687 ne divulguait pas les propriétés bénéfiques particulières de l'olanzapine, un composé méthylénique, par rapport aux composés revendiqués ou aux autres composés du brevet 687. Dans le cas d'un brevet de sélection, l'étape inventive est l'olanzapine, jumelée à ses avantages, par rapport aux composés du brevet 687.

 

[64]      Une fois qu'il a été établi que l'idée originale du brevet 113 est l'olanzapine, jumelée à ses avantages, le reste de l'analyse du juge de première instance amène à la conclusion d'absence d'évidence, conformément aux instructions de l'arrêt Sanofi.

 

Le double brevet

[65]      Il existe deux catégories de double brevet : le brevet pour la même invention (deux brevets sont identiques ou il y a identité des revendications des deux brevets) et le double brevet relatif à une évidence (il n'y a pas identité des revendications des deux brevets, mais le dernier brevet comporte des revendications qui ne sont pas distinctes, sur le plan de la brevetabilité, de celles de l'autre brevet) : Pharmascience Inc. c. Sanofi‑Aventis Canada Inc., [2007] 2 R.C.F. 103, 2006 CAF 229 (Sanofi/Plavix).

 

[66]      L'arrêt Sanofi examine la question du double brevet. Le juge Rothstein explique que, bien que la perpétuation du brevet soit une préoccupation légitime, elle ne justifie pas la remise en question du brevet de sélection en soi. L'obtention d'un brevet de sélection peut intéresser une autre personne que l'inventeur ou le titulaire du brevet de genre d'origine. Qui plus est, le brevet de sélection favorise le perfectionnement par voie de sélection. L'inventeur ne sélectionne qu'un élément de l'objet du brevet de genre d'origine parce qu'il obtient ainsi quelque chose de mieux par rapport à ce qui est revendiqué dans le brevet initial.

 

[67]      Même si les propos du juge Rothstein se rapportaient au Plavix, bon nombre de ses observations s'appliquent de la même manière à la présente affaire. Par exemple, il affirme que la délivrance du brevet de genre d'origine a généralement pour fondement la prédiction valable lorsqu'il englobe un très grand nombre de composés possibles. Ces composés n'auront pas tous été analysés. Il se peut qu'il soit ultérieurement déterminé que l'efficacité de certains éléments de l'objet du brevet de genre d'origine était nulle ou, du moins, inférieure à celle de l'objet du brevet de sélection. Il s'agit d'une donnée très utile. Certains éléments du brevet de genre d'origine pourraient de ce fait être contestés (en l'espèce, il est trop tard, puisque le brevet 687 a expiré en 1995). Toutefois, le brevet de sélection demeure valide. Fait à noter, en l'espèce, le juge de première instance a affirmé que la flumézapine « avait perdu de son lustre » et que l'éthylflumézapine avait été un « échec retentissant » (ces deux composés étant revendiqués par le brevet 687).

 

[68]      Le juge de première instance était d'avis, du fait qu'il n'y avait pas d'invention, qu'il n'y avait pas lieu de déterminer si l'invention faisait l'objet d'une double protection. Il a néanmoins conclu que l'olanzapine faisait l'objet d'une double protection par les brevets 687 et 113.

 

[69]      Lilly a soutenu qu'en l'absence d'une conclusion voulant que les deux brevets étaient identiques ou qu'il y avait identité des revendications des deux brevets, il n'était pas loisible au juge de première instance de tirer la conclusion qu'il a tirée. Lilly a allégué que les revendications du brevet 113 étaient distinctes, sur le plan de la brevetabilité, de celles du brevet antérieur. Lilly a souligné que l'arrêt Sanofi nous enseigne qu'un brevet de sélection n'est pas invalide pour cause de double brevet simplement parce que la sélection est couverte par le brevet de genre antérieur.

 

[70]      Novopharm a fait valoir que la solution réside dans le critère suivant lequel le brevet de sélection revendique un composé distinct, sur le plan de la brevetabilité, de ceux du brevet de genre. Puisque le juge de première instance a conclu qu'il n'existait aucun avantage, il s'en est suivi nécessairement que l'olanzapine n'était pas distincte, sur le plan de la brevetabilité, des autres composés de la catégorie (il n'y avait aucune invention). Le brevet 113 a revendiqué un monopole sur un composé qui était protégé par les revendications du brevet 687. L'absence de distinction sur le plan de la brevetabilité entre le brevet de genre et le brevet de sélection (à l'égard de l'olanzapine) faisait en sorte que l'olanzapine bénéficiait d'une double protection.

 

[71]      De nouveau, le juge de première instance a conclu qu'il n'y avait pas lieu de faire une analyse de la question. Sa conclusion était le résultat du fait qu'il croyait à tort qu'un examen des conditions de validité d'un brevet de sélection constitue un motif distinct de contestation de la validité d'un brevet. Sa conclusion concernant la question à laquelle il se heurtait était entachée par son erreur antérieure. Le défaut de procéder à l'analyse appropriée constitue une erreur de droit.

