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Date : 20100805

Dossier : A-443-08

Référence : 2010 CAF 206

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

MERCHANT LAW GROUP

 

 

intimé

 

 

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 22 juin 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 août 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                           LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                        LE JUGE STRATAS

 

 


 

Date : 20100805

Dossier : A-443-08

Référence : 2010 CAF 206

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

MERCHANT LAW GROUP

 

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]        L’intimé est un cabinet d’avocats à l’égard duquel le ministre du Revenu national (le ministre) a établi une cotisation relativement à la taxe sur les produits et services (la TPS), en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi). La cotisation concernait le traitement par l’intimé de certains débours effectués dans le cadre des services juridiques rendus à ses clients. Parmi ces débours figuraient des sommes engagées pour des recherches, des services de messagerie, des fournitures de bureau, l’indemnisation des témoins, des services d’enregistrement, des services de transcription, des actes de naissance, de décès et de mariage, des déplacements et des témoignages et rapports d’experts.

[2]        Selon le ministre, ces débours ont été effectués en contrepartie de la fourniture de services juridiques, et constituaient donc des fournitures taxables à l’égard desquelles l’intimé  n’a pas perçu et versé la TPS. L’intimé a contesté la cotisation, faisant valoir qu’il avait effectué les débours en question à titre de mandataire de ses clients. Ainsi, il a soutenu que les débours ne concernaient pas une fourniture taxable et qu’il n’était pas obligé de percevoir et de verser la TPS y afférente.

 

[3]        Dans des motifs publiés à [2008] A.C.I. no 265, 2008 CCI 337, un juge de la Cour de l’impôt a conclu, qu’à l’exception d’une catégorie de débours (les frais de bureau), l’intimé s’était acquitté de l’obligation qui lui incombait de démontrer qu’il avait effectué les débours à titre de mandataire de ses clients. Par conséquent, sous réserve de cette exception, les débours n’étaient pas assujettis à la TPS. Le juge a accueilli l’appel à l’encontre de la cotisation établie par le ministre et renvoyé l’affaire à celui‑ci pour qu’il procède à un nouvel examen et à un nouveau calcul conformément aux motifs du jugement.

 

[4]        Le présent appel soulève une seule question : le juge de la Cour de l’impôt a‑t‑il commis une erreur en concluant que l’intimé s’était acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il agissait à titre de mandataire de ses clients lorsqu’il a effectué les débours en cause?  Les conclusions du juge concernant l’obligation de l’intimé de payer la TPS applicable aux factures envoyées à l’Aide juridique Manitoba, le calcul de certains crédits de taxe sur les intrants ou l’imposition de pénalités suivant l’alinéa 280(1)a) de la Loi ne sont pas contestées.

 

 

Les faits

[5]        L’intimé est un cabinet d’avocats qui exerce le droit en Saskatchewan et ailleurs. Comme il a été mentionné, dans le cadre de la prestation de services juridiques, l’intimé a acquis divers produits et services provenant de tiers fournisseurs et les a facturés aux clients au titre de débours.

 

[6]        L’intimé a perçu et versé la TPS sur certains des débours.

 

[7]        L’intimé n’a pas perçu et versé la TPS sur les débours, considérant qu’il les avait engagés à titre de mandataire de ses clients.

 

[8]        La preuve de l’intimé quant à la façon dont il a engagé et traité ces débours a été produite par l’intermédiaire de Gerald Heinrichs, avocat qui travaillait avec l’intimé ou ses prédécesseurs depuis 1988. M. Heinrichs a témoigné au sujet de 11 catégories suivantes de débours : rapports d’évaluation, rapports d’accidents, frais de messagerie, frais de transcription, rapports d’enquête, dossiers d’hôpitaux, rapports de sécurité, rapports médicaux, frais de stationnement, frais de déplacement et frais de recherches et frais afférents à différents actes. Pour chacune de ces catégories, il a expliqué en termes généraux à quel moment les frais étaient engagés, comment chaque débours était payé et à qui appartenaient les documents ainsi acquis.

