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Date : 20100907

Dossier : A‑454‑09

Référence : 2010 CAF 219

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

ELI LILLY CANADA INC., ELI LILLY AND COMPANY, ELI LILLY AND COMPANY LIMITED et ELI LILLY SA

appelantes

et

NOVOPHARM LIMITÉE

intimée

 

 

 

Requête écrite décidée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2010.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                                  LA COUR

 


 


Date : 20100907

Dossier : A‑454‑09

Référence : 2010 CAF 219

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

ELI LILLY CANADA INC., ELI LILLY AND COMPANY, ELI LILLY AND COMPANY LIMITED et ELI LILLY SA

appelantes

et

NOVOPHARM LIMITÉE

intimée

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR

 

[1]               L'intimée, Novopharm limitée, a présenté une requête en réexamen du jugement rendu par la Cour le 21 juillet 2010 accueillant l'appel des appelantes (collectivement, « Lilly ») à l'encontre d'un jugement de la Cour fédérale (2009 CF 1018). Lilly s'oppose à la requête.

 

Les faits

[2]               Durant la période visée par le présent litige, Lilly a fabriqué et a vendu au Canada un médicament appelé Zyprexa, qui contient de l'olanzapine. L'olanzapine a fait l'objet d'un brevet canadien (no 2 014 113) dont Lilly était propriétaire. Lilly a introduit une action en dommages‑intérêts en Cour fédérale (T‑1048‑07) contre Novopharm pour la contrefaçon du brevet 113 en raison de la production et de la vente par Novopharm d'une version générique du Zyprexa. Novopharm a allégué que le brevet 113 était invalide, mais elle a admis que, si le brevet était valide, elle l'avait contrefait. De plus, Novopharm a opposé une demande reconventionnelle en dommages‑intérêts fondée sur l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/98-166, en raison du rejet de la demande introduite par Lilly en Cour fédérale en vue d'obtenir une ordonnance d'interdiction en vertu de ce règlement (Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm limitée, 2007 CF 596).

 

[3]               Dans une procédure de gestion de l'instance en Cour fédérale, l'action a été scindée, de sorte que la question de la validité du brevet 113 serait tranchée dans une première phase, alors que la détermination du montant des dommages‑intérêts (le cas échéant) se ferait dans une phase distincte. L'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8 serait instruite dans la phase relative aux dommages‑intérêts. L'ordonnance de scission n'a pas été portée en appel.

 

[4]               L'instruction de la première phase a donné lieu à un jugement, le 5 octobre 2009, en faveur de Novopharm. Ce jugement se lit comme suit (2009 CF 1018) :

a)         Les revendications du brevet 113 en litige sont invalides;

 

b)         L'action en contrefaçon de brevet de Lilly est rejetée;

 

c)         Novopharm a droit à l'indemnité prévue à l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), laquelle indemnité sera déterminée dans une instance distincte. Elle a également droit aux dépens.

 

[5]               Le 19 décembre 2009, le juge de la Cour fédérale a prononcé deux ordonnances dans le dossier T‑1048‑07. La première consistait en certaines directives concernant la taxation des dépens afférents à l'instruction de la première phase. La seconde ordonnance donnait des directives sur la conduite de la seconde phase, lors de laquelle la Cour statuerait sur l'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8. Les parties ont subséquemment convenu du montant des dépens, 1 516 000 $, et le 4 mars 2010, le juge a prononcé une ordonnance confirmant ce montant. Le juge a ordonné à Lilly de payer ce montant, ce qu'elle a fait. Ces ordonnances n'ont pas été portées en appel.

 

[6]               Lilly a interjeté appel du jugement de la Cour fédérale du 5 octobre 2009. Dans son avis d'appel, elle demandait notamment une ordonnance annulant les trois paragraphes du jugement de la Cour fédérale de même qu'une ordonnance relative aux dépens devant notre Cour et devant la Cour fédérale.