 

[72]      Une contestation de la validité d'un brevet pour cause de double brevet ne nécessite pas l'existence d'un libellé identique dans les revendications des deux brevets. Néanmoins, pour obtenir gain de cause dans cette contestation, le libellé des revendications, quoique différent, doit viser la même invention. L'invention revendiquée dans le brevet 687 n'est pas identique à celle revendiquée dans le brevet 113 parce que, comme cela était le cas dans Sanofi, le premier brevet est plus général que le second. De plus, les deux brevets ne sont pas identiques, et il n'y a pas identité des revendications des deux brevets. Il n'a pas été avancé que les revendications étaient identiques et il n'était pas possible de le faire. La revendication principale (revendication no 1) du brevet 687 est une revendication d'un procédé pour la préparation d'une catégorie de composés fondés sur une formule spécifique. Les autres revendications sont des variantes de la formule et du procédé. Lorsque des composés spécifiques sont revendiqués, ils le sont relativement au procédé de fabrication des divers composés de la formule. La revendication principale (revendication no 3) du brevet 113 est une revendication de produit visant un composé spécifique, l'olanzapine, pour le traitement de la schizophrénie (revendication no 6). Les autres revendications sont liées à la composition de l'olanzapine sous diverses formes. Les brevets ne couvrent pas le même domaine; il n'y a pas identité des revendications. Par conséquent, les conditions pour établir la double protection d'une même invention ne sont pas remplies.

 

[73]      Le critère du double brevet relatif à une évidence est plus souple et moins littéral; il interdit la délivrance d'un second brevet qui comporte des revendications qui ne sont pas distinctes, sur le plan de la brevetabilité, de celles du premier brevet. Toutefois, un brevet de sélection qui revendique un composé distinct, sur le plan de la brevetabilité, des composés d'un brevet de genre ne sera pas invalide pour cause de double brevet relatif à une évidence. En l'espèce, il a été établi (selon le brevet) que, parmi les innombrables composés dont on prédisait qu'ils seraient efficaces dans le traitement de la schizophrénie, l'olanzapine possédait des propriétés bénéfiques par rapport à la flumézapine et à d'autres composés entrant dans le brevet 687. Les revendications du brevet 113 sont distinctes, sur le plan de la brevetabilité, des revendications du brevet 687. La contestation fondée sur le motif du double brevet relatif à une évidence échoue.

 

L'utilité

[74]      L'article 2 de la Loi exige que l'objet d'un brevet présente le caractère de la nouveauté et de l'utilité. Le principe général veut que, à la date pertinente (la date du dépôt), l'utilité de l'invention doit avoir été démontrée ou avoir fait l'objet d'une prédiction valable. Une preuve autre que celle exposée dans le mémoire descriptif peut être nécessaire et elle le sera normalement.

 

[75]      Pour établir l'absence d'utilité, la partie soupçonnée de contrefaçon doit démontrer [TRADUCTION] « que l'invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu'elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu'elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu'elle fera » : Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504 (Consolboard).

 

[76]      Lorsque le mémoire descriptif ne promet pas un résultat précis, aucun degré particulier d'utilité n'est requis; la « moindre parcelle » d'utilité suffira. Toutefois, lorsque le mémoire descriptif exprime clairement une promesse, l'utilité sera appréciée en fonction de cette promesse : Consolboard, Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) et Ranbaxy Laboratories Inc., [2009] 1 R.C.F. 253, 2008 CAF 108 (Ranbaxy). La question est de savoir si l'invention fait ce que le brevet promet qu'elle fera.

 

[77]      L'auteur Harold G. Fox, aux pages 149 et 150 de son ouvrage, affirme ce qui suit :

[TRADUCTION]

 

En ce qui a trait à l'utilité, il suffit que le mémoire descriptif donne au public un choix, pourvu que ce choix soit utile, ou qu'il produise un article nouveau, amélioré ou moins coûteux, ou avantageux dans des circonstances particulières... En droit, l'utilité signifie l'utilité qui procure un avantage au public [...]

 

Le véritable critère de l'utilité d'une invention consiste à déterminer si, une fois réalisée par une personne compétente, elle aura l'effet prévu et si elle est en fait utile, au moment de la délivrance du brevet, aux fins indiquées par le titulaire du brevet.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[78]      Dans le cas des brevets de sélection, le caractère inventif réside dans la fabrication du composé sélectionné, en combinaison avec l'avantage ou les avantages qu'il procure par rapport au brevet de genre. Le brevet de sélection doit offrir plus que le brevet de genre, en ce sens qu'il doit procurer un avantage ou éviter un désavantage. Le mémoire descriptif doit définir clairement l'avantage ou la nature de la caractéristique que possède le composé sélectionné (Sanofi, paragraphe 114). En d'autres termes, le brevet de sélection doit promettre un avantage, si bien que, si tel n'est pas le cas, le titulaire du brevet ne sera pas en mesure d'invoquer l'avantage à l'appui de la validité du brevet.

 

[79]      Par ailleurs, il n'y a aucune exigence quant au nombre d'avantages requis. Un seul avantage peut être suffisant, ou un nombre quelconque d'avantages apparemment moins importants (lorsqu'on les considère individuellement) peut être suffisant si on les considère cumulativement, pourvu que, dans l'un et l'autre des cas, l'avantage soit substantiel. Il est également important de comprendre qu'il existe une distinction entre l'avantage promis et les données sur lesquelles il est fondé. Par exemple, dans Ranbaxy, la divulgation comportait des données laissant prévoir une activité dix fois supérieure pour le composé sélectionné dans un essai particulier. Même si le juge de première instance dans cette affaire a conclu que les données constituaient une promesse d'activité dix fois supérieure, notre Cour s'est dite en désaccord et elle a statué que la personne versée dans l'art ne considérerait pas ces données comme une promesse, mais plutôt comme un élément étayant une promesse d'accroissement de l'activité en général (paragraphes 52 à 55).