 

[9]        Son témoignage a fait ressortir les points suivants :

·        les estimations que les avocats fournissent aux clients relativement aux frais juridiques comprennent les taxes et les débours;

 

·        les clients sont généralement avisés à l’avance des débours élevés, comme les frais de rapports médicaux, les frais d’enregistrement des droits immobiliers et les frais de rapports d’évaluation;

 

·        en général, les clients ne sont pas consultés au sujet des débours minimes, comme ceux engagés pour une recherche de titres immobiliers, un acte de mariage ou des services de messagerie;

 

·        de façon générale, les avocats du cabinet traitent directement avec les tiers fournisseurs;

 

·        les débours sont généralement payés par le cabinet à même les sommes détenues en fiducie pour le client en question;

 

·        les documents obtenus d’un tiers fournisseur sont considérés comme appartenant au client;

 

·        les documents reçus par le cabinet, par exemple les rapports d’accidents, ne sont pas modifiés par celui‑ci;

 

·        le cabinet ne facture pas aux clients un montant supérieur au montant payé pour tout débours;

 

·        les avocats ont « souvent », à ce titre, le pouvoir d’influer sur la situation de leurs clients.

 

[10]      Aucune preuve n’a été présentée quant aux points suivants :

·        les conditions de tout mandat de représentation en justice confié à l’intimé par ses clients;

·        les factures provenant de tiers fournisseurs concernant les débours;

·        la personne qui, selon les tiers fournisseurs, était responsable du paiement des produits et des services fournis;

·        si les tiers fournisseurs savaient que l’intimé concluait des contrats avec eux à titre de mandataire et non de mandant;

·        la compréhension que les clients avaient quant à leur obligation envers les tiers fournisseurs.

Le régime législatif

[11]     En règle générale, la section II de la partie IX de la Loi prévoit le paiement de la TPS par « l’acquéreur d’une fourniture taxable effectuée au Canada ». Voir : le paragraphe 165(1) de la Loi. Les termes « acquéreur », « fourniture » et « fourniture taxable » sont définis pour l’essentiel comme suit au paragraphe 123(1) de la Loi :

123(1). « acquéreur »

a) Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

 

 

« fourniture » Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

 

« fourniture taxable » Fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale.

 

123(1). “recipient” of a supply of property or a service means

(a) where consideration for the supply is payable under an agreement for the supply, the person who is liable under the agreement to pay that consideration,

 

[. . .]

 

“supply” means, subject to sections 133 and 134, the provision of property or a service in any manner, including sale, transfer, barter, exchange, licence, rental, lease, gift or disposition;

 

“taxable supply” means a supply that is made in the course of a commercial activity;

 

[12]     Il existe deux façons pour un avocat d’effectuer des débours. Il peut le faire à titre de mandataire de son client, ou pour son propre compte, comme dépense engagée dans le cadre de la prestation de services juridiques. La façon de traiter les débours dans l’un ou l’autre cas n’est pas en litige.

 

[13]     Dans le premier cas, l’avocat n’est pas l’acquéreur de la fourniture au sens du paragraphe 123(1) de la Loi si l’avocat n’est pas l’entité qui est tenue de payer la contrepartie prévue au contrat avec le tiers fournisseur. L’avocat n’effectue pas une fourniture. Il agit simplement à titre de mandataire ou de représentant de son mandant. Dans ce cas, le débours ne fait pas partie des dépenses engagées par l’avocat. L’obligation de payer revient au client et l’avocat exécute cette obligation pour le compte de son client.

 

[14]     Dans le deuxième cas, où l’avocat est l’« acquéreur » d’une fourniture, le débours est effectué à ses propres frais. Le client peut lui rembourser la dépense engagée, mais il n’est pas tenu de payer le tiers fournisseur. L’avocat a engagé la dépense afin de fournir des services juridiques au client. Puisque les produits ou les services ont été acquis pour être utilisés ou consommés dans le cadre de la fourniture de services juridiques, les avocats inscrits aux fins de la TPS peuvent demander un crédit de taxe sur les intrants et soustraire la TPS du débours initial. L’avocat facture ensuite à son client le débours excluant la TPS. Si elle est exigible, la TPS est alors prélevée sur le compte du client, y compris le débours excluant la TPS.

