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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20110113

Dossier : A-407-10

Référence : 2011 CAF 13

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

                        LE JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

GROUPE WESTCO INC.

appelante,

et

NADEAU FERME AVICOLE LIMITÉE/NADEAU POULTRY FARM LIMITED

Défendeur

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 janvier 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE SHARLOW

 


Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20110113

Dossier : A-407-10

Référence : 2011 CAF 13

 

                        LE JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

GROUPE WESTCO INC.

appelant,

et

NADEAU FERME AVICOLE LIMITÉE/NADEAU POULTRY FARM LIMITED

Défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SHARLOW

[1]               L’appelante Groupe Westco Inc. (Westco) a déposé une requête en vertu des articles 3 et 8 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en vue d’obtenir une ordonnance mettant le présent appel en suspens jusqu’à 30 jours après le règlement de deux appels connexes A-70-10 et A-133-10. Subsidiairement, Westco demande une ordonnance prorogeant le délai pour déposer l’entente sur le contenu du dossier d’appel. La défenderesse Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited (Nadeau) s’oppose à la requête.

 

[2]               Les articles 3 et 8 se lisent comme suit :

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

3. These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

 

8. (1) La Cour peut, sur requête, proroger ou abréger tout délai prévu par les présentes règles ou fixé par ordonnance.

(2) La requête visant la prorogation d’un délai peut être présentée avant ou après l’expiration du délai.

(3) Sauf directives contraires de la Cour, la requête visant la prorogation d’un délai qui est présentée à la Cour d’appel fédérale doit l’être selon la règle 369.

8. (1) On motion, the Court may extend or abridge a period provided by these Rules or fixed by an order.

(2) A motion for an extension of time may be brought before or after the end of the period sought to be extended.

(3) Unless the Court directs otherwise, a motion to the Federal Court of Appeal for an extension of time shall be brought in accordance with rule 369.

 

 

 

[3]               L’appel a été déposé le 25 octobre 2010. Westco n’a pas entrepris la première étape de la conclusion de son dossier, notamment le dépôt de l’entente sur le contenu du dossier d’appel. Cette étape aurait dû être effectuée dans les 30 jours suivant le dépôt de l’avis d’appel. Or, que Westco ne se soit pas conformée au paragraphe 343(1) n’empêche pas la Cour d’examiner la présente requête.

 

[4]               L’appel découle d’une procédure intentée devant le Tribunal de la concurrence. En début 2008, Nadeau a été informée par Westco que cette dernière cesserait de lui fournir des poulets vivants. En mai 2008, Nadeau a déposé une demande devant le Tribunal de concurrence afin d’obtenir une ordonnance en vertu de l’article 75 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. 34, enjoignant à Westco d’accepter Nadeau comme client et de continuer à fournir cette dernière en poulets vivants. Nadeau a également demandé une mesure de réparation intérimaire. Le 26 juin 2008, le Tribunal de la concurrence a rendu une ordonnance accordant à Nadeau la réparation intérimaire demandée. L’ordonnance exigeait de Westco qu’elle fournisse un certain nombre de poulets vivants à Nadeau pendant une période de temps précise, selon les modalités commerciales habituelles.

[5]               Nadeau a ensuite soutenu que Westco était en outrage au tribunal en regard de l’ordonnance intérimaire et a entrepris de nouvelles procédures devant le Tribunal de la concurrence. Les procédures ont mené à une ordonnance du Tribunal de la concurrence, datée du 22 janvier 2010, déclarant que Westco était en outrage au tribunal en regard de l’ordonnance intérimaire. Westco a interjeté appel de ce jugement déclaratoire (A-70-10). Westco a ensuite déposé une requête en ordonnance ou en directive quant à l’interprétation de l’ordonnance intérimaire. La requête a été rejetée par voie d’un jugement daté du 18 mars 2010. Westco a interjeté appel du rejet de sa requête en interprétation (A-133-10). À l’heure actuelle, les appels de Westco dans les dossiers A-70-10 et A-133-10 doivent être entendus le 15 mars 2011.

 

[6]               La question entourant la condamnation de Westco pour outrage au tribunal en regard de l’ordonnance intérimaire a fait l’objet d’autres audiences en juillet 2010 devant le Tribunal de la concurrence. La peine a été fixée dans l’ordonnance du 24 septembre 2010 du Tribunal de la concurrence. Le Tribunal a imposé une amende de 75 000 $ à Westco, payable dans les 60 jours de l’ordonnance, et l’a condamné à verser 250 000 $ de dépens à Nadeau. Westco a interjeté appel de l’ordonnance relative à la détermination de la peine, demandant à la faire annuler. Il s’agit du présent appel.

 

[7]               Nadeau a interjeté un appel incident de l’ordonnance relative à la détermination de la peine cherchant à obtenir une ordonnance obligeant Westco a lui payer des dépens sur la base procureur-client. Nadeau soutient qu’elle aurait ainsi droit à un montant supplémentaire de 237 850,48 $. Le Tribunal de la concurrence a rejeté la requête en dépens sur la base procureur-client de Nadeau, concluant que le montant n’est pas raisonnable et qu’il constituerait une peine indue à l’encontre de Westco.

 

[8]               Westco souhaite repousser les toutes les étapes nécessaires pour donner suite à son appel de la peine et à l’appel incident jusqu’à 30 jours après le règlement des appels dans les dossiers A-70-10 et A-133-10. Westco soutient que l’ordonnance demandée est justifiée pour des motifs d’efficacité. Westco soutient que si elle n’a pas gain de cause dans ces deux appels, elle ne donnera pas suite à son appel de la peine. Par contre, si elle a gain de cause dans l’un ou l’autre des premiers appels, Westco demandera une ordonnance permettant à l’appel de la peine et à l’appel incident de procéder conformément au jugement favorable susmentionné. Nadeau s’oppose à la requête au motif que l’ordonnance demandée n’est pas autorisée par l’article 8 et qu’elle ne satisfait pas au critère prévu par celui-ci. Subsidiairement, Nadeau subirait un préjudice advenant une décision favorable à Westco.

