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Date : 20100908

Dossier : A-220-10

Référence : 2010 CAF 223

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence de monsieur le juge Nadon

                                                               

ENTRE :

DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, CANADA, LTD.

appelante

et

GARFORD PTY LTD.

intimée

 

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2010.

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :                                                                                 LE JUGE NADON

 


Date : 20100908

Dossier : A-220-10

Référence : 2010 CAF 223

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence de monsieur le juge Nadon

 

ENTRE :

DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, CANADA, LTD.

appelante

et

GARFORD PTY LTD.

intimée

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]               Il s’agit d’une requête de la demanderesse, en application de l’article 369 et du paragraphe 343(3) des Règles des Cours fédérales, en vue d’obtenir une ordonnance établissant le contenu du dossier d’appel.

 

Les parties conviennent des documents qui devraient être inclus dans le dossier d’appel sauf en ce qui concerne l’affidavit et la transcription du contre-interrogatoire de M. Neil Belmore, un avocat en vue dans le domaine de litiges en matière de propriété intellectuelle. L’intimée a demandé à M. Belmore de donner son opinion à savoir si la Cour devrait disjoindre les instances principales toujours pendantes devant la Cour fédérale, à savoir une action intentée par l’intimée alléguant la contrefaçon du brevet canadien n2 002 806.

[2]               L’appel dont la Cour est saisie découle d’une ordonnance du juge Zinn datée du 28 mai 2010, qui a accueilli l’appel de l’intimée à l’égard d’une ordonnance rendue par la protonotaire Milczynski (la « protonotaire ») le 5 février 2010. Dans son ordonnance, la protonotaire a tranché deux requêtes, une présentée par l’intimée, l’autre par l’appelante.

                                                      

[3]               L’intimée a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance l’autorisant à admettre au dossier les affidavits de trois déposants, messieurs Welford, Ott et Belmore. La protonotaire a accordé l’autorisation à l’intimée de produire les affidavits de messieurs Welford et Ott, mais a refusé d’accorder l’autorisation en ce qui concerne l’affidavit de M. Belmore.

 

[4]               La protonotaire a également tranché une requête présentée par l’appelante, à savoir une requête en disjonction des procédures de la Cour fédérale. Le protonotaire a conclu que la [traduction] « disjonction est non seulement appropriée, mais est nécessaire » (page 8 de ses motifs). Ainsi, le paragraphe 1 de son ordonnance est rédigé comme suit :

[traduction]

 

1.      L’affaire peut être instruite sans que les parties conduisent des interrogatoires préalables ou produisent des éléments de preuve au procès à l’égard d’une question de fait quelconque lorsqu’une telle production ou un tel interrogatoire préalable concerne exclusivement ce qui suit :

a)   le montant des dommages-intérêts demandés par Garford Pty Ltd. (« Garford »);

b)   le montant des bénéfices gagnés par l’intimée, DSI, et demandés par la demanderesse.

 

[5]               Le 5 février 2010, l’intimée, au moyen d’un avis de requête, a interjeté appel de l’ordonnance de la protonotaire. La requête demandait les réparations suivantes :

1.                  Une ordonnance en application des articles 3 et 51 des Règles des Cours fédérales, 1998, pour interjeter appel d’une ordonnance de la protonotaire Milczynski datée du 5 février 2010, et l’annuler en partie.

2.                  Plus particulièrement, la demanderesse cherche à annuler la partie de l’ordonnance qui entraîne la disjonction des instances.

 

[6]               Par conséquent, l’intimée n’a pas interjeté appel de l’ordonnance de la protonotaire qui refusait de l’autoriser à produire l’affidavit et la transcription du contre-interrogatoire de M. Belmore.

 

[7]               En adoptant la thèse que l’affidavit et la transcription du contre-interrogatoire Belmore ne devraient pas être inclus dans le dossier d’appel, l’appelante affirme que le dossier d’appel devrait contenir uniquement les documents qui sont pertinents à l’appel, à savoir les documents qui sont requis pour trancher l’appel. L’appelante indique également que l’inclusion de l’affidavit et de la transcription du contre-interrogatoire Belmore dans le dossier d’appel [traduction] « est susceptible de détourner l’attention de la cour d’appel de sa fonction essentielle – décider si le juge de l’instance inférieure a commis une erreur fondée sur les documents présentés par les parties » (paragraphe 22 des observations écrites de l’appelante).

 

[8]               L’appelante affirme également, en s’appuyant sur la décision de ma collègue, la juge Sharlow, dans Entral Group International Inc. c. MCUE Enterprises Corp., [2006] A.C.F. no 1304 (QL) (C.A.F.), et, plus particulièrement, sur le paragraphe 7 de celle-ci, que, parce que l’affidavit et la transcription du contre-interrogatoire Belmore ont été exclus du dossier par la protonotaire, ils ne sont pas pertinents aux fins de l’appel.

