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Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20101005

Dossier : A‑252‑10

Référence : 2010 CAF 258

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence du JUGE EVANS

 

ENTRE :

NOVOPHARM LIMITED

appelante

et

PFIZER CANADA INC.,

WARNER‑LAMBERT COMPANY ET

WARNER‑LAMBERT COMPANY LLC

NORTHWESTERN UNIVERSITY et

THE BOARD OF REGENTS FOR THE

UNIVERSITY OF OKLAHOMA

intimées

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties

 

Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :                                                                     LE JUGE EVANS

 


Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20101005

Dossier : A‑252‑10

Référence : 2010 CAF 258

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence du JUGE EVANS

 

ENTRE :

NOVOPHARM LIMITED

appelante

et

PFIZER CANADA INC.,

WARNER‑LAMBERT COMPANY,

WARNER‑LAMBERT COMPANY LLC,

NORTHWESTERN UNIVERSITY et

THE BOARD OF REGENTS FOR THE

UNIVERSITY OF OKLAHOMA

intimées

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE EVANS

[1]               Je suis saisi d’une requête découlant d’une procédure d’interdiction déposée par Pfizer Canada Inc. en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (Règlement) en vue d’empêcher le ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à Novopharm Limited concernant son médicament pregabalin jusqu’à l’expiration des brevets inscrits au registre des brevets par Pfizer à l’égard du pregabalin.

[2]               Novopharm a demandé une ordonnance de confidentialité de l’avis d’allégation (AA) qu’elle a signifié à Pfizer et dans lequel elle a abordé les brevets inscrits à l’égard du pregabalin. Le protonotaire Milczynski de la Cour fédérale a refusé l’ordonnance (2010 CF 409). Le juge Crampton a rejeté la requête de Novopharm en appel de la décision du protonotaire qui a conclu que la requête est irrégulière et vexatoire (2010 CF 668). Novopharm a interjeté appel devant la Cour de la décision du juge Crampton.

 

[3]               Dans la présente requête de Novopharm, cette dernière demande deux formes de redressement provisoire en attendant l’issue de l’appel devant la Cour, les deux visant à protéger la confidentialité de son AA. En premier lieu, elle demande un sursis de l’exécution de l’ordonnance du juge Crampton; en deuxième lieu, subsidiairement, elle demande une ordonnance empêchant les parties à la procédure en interdiction et le greffe de la Cour, de divulguer l’AA à autrui.

 

[4]               Novopharm soutient que sa position concurrentielle en tant que potentiellement première ou deuxième entreprise pharmaceutique de médicaments génériques dans le marché du pregabalin subirait un préjudice en raison de la divulgation de son AA à ses concurrents qui pourraient copier l’AA de Novopharm lorsqu’ils demandent leur propre AC concernant le pregabalin. De cette façon, les concurrents obtiendraient gratuitement un avantage de l’effort et des ressources considérables que Novopharm a consacrés à la production de son AC du pregabalin.

 

[5]               Le Règlement est muet quant à la confidentialité des AA déposés par des génériques à l’appui de leur demande d’AC. La Cour n’a pas encore décidé les circonstances dans lesquelles, le cas échéant, les AA doivent être considérés comme confidentiels.

[6]               En l’espèce, Novopharm a apposé unilatéralement le terme « confidentiel » sur son AA et l’a considéré ainsi. En outre, Pfizer a accepté de le considérer comme confidentiel en attendant la décision de la Cour fédérale concernant la requête en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité déposée par Novopharm. Cependant, après que le juge Crampton a rejeté l’appel de Novopharm de la décision du protonotaire Milczynski, Pfizer a informé Novopharm qu’elle avait cessé de considérer l’AA comme confidentiel à compter de la date de la décision du juge Crampton. La copie du AA de Novopharm déposé auprès de la Cour était scellée en attendant la décision quant à sa confidentialité et est demeurée ainsi.

 

[7]               Un sursis de l’exécution d’une ordonnance d’un tribunal a pour objet de préserver le statu quo en attendant l’issu d’un appel. Puisque le juge Crampton a refusé d’accorder l’ordonnance de confidentialité de Novopharm à l’égard de son AA, selon le statu quo, la confidentialité de l’AA n’est pas protégée. L’accord d’un sursis de l’exécution de l’ordonnance du juge Crampton ne permet donc pas de réaliser le résultat demandé par Novopharm, notamment la désignation de son AA comme confidentiel.

 

[8]               Novopharm demande effectivement un redressement que le protonotaire Milczynski et le juge Crampton ont refusé de lui accorder. En conséquence, elle a également demandé une ordonnance en vue d’empêcher Pfizer et d’autres parties à la procédure d’interdiction, ainsi que le greffe de la Cour, de divulguer l’AA en attendant l’issu de l’appel de Novopharm.