 

[80]      La promesse du brevet doit être définie. Tout comme dans le cas des revendications, l'interprétation de la promesse du brevet est une question de droit. De façon générale, il s'agit d'une analyse qui exige l'aide de témoins experts : Apotex Inc. c. Bristol‑Myers Squibb Co., 2007 CAF 379, au paragraphe 27. Il en va ainsi parce que la promesse doit être bien définie, dans le contexte du brevet dans son ensemble, du point de vue de la personne versée dans l'art, par rapport à l'état d'avancement de la science et aux données disponibles au moment du dépôt du brevet.

 

[81]      Finalement, au chapitre de l'utilité d'un brevet de sélection, la question à trancher est de savoir si, à la date de dépôt, le titulaire du brevet avait suffisamment de données pour étayer la promesse. Dans une action en contrefaçon, le titulaire du brevet bénéficie de la présomption de validité (par. 43(2) de la Loi) et il incombe à la partie soupçonnée de contrefaçon de démontrer que le titulaire n'avait pas suffisamment de données pour étayer la promesse.

 

[82]      Si la personne soupçonnée de contrefaçon est en mesure d'établir que les données à l'appui de la promesse étaient insuffisantes, il se peut néanmoins que les données aient été suffisantes pour permettre au titulaire du brevet de faire une prédiction valable de la promesse. La date déterminante pour le caractère valable de la prédiction est la date de dépôt du brevet. Toutefois, de par sa nature, la règle de la prédiction valable présuppose qu'il reste d'autres travaux à accomplir : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 R.C.S. 153 (l'arrêt sur l'AZT), par. 77. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que la promesse ait été réalisée à la date de dépôt du brevet, quoiqu'elle doive en fin de compte être confirmée.

 

[83]      Le critère en trois volets de la prédiction valable est exposé au paragraphe 70 de l'arrêt sur l'AZT : la prédiction doit avoir un fondement factuel, l'inventeur doit avoir un raisonnement clair et valable qui permette d'inférer du fondement factuel le résultat souhaité, et il doit y avoir divulgation suffisante du fondement factuel et du raisonnement, bien qu'il ne soit pas nécessaire de fournir une explication théorique de la raison pour laquelle l'invention fonctionne.

 

[84]      L'arrêt sur l'AZT ne définit pas le poids que doit avoir la preuve sur la question de la prédiction valable. Toutefois, de l'avis du juge Binnie, il faut plus que de simples spéculations (paragraphe 69). Il donne également les indices suivants :

·                    les revendications doivent être honnêtement fondées sur la divulgation contenue dans le brevet (paragraphe 59);

 

·                    il doit, à première vue, être raisonnable que le titulaire du brevet puisse formuler une revendication (paragraphe 60);

 

·                    il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse d'une certitude (paragraphe 62);

 

·                    il doit être possible d'inférer le résultat souhaité du fondement factuel (paragraphe 70).

 

[85]      À mon avis, ces indices laissent entendre qu'une prédiction valable exige une inférence prima facie raisonnable de l'utilité. Fait à noter, dans l'arrêt sur l'AZT, le fondement factuel de la prédiction valable d'une utilisation nouvelle d'un composé reposait sur les résultats des tests in vitro effectués pour vérifier l'action de l'AZT sur le VIH dans une lignée cellulaire humaine, ainsi que sur les données de Glaxo sur l'AZT obtenues notamment lors de tests effectués sur des animaux (paragraphe 72). La connaissance que Glaxo possédait du mécanisme de reproduction d'un rétrovirus constituait le raisonnement nécessaire.

 

[86]      Le raisonnement sous‑jacent de la prédiction valable est expliqué comme suit au paragraphe 66 de l'arrêt sur l'AZT :

            La règle de la « prédiction valable » établit un équilibre entre l'intérêt public à ce que les inventions nouvelles et utiles soient divulguées rapidement, même avant qu'on en ait vérifié l'utilité par des tests (ce qui peut prendre des années dans le cas des produits pharmaceutiques), et l'intérêt public qu'il y a à éviter d'encombrer le domaine public de brevets inutiles et de consentir un monopole pour une désinformation.

 

[87]      Les examens dont il a été question précédemment (la promesse du brevet, les données servant à étayer la promesse et les données relatives à la prédiction valable de la promesse) sont des examens bien distincts qui exigent une analyse individuelle.

 

[88]      Lilly a avancé que [TRADUCTION] l'« amalgame illégitime » du juge de première instance exigeait qu'elle prouve les avantages de l'olanzapine lors de l'analyse se rapportant à l'utilité. Elle répète sa position selon laquelle les avantages sont pertinents quant à l'évidence et n'ont rien à voir avec la question de savoir si l'olanzapine satisfait aux critères de l'utilité. En outre, Lilly a soutenu que, bien qu'elle ait fait la démonstration des avantages, le juge de première instance n'a pas posé la bonne question et a à tort [TRADUCTION] « exigé un degré élevé de certitude » dans l'application de la règle de la prédiction valable.

