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Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20100729

Dossier : A‑281‑09

Référence : 2010 CAF 204

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW                     

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

PFIZER LIMITED

appelante

et

RATIOPHARM INC.

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 24 juin 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                    LA JUGE SHARLOW

 


 

Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20100729

Dossier : A‑281‑09

Référence : 2010 CAF 204

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW                     

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

PFIZER LIMITED

appelante

et

RATIOPHARM INC.

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

[1]        L’intimée (Ratiopharm), sous le régime de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4 (la Loi), a introduit devant la Cour fédérale une action relative au brevet canadien no 1321393 (le brevet 393) de l’appelante (Pfizer), tendant à obtenir, entre autres, un jugement déclaratoire d’invalidité de ce brevet. Le juge de la Cour fédérale saisi de l’action (le juge de première instance) a accueilli cette prétention de Ratiopharm.

 

[2]        Après une instruction de quatre semaines réunissant vingt témoins (dont huit experts), le juge de première instance a conclu à l’invalidité du brevet 393 pour cause d’évidence. Il a également conclu, en remarque incidente, que ce brevet est invalide pour plusieurs autres motifs, plus précisément : l’absence d’utilité, l’insuffisance de la divulgation, le fait qu’il soit de nature à induire en erreur et donc nul sous le régime de l’article 53 de la Loi, et le fait qu’il ne remplisse pas les conditions de validité d’un brevet de sélection.

 

[3]        Pfizer interjette appel de ce jugement de la Cour fédérale devant notre Cour. Pour avoir gain de cause, Pfizer doit établir que le juge de première instance a commis une erreur donnant lieu à révision à l’égard de chacun des moyens sur lesquels il a prononcé. Pour les motifs dont l’exposé suit, on ne m’a pas persuadée que le juge de première instance a commis une erreur en concluant à l’évidence du brevet 393. En conséquence, l’appel de Pfizer doit être rejeté.

 

Le bésylate d’amlodipine

[4]        Le brevet 393 s’intitule « Bésylate d’amlodipine ». Seule la revendication 11, qui a pour libellé « Le bésylate d’amlodipine. », est en litige. L’amlodipine a été inventée par la société Pfizer. Il s’agit d’un bloqueur des canaux calciques et d’un composé antihypertenseur. L’amlodipine et une vaste classe de ses sels d’addition acides pharmaceutiquement acceptables ont été divulgués antérieurement dans la demande de brevet européen 089167 (EP 167) présentée par Pfizer. Le bésylate d’amlodipine, vendu sous le nom commercial NORVASC, est utilisé dans le traitement de l’hypertension artérielle et de l’angine. Ses effets thérapeutiques sont dus à l’amlodipine.

 

[5]        Avant qu’un médicament ne puisse être vendu, il doit être produit sous une forme qui convient à la fabrication, à l’entreposage, au transport et à l’administration chez les patients. Les propriétés requises pour obtenir une forme pharmaceutiquement acceptable sont notamment la solubilité (absorption dans la circulation sanguine du patient), la stabilité (changements minimes durant la fabrication), la non-hygroscopicité (attire peu d’eau) et l’aptitude au traitement (n’adhère pas à l’équipement de fabrication).

 

[6]        Pour obtenir ces propriétés, il est souvent nécessaire de convertir le médicament sous forme de base libre en un sel. Un sel est un composé ionique qui se forme lorsqu’une base (comme l’amlodipine) est combinée avec un acide. Le brevet 393 vise le bésylate (sulfonate de benzène, un acide sulfonique), un sel de l’amlodipine. Il est généralement admis que le bésylate d’amlodipine est un sel pharmaceutiquement acceptable.