 

[9]               Afin d’obtenir une injonction interlocutoire ou intérimaire, un demandeur doit répondre au critère à trois volets établi dans RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 : l’existence d’une question sérieuse à juger, à savoir si le demandeur subirait un préjudice irréparable si l’injonction était refusée et si le préjudice qui est susceptible d’être causé par l’octroi du redressement l’emporte sur le préjudice causé au demandeur par le refus du redressement.

 

[10]           La question de savoir si un appel soulève une question sérieuse à juger constitue un seuil peu élevé que le demandeur doit respecter. Pour les motifs décrits à la Cour fédérale, j’ai un doute considérable quant à savoir si Novopharm peut établir sa prétention de confidentialité en fonction des critères établis dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, [2002] 2 R.C.S. 522.
 Le fait que la confidentialité d’un AA n’ait jamais été tranchée par la Cour ne constitue pas en soi un fondement suffisant pour conclure que la question doit être une question sérieuse. Néanmoins, pour les fins de l’espèce, je suis disposé à conclure que l’appel de Novopharm soulève une question sérieuse.

 

[11]           Toutefois, je ne suis pas convaincu que Novopharm a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle subirait un préjudice irréparable si l’injonction intérimaire ne lui était pas octroyée. Novopharm soutient que si l’injonction n’est pas octroyée et que son AA est divulgué, son appel deviendrait théorique et elle aurait été dépourvue de son droit d’appeler la décision du juge Crampton.

 

[12]           Le fait qu’un appel pourrait devenir théorique ne suffit pas en soi pour justifier l’octroi d’une injonction intérimaire en attendant l’issu de l’appel : eBay Canada Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2008 FCA 141, 292 D.L.R.
 (4th) 299, au paragraphe 33. La partie qui demande l’injonction doit quand même établir que la divulgation des renseignements qu’elle demande de protéger lui causerait un préjudice irréparable (au paragraphe 36).

 

[13]           Le protonotaire Milczynski a conclu (au paragraphe 16) que Novopharm n’a déposé aucun élément de preuve qui établit que la divulgation de son AA constitue un risque sérieux pour la position sur le marché à l’égard du pregabalin. L’allégation de préjudice de Novopharm dépend de sa capacité de réfuter les brevets inscrits par Pfizer dans le registre des brevets et suppose que ses concurrents souhaiteraient avoir une copie de son AA. Toutefois, il ne ressort aucunement de la preuve que ses concurrents ont copié le premier AA déposé à l’égard du pregabalin par un autre fabricant de médicaments génériques.

 

[14]           En appel, le juge Crampton a souscrit (au paragraphe 37) à cette analyse en décrivant la preuve de préjudice déposée par Novopharm comme étant « entièrement de la conjecture et en grande partie fondée sur des hypothèses non étayées. » Il convient de noter deux autres points au sujet de la réclamation de confidentialité. En premier lieu, Novopharm demande une ordonnance de confidentialité visant l’ensemble de son AA et pas seulement les parties qui pourraient être caviardées. En deuxième lieu, elle ne soutient pas que l’AA contient des secrets industriels. Elle ne demande que de protéger son produit de travail contre des resquilleurs.

 

[15]           En l’absence d’une preuve à l’appui de la présente requête qui ajoute considérablement à la preuve que la Cour fédérale a pris en considération, les conclusions du protonotaire Milczynski et du juge Crampton s’appliquent également à la question dont je suis saisi. En conséquence, je ne suis pas convaincu que Novopharm a établi, selon la prépondérance des probabilités, que si la Cour n’accorde pas le redressement intérimaire demandé, la divulgation de l’AA en attendant l’issue de l’appel causera un préjudice irréparable à l’intérêt commercial de Novopharm.

 

[16]           À la lumière de cette constatation, il ne m’est pas nécessaire d’examiner la prépondérance des inconvénients. Il n’y a aucun préjudice à soupeser le préjudice causé à l’intérêt public en fonction de la transparence des instances judiciaires si le redressement était accordé.

 

[17]           Pour ces motifs, la requête de Novopharm est rejetée, avec dépens selon une somme globale de 4 000 $ à payer immédiatement à Pfizer.

 « John M. Evans »

j.c.a.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER : A‑252‑10                                                           

 

INTITULÉ : NOVOPHARM LIMITED et PFIZER CANADA INC. et al

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                   LE JUGE EVANS

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Me Barbara Murchie

Me Dominique T. Hussey

Me Jeilah Y. Chan

Me Christopher D. Heer

 

POUR L’APPELANTE :

 

Me Peter Wilcox

POUR LES INTIMÉES :

PFIZER CANADA INC., WARNER‑LAMBERT COMPANY,WARNER‑LAMBERT COMPANY LLC, THE BOARD OF REGENTS FOR THE

UNIVERSITY OF OKLAHOMA

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BENNET JONES LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE :

 

TORYS LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES INTIMÉES :

PFIZER CANADA INC., WARNER‑LAMBERT COMPANY,WARNER‑LAMBERT COMPANY LLC, THE BOARD OF REGENTS FOR THE

UNIVERSITY OF OKLAHOMA

 

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