 

[89]      Novopharm a répondu que le juge de première instance avait conclu relativement à chacun des avantages que [TRADUCTION] « l'invention ne fait pas ce que le mémoire descriptif promet qu'elle fera ». Qui plus est, selon Novopharm, le fait que Lilly n'a pas abordé la question du critère de l'arrêt Consolboard ou les exigences de l'arrêt I.G. Farbenindustrie constitue une erreur juridique et factuelle dans son argumentation sur l'utilité.

 

[90]      Je ne souscris pas à l'opinion de Lilly suivant laquelle les avantages sont pertinents seulement quant à l'évidence. Il faut noter que Lilly fait état des avantages dans ses observations concernant la nouveauté (mémoire des faits et du droit, au paragraphe 60) et le double brevet (mémoire des faits et du droit, aux paragraphes 143 à 145). Je ne souscris pas non plus à l'opinion selon laquelle les conditions de l'arrêt I.G. Farbenindustrie constituent un motif distinct de contestation de la validité d'un brevet.

 

[91]      La difficulté que pose l'analyse du juge de première instance est attribuable au fait qu'il s'est trompé lorsqu'il a cerné d'entrée de jeu la question en litige à trancher (à savoir si le brevet 113 était un brevet de sélection valide). Il est difficile de dire ce que le juge de première instance aurait conclu s'il n'avait pas analysé chacun des motifs de validité sous cet angle. Dans certains cas, les conclusions de fait du juge de première instance sont suffisantes pour permettre à notre Cour de procéder à une analyse appropriée. Dans d'autres cas, cela pourrait ne pas être possible.

 

[92]      La preuve concernant l'utilité va généralement bien au‑delà du contenu du brevet. Une analyse à cet égard comprend habituellement un résumé de la preuve pertinente. L'exposé narratif n'a pas besoin d'être long; l'objectif consiste à fournir l'essentiel de la preuve requise pour faire l'analyse. Si la preuve des experts est contradictoire, les éléments de preuve acceptés ou préférés seront indiqués avec la raison. Les conclusions en matière de crédibilité, s'il y a lieu, seront précisées. Les conclusions factuelles requises pour l'analyse seront exposées et l'analyse juridique suivra. Sur la foi de ces renseignements, la cour d'appel pourra entreprendre un examen valable.

 

[93]      J'ai affirmé précédemment que la promesse du brevet doit être déterminée au début d'une analyse de l'utilité. Le juge de première instance doit interpréter la promesse dans le contexte du brevet dans son ensemble, du point de vue de la personne versée dans l'art par rapport à l'état d'avancement de la science et aux données disponibles au moment du dépôt du brevet. La promesse du brevet est un élément fondamental dans l'analyse de l'utilité.

 

[94]      Le juge de première instance ne fait pas état de la promesse du brevet elle‑même. Dans une section de ses motifs intitulée « Avantages de l'olanzapine par rapport aux composés du brevet 687 », il emploie divers termes. Par exemple, il affirme que le brevet 113 attribue un certain nombre de propriétés intéressantes à l'olanzapine, qu'il cite certains avantages de l'olanzapine par rapport aux autres composés du brevet 687, qu'il vante la supériorité de l'olanzapine sur d'autres antipsychotiques connus utilisés dans le traitement de la schizophrénie et de troubles apparentés (paragraphe 33) et qu'il dit que l'olanzapine présente des propriétés surprenantes et inattendues comparativement à la flumézapine et à d'autres composés apparentés (paragraphe 34).

 

[95]      Le brevet 113 mentionne une étude chez le chien, où l'olanzapine a été comparée avec l'éthylolanzapine (un composé du brevet 687), que le juge de première instance interprète comme une affirmation de la supériorité de l'olanzapine sur l'éthylolanzapine en ce qui a trait au risque d'augmentation de la cholestérolémie chez l'humain (paragraphe 37). Je vais discuter davantage de cette étude chez le chien plus loin. Le juge de première instance énumère ensuite les domaines particuliers pour lesquels le brevet 113 indique que l'olanzapine est supérieure aux composés du brevet 687 (paragraphe 38).

 

[96]      Ensuite, le juge de première instance entreprend une analyse sous la rubrique intitulée « Avantages de l'olanzapine par rapport à d'autres antipsychotiques ». Il emploie des termes semblables. Le brevet 113 décrit l'action antagoniste de l'olanzapine au niveau de divers récepteurs cérébraux. Les caractéristiques semblent indiquer que l'olanzapine est un médicament qui pourrait avoir des propriétés relaxantes, anxiolytiques ou antiémétiques et qui pourrait être utile dans le traitement des troubles psychotiques, notamment la schizophrénie (paragraphe 39). En passant en revue les tests expérimentaux, les essais cliniques et une étude ouverte, il a employé des termes comme « donne », « affiche » et « décrit ».

