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Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20101213

Dossier : A-98-10

Référence : 2010 CAF 342

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

NEELAM MAKHIJA

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 13 décembre 2010.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 13 décembre 2010.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

Date : 20101213

Dossier : A-98-10

Référence : 2010 CAF 342

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

NEELAM MAKHIJA

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 13 décembre 2010)

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               Il s’agit d’un appel de la décision de la Cour fédérale par laquelle le juge Martineau (le juge) a confirmé la décision du directeur des lobbyistes (le directeur) selon laquelle l’appelant a enfreint les règles 2 et 3 du Code de déontologie des lobbyistes (le Code), édicté pour compléter la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 44 (la Loi), en vigueur du 11 mai 2000 au 1er juillet 2003.

 

[2]               Malgré les arguments solides de l’avocat de l’appelant, nous sommes convaincus, comme l’était le juge, que la preuve dont disposait le directeur était suffisante pour appuyer ses conclusions selon lesquelles l’appelant, moyennant paiement, a communiqué avec des titulaires d’une charge publique afin d’influencer l’octroi d’une contribution financière par l’entremise de Partenariat technologique Canada, n’a pas informé les quatre sociétés avec lesquelles il avait conclu une entente de ses obligations auxquelles il était soumis en vertu de la Loi et du Code, et a signé des déclarations confirmant qu’il n’avait pas exercé d’activités de lobbyiste au nom d’Infowave, sachant que ces déclarations seraient invoquées.

 

[3]               Lorsqu’il a examiné la décision du directeur concernant la violation de la règle 3 du Code, le juge a compris que ce dernier avait considéré ladite infraction comme étant de « responsabilité absolue, qui n’exige pas la preuve d’un élément mental pour qu’on puisse conclure à une violation ». Il aurait lui‑même préféré interpréter la violation comme une infraction de responsabilité stricte, exigeant des éléments de preuve tendant à démontrer une négligence ou une omission volontaire de révéler les obligations avant de pouvoir conclure à une violation. Il s’est exprimé ainsi aux paragraphes 70 et 71 de ses motifs :

 

[70]      C’est donc de façon raisonnable que le directeur a conclu que le demandeur avait omis, contrairement à la troisième règle du Code, de divulguer les obligations que le Code lui imposait. Il a reconnu que le demandeur ne s’estimait pas assujetti au Code mais il n’a pas considéré que cela constituait un moyen de défense. En d’autres termes, il a interprété la troisième règle du Code en considérant qu’elle prévoyait une responsabilité qui s’apparentait à une responsabilité absolue, qui n’exige pas la preuve d’un élément mental pour qu’on puisse conclure à une violation. Cette interprétation est manifestement implicite dans le raisonnement du directeur et elle est transparente et intelligible comme l’exige l’arrêt Dunsmuir, précité.

 

[71]      Il semble injuste de reprocher au demandeur de ne pas avoir divulgué les obligations qui lui incombaient s’il ne savait pas ou ne croyait pas qu’il en avait. Si je jugeais l’affaire en première instance, j’aurais préféré une interprétation qui exige des éléments de preuve tendant à démontrer une négligence ou une omission volontaire de révéler ses obligations avant de pouvoir conclure à une violation. De telles exigences concorderaient mieux avec l’objet du Code, en l’occurrence celui de s’assurer que les lobbyistes respectent certaines normes d’éthique.

 

[4]               Il n’est pas étonnant que l’avocat de l’appelant s’appuie sur ces deux paragraphes pour démontrer que le directeur a commis une erreur en introduisant un régime de responsabilité absolue. L’appelant soutient qu’il a fait une erreur de fait honnête et raisonnable quant à l’obligation de divulguer à laquelle il est soumis en vertu du Code et que le juge a commis une erreur en n’acceptant pas sa défense.

 

[5]               À notre humble avis, nous estimons que le juge a mal interprété la décision du directeur sur cette question et a mal saisi les arguments de l’appelant.

 

[6]               La question soulevée par l’appelant devant le directeur, le juge et notre Cour n’est pas une erreur de fait, mais une erreur de droit. Son observation comporte deux volets : il ne savait pas qu’il était assujetti à la Loi et il ne savait pas que ses actes constituaient une tentative d’influencer l’octroi de subventions, de contributions ou d’autres avantages financiers par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom. En fait, l’appelant s’est mépris sur la portée de la Loi et sur la signification ou la définition de l’expression « tenter d’influencer ». Il s’agit d’une erreur de droit dans les deux cas, et une erreur de droit n’est pas une excuse à moins qu’il ne s’agisse d’une erreur provoquée par une personne en autorité ou d’une erreur invincible tel le fait que la loi n’a pas été rendue publique : voir R. c Jorgensen, [1995] 4 R.C.S. 55; Lévis (Ville) c. Tétreault, 2006 CSC 12.

 

[7]               L’analogie que le juge a établie avec le régime pénal est malheureuse et trompeuse puisque les violations du Code ne sont pas punies par des accusations et des sanctions. Quoi qu’il en soit, le moyen de défense fondé sur l’erreur de droit n’est pas une excuse, peu importe que l’infraction exige la mens rea ou qu’elle soit de responsabilité stricte ou de responsabilité absolue : voir, sous le titre « infractions et peines », le paragraphe 14(1) de la Loi, lequel exclut du régime des infractions à la Loi et aux règlements le paragraphe 10.3(1) de la Loi, qui prévoit les obligations de se conformer au Code; voir également le paragraphe 10.3(2) de la Loi, lequel exclut les manquements au Code du champ d’application de l’article 126 du Code criminel, qui prévoit qu’un manquement à une loi fédérale constitue un acte criminel.

 

[8]               De plus, si on en fait une question d’état mental comme le suggère l’avocat de l’appelant, la preuve démontre qu’au mieux, l’appelant a été négligent en omettant d’informer et qu’au pire, il a délibérément ignoré la portée du Code et les obligations auxquelles il était soumis en vertu de celui‑ci.

 

 


 

[9]               Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          A-98-10

 

 

INTITULÉ :                                                         Neelam Makhija c. PROCUREUR

                                                                              GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 13 décembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

DE LA COUR :                                                    LE JUGE NADON

                                                                              LA JUGE TRUDEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :             LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael N. Bergman

POUR L’APPELANT

 

Alexander Pless

Arlo Litman

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bergman & Associés

Montréal (Québec)

POUR L’APPELANT

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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