 

[15]     Le litige en l’espèce porte sur la question de savoir si l’intimé a effectué les débours en cause à titre de mandataire de ses clients. La position de l’Agence du revenu du Canada concernant la question de savoir si une personne agit à titre de mandataire est formulée dans l’Énoncé de politique sur la TPS/TVH no P-182R. La Cour a déjà conclu que l’énoncé n’a pas de force obligatoire, mais qu’il « constitue un instrument utile pour se prononcer sur l’existence d’une relation de mandataire ». Voir : Glengarry Bingo Assn. c. Canada (1999), 237 N.R. 63.

 

[16]      L’énoncé de politique no P-182R énumère les trois conditions essentielles d’une relation de mandataire. Dans le cadre du présent appel, la condition qui nous intéresse est celle voulant qu’un mandataire ait le pouvoir d’influer sur la situation juridique du mandant.

[17]      Il est bien établi en common law qu’une relation de mandataire exige que le mandataire puisse influer sur la situation juridique du mandant à l’égard des tiers, en concluant des contrats pour le compte du mandant ou en disposant des biens du celui‑ci. Voir, par exemple, G.H.L. Fridman, Canadian Agency Law, (Markham : LexisNexis Canada Inc., 2009), à la page 4, et F.M.B. Reynolds, Bowstead and Reynolds on Agency, 17e éd. (London : Sweet & Maxwell, 2001), au paragraphe 1-001. Pour reprendre les propos du professeur Fridman, qui cite la décision Royal Securities Corp. Ltd. c. Montreal Trust Co., [1967] 1 O.R. 137, page 155 (H.C.J.), conf. par [1967] 2 O.R. 200 (C.A.), [traduction] « le droit des mandats ne s’appliquera que lorsque les actes accomplis par une personne pour le compte d’une autre personne modifient la situation juridique de celle‑ci, c’est‑à‑dire les droits et les obligations qu’elle a à l’égard des autres personnes. La cession du droit d’exercer les pouvoirs juridiques d’une autre personne, et d’influer ainsi sur sa situation juridique, constitue une caractéristique essentielle de la relation de mandataire. »

 

[18]      L’énoncé de politique no P-182R porte ensuite sur les huit indices qui seraient utiles pour déterminer si les conditions essentielles du mandat sont présentes dans une opération donnée. Parmi eux, les indices suivants sont pertinents pour le présent appel :

·        Pratiques comptables : Bien que les mandataires n’aient pas nécessairement l’obligation de maintenir des comptes distincts, le fait qu’une personne sépare de ses propres fonds des sommes reçues ou payées dans le cadre d’une relation avec une autre personne révèle qu’il est possible qu’il s’agisse d’une relation de mandataire.

·        Modification du bien acquis : En règle générale, les mandataires ne modifient pas la nature des biens acquis d’un tiers avant de les transmettre au mandant.  Toutefois, cela est également vrai dans de nombreux cas où quelqu’un acquiert un bien d’un tiers autrement qu’à titre de mandataire.

·        Responsabilité en vertu d’un contrat ou à l’égard d’un paiement :  Lorsqu’une personne achète des biens pour le compte d’une autre personne, et que cette autre personne est tenue de payer ce que le fournisseur a vendu, la personne qui agit pour le compte de l’acheteur est considérée comme le mandataire de l’acheteur.

·        Propriété des biens : En règle générale, le mandataire n’acquiert pas de droit de propriété dans le bien qu’il acquiert à ce titre pour le compte du mandant, puisque la propriété passe directement au mandant.  Toutefois, le mandant et le mandataire peuvent s’entendre pour que le mandataire détienne le titre de propriété.