 

[7]               L'avis d'appel fait état de plusieurs motifs d'appel. On y affirme notamment que le juge [TRADUCTION] « a commis une erreur en adjugeant les dépens à Novopharm ». Cependant, aucune question de fond n'est soulevée dans l'avis d'appel au sujet de l'adjudication des dépens en faveur de Novopharm ou au sujet de l'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8.

 

[8]               Le mémoire des faits et du droit de Lilly a été déposé en février 2010. Il comprend 150 paragraphes. Le paragraphe 40 énonce les questions portées en appel, qui sont au nombre de huit. La dernière de ces questions est : [TRADUCTION] « Le juge du procès a‑t‑il commis une erreur en accueillant la demande reconventionnelle en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8, alors qu'il n'a tiré aucune conclusion à l'appui de cette partie du jugement? » Or, cette question n'est abordée explicitement nulle part dans le mémoire des faits et du droit. On n'y trouve rien non plus sur l'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8, si ce n'est par déduction, au paragraphe 150 du mémoire intitulé [TRADUCTION] « Ordonnance demandée », que voici :

[TRADUCTION]

 

150.     Les appelantes demandent respectueusement à la Cour d'annuler le jugement de la Cour fédérale et de rendre un jugement accueillant l'action des appelantes ou, subsidiairement, d'ordonner la tenue d'un nouveau procès, et d'accorder aux appelantes les dépens devant la présente Cour et devant la Cour fédérale. De plus, le paragraphe 3 du jugement devrait être annulé étant donné que le juge du procès n'a tiré aucune conclusion à l'appui de cette partie du jugement.

 

 

[9]               L'appel du jugement prononcé par la Cour fédérale le 5 octobre 2009 a été entendu en juin 2010. À cette occasion, aucune observation quant aux dépens n'a été présentée et l'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8 n'a été que brièvement évoquée. Novopharm a fait observer que cette action devait faire l'objet d'une instance distincte en Cour fédérale conformément à l'ordonnance de scission.

 

[10]           La Cour a conclu que le jugement de la Cour fédérale était erroné quant à certains points de fond du droit des brevets et que la première phase devait faire l'objet d'une nouvelle instruction. Les motifs du jugement du 21 juillet 2010 (2010 CAF 197) n'abordent nullement les questions liées aux dépens, à l'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8 ou au paragraphe 3 du jugement de la Cour fédérale. Les dépens sont mentionnés au dernier paragraphe des motifs du jugement uniquement pour décrire le jugement à rendre en appel. Ce jugement, qui est l'objet de la présente requête en réexamen, a été prononcé le 21 juillet 2010 et est ainsi rédigé :

L'appel est accueilli avec dépens et le jugement de la Cour fédérale est annulé. L'espèce est renvoyée à la Cour fédérale pour qu'elle statue sur l'invalidité alléguée du brevet canadien no 2 041 113 en raison des exigences d'utilité et de suffisance de la divulgation, en tenant compte des motifs du jugement du 21 juillet 2010.

 

 

[11]           Manifestement, cette ordonnance annule les trois paragraphes du jugement de la Cour fédérale, notamment le paragraphe 3 que nous répétons ici par souci de commodité :

Novopharm a droit à l'indemnité prévue à l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), laquelle indemnité sera déterminée dans une instance distincte. Elle a également droit aux dépens.

 

 

La requête de Novopharm en réexamen du jugement

[12]           Novopharm se préoccupe du fait que le jugement de notre Cour ne permet pas de savoir si, lors de la nouvelle instruction de la première phase, dans le dossier T‑1048‑07, ou lors de l'instruction de la seconde phase, dans ce même dossier, le juge de la Cour fédérale est forclos d'adjuger des dépens à la partie victorieuse ou de statuer sur l'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8. Novopharm soutient que l'annulation du paragraphe 3 du jugement de la Cour fédérale ne cadre pas avec les motifs du jugement, puisque ces questions n'ont pour l'essentiel fait l'objet d’aucune argumentation en appel et qu'elles ne sont pas analysées dans les motifs du jugement. Lilly soutient que les questions abordées au paragraphe 3 du jugement de la Cour fédérale ont bel et bien été examinées et que rien ne permet de conclure que le jugement ne reflète pas les conclusions de la Cour.

