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Date : 20100917

Dossier : A‑220‑10

Référence : 2010 CAF 232

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, CANADA, LTD.

appelante

et

GARFORD PTY LTD.

intimée

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2010.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                                LE JUGE STRATAS

 

 

 

 


Date : 20100917

Dossier : A‑220‑10

Référence : 2010 CAF 232

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, CANADA, LTD.

appelante

et

GARFORD PTY LTD.

intimée

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

 

[1]               Dywidag Systems International, Canada, Ltd., l’appelante, interjette appel devant notre Cour d’une ordonnance interlocutoire rendue par le juge Zinn de la Cour fédérale (2010 CF 581).

 

[2]               Dywidag présente une requête afin que l’ordonnance du juge Zinn fasse l’objet d’un sursis ou d’une suspension jusqu’à ce que notre Cour tranche l’appel.

 

A.         Historique de la procédure et observations concernant la requête

 

[3]               Le juge Zinn a rendu son ordonnance dans le cadre d’une action intentée en Cour fédérale par l’intimée, Garford Pty Ltd., contre Dywidag et d’autres parties. Garford sollicite dans cette action des dommages‑intérêts compensatoires ainsi que la restitution des bénéfices découlant de la contrefaçon d’un brevet et de la violation de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C‑34.

 

[4]               Dans de telles actions, deux questions générales doivent être tranchées : La responsabilité des défendeurs est-elle engagée? Dans l’affirmative, quelles réparations y a-t-il a eu lieu d’accorder?

 

[5]               Dywidag, l’une des parties défenderesses dans l’action, a demandé par requête qu’il soit ordonné d’instruire premièrement les questions de responsabilité, puis, s’il y a lieu, les questions de réparation.

 

[6]               La protonotaire Milczynski a rendu l’ordonnance demandée. En conséquence, les parties ont été dispensées de produire des documents ou de mener des interrogatoires préalables ou encore d’avoir un procès relativement aux questions de réparation. La production de documents, les interrogatoires préalables et le procès devaient d’abord avoir pour objet les questions liées à la responsabilité.

 

[7]               Garford a interjeté appel de l’ordonnance de la protonotaire Milczynski. Le juge Zinn a accueilli l’appel et annulé l’ordonnance. Les questions de responsabilité et de réparation doivent par conséquent être instruites ensemble, comme on le fait habituellement pour les actions, et non pas séparément.

 

[8]               Cette décision a notamment comme résultat concret que Dywidag doit désormais communiquer à  Garford des documents et des renseignements sur toutes les questions, y compris celles de réparation. On peut supposer que les documents et les renseignements sont de nature financière, mais aucune preuve n’a été présentée en ce sens.

 

[9]               Dywidag interjette appel de cette décision devant notre Cour. Dans son avis d’appel, elle affirme que le juge Zinn a commis une erreur et demande à la Cour de rétablir l’ordonnance de la protonotaire Milczynski. Elle demande que l’ordonnance du juge Zinn fasse l’objet d’un sursis ou d’une suspension jusqu’à ce que notre Cour tranche l’appel. Si cette ordonnance est mise en œuvre, soutient Dywidag, des documents et renseignements confidentiels seront communiqués à Garford, ce qui aura comme conséquence que l’appel devant notre Cour deviendra théorique.

 

B.         Analyse

 

[10]           Les parties s’entendent sur le fait que, pour qu’on fasse droit à sa demande de suspension ou de sursis de l’ordonnance du juge Zinn, Dywidag doit satisfaire aux trois exigences énoncées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Dywidag doit ainsi établir qu’il existe une cause défendable ou une question sérieuse à juger en appel, qu’elle subira un préjudice irréparable s’il n’est pas sursis à l’ordonnance et que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’octroi de la réparation demandée.

 

[11]           Pour statuer sur la présente requête, il est seulement nécessaire d’examiner le respect de la deuxième exigence, soit l’existence d’un préjudice irréparable subi par Dywidag. Dywidag n’a pas satisfait à cette exigence, de sorte que sa requête en sursis ou suspension de l’ordonnance du juge Zinn sera rejetée.

 

[12]           Dans ses observations à l’appui de la requête, Dywidag affirme qu’elle subira un préjudice irréparable pour deux motifs. Premièrement, les documents et renseignements en cause sont confidentiels et, une fois produits, ils perdent à tout jamais leur caractère confidentiel. Deuxièmement, si les documents sont produits et les renseignements, divulgués, l’appel de l’ordonnance du juge Zinn devant notre Cour deviendra purement théorique.

 

‑ I ‑

 

[13]           Au soutien de sa requête, Dywidag a présenté un affidavit d’environ une page. L’affidavit ne sert qu’à joindre en annexe, sans autre commentaire, les avis de requête, ordonnances et motifs des ordonnances pertinents. Pas un seul mot n’est consacré à la question du préjudice irréparable.