 

La décision de la Cour de l’impôt

[19]      Le juge a commencé son analyse en renvoyant à l’énoncé no P-182R, révisé en juillet 2003. Il a mentionné les trois conditions essentielles d’une relation de mandataire ainsi que les huit indices présentés ci‑dessus. Voici l’analyse du juge, aux paragraphes 20 à 23 de ses motifs :

[20]      Il va sans dire que la relation qui existe entre un avocat et son client est une relation de mandant et de mandataire. En l’espèce, la preuve montre que toutes les qualités essentielles qui constituent une relation de mandat sont présentes. L’appelant a fourni des éléments de preuve précis à l’égard de ses pratiques portant sur les débours judiciaires et sur la relation qui existe entre les avocats et leurs clients respectifs. La preuve a servi à établir qu’il existait une relation de mandat dans le présent cas particulier, comme il en existerait habituellement une dans tous les cas concernant un avocat et ses clients. La relation de mandat est encore plus présente dans le cas particulier qui nous occupe parce que presque tous les débours judiciaires ont été payés directement à même les fonds confiés en fiducie à l’appelant par les clients. La preuve établissait clairement que les types de débours suivants, effectués par l’appelant pour le compte de ses clients, ont été payés directement à même les fonds détenus en fiducie et qu’ils ont été effectués pour les clients et suivant leurs instructions sur consentement des deux parties, à savoir :

des rapports d’évaluation;

des rapports d’accidents de véhicules automobiles;

des frais de messagerie;

des frais de transcription;

des rapports d’enquête;

des dossiers d’hôpitaux;

des rapports portant sur la sécurité;

des rapports médicaux;

des frais de stationnement;

des frais de déplacement;

des certificats de sécurité et de recherche;

des actes de naissance;

des actes de mariage;

des actes de décès.

 

[21]      La preuve établit également clairement qu’aucun élément n’a été ajouté à ces débours et que l’appelant n’y a pas non plus fait d’altérations. De plus, les rapports, les actes, etc., que l’appelant a reçus demeurent la propriété du client et tous les frais ont été payés à même les fonds détenus en fiducie, sauf les débours peu élevés.

 

[22]      Lorsqu’il a établi la cotisation à l’égard de l’appelant, le ministre s’est fondé sur l’Énoncé de politique sur la TPS/TVH no P209R intitulé « Débours effectués par les avocats » qui énonce en partie ce qui suit :

 

 

Décision

En règle générale, l’Agence du revenu du Canada traite un débours décrit dans le présent énoncé de politique de la façon indiquée, à moins de preuves valables à l’effet contraire. Si, dans un cas précis, il existe des preuves valables selon lesquelles un débours donné devrait être traité différemment, la position générale adoptée dans le présent énoncé de politique ne s’appliquera pas à ce débours dans ce cas précis et une analyse distincte des faits entourant le débours en question devra être effectuée. [Non souligné dans l’original.]