 

[9]               À mon sens, Westco à bon droit cite l’article 8 à l’appui de sa requête, bien qu’elle aurait également pu s’appuyer sur l’alinéa 50(1)(b) de la Loi sur les Cours fédérales. Une ordonnance mettant un appel en suspens dans l’attente de la survenance d’un événement précis consiste simplement à exonérer les parties de toute obligation de prendre les mesures nécessaires pour donner suite à l’appel après ledit événement. Une telle ordonnance est assimilable à une ordonnance en prorogation de délai pour exécuter les étapes exigées par les Règles des Cours fédérales, bien que la durée de la prorogation ne soit pas précisée par une date ou un nombre de jours, mais plutôt par la référence à la date de survenance de l’événement anticipé. On pourrait également faire un parallèle avec une ordonnance en suspension des procédures d’appel en vertu de l’alinéa 50(1)(b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, laquelle peut être accordée si la Cour estime qu’il est dans l’intérêt de la justice que les procédures soient suspendues et utilise son pouvoir discrétionnaire en ce sens.

 

[10]           Nadeau souligne, avec raison, que la jurisprudence en lien avec l’article 8 mentionne que la Cour est généralement tenue de tenir compte de la justification du retard, de l’intention de poursuivre le dossier visé par la demande de suspension, de l’existence d’un dossier défendable sur le fond, et d’une absence de préjudice pour la partie s’opposant au report. Cependant, les facteurs émanant de la jurisprudence n’entravent pas le pouvoir discrétionnaire de la Cour d’accorder une prorogation de temps à tout moment où l’intérêt de la justice l’exige. Ce concept est bien expliqué dans Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 F.C. 263 (C.A.), aux pages 277-278) (décision rendue par le juge en chef Thurlow, avec l’accord du juge Mahoney J.A. et du juge Marceau sur le résultat, mais dissident sur les motifs) :

Cependant, en dernière analyse, la question de savoir si l’explication donnée justifie la prorogation nécessaire doit dépendre des faits de l’espèce et, à mon avis, nous commettrions une erreur si nous tentions d’énoncer des règles qui auraient l’effet de restreindre un pouvoir discrétionnaire que le Parlement n’a pas jugé bon de restreindre.

 

 

[11]           À mon sens, considérant l’article 3 et le fait que Westco aurait pu s’appuyer sur l’alinéa 50(1)(b) de la Loi sur les Cours fédérales plutôt que sur l’article 8, il me semble que l’espèce justifie l’analyse du fond de la requête de Nadeau puisque la Cour peut user de son pouvoir discrétionnaire et accorder la prorogation de délai si en va de l’intérêt de la justice.

 

[12]           À ce chapitre, je suis de l’avis que l’observation de Westco voulant que sa requête doive être accordée dans l’intérêt de l’efficacité est d’une valeur considérable. En effet, si les parties sont tenues de se préparer en vue de l’appel de la peine et de l’appel incident avant le règlement des deux autres appels, elles devront nécessairement se préparer en fonction de plusieurs résultats possibles à l’issue des deux autres appels, et ce, bien que certains de ceux-ci ne se matérialiseront pas. En contrepartie, si la requête de Westco est accueillie, les parties seront en mesure de concentrer leur position dans le cadre de l’appel de la peine en fonction des décisions rendues dans les autres appels, ce qui représente un gain en efficacité tant pour eux que pour notre Cour.

 

 

[13]           Nadeau soutient qu’elle subira un préjudice si la requête de Westco est accueillie, car elle devra subir un retard indu en regard de l’audition de son appel incident et, ainsi, de sa demande d’augmentation de l’ordonnance de dépens, advenant que les deux appels de Westco fussent rejetés. Je ne suis pas convaincu qu’un retard dans l’occasion de débattre de l’attribution de dépens puisse constituer un préjudice, du moins, en l’absence d’un certain fond permettant de conclure que l’argument est susceptible d’obtenir gain de cause. Je présume que la demande de dépens majorés de Nadeau peut seulement obtenir gain de cause si la Cour est convaincue que l’ordonnance de dépens du Tribunal de la concurrence est fondée sur une erreur de droit ou est déraisonnable en regard des faits. Je ne suis pas en mesure d’évaluer le fond de la position de Nadeau sur ces points. Je conclus que tout préjudice éventuel à Nadeau découlant de l’accueil de la requête de Westco n’est pas suffisant pour rejeter ladite requête.

 

[14]           Pour ces motifs, une ordonnance sera rendue accueillant la requête de Westco visant une ordonnance mettant son appel en suspens pendant 30 jours suivant le règlement des dossiers A-70-10 et A-133-10. Je ne rendrai aucune ordonnance quant aux dépens, car Westco n’en a pas demandé dans le cadre de sa requête.

 

 

« K. Sharlow »

J.C.A.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-407-10

 

INTITULÉ :                                                                           Groupe Westco Inc. c. Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE SHARLOW

 

DATE DU JUGEMENT :                                                     Le 13 janvier 2011

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Denis Gascon

Eric C. Lefebvre

Martha A. Healey

Alexandre Bourbonnais

Gregory B. Bordan

 

POUR L’APPELANTE

 

Leah Price

Andrea M. Marsland

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

Fogler, Rubinoff LLP

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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