 

[97]      À propos de l'affirmation selon laquelle [TRADUCTION] « [d]e façon générale, par conséquent, le composé de l'invention se montre en clinique nettement supérieur et a un meilleur profil d'effets secondaires que les agents antipsychotiques connus », le juge de première instance a dit qu'il s'agissait de l'affirmation « la plus large et la plus catégorique au sujet de l'olanzapine dans le brevet 113 ». À cause de l'endroit où cette déclaration se trouve, le juge a conclu (relativement aux autres antipsychotiques) que « si l'on interprète le brevet de manière équitable, on peut dire qu'il affirme la supériorité de l'olanzapine eu égard aux effets secondaires qui y sont expressément mentionnés, plus particulièrement ceux qui posaient le plus de problèmes pour les patients atteints de schizophrénie, à savoir les SEP et l'agranulocytose ».

 

[98]      Je n'ose pas conclure que les paragraphes résumés constituent une interprétation du brevet ou une analyse de la promesse qu'il contient. Si tel est le cas, alors il m'est difficile de déterminer précisément en quoi consistait la promesse du brevet selon l'interprétation du juge de première instance. Malgré tout, en supposant pour le moment que les paragraphes en question constituent effectivement l'interprétation de la promesse du brevet, des problèmes se posent.

 

[99]      En tenant compte uniquement du mémoire descriptif du brevet, je serais portée à interpréter la promesse dans des termes beaucoup plus généraux. Plus particulièrement, je conclurais que, de prime abord, le brevet 113 promet que l'olanzapine, dans le traitement de la schizophrénie, se montre nettement supérieure à la flumézapine et à d'autres composés du brevet 687, qu'elle présente un meilleur profil d'effets secondaires que les médicaments antipsychotiques déjà connus et qu'elle offre un niveau d'activité très avantageux. Toutefois, cette possibilité ne s'offre pas à moi car je ne sais pas comment la personne versée dans l'art interpréterait le brevet, compte tenu de l'état d'avancement de la science et des données disponibles à la date pertinente.

 

[100]    Même s'il m'est difficile de conclure que les observations du juge de première instance constituent une interprétation de la promesse du brevet, il est possible qu'il ait eu des raisons d'interpréter la promesse du brevet de cette manière car il a eu l'avantage d'entendre les témoignages des experts. Cela soulève un autre problème.

 

[101]    Le juge de première instance ne fait pas état dans ses motifs de la preuve d'expert concernant la promesse du brevet. Les seules fois où il est question des témoignages donnés au procès, c'est lorsque le juge de première instance analyse chacun des avantages allégués cités dans la divulgation du brevet. (Ces témoignages sont en grande partie liés à des opinions contradictoires concernant l'opportunité des tests, la manière dont ils ont été effectués et la fiabilité des données obtenues avec ces tests.) Cette situation est particulièrement embarrassante puisqu'on n'y trouve aucun fondement qui permette à une cour d'appel de procéder à un examen valable d'une question de droit, à l'égard de laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

 

[102]    Pour illustrer ce point, je vais donner un exemple. En discutant des avantages allégués (sur lesquels je reviendrai plus loin), le juge de première instance a souligné que « Novopharm a contesté pour plusieurs motifs l'affirmation contenue dans le brevet 113 selon laquelle l'olanzapine procurerait un avantage du point de vue du cholestérol » (paragraphe 80). Novopharm a contesté notamment le bien‑fondé de l'étude sur le chien pour prédire les effets sur le cholestérol chez l'humain. Le juge de première instance a brièvement passé en revue le témoignage de trois experts à cet égard. Un seul d'entre eux, le Dr Bauer, croyait que le chien était un bon modèle pour prédire les effets sur le cholestérol chez l'humain. Toutefois, sa théorie avait été mise au point après le dépôt du brevet 113. Il a reconnu que l'opinion dominante en 1991 voulait que le chien ne soit pas un bon modèle pour les études portant sur le cholestérol.

 

[103]    Par conséquent, l'opinion unanime (compte tenu de la preuve dont il a été question) était que le chien n'était pas un bon modèle pour les études portant sur le cholestérol. Néanmoins, le juge de première instance a conclu que « la référence à l'étude chez le chien et les résultats relatifs au cholestérol dans le brevet 113 impliquent qu'on s'inquiétait de l'effet potentiel chez l'humain » (paragraphes 37, 38, 52 et 93). Comment se pourrait‑il, alors que les experts conviennent de manière unanime que le chien n'était pas un bon modèle pour prédire le taux de cholestérol chez l'humain, qu'une personne versée dans l'art interprète la référence aux taux de cholestérol chez le chien comme impliquant une inquiétude quant à l'effet potentiel chez l'humain?

 

[104]    Pour résumer cette question, l'appréciation de la preuve et de son poids relève du juge de première instance, sous réserve d'une révision en appel seulement en cas d'erreur manifeste et dominante. En l'absence de toute référence à la preuve sur laquelle le juge s'est appuyé pour déterminer la promesse du brevet, il est impossible de procéder à un examen valable en appel.

 

[105]    Le juge de première instance a analysé séparément les avantages particuliers mentionnés dans la divulgation du brevet. Il ressort clairement de ses motifs qu'il a exigé que chacun des avantages soit assimilé à une promesse du brevet. En toute déférence, c'est ce qu'on appelle mettre la charrue avant les boeufs. Bien que considérer chacun des avantages allégués n'ait rien d'inconvenant, l'analyse doit être menée en tenant compte de la question primordiale — la promesse du brevet. Encore une fois, dans la démarche qu'il a adoptée, le juge de première instance était guidé par l'idée qu'il était tenu de déterminer si les conditions de validité d'un brevet de sélection avaient été remplies, en plus de procéder à l'analyse appropriée pour apprécier l'utilité.