La politique traite ensuite des débours qui seront effectués à titre de mandataire, ou qui ne seront pas effectués à titre de mandataire, dans divers domaines de la pratique du droit, notamment les biens immobiliers, la propriété intellectuelle, le droit commercial, le contentieux civil et les testaments et successions. Les débours courants désignés comme des débours « non effectués à titre de mandataire », dans le domaine du contentieux civil constituent une préoccupation particulière dans cette politique. Dans ce domaine, la politique est irrationnelle et dénuée de sens. Par exemple, il est difficile de comprendre pourquoi des frais payés à un témoin, des frais payés pour la signification d’un document, des frais afférents aux services d’enregistrement, des frais de transcription, des frais de préparation de rapports d’experts, des frais de présence pour des témoins experts, des frais afférents à l’obtention d’une transcription de l’audience ou tous autres frais de cette nature, sont considérés comme moins effectués par un avocat à titre de mandataire de son client que le sont les frais pour le dépôt des actes de procédure à la Cour ou des frais d’enregistrement ou quoi que ce soit de cette nature. Il s’agit de dépenses nécessaires qui ne sont engagées qu’avec le consentement du client. La ligne de démarcation établie par l’ARC dans son Énoncé de politique P-209R entre les débours judiciaires « non effectués à titre de mandataire » et les débours judiciaires « effectués à titre de mandataire » semble être arbitraire et ne pas être étayée sur le plan juridique ou de façon évidente ne pas avoir fait l’objet de prévoyance. En fait, le seul témoin appelé par l’intimée lors de l’instruction, l’agent des appels, a fondamentalement dit, et l’intimée l’a admis, que cette politique était reine. On n’a demandé aucun avis à l’égard de l’application de cette politique ni aucune directive quant à la façon selon laquelle la politique s’applique au cas par cas. La politique a été appliquée automatiquement comme le vérificateur ou l’agent des appels l’ont estimé approprié sans tenir compte de la nature des débours ou d’autres facteurs résultant de la relation entre le mandant et son mandataire. Lorsqu’un débours n’est pas décrit dans l’énoncé de politique comme étant un débours exempt de TPS, l’ARC conclut automatiquement que la TPS s’applique. La politique a été suivie aveuglément sans tenir compte de la force de la preuve qui indiquerait le contraire. On aurait pu consulter quelqu’un possédant une certaine expérience dans le contentieux civil à l’égard de la question de savoir si les principes d’une relation de mandat s’appliquent dans une affaire comme celle soumise à la Cour.

 

[23]      Il ne fait aucun doute que l’appelant s’est acquitté du fardeau quant à la première question et que, ainsi, il a répondu à la troisième question. Après avoir examiné les débours effectués par les avocats pour chaque année faisant l’objet d’un appel, je suis convaincu que tous les débours des avocats présentés par l’appelant comme des débours qui sont contestés n’auraient pas dû être assujettis à la TPS et, à cet égard, l’appel sera accueilli (sauf pour ce qui a été déclaré aux présentes), relativement aux montants de 10 139,65 $ pour 2000, (feuille de travail no 5005), de 8, 697,87 $ pour 2001, (feuille de travail no 5000), de 32 041,50 $ pour 2002, (feuille de travail no 5003), et de 9 795,16 $, (feuille de travail no 5004), pour la période du 1er janvier au 30 avril 2003. Après examen des diverses pièces produites relativement à cette question, presque tous les débours sont ventilés en frais de messagerie, de recherches, de rapports médicaux, de rapports d’évaluation, de rapports d’enquête, d’actes de mariage ou d’actes similaires, de transcriptions, de transcription des délibérations, de cotisation et d’une variété d’évaluations. On mentionne des frais de bureau et l’appel à l’égard de ces frais n’est pas accueilli, étant donné qu’aucun élément de preuve ni aucune explication n’ont été présentés à cet égard. Par conséquent, les débours judiciaires consistant en des frais de bureau sont assujettis à la TPS.

                                                                        [Non souligné dans l’original.]

 

[20]      Les autres aspects de la décision du juge ne font pas l’objet de l’appel.

 

Analyse

[21]      Comme il a été mentionné, pour qu’un avocat qui acquiert des produits ou des services ne soit pas l’« acquéreur » de ces produits ou services, il doit démontrer qu’il agissait à titre de mandataire, pour le compte de ses clients lors de leur acquisition. Il incombe à l’avocat de prouver l’existence d’une relation de mandataire. Voir : Glengarry Bingo, au paragraphe 10.

 

[22]      La Cour a déjà reconnu que l’une des conditions essentielles d’une relation de mandataire est le pouvoir du mandataire d’influer sur la situation juridique du mandant. Ainsi, dans Glengarry Bingo, après que la Cour eut déterminé que le mandataire présumé n’avait pas le pouvoir d’influer sur la situation juridique de son mandant présumé, elle a conclu qu’il était inutile d’examiner les autres indices de la relation de mandataire. L’absence de capacité d’influer sur la situation juridique du mandant a établi de façon irréfutable qu’il n’existait pas de relation de mandataire. Voir : Glengarry Bingo, au paragraphe 32. La Cour a expliqué ce qui suit, au paragraphe 33 :