 

Mise au point du bésylate d’amlodipine

[7]        Pfizer a d’abord tenté de formuler l’amlodipine sous la forme d’un autre sel, le maléate. Toutefois, au cours du processus d’approbation réglementaire, il s’est avéré que le maléate présentait des problèmes de stabilité et d’aptitude au traitement. Par conséquent, Pfizer a entrepris de chercher un autre sel de l’amlodipine par un procédé accepté appelé sélection de sels. Pfizer en a testé sept : l’acétate, le succinate, le mésylate, le bésylate, le salicylate, le chlorhydrate et le tosylate. La société a opté pour le bésylate. Le juge de première instance a décrit ce procédé au paragraphe 50 de ses motifs :

[L]a procédure suivie par [les chercheurs de Pfizer] MM. Wells et Davison était essentiellement un procédé de sélection de sels typique du milieu des années 80 en vue de découvrir un produit pharmaceutique candidat […] Elle était effectuée un peu à la va-vite. Le temps était une contrainte cruciale; seuls certains sels étaient sélectionnés, pas de façon totalement aléatoire, aux fins de mise à l’essai. Une fois qu’un, deux ou trois produits suffisamment utiles étaient repérés, on ne se donnait pas la peine de procéder à des essais sur tous les sels possibles. On s’entendait sur les produits sélectionnés, puis on passait à l’étape suivante, celle de la formulation finale aux fins d’approbation réglementaire.

 

 

 

[8]        M. James Wells, scientifique et inventeur qui travaillait pour Pfizer à l’époque, a exposé dans une note de synthèse en date du 25 novembre 1985 les résultats de ses travaux en vue de la rédaction d’une demande de brevet. Je reproduis ci‑dessous le passage de cette note de synthèse cité au paragraphe 103 de l’exposé des motifs du juge de première instance :

[TRADUCTION]

 

Nous recommandons une demande de brevet afin de protéger les sels de l’UK‑48,340 appelés bésylate et tosylate parce qu’ils présentent les avantages suivants :

 

a)         une augmentation de la durée de conservation des formes galéniques solides en raison d’une amélioration de la stabilité du bésylate et du tosylate à l’état solide;

 

b)         une amélioration de la transformation en comprimés et en capsules parce que l’adhérence est considérablement réduite dans le cas du bésylate et du tosylate. Cela permet la fabrication à coût moindre des comprimés par compression directe, puisque, même si la méthode par masse humide réduit l’adhérence, elle compromet la stabilité. 

 

Le mésylate mérite probablement également d’être protégé, puisque sa stabilité et ses propriétés relatives à la transformation sont excellentes. Cependant, il est isolé sous forme anhydre et, une fois exposé à l’humidité, il se transforme rapidement en monohydrate. En revanche, le bésylate et le tosylate sont non hygroscopiques et anhydres.  

 

Cette note exposait les avantages que présentent le bésylate d’amlodipine et d’autres sulfonates.

 

 

[9]        Pfizer a déposé sa demande de brevet canadien le 2 avril 1987, revendiquant la priorité sur la base du dépôt de sa demande de brevet britannique, en date du 4 avril 1986. Le brevet 393 a été délivré le 17 août 1993 et expirera le 17 août 2010. Il s’agit d’un brevet de sélection.

 

Les motifs du juge de première instance

[10]      Le juge de première instance a motivé ses conclusions par un exposé détaillé, clair et convaincant. Il a précisé les qualités professionnelles et les caractéristiques de chacun des témoins, et décrit l’impression que lui faisaient leurs témoignages respectifs. Il a noté le caractère contradictoire de la preuve d’expert, déclaré quels éléments il retenait de préférence et exposé les raisons de ses choix.

 

[11]      Il a défini les qualités de la personne versée dans l’art et déterminé les dates pertinentes aux fins de la preuve relative à ladite personne. Il a interprété la revendication considérée et a conclu que l’invention revendiquée est « une forme saline particulière, le bésylate, d’un composé pharmaceutique connu, l’amlodipine ».  Cette revendication, a‑t‑il ajouté, est « sans restriction quant à une utilisation particulière et sans restriction quant à la forme précise du composé ».

 

[12]      Le juge de première instance a examiné le développement des produits pharmaceutiques dans les années 1980, en particulier l’étape de la sélection ou de la sélection préliminaire des sels, et a étayé son exposé de références aux déclarations des témoins. Puis, en 55 paragraphes, il a décrit en détail le développement et le brevetage du bésylate d’amlodipine, en se référant là encore à la preuve. Il a interprété la promesse du brevet et conclu que, selon celui‑ci, le bésylate d’amlodipine constitue une combinaison unique qui le rend particulièrement et exceptionnellement bien adapté à la production de préparations pharmaceutiques d’amlodipine. Il a ensuite consacré 40 autres paragraphes à un examen comparatif du contenu du brevet 393 et de « la réalité », dont il a tiré un certain nombre de conclusions de fait qu’il formule au paragraphe 153 de ses motifs. Il s’est enfin attaqué aux questions de droit, dont la première était celle de l’évidence.