[13]           Après avoir soigneusement étudié le dossier, nous sommes d'avis que rien ne justifie un réexamen ou une modification du jugement. Toutefois, nous formulons les observations suivantes quant à la façon dont le jugement devrait être interprété et appliqué.

L'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8

a)         La question de l'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) n'était pas en litige dans le présent appel. Seules les questions tranchées par la Cour fédérale lors de la première phase du procès scindé et qui portaient toutes sur la validité du brevet 113 étaient soulevées dans le présent appel. Le jugement de notre Cour ne devait pas influer d'une quelconque manière sur l'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8, et ne le fait pas.

 

b)         Nous constatons que Lilly semble être d'avis que Novopharm ne peut réclamer de dommages‑intérêts au titre de l'article 8 si le brevet 113 est finalement jugé valide. C'est une question qu'il appartiendra au juge de la Cour fédérale de trancher dans la seconde phase, si elle est dûment soulevée. Elle n'était pas soulevée dans le présent appel, que ce soit directement ou par voie de conséquence nécessaire, et nous ne nous sommes pas prononcés sur cette question.

 

c)         À notre avis, le paragraphe 3 du jugement de la Cour fédérale ne fait que confirmer, pour plus de certitude, que l'action en dommages‑intérêts de Novopharm au titre de l'article 8 doit être instruite lors de la seconde phase du procès scindé. Pour cette raison, le fait que le paragraphe 3 ait été annulé avec le reste du jugement de la Cour fédérale ne porte pas atteinte au droit de Novopharm de réclamer en Cour fédérale, lors de la seconde phase du procès, des dommages‑intérêts au titre de l'article 8. La décision de la Cour en l'espèce ne peut priver, et n'a pas privé, la Cour fédérale de sa compétence pour statuer sur l'action de Novopharm lors de cette seconde phase.

 

Les dépens en Cour fédérale

d)         Normalement, lorsqu'un jugement de première instance est annulé en appel, l'adjudication des dépens qui accompagne le jugement est, elle aussi, annulée, même si les motifs du jugement sont muets au sujet des dépens. C'est le cas en l'espèce. Par conséquent, l'adjudication des dépens à Novopharm en Cour fédérale relativement à l'instruction de la première phase a été annulée et était vouée à l'être.

 

e)         Cependant, les ordonnances subséquentes de la Cour fédérale, qui fixent le montant des dépens et ordonnent le paiement de ceux‑ci, ne peuvent être annulées par notre Cour parce qu'elles n'ont pas été portées en appel. Il appartiendra au juge de la Cour fédérale de décider en temps et lieu ce qui devrait être fait (le cas échéant) pour composer avec le fait que les dépens ont été taxés et payés avant l'annulation de leur adjudication. Il appartiendra aussi au juge de la Cour fédérale de déterminer en temps et lieu le montant des dépens (le cas échéant) qui devraient être accordés relativement à toute procédure éventuelle dans le dossier T‑1048‑07.

 

f)         Lilly soutient qu'en accueillant son appel « avec dépens », la Cour a accordé à Lilly les dépens de l'appel de même que les dépens du premier procès. Cette interprétation est erronée. Lorsque la Cour accueille un appel « avec dépens », elle n'accorde que les dépens de l'appel en question. Si la Cour avait voulu accorder à Lilly les dépens du premier procès, l'ordonnance aurait précisé « avec dépens en Cour d'appel fédérale et en Cour fédérale », ou une formulation similaire. L'ordonnance dont on demande le réexamen n'accorde pas à Lilly les dépens du premier procès. Pour l'heure, aucune ordonnance n'accorde à une partie les dépens du premier procès. C'est d'ailleurs une autre question que le juge de la Cour fédérale devra examiner après le nouveau procès.

 

Conclusion

[14]           Pour ces motifs, la requête en réexamen sera rejetée. Aucuns dépens afférents à la requête ne seront adjugés.

« M. Nadon »

j.c.a.

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

j.c.a.

 

 

 

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