 

[14]           Pour établir l’existence d’un préjudice irréparable, la partie requérante doit présenter une preuve d’un niveau de précision suffisant et qui démontre la forte probabilité que, faute de sursis, un préjudice irréparable sera inévitablement causé. Les hypothèses et affirmations non étayées par la preuve n’ont aucune valeur probante.

 

[15]           Pour reprendre les termes de la juge Desjardins dans Haché c. Canada, 2006 CAF 424, au paragraphe 11, le préjudice irréparable « doit être établi par une preuve claire et concrète » et « [d]e simples affirmations ne sont pas suffisantes » (voir également Bathurst Machine Shop Ltd. c. Canada, 2006 CAF 59, [2006] 2 C.T.C. 276, au paragraphe 24, et Laperrière c. D & A MacLeod Company Ltd., 2010 CAF 84, au paragraphe 18). Dans ces précédents, on reconnaît que les ordonnances des cours sont contraignantes et qu’il n’y a pas lieu de les suspendre sur la foi de simples hypothèses ou affirmations.

 

[16]           Aucune preuve n’a été soumise dans le cadre de la présente requête quant à la nature ou la qualité des documents et des renseignements qui pourraient être communiqués, quant à la raison pour laquelle ils sont confidentiels ni quant au préjudice qu’entraînerait la perte de confidentialité. Aucune preuve ne démontre non plus que les documents et renseignements en cause sont de nature plus délicate que ceux habituellement communiqués à la partie adverse dans une action de ce type. Aucune preuve n’a non plus été présentée pour expliquer pourquoi les mécanismes existants, comme l’engagement implicite de confidentialité (voir Juman c. Doucette, 2008 CSC 8, [2008] 1 R.C.S. 157) ou, dans les circonstances indiquées, la délivrance d’une ordonnance de confidentialité, seraient inadéquats. Il y a cinq mois, Garford a d’ailleurs soumis à Dywidag, pour commentaires et accord, une ébauche d’ordonnance de confidentialité de portée globale. Dywidag n’a donné aucune réponse.

 

‑ II ‑

 

[17]           Comme nous l’avons indiqué précédemment, Dywidag fait également valoir qu’elle subira un préjudice irréparable pour un autre motif : si notre Cour ne fait pas droit à sa requête en sursis, des documents et renseignements confidentiels seront communiqués et l’appel devant notre Cour deviendra tout simplement théorique, c’est‑à‑dire qu’il n’aura plus aucun effet concret.

 

[18]           Je ne souscris pas à cet argument. Si la Cour accueille l’appel de la décision rendue par le juge Zinn, l’ordonnance de la protonotaire Milczynski sera rétablie. Cela aurait de nombreuses conséquences concrètes. Tout document concernant les questions de réparation qui a été communiqué aux défendeurs par suite de l’ordonnance du juge Zinn pourrait être remis à Dywidag. Selon le calendrier établi pour l’appel devant notre Cour, la Cour pourrait rendre sa décision avant que les interrogatoires préalables ne débutent. Je relève à cet égard que le juge Zinn a rendu son ordonnance il y a près de quatre mois, le 28 mai 2010, et que Dywidag n’a pas tenté d’empêcher ou de restreindre les dommages pouvant en découler en accélérant le processus relatif à la présente requête en sursis ou à l’appel devant notre Cour.

 

[19]           Dans le scénario dont il était question au paragraphe précédent, Garford pourrait effectivement tirer de l’information des documents transmis temporairement par Dywidag, et Dywidag insiste sur ce point. Elle affirme que, si l’information est fournie et que, par la suite, des événements montrent qu’elle n’aurait pas dû l’être, cette information ne peut être oubliée. Par conséquent, semble dire Dywidag, il faudrait automatiquement conclure à l’existence d’un préjudice irréparable. Dywidag cite trois décisions au soutien de sa prétention : Pelletier c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 277, 337 N.R. 319, Canada (Ministre du Revenu national) c. National Foundation for Christian Leadership, 2005 CAF 20, 1 C.T.C. 349, et Eli Lilly and Co. c. Interpharm Inc. (1993), 63 F.T.R. 169 (C.F.).

 

[20]           Ces décisions n’étayent toutefois pas la prétention de Dywidag. Elles démontrent plutôt que l’issue de la requête dépend beaucoup de la nature tant des renseignements transmis que du préjudice découlant du fait que le destinataire des renseignements ne peut plus les oublier –questions que seule la preuve permet d’établir. Or, en l’espèce, aucune preuve n’a été présentée à cet égard.

 

C.        Dispositif

 

[21]           Par conséquent, la requête en sursis est rejetée avec dépens.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑220‑10

 

INTITULÉ :                                                  DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, CANADA, LTD. c.
GARFORD PTY LTD.

 

 

REQUÊTE ÉCRITE DÉCIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :             LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 17 septembre 2010

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Heather E.A. Watts

Jennifer L. Jannuska

 

POUR L’APPELANTE

 

P. Bradley Limpert

Christina Capone Settimi

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DEETH WILLIAMS WALL, LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Cameron MacKendrick, LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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