 

La norme de contrôle

[13]      La norme de contrôle applicable à la présente espèce est formulée dans Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235. Dans cet arrêt, la Cour suprême répète qu’un appel n’est pas un nouveau procès. La norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte, c’est‑à‑dire que la cour d’appel a la faculté de substituer son opinion à celle du juge de première instance. Quant aux questions de fait, la norme à leur appliquer est celle de l’erreur manifeste et dominante, c’est‑à‑dire qu’on ne peut infirmer les conclusions de fait que sur le fondement d’une erreur évidente.

 

L’évidence

Le raisonnement du juge de première instance

[14]      Pour ce qui concerne l’examen de la question de l’évidence, le juge de première instance reconnaît qu’il doit considérer la revendication comme ayant été bien interprétée. Au paragraphe 159 de ses motifs, il récapitule la démarche applicable à la question de l’évidence qu’a exposée la Cour suprême du Canada dans Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., [2008] 3 R.C.S. 265 (Sanofi) :

                        (1)        a)         Identifier la « personne versée dans l’art »;

                                     b)        Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de                        cette personne;

 

(2)        Déterminer l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3)        Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

(4)        Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

 

 

[15]      Le juge de première instance, au paragraphe 160 de ses motifs, rappelle les questions qui doivent guider le tribunal lorsqu’il établit, à la quatrième étape de la démarche Sanofi, si l’invention est réductible à un « essai allant de soi » :

1.         Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

 

2.         Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

 

                        3.         L’antériorité fournit‑elle un motif de rechercher la solution au problème                                      qui sous‑tend le brevet?

 

 

 

Il se réfère ensuite à l’arrêt de notre Cour Apotex Inc c. Pfizer Canada Inc., [2004] 4 R.C.F. 223, et conclut avec raison que le critère de l’essai « valant d’être tenté » n’est pas identique à celui de l’« essai allant de soi ».

 

[16]      Le juge de première instance récapitule les faits pertinents aux paragraphes 167 et 168 de ses motifs et conclut que les travaux effectués par Pfizer relevaient à l’époque de la pratique courante pour la personne versée dans l’art. Il conclut également que l’invention revendiquée, un bésylate de l’amlodipine, est évidente.

 

Les allégations d’erreurs avancées par Pfizer

[17]      Pfizer soutient que le juge de première instance a commis deux erreurs : une erreur de droit et une erreur de fait manifeste et dominante. L’erreur de fait consiste selon Pfizer à avoir conclu que la personne versée dans l’art « aurait [eu] toutes les raisons de soumettre le bésylate à des essais ». Pfizer fait valoir que le juge de première instance a soit oublié, soit délibérément passé sous silence, son contre-interrogatoire de M. Cunningham, où elle estime avoir démontré que les six documents de l’art antérieur auxquels ce témoin se référait n’étayaient pas la conclusion contestée. Cette omission équivaut selon Pfizer à une erreur manifeste et dominante.

 

[18]      Quant à l’erreur de droit supposée, elle tient à la façon dont le juge de première instance aurait appliqué ce que Pfizer appelle [TRADUCTION] « le critère applicable à la question de l’évidence » formulé dans Sanofi. Plus précisément, Pfizer soutient dans ses conclusions écrites que le juge de première instance s’est trompé en concentrant son attention sur la manière dont les inventeurs ont élaboré l’invention plutôt que sur le résultat de ce processus. L’invention qu’on obtient au moyen d’essais, fait-elle valoir, n’est pas nécessairement évidente pour la simple raison que les essais effectués entraient dans le champ des connaissances et des capacités de la personne versée dans l’art : l’invention est évidente seulement si le résultat des essais est évident.