L’exemple le plus courant de la façon dont un mandataire peut modifier la position juridique de son mandant est la conclusion d’un contrat au nom du mandant. Il est clair en l’espèce que GBA n’était pas autorisée à conclure des contrats avec des tiers au nom de ses membres. Ainsi, GBA n’aurait pas pu conclure un contrat pour l’achat de matériel de bingo au nom de ses membres. Elle pouvait uniquement s’engager elle‑même. Dans le contrat d’achat, GBA s’est engagée elle même; elle n’a pas prétendu agir au nom de ses membres ni les exposer à un risque. La réaction d’ABS lorsque GBA a omis d’effectuer des versements sur le matériel démontre que les membres étaient à l’abri du risque : ABS n’a pas cherché à se faire payer par les membres et les membres n’ont jamais pensé qu’ils pourraient être responsables. Ces événements montrent que GBA ne pouvait pas modifier la position juridique de ses membres, d’où l’absence d’un élément essentiel du mandat. [Non souligné dans l’original.]

 

[23]      Dans d’autres  affaires, on a examiné l’importance de la capacité d’un mandataire d’influer sur la situation juridique du mandant ainsi que les risques assumés par le mandant, et on est arrivé à la même conclusion. Voir, par exemple, Kinguk Trawl Inc. c. Canada (2003), 301 N.R. 89 (C.A.F.), aux paragraphes 35 et 36, Parkland Crane Service Ltd. c. Canada, [1994] G.S.T.C. 58 (C.C.I.), aux pages 58-10, et 58-11, et Shvartsman c. Canada, [2002] A.C.I. no 148, au paragraphe 12.

 

[24]      En l’espèce, bien qu’il ait mentionné que la responsabilité qui découle d’un contrat est un indice d’une relation de mandataire, le juge a omis de se pencher sur la question de savoir si l’intimé ou son client était tenu, en vertu des ententes conclues avec les tiers fournisseurs, de payer la contrepartie qui y était prévue. Il n’a tiré aucune conclusion de fait au sujet de la question de savoir si les clients avaient assumé un risque ou une responsabilité à l’égard des tiers fournisseurs. Dans sa plaidoirie, l’avocat de l’intimé n’a pu mentionner aucun élément de preuve dont disposait le juge sur ce point. Le juge s’est fondé plutôt sur la nature générale de la relation avocat‑client et a conclu qu’« il va sans dire que la relation qui existe entre un avocat et son client est une relation de mandant et de mandataire ».

 

[25]      En toute déférence, le juge a commis une erreur de droit en se fondant sur la nature générale de la relation entre un avocat et son client. En droit, ce n’est pas parce que la relation avocat‑client est généralement une relation de mandataire, que toutes les obligations financières assumées par un avocat dans le cadre de la fourniture de services juridiques sont assumées par lui à titre de mandataire de ses clients. En fait, le juge l’a reconnu en rejetant la partie de l’appel portant sur les frais de bureau engagés par l’intimé pour le compte de ses clients. Pour appliquer le critère approprié, le juge devait déterminer si les clients de l’intimé étaient liés par les contrats conclus avec des tiers fournisseurs et si de ce fait, ils étaient responsables des paiements en vertu des contrats et s’ils étaient en outre exposés à des risques comme partie au contrat. Dans l’affirmative, il s’ensuit que l’intimé a effectué des paiements aux fournisseurs uniquement à titre de mandataire.

 

[26]      L’absence de toute preuve à l’appui de la conclusion selon laquelle les clients de l’intimé étaient liés par les contrats conclus avec des tiers fournisseurs signifie que l’intimé s’est acquitté de l’obligation qui lui incombait de démontrer qu’il a agi à titre de mandataire de ses clients lorsqu’il a effectué les débours en cause. Il s’ensuit que les produits et les services faisant l’objet des débours constituaient des fournitures taxables reçues par l’intimé et qu’il devait donc percevoir et verser la TPS sur les débours.

 

[27]      Cette conclusion suffit pour trancher l’appel. Toutefois, l’intimé soulève les arguments suivants.