 

[106]    La question de savoir si le juge de première instance avait compris la distinction entre l'avantage promis (si l'avantage particulier était effectivement promis) et les données sur lesquelles il était fondé est également préoccupante relativement à l'analyse de chacun des avantages particuliers. L'arrêt Ranbaxy dont il a été question précédemment examine cette distinction. Finalement, la démarche adoptée, de la manière qu'elle l'a été, écarte la possibilité qu'un nombre quelconque d'avantages apparemment moins importants (lorsqu'on les considère individuellement) puisse être suffisant si on les considère cumulativement, pourvu que l'avantage cumulatif soit substantiel.

 

[107]    Je devrais également mentionner que, tout comme Lilly, j'ai également des réserves quant au degré de preuve exigé par le juge de première instance. Bien que je ne sois pas d'accord avec Lilly pour dire que le juge de première instance a élevé la preuve requise au niveau d'une [TRADUCTION] « norme réglementaire », je demeure plutôt préoccupée par ses observations suivant lesquelles Lilly n'avait aucune preuve de quoi que ce soit (paragraphe 110). La présomption de validité s'applique et il incombe à Novopharm d'établir que le brevet n'a pas d'utilité.

 

[108]    Le juge de première instance s'est demandé si le brevet 113 était un brevet de sélection valide. Lors de cette analyse (qui ne constitue pas un motif distinct de contestation de la validité d'un brevet), il a conclu que les avantages du brevet n'étaient pas connus ou prédits valablement. Ces questions sont liées à l'utilité. Pour les motifs qui précèdent, je conclus que l'analyse de l'utilité était entachée d'un vice fatal principalement en raison du fait que le juge de première instance s'est trompé dès le départ.

 

[109]    Comme il n'existe aucun fondement à l'interprétation de la promesse du brevet, la Cour n'a aucune façon de procéder à un examen valable. En l'absence d'un énoncé précis de la promesse, le contrôle de l'analyse des avantages allégués n'est pas possible parce qu'ils ne peuvent être considérés par rapport à la promesse primordiale du brevet. Compte tenu de cette lacune au dossier, la question de l'utilité doit être renvoyée à la Cour fédérale pour décision.

 

[110]    Avant d'aborder la question suivante, soit celle de la suffisance de la divulgation, je dois faire une dernière observation. À mon avis, le juge de première instance s'est mal instruit par rapport à l'exigence de la prédiction valable. Bien que le caractère valable de la prédiction soit une question de fait, il faut appliquer le critère approprié. Dans l'arrêt sur l'AZT, le juge Binnie a soutenu que les « tests » qui avaient été effectués dans cette affaire constituaient le fondement factuel de la prédiction valable. Même s'il se peut que les tests ne fournissent pas dans tous les cas un fondement factuel suffisant, s'ils existent, ils offrent un bon point de départ.

 

[111]    Le juge de première instance a conclu (en exigeant une prédiction valable pour chacun des avantages apprécié individuellement) que, dans certains cas, la preuve ou le fondement factuel était insuffisant et que, dans d'autres cas, il n'existait aucun fondement factuel qui permette de faire une prédiction valable. Précédemment, au paragraphe 18 de ses motifs, il avait résumé les divers tests effectués chez la souris et le rat pour déterminer le potentiel antipsychotique d'un composé. Au paragraphe 57, il parle de l'utilisation de l'olanzapine dans les essais chez l'humain, plus particulièrement un essai clinique ouvert mené avec dix patients et quatre études réalisées avec vingt volontaires en bonne santé au total. À mon avis, conclure qu'il n'existait aucun fondement factuel pour une prédiction valable est une erreur manifeste et dominante.

 

[112]    La question pertinente en l'espèce est de savoir s'il existait un raisonnement clair et valable à partir de ce fondement factuel pour inférer la prédiction valable. Le juge de première instance a vérifié s'il existait un raisonnement sous-tendant les avantages, mais il a omis de se pencher sur le poids de la preuve nécessaire. J'ai déjà conclu qu'une prédiction valable exige une inférence prima facie raisonnable de l'utilité.

 

La suffisance de la divulgation

[113]    En plus de satisfaire aux critères de la brevetabilité, une invention doit également être suffisamment divulguée. Le mémoire descriptif représente une sorte de marché entre Sa Majesté, agissant pour le public, et l'inventeur (Consolboard). Par conséquent, le brevet doit contenir suffisamment de renseignements pour permettre à une personne versée dans l'art de réaliser l'invention. Les revendications doivent être énoncées de façon précise sans avoir une portée trop large. S'il n'est pas satisfait aux exigences de divulgation, le brevet sera invalide même s'il est nouveau, utile et non évident. Les exigences relatives au mémoire descriptif d'un brevet sont prévues aux paragraphes 27(3) et 27(4) de la Loi.