 

[19]      Pfizer reconnaît que la simple vérification des propriétés connues d’une substance commune ne constitue pas une invention et ne peut donc être brevetée, mais elle invoque le passage de l’arrêt Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 C.A.F. 214, [2007] 2 R.C.F. 137 (Pfizer AC), où notre Cour a conclu « que les propriétés de formulation de tout sel de l’amlodipine ne pouvaient être prévues et qu’elles devaient être déterminées empiriquement ». Pfizer fait valoir que le juge de première instance s’est contenté d’adopter la conclusion formulée par la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral dans Pfizer Inc. c. Apotex Inc. (2006), 480 F. 3d 1348 (le précédent américain), selon laquelle [TRADUCTION] « il était courant dans le métier de vérifier les caractéristiques physicochimiques prévues de chaque sel [...] et les scientifiques de Pfizer ont utilisé des techniques standard pour le faire ». L’erreur du juge de première instance, selon Pfizer, est donc fondée sur ce recours erroné au précédent américain et commande l’intervention de notre Cour.

 

[20]      À l’audience, l’avocat de Pfizer a posé qu’il convient de décider la question de l’évidence en se demandant s’il y a eu simple vérification ou activité inventive. S’il y a eu plus qu’une simple vérification, il y a invention et il n’y a pas évidence. Ces deux possibilités, a‑t‑il fait valoir, s’excluent mutuellement. L’avocat a aussi répété que la question pertinente est celle de savoir si le résultat (plutôt que le processus de recherche) était plus ou moins évident, c’est‑à‑dire prévisible.

 

[21]      En somme, Pfizer a soutenu que le juge de première instance s’était demandé si le processus était plus ou moins évident (ou prévisible), alors que la question qu’il fallait se poser était celle de savoir si le résultat était évident (ou prévisible). En conséquence, selon Pfizer, le juge de première instance s’est mépris sur le droit applicable.

 

Analyse

[22]      L’erreur de fait supposée ne nécessite qu’un examen sommaire. Je suis d’accord avec Ratiopharm pour penser que la preuve de M. Cunningham était fondée non seulement sur l’état de la technique, mais aussi sur son expérience dans l’industrie pharmaceutique, ainsi que sur sa connaissance de la sélection des sels et des valeurs fonctionnelles de divers groupes de sels connus. Qui plus est, sa preuve était corroborée par celle de M. Atwood.

 

[23]      Fondamentalement, en invoquant ce moyen, Pfizer se plaint de ce que le contre‑interrogatoire de M. Cunningham n’a pas suffi à persuader le juge de première instance. Ledit moyen n’établit pas la thèse de l’erreur manifeste et dominante.

 

[24]      L’argument de Pfizer selon lequel le juge de première instance aurait à tort utilisé et adopté la conclusion du précédent américain est lié à son moyen concernant la simple vérification et l’évidence.

 

[25]      Premièrement, Pfizer fonde sa position sur une conclusion de fait de l’arrêt Pfizer AC, rendu sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement AC). Or notre Cour a déclaré à plusieurs reprises que les décisions prononcées à l’issue de ce que j’appellerai les « procédures AC » n’ont pas l’autorité de la chose jugée. Si Pfizer peut avoir raison de soutenir que le fondement factuel de Pfizer AC est le même que celui de l’action qui nous occupe, il ne s’ensuit pas que le fondement probatoire soit le même. Le tribunal tire ses conclusions de fait de la preuve produite devant lui dans l’affaire particulière dont il est saisi.

 

[26]      Le juge de première instance connaissait les procédures AC antérieures relatives au brevet 393 et estimait qu’elles pouvaient présenter un intérêt (paragraphe 18 de ses motifs). Cependant, il n’était ni ne pouvait être lié par les conclusions de fait d’une procédure AC antérieure. Il lui incombait plutôt de fonder ses conclusions sur la preuve produite devant lui.

 

[27]      Deuxièmement, il est clair que le juge de première instance a bien cerné les critères de droit formulés dans Sanofi à propos de la question de l’« essai allant de soi ». Ces critères s’appliquent à la solution (ou résultat). Comme le brevet 393 est un brevet de sélection, le résultat à évaluer est l’avantage ou l’ensemble d’avantages que présente le bésylate d’amlodipine par rapport à l’amlodipine et à ses maléates. La conclusion de fait du juge de première instance, selon laquelle les propriétés du bésylate n’auraient pu être prédites, ne signifie pas nécessairement qu’il doit y avoir eu plus qu’une [TRADUCTION] « simple vérification ». Je note par parenthèse que, bien que l’expression « simple vérification » tienne une place importante dans le raisonnement de Pfizer, elle n’apparaît nulle part dans l’analyse du juge de première instance.