 

[28]      Le juge et l’intimé se sont tous deux fondés sur le fait que la plupart des débours étaient payés à même les sommes détenues en fiducie par l’intimé. Je conviens que la séparation des sommes et le paiement des débours à partir d’un compte distinct sont compatibles avec la présence d’une relation de mandataire. Toutefois, la présence de ces indices d’une relation de mandataire ne suffit pas, en droit, pour démontrer l’existence d’une relation de mandataire en l’absence de preuve établissant une condition essentielle de la relation de mandataire : la capacité d’influer sur la situation juridique du mandant relativement à l’opération en cause. De plus, les barreaux provinciaux exigent la séparation des fonds des clients détenus en fiducie par un avocat. À mon avis, en l’absence d’une preuve à cet égard, la séparation des fonds devient un facteur neutre.

 

[29]      Le juge et l’intimé se sont également fondés sur le fait que les divers rapports et certificats obtenus par l’intimé appartenaient aux clients. Là encore, je suis d’avis que la propriété des documents constitue un indice de la relation de mandataire. Toutefois, j’accepte l’argument de l’appelante selon lequel la question pertinente n’est pas de savoir qui est le propriétaire des documents, mais plutôt de savoir si le client a acquis les produits ou les services en cause du tiers fournisseur ou de l’intimé. Comme je l’ai dit plus haut, aucun élément de preuve n’a été soumis à la Cour quant à la relation du client avec les tiers fournisseurs.

 

[30]      Le juge et l’intimé se sont fondés sur deux autres facteurs, à savoir que l’intimé n’a facturé aux clients aucune somme additionnelle sur les débours, et qu’il n’a pas modifié les documents, tels que les certificats ou les rapports fournis par des tiers. Toutefois, comme l’a souligné l’intimé, les barreaux provinciaux ne permettent pas aux avocats d’ajouter des frais supplémentaires aux débours. Dans ces circonstances, l’absence de frais supplémentaires doit être considérée comme un facteur neutre.  Dans le même ordre d’idées, des documents tels que les actes de naissance, de décès et de mariage, les rapports d’accidents ou les rapports médicaux perdraient toute fiabilité et légitimité s’ils étaient modifiés après le fait par l’intimé. Là encore, l’absence de modifications dans les circonstances doit être considérée comme un facteur neutre.

 

[31]      Enfin, l’intimé présente les observations additionnelles suivantes :

                             [traduction]

i.                     Le gouvernement fédéral ne peut taxer les produits et les services, tels les actes de mariage et de décès, délivrés par une province. En exigeant que l’intimé perçoive et verse la TPS sur de tels débours, le ministre « cherche par un moyen détourné à taxer ce qu’il ne peut taxer ».

 

ii.                   Lorsque les avocats paient la TPS sur les débours, le ministre « veut que la  TPS soit facturée une deuxième fois ».

 

iii.                  En exigeant que chaque débours soit traité « individuellement et indépendamment de la relation mandataire-mandant », le ministre tente de « percevoir une taxe injustifiée et injuste en créant un fardeau de preuve insurmontable ».

 

[32]      À mon avis, il est possible de répondre à ces questions de la façon suivante.

 

[33]      Premièrement, il est juste d’affirmer qu’un débours exempté peut devenir taxable s’il constitue un intrant au titre de services fournis par l’avocat. De même, un débours qui était assujetti à la TPS et constituait un intrant au titre de services fournis par un avocat peut devenir un débours détaxé si le client ne réside pas au Canada. La possibilité qu’un débours exempté puisse devenir taxable peut, par exemple, être éliminée dans la mesure où il existe une entente écrite nommant l’avocat à titre de mandataire de son client, définissant expressément la portée d’une relation de mandataire authentique entre l’avocat et son client, et préscrivant que certains débours soient effectués et payés pour le compte du client.