 

[114]    Les indications les plus récentes de notre Cour concernant l'interprétation de ces dispositions se trouvent au paragraphe 59 de l'arrêt Ranbaxy :

Seules deux questions sont pertinentes aux fins du paragraphe 27(3) de la Loi. En quoi consiste l'invention? Comment fonctionne‑t‑elle? : voir Consolboard, à la page 520. Dans le cas de brevets de sélection, répondre à la question « En quoi consiste votre invention? » suppose la divulgation des avantages conférés par la sélection. Si le mémoire descriptif du brevet (divulgation et revendications) répond à ces questions, l'inventeur a respecté son engagement. En l'espèce, le brevet '546 répond à chacune de ces questions.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[115]    Le juge de première instance a noté que : « Lilly est assujettie à deux obligations qui se recoupent en ce qui concerne la divulgation ». Elle devait en premier lieu « expliquer en quoi l'olanzapine comporte un avantage important et particulier par rapport aux autres composés du brevet 687 ». Elle devait ensuite « expliquer le fondement de la prédiction valable en ce qui concerne cet avantage ». Le juge de première instance était d'avis que les deux obligations de divulgation étaient « indissociables ». Au paragraphe 138 de ses motifs, il a fait remarquer que « si l'obligation de divulgation a été remplie en ce qui concerne la prédiction valable, il en va tout autant de l'obligation de divulgation pour ce qui est du brevet de sélection ». Il a conclu que la divulgation du brevet 113 était insuffisante.

 

[116]    Lilly a allégué que le juge de première instance n'a pas suivi l'arrêt Ranbaxy, faisant autorité en la matière, dans lequel la Cour a statué expressément que la question de savoir si le titulaire du brevet avait obtenu suffisamment de données pour étayer son invention n'était pas pertinente quant à la question de la divulgation en application du paragraphe 27(3). Lilly a invoqué les faits de l'arrêt Sanofi à l'appui de la thèse suivant laquelle une simple déclaration des avantages est suffisante (pourvu qu'elle soit énoncée en termes clairs). Elle a fait valoir que le brevet 113 divulguait les avantages qui sous‑tendent l'invention et a soutenu qu'il n'avait pas été conclu qu'une personne versée dans l'art ne pouvait pas réaliser l'invention. Par conséquent, le juge de première instance a fait erreur en concluant qu'il n'avait pas été satisfait aux exigences de divulgation.

 

[117]    Novopharm a soutenu que [TRADUCTION] « les experts s'entendaient en majeure partie pour dire que la divulgation des avantages du brevet 113 était vague, déroutante et incompréhensible ». Cette preuve a renforcé la conclusion du juge de première instance suivant laquelle le brevet ne divulguait ni fondement factuel ni raisonnement pour étayer l'avantage prédit. Selon Novopharm, la jurisprudence exige, pour qu'un brevet de sélection soit valide, que les avantages soient énoncés clairement et adéquatement et, si le brevet est fondé sur un avantage prédit, qu'il divulgue le fondement factuel et le raisonnement clair et valable de la prédiction.

 

[118]    Cette question concerne l'interprétation des exigences de divulgation prévues par la Loi. Il s'agit d'une question de droit qui doit être examinée selon la norme de contrôle de la décision correcte.

 

[119]    En premier lieu, je mentionnerais que le juge de première instance ne fait pas état de la preuve citée par Novopharm pour « étayer » la conclusion au sujet de la suffisance de la divulgation et qu'il ne semble pas non plus s'être appuyé sur celle‑ci. En deuxième lieu, en l'espèce, la suffisance devait être déterminée en procédant à une analyse du brevet conformément aux directives contenues dans la Loi et dans l'arrêt Ranbaxy. Le juge de première instance n'a pas adopté cette démarche.

 

[120]    Le juge de première instance a eu raison de noter qu'il y avait deux obligations de divulgation en jeu : la divulgation du « raisonnement » selon l'arrêt sur l'AZT (la troisième condition de la prédiction valable) et l'obligation d'« expliquer en quoi l'olanzapine comporte un avantage important et particulier par rapport aux autres composés du brevet 687 » (le brevet doit décrire en quoi l'invention consiste et comment elle fonctionne). Toutefois, les deux obligations sont séparées et distinctes. Il n'y a pas lieu de les considérer comme étant égales l'une à l'autre. La contestation de la validité du brevet pour le motif de l'insuffisance de la divulgation se fonde sur le paragraphe 27(3) de la Loi.

 

[121]    Le juge de première instance s'est appuyé sur ce qu'il considérait comme étant le critère de l'arrêt sur l'AZT pour trancher la question de la suffisance de la divulgation. Il a conclu que la divulgation était insuffisante parce qu'elle ne satisfaisait pas à ce critère. Cette approche n'est pas compatible avec les exigences prévues par la Loi ni avec l'interprétation de ces exigences de l'arrêt Ranbaxy. Je le répète, le brevet doit contenir une divulgation du composé et de son ou ses avantages et un enseignement de son fonctionnement.

 

[122]    Tel qu'il a été mentionné dans Consolboard, il est bien établi que le mémoire descriptif d'un brevet ne s'adresse pas au public, mais bien à une personne versée dans l'art en cause (page 521). Le juge de première instance ne fait pas état de la preuve d'expert concernant la réalisation de l'invention.

