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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20101026

Dossier : A-46-08

Référence : 2010 CAF 283

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DUCANADA

appelant

et

LE TRÈS HONORABLE JEAN CHRÉTIEN

intimé

 

et

 

L’HONORABLE JOHN H. GOMERY, EN SA QUALITÉ

D’EX-COMMISSAIRE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LE PROGRAMME DES COMMANDITES ET LES ACTIVITÉS PUBLICITAIRES

 

Mis‑en‑cause

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario) le 26 octobre 2010

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 26 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                              LE JUGE NOËL


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

 

Date: 20101026

Dossier : A-46-08

Référence : 2010 CAF 283

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DUCANADA

appelant

et

LE TRÈS HONORABLE JEAN CHRÉTIEN

intimé

 

et

 

L’HONORABLE JOHN H. GOMERY, EN SA QUALITÉ

D’EX-COMMISSAIRE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LE PROGRAMME DES COMMANDITES ET LES ACTIVITÉS PUBLICITAIRES

 

Mis‑en‑cause

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 26 octobre 2010.)

LE JUGE NOËL

[1]               Le procureur général du Canada (l’appelant) interjette appel du jugement par lequel le juge suppléant Teitelbaum de la Cour fédérale (le juge de première instance) a accueilli la demande de contrôle judiciaire soumise par le très honorable Jean Chrétien (l’intimé) et annulé les conclusions formulées au sujet de l’intimé par l’honorable John H. Gomery, en sa qualité de commissaire de la Commission d’enquête sur le programme des commandites et les activités publicitaires (la Commission), pour crainte raisonnable de partialité de la part du commissaire Gomery envers l’intimé.  

 

[2]               Selon l’appelant, le juge de première instance a commis deux erreurs : premièrement, il a appliqué le critère de la crainte raisonnable de partialité [traduction] « de façon trop rigide » et, deuxièmement, il a commis une erreur manifeste et dominante dans l’appréciation de la preuve en considérant que des déclarations générales constituaient une preuve de partialité à l’égard de l’intimé et en attribuant erronément au commissaire des commentaires formulés par le porte‑parole de la Commission.

 

[3]               S’agissant de la première erreur alléguée, l’appelant convient que le juge de première instance a défini correctement le critère applicable. Il soutient cependant que le critère a été appliqué avec trop de rigidité. On peut soutenir que cette prétention constitue une question mixte de fait et de droit qui doit s’examiner suivant la norme de la décision correcte s’il est possible d’en dégager une question de droit. L’appelant reconnaît toutefois qu’aucune question de droit ne se pose. En conséquence, ce motif d’appel, comme les autres points soulevés en l’espèce, ne peut être accueilli que si l’appelant démontre que le juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante.

 

[4]               Ce premier argument de l’appelant fait essentiellement valoir que, bien que le juge de première instance ait correctement décrit le critère applicable et signalé que l’analyse à effectuer en matière de crainte raisonnable de partialité diffère selon qu’on se trouve en contexte judiciaire ou en contexte de commission d’enquête, il n’a pas donné effet à cette distinction.

 

[5]               Nous ne sommes pas de cet avis. La question du critère applicable a été âprement débattue devant la juridiction inférieure, et le juge de première instance a amplement fait état de l’application de ce critère en contexte de commission d’enquête (motifs, par. 67 à 74). Il appert qu’il a tenu compte de cette distinction tout au long de ses motifs. Nous nous reportons plus particulièrement à sa conclusion selon laquelle c’est « l’effet cumulatif » des nombreux incidents mentionnés dans ses motifs qui l’a amené à conclure comme il l’a fait (motifs, par. 80 et 106). Nous rejetons donc la prétention voulant que le juge de première instance ait mal appliqué le critère.

 

[6]               Cela dit, dans la mesure où l’appelant nous demande d’examiner la preuve dans son ensemble et de déterminer si le juge de première instance pouvait, en appliquant correctement le critère, parvenir à la conclusion qu’il a tirée, nous estimons qu’il le pouvait.

 

[7]               L’appelant fait aussi expressément référence à ce qui a été décrit comme « l’épisode des balles de golf », et il soutient que la conclusion du juge de première instance à cet égard (motifs, par. 93 et 94) démontre qu’il a appliqué le critère [traduction] « trop rigoureusement » (mémoire de l’appelant, par. 47), et que cela devient [traduction] « flagrant » lorsque l’on considère la conclusion [traduction] « mesurée et modérée » formulée par le commissaire concernant l’intimé (id., par. 48).

 

[8]               S’agissant de ce dernier point, la conclusion claire du commissaire est que l’intimé devait faire l’objet d’un blâme (motifs du commissaire, dossier d’appel, p. 1682). Qualifier cette conclusion de mesurée ou modérée n’en change pas la teneur réelle. Pour ce qui est de l’appréciation de « l’épisode des balles de golf » faite par le juge de première instance, il n’a pas été démontré qu’elle était déraisonnable au vu de la preuve qui lui avait été présentée. Cet argument de l’appelant, qui plus est, ne tient pas compte, lui non plus, que le juge de première instance n’est pas parvenu à sa décision en se fondant sur un seul incident ou une seule déclaration ou occurrence, mais sur tous ceux dont il a fait état dans ses motifs, « considér[és] cumulativement » (motifs, par. 80 et 106).

 

[9]               Pour ce qui est de l’argument que le juge de première instance s’est fondé sur des déclarations générales pour conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité à l’endroit de l’intimé, nous ne voyons là aucune erreur justifiant d’infirmer sa décision. Plus particulièrement, il était loisible au juge de statuer, pour les raisons qu’il a exposées (motifs, par. 87 et 88), qu’on pouvait considérer que ces déclarations générales visaient l’intimé.

 

[10]           Quant à la conclusion du juge de première instance selon laquelle certaines déclarations du porte‑parole de la Commission devaient être attribuées au commissaire, nous n’y relevons non plus aucune erreur justifiant d’infirmer sa décision.  Il y avait bel et bien des éléments de preuve solides permettant de tirer cette conclusion (motifs, par. 89 à 92).

 

[11]           Enfin, en réponse à la prétention de l’appelant selon laquelle les commissions d’enquête devraient jouir de plus de souplesse lorsqu’il s’agit de communiquer avec les médias, nous entérinons expressément les commentaires formulés par le juge de première instance aux paragraphes 103 à 105 de ses motifs.

 

[12]           L’appel sera rejeté avec dépens en faveur de l’intimé.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                A-46-08

 

APPEL DU JUGEMENT RENDU LE 26 JUIN 2008 RENDU PAR L’HONORABLE MAX M. TEITELBAUM DANS LE DOSSIER T-2118-05

 

INTITULÉ :                                                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE TRÈS HONORABLE JEAN CHRÉTIEN et L’HONORABLE JOHN H. GOMERY, EN SA QUALITÉ D’EX‑COMMISSAIRE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LE PROGRAMME DES COMMANDITES ET LES ACTIVITÉS PUBLICITAIRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 26 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :     LES JUGES NOËL, TRUDEL ET MAINVILLE

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :             LE JUGE NOËL

 

COMPARUTIONS :

 

Jacques Savary

 

POUR L’APPELANT

 

David W. Scott, c.r. 

Peter K. Doody

Nadia Effendi

 

POUR L’INTIMÉ

 

Raynald Langlois

POUR LE MIS‑EN‑CAUSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mylan J. Kirvan 

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANT

 

Borden Ladner Gervais LLP 

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉ

 

Langlois Kronström Desjardins

Montréal (Québec)

POUR LE MIS‑EN‑CAUSE

 

 

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