 

[34]      Deuxièmement, les cabinets d’avocats, tel que l’intimé, qui sont inscrits aux fins de la TPS sont tenus de percevoir la TPS sur les fournitures effectuées aux clients. Par ailleurs, ils ont le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants pour la taxe payée sur les produits ou les services acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de leurs services juridiques. Les inscrits aux fins de la TPS ne sont tenus que de verser la différence entre la TPS perçue ou à percevoir sur la fourniture de produits et des services et la TPS payable sur les fournitures utilisées dans le cadre des services juridiques. Cela signifie que, dans le cadre d’une demande de crédit de taxe sur les intrants, l’avocat ajoute le montant du débours excluant la TPS avant de calculer toute TPS. Il s’ensuit que les débours ne sont pas taxés une deuxième fois comme le soutient l’intimé.

 

[35]      Enfin, comme il a été expliqué ci‑dessus, c’est une erreur de droit que de conclure que, puisque la relation avocat‑client est généralement une relation de mandataire, l’avocat prend toutes les mesures qu’il prend à titre de mandataire de son client. Pour établir que l’avocat n’était pas l’acquéreur d’une fourniture taxable, il faut présenter au moins quelques éléments de preuve quant à l’opération particulière et quant à la mesure dans laquelle l’avocat avait la capacité de lier son client par cette opération. La pièce A‑11, produite au procès par l’intimé, comprenait des renseignements sur la TPS communiqués par écrit par la Law Society of Saskatchewan à ses membres en 1995 ou vers cette date. Le premier des trois « points essentiels » que les avocats ont été avisés d’inclure dans leur procédures était le suivant :

                              [traduction]

1.         Ayez toujours une preuve positive de l’existence d’une véritable relation de mandataire. Pensez à faire signer sans délai à vos clients un document où ils vous [désignent] comme mandataire et vous demandent d’effectuer certains débours pour leur compte.

 

[36]      Aucun document de cette nature n’a été produit en preuve. Une telle preuve écrite permettrait d’étayer le traitement effectué par un avocat aux débours et, dans un cas particulier, constituerait une preuve suffisante pour exclure le traitement par ailleurs normal appliqué aux débours des avocats par le ministre, comme il est indiqué dans l’Énoncé de politique no P-209R intitulé « Débours effectués par les avocats » et comme il a été analysé par le juge.

 

Conclusion

[37]      Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens. Rendant le jugement qui aurait dû être rendu par la Cour de l’impôt, j’accueillerais en partie l’appel de la cotisation établie par le ministre et renverrais l’affaire à celui‑ci pour qu’il procède à un nouvel examen et à un nouveau calcul selon les présents motifs et les trois conclusions suivantes de la Cour de l’impôt qui n’ont pas été contestées dans le présent appel :

 

1)         Merchant Law Group n’est pas tenu de payer la TPS sur les factures transmises à Aide juridique Manitoba et décrites sur la feuille de calcul no 5500, figurant dans la pièce R-2;

 

2)         Merchant Law Group a droit à des crédits de taxe sur les intrants d’un montant additionnel de 9 000 $ pour les années d’imposition 2000, 2001, 2002 et pour la période du 1er janvier au 30 avril 2003, en plus de ceux lui ayant déjà été accordés;

 

3)         Merchant Law Group n’est assujetti à aucune pénalité suivant l’alinéa 280(1)a) de la Loi, mais doit payer des intérêts suivant l’alinéa 280(1)b), qui seront calculés en conséquence.

 

 

    « Eleanor R. Dawson »

      j.c.a.

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, juge en chef »

 

« Je suis d’accord.

            David Stratas, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-443-08

 

INTITULÉ :                                                   Sa Majesté la Reine c.

                                                                        Merchant Law Group

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 22 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        La juge Dawson

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     Le juge en chef Blais

                                                                        Le juge Stratas

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 5 août 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Myra J. Yuzak

Naomi Goldstein

P. Tamara Sugunasiri

 

POUR L’APPELANTE

 

E. F. Anthony Merchant, c.r.

Casey Churko

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Merchant Law Group

Avocats

Regina (Saskatchewan)

POUR L’INTIMÉ

 

 

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