 

[123]    Comme dans le cas de l'utilité, les conclusions factuelles du juge de première instance sont insuffisantes pour permettre à la Cour de procéder à un examen valable de la question. Par conséquent, la question de la suffisance de la divulgation doit être renvoyée à la Cour fédérale pour décision.

 

Conclusion

[124]    Pour les motifs exposés, je suis d'avis d'accueillir l'appel avec dépens et d'annuler le jugement de la Cour fédérale. Je suis également d'avis de renvoyer l'espèce à la Cour fédérale pour qu'elle statue sur l'invalidité alléguée du brevet 113 en raison des exigences d'utilité et de suffisance de la divulgation en tenant compte des présents motifs.

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

j.c.a.

 

« Je suis d'accord.

M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d'accord.

K. Sharlow, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de septembre 2010.

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

ANNEXE A

 

des motifs du jugement dans la cause

Eli Lilly Canada Inc. et al. c. Novopharm Limited

A-454-09

 

Loi sur les brevets

(L.R. (1985), ch. P‑4)

 

2. Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

 

Patent Act (R.S., 1985, c. P‑4)

 

 

2. In this Act, except as otherwise provided,

 

invention

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité.

 

[...]

 

« invention »

“invention” means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter;

 

 

Mémoire descriptif

27. (3) Le mémoire descriptif doit :

 

 

a) décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

 

b) exposer clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'invention;

 

c) s'il s'agit d'une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l'application;

 

 

d) s'il s'agit d'un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention en cause d'autres inventions.

 

Specification

27. (3) The specification of an invention must

 

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

 

 

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

 

 

 

 

(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and

 

(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions.

 

Revendications

(4) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l'objet de l'invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

 

[...]

 

Claims

(4) The specification must end with a claim or claims defining distinctly and in explicit terms the subject‑matter of the invention for which an exclusive privilege or property is claimed.

 

 

Objet non divulgué

28.2 (1) L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas :

 

 

 

a) plus d'un an avant la date de dépôt de celle‑ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d'un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement, l'objet d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d'une autre personne, l'objet d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

c) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a);

 

d) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt correspond ou est postérieure à la date de la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a) si :

(i) cette personne, son agent, son représentant légal ou son prédécesseur en droit, selon le cas :

(A) a antérieurement déposé de façon régulière, au Canada ou pour le Canada, une demande de brevet divulguant l'objet que définit la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a),

(B) a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, une demande de brevet divulguant l'objet que définit la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a), dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relatif aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada,

(ii) la date de dépôt de la demande déposée antérieurement est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l'alinéa a),

(iii) à la date de dépôt de la demande, il s'est écoulé, depuis la date de dépôt de la demande déposée antérieurement, au plus douze mois,

(iv) cette personne a présenté, à l'égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.

 

Subject-matter of claim must not be previously disclosed

28.2 (1) The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada (the “pending application”) must not have been disclosed

 

(a) more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant, in such a manner that the subject‑matter became available to the public in Canada or elsewhere;

 

 

(b) before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the subject‑matter became available to the public in Canada or elsewhere;

 

(c) in an application for a patent that is filed in Canada by a person other than the applicant, and has a filing date that is before the claim date; or

 

 

 

 

(d) in an application (the “co‑pending application”) for a patent that is filed in Canada by a person other than the applicant and has a filing date that is on or after the claim date if

(i) the co‑pending application is filed by

(A) a person who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for Canada an application for a patent disclosing the subject-matter defined by the claim, or

(B) a person who is entitled to protection under the terms of any treaty or convention relating to patents to which Canada is a party and who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for any other country that by treaty, convention or law affords similar protection to citizens of Canada an application for a patent disclosing the subject‑matter defined by the claim,

(ii) the filing date of the previously regularly filed application is before the claim date of the pending application,

(iii) the filing date of the co‑pending application is within twelve months after the filing date of the previously regularly filed application, and

(iv) the applicant has, in respect of the co‑pending application, made a request for priority on the basis of the previously regularly filed application.

 

Retrait de la demande

(2) Si la demande de brevet visée à l'alinéa (1)c) ou celle visée à l'alinéa (1)d) a été retirée avant d'être devenue accessible au public, elle est réputée, pour l'application des paragraphes (1) ou (2), n'avoir jamais été déposée.

 

Withdrawal of application

(2) An application mentioned in paragraph (1)(c) or a co‑pending application mentioned in paragraph (1)(d) that is withdrawn before it is open to public inspection shall, for the purposes of this section, be considered never to have been filed.

 

Objet non évident

28.3 L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d'un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

Invention must not be obvious

28.3 The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject-matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

 

(a) information disclosed more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

 

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere.

 

 

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-454-09

 

APPEL DU JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE RENDU LE 5 OCTOBRE 2009, DOSSIER NO T‑1048‑07

 

INTITULÉ :                                                   ELI LILLY CANADA INC. ET AL. c. NOVOPHARM LIMITED

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :                         Les 21 et 22 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NADON

                                                                        LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 21 juillet 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony G. Creber

Cristin Wagner

 

POUR LES APPELANTES

 

Jonathan Stainsby

Andrew Skodyn

Andy Radhakant

Neil Fineberg

 

POUR L'INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

 

POUR LES APPELANTES

 

Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L., SRL

 

POUR L'INTIMÉE

 

 

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