 

[9]               La défenderesse est en désaccord avec la thèse de l’appelante. Elle affirme que les documents Belmore devraient être inclus dans le dossier d’appel, car ces éléments de preuve figuraient au dossier dont le juge Zinn était saisi. En conséquence, elle affirme que le dossier en appel devrait être le même que celui dont était saisi le savant juge.

 

[10]           À mon avis, l’affidavit et la transcription du contre-interrogatoire Belmore ne devraient pas être inclus dans le dossier d’appel. Comme je l’ai déjà indiqué, l’objet de l’affidavit de M. Belmore était de l’autoriser à faire part de son opinion à savoir si la Cour devrait disjoindre les instances principales. Après avoir établi, aux alinéas 1c) et d) de son affidavit, ses qualifications dans le domaine pertinent du droit, M. Belmore conclut, entre autres choses, au paragraphe 16 de son affidavit, que la disjonction ne permet généralement pas d’épargner du temps et des coûts et que, la plupart du temps, cela entraîne des procédures plus longues et plus coûteuses.

 

[11]           À mon avis, le sujet à propos duquel on a demandé à M. Belmore de donner son opinion est clairement une affaire qui relève du domaine judiciaire. Même si l’opinion de M. Belmore est fondée sur son expérience en tant qu’avocat spécialisé en propriété intellectuelle et un examen des affaires pertinentes, celle-ci n’est pas pertinente, puisqu’il incombait au protonotaire et au savant juge de déterminer, en s’appuyant sur les éléments de preuve factuels dont ils étaient saisis et leur compréhension du droit applicable, à savoir si la disjonction devrait être ordonnée ou non. Dans Sopinka, Lederman & Bryant : The Law of Evidence in Canada, Alan W. Bryant, Sidney N. Lederman, Michelle K. Fuerst, 3d éd., (Toronto : Lexis Nexis, 2009), les savants auteurs, aux pages 832 et 833, paragraphes 12.155 et 12.156, font les remarques suivantes.

[traduction]

 

12.155.     Les questions de droit interne par opposition au droit étranger ne sont pas des questions à l’égard desquelles un tribunal recevra un témoignage d’opinion. Dans R. v. Century 21 Ramos Realty Inc., le seul principal d’une société immobilière a été accusé d’évasion fiscale, en raison d’une appropriation des biens appartenant à la société. Une question au procès était l’année d’imposition au cours de laquelle l’appropriation a eu lieu. La Couronne a convoqué un employé de Revenu Canada pour présenter une preuve d’expert quant au moment où l’accusé s’était approprié des biens. La Cour d’appel de l’Ontario a conclu qu’un tel témoignage était irrecevable.

Il s’agissait d’une question de droit du ressort du juge en ce qui constitue une appropriation. Il incombait au juge de déterminer, conformément à la définition juridique, à quel moment une appropriation avait eu lieu. Il ne s’agissait pas d’une question à l’égard de laquelle un témoin expert pouvait témoigner.

 

12.156     La jurisprudence fait ressortir qu’il existe certains sujets qui sont au cœur même du processus décisionnel judiciaire et les tribunaux demeurent réticents à ce que des témoins experts fournissent des conseils quant à la façon dont ils devraient tranche de [telles] questions. […]

 

 

[12]           À mon avis, la question dont le protonotaire et le juge étaient saisis à savoir si les instances principales devraient être disjointes est une question à l’égard de laquelle une preuve d’expert ne devrait pas être autorisée. Cela semble être la raison pour laquelle la protonotaire a refusé d’accorder l’autorisation à l’intimée de produire l’affidavit et la transcription du contre-interrogatoire Belmore. À la page 2 de son ordonnance, la protonotaire a écrit ce qui suit :

[traduction]

 

En ce qui concerne l’affidavit et la transcription du contre-interrogatoire de M. Neil Belmore, l’autorisation n’est pas accordée. L’opinion et les commentaires de M. Belmore relativement à son expérience dans les affaires où une disjonction a été ou n’a pas été ordonnée ne sont pas utiles, car il reconnaît lui-même que chaque espèce dépend des faits qui lui sont propres, et que la Cour connaît le droit et les facteurs qu’il convient d’appliquer et d’examiner.

 

 

[13]           Une autre raison pour exclure du dossier d’appel l’affidavit et l’affidavit de contre-interrogatoire Belmore est que l’ordonnance de la protonotaire, dans la mesure où elle refusait d’accorder l’autorisation à l’intimée de produire ces documents, n’a pas été portée en appel. En conséquence, les documents ne sont pas pertinents aux fins de l’appel.

 

 

[14]           La requête de l’appelante sera donc accueillie avec dépens.

 

 

« M. Nadon »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-220-10

 

INTITULÉ :                                                                           DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, CANADA, LTD. c. GARFORD PTY LTD

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LE JUGE NADON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 8 septembre 2010

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Me Heather E.A. Watts

Me Jennifer L. Jannuska

POUR L’APPELANTE

 

 

Me Brad Limpert

Me Yuri Chumak

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Deeth Williams Wall LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANTE

 

 

Cameron MacKendrick LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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