 

[28]      La conclusion de fait centrale comme quoi le résultat de la sélection préliminaire du bésylate (ses avantages) était prévisible ou relevait d’un essai allant de soi est formulée au paragraphe 170 des motifs du juge de première instance, libellé comme suit :

Je suis d’accord en particulier avec les conclusions de M. Cunningham présentées au paragraphe 179 de son rapport (pièce 17) selon lesquelles une personne versée dans l’art aurait été motivée à faire des essais sur des sels de l’acide sulfonique en général et aurait toutes les raisons de soumettre le bésylate à des essais, car il avait déjà été prouvé qu’il offrait des avantages par rapport à d’autres sels sur le plan de la stabilité.  

 

[29]      Cette conclusion de fait suffit à justifier le rejet de l’argument de Pfizer. Cependant, je ne souscris pas non plus à l’idée que le juge de première instance aurait adopté les conclusions du précédent américain. Dès le paragraphe 17 de ses motifs, il note en effet que la jurisprudence américaine ne lie pas la Cour fédérale et se fonde sur un droit qui peut être différent du nôtre à certains égards.

 

[30]      Chose plus importante, il ressort à l’évidence de l’exposé de ses motifs que le juge de première instance est parvenu de manière indépendante à sa conclusion sur le point de savoir si l’essai du bésylate et son résultat allaient de soi. C’est après avoir énoncé cette conclusion de fait qu’il note que la Cour d’appel des États-Unis est arrivée à la même. En faisant cette observation, le juge de première instance n’invoque ni n’adopte le précédent américain : il formule tout simplement ce que le langage juridique appelle une remarque incidente.

 

[31]      En résumé, les arguments de Pfizer équivalent pour l’essentiel à une tentative déguisée de contester des conclusions de fait en les définissant comme des erreurs de droit. Pfizer ne m’a pas convaincue que le juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante dans ses conclusions de fait : la preuve dont il disposait autorisait bel et bien ces dernières. Pfizer a aussi échoué à me convaincre, pour les motifs dont l’exposé précède, que le juge de première instance a commis une quelconque erreur de droit.

 

Les motifs subsidiaires

[32]      Il n’est pas nécessaire d’examiner en détail les motifs subsidiaires sur lesquels le juge de première instance s’est fondé pour invalider le brevet 393. Deux observations me semblent cependant s’imposer à ce sujet.

 

[33]      Sous le titre « Brevet de sélection » de ses motifs, le juge de première instance se demande s’il existe bien une catégorie du brevet de « sélection » (paragraphe 180). Il conclut que, si cette catégorie existe, le brevet est invalide également pour cette raison. Notre Cour a depuis lors communiqué les motifs de son arrêt Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limitée, 2010 CAF 197, où elle a établi que les conditions de validité d’un brevet de sélection ne constituent pas un fondement indépendant sur lequel on puisse contester la validité d’un brevet.

 

[34]      Pfizer a fait valoir que la conclusion formulée par le juge de première instance sous le régime du paragraphe 53(1) de la Loi pourrait se fonder sur une interprétation trop large de ce paragraphe. Or il me paraît que cette conclusion se limite aux circonstances particulières de la présente affaire : elle n’a que peu de valeur, si même elle en a, en tant que précédent.

 

Conclusion

[35]      Je rejetterais l’appel, avec dépens à Ratiopharm.

 

 

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

K. Sharlow, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑281‑09

 

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LA COUR FÉDÉRALE LE 8 JUILLET 2009 DANS LE DOSSIER NO T-1712‑07

 

INTITULÉ :                                                   PFIZER LIMITED c.

                                                                        RATIOPHARM INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NADON

                                                                        LA JUGE SHARLOW

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 29 juillet 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

John  B. Laskin

W. Grant Worden

 

POUR L’APPELANTE

 

David W. Aitken

Marcus Klee

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Torys, s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Osler, Hoskin & Harcourt, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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