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Date : 20101213

Dossier : A-57-09

Référence : 2010 CAF 339

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SYNDICAT DES SERVICES DU GRAIN (SIDM-CANADA)

demandeur

et

RANDALL FREISEN ET AL.

défendeurs

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 2 décembre 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 décembre 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                         LA JUGE DAWSON

                                                                                                       LA JUGE LAYDEN-STEVESON

 


Date : 20101213

Dossier : A-57-09

Référence : 2010 CAF 339

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON            

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SYNDICAT DES SERVICES DU GRAIN (SIDM-CANADA)

demandeur

et

RANDALL FREISEN ET AL.

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Le Syndicat des services du grain (SIDM-Canada) (le « Syndicat ») conteste la décision n° CCRI 436 datée du 20 janvier 2009 (la « décision ») d’une formation du Conseil canadien des relations industrielles (le « Conseil ») rejetant son objection préliminaire à une demande présentée en vertu de l’article 38 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le « Code ») en vue de faire révoquer l’accréditation du Syndicat à l’égard de l’unité de négociation dont font partie les défendeurs.

[2]               Le Syndicat soutient que le Conseil a commis une erreur 1) en déterminant le bien-fondé de l’objection préliminaire sans tenir d’audience et sans autoriser le contre-interrogatoire sur une preuve par affidavit contradictoire quant à une question de fait essentielle; et 2) en concluant qu’une offre finale de l’employeur ratifiée par les employés pouvait être sujette à une ratification subséquente par le conseil d’administration de l’employeur.

[3]               Pour les motifs exposés ci-dessous, je rejetterais la présente demande. Le Conseil n’avait pas l’obligation de tenir une audience puisqu’il n’a pas fondé sa décision sur la preuve par affidavit contradictoire. Au contraire, compte tenu de la preuve qui n’a pas été contredite, le Conseil a raisonnablement conclu qu’une nouvelle convention collective n’avait pas été conclue avant la présentation de la demande visant à révoquer l’accréditation du Syndicat et, par conséquent, la demande de révocation respectait les délais prescrits.

Contexte

[4]               Depuis 2000, le Syndicat est accrédité pour représenter les employés de Agpro Grain (maintenant Viterra Inc.) travaillant à ses élévateurs à grains terminaux et à ses installations d’équipement agricole situés à divers endroits en Alberta et au Manitoba. Une convention collective applicable à cette unité de négociation était en vigueur du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007. Les négociations en vue de son renouvellement ont été entamées en 2007 et se sont poursuivies pendant la première moitié de 2008.

[5]               Le 27 mai 2008, l’employeur a présenté au syndicat une offre finale de renouvellement de convention collective.  Cette offre finale prévoyait que la nouvelle convention serait en vigueur du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2012. Aussi, selon l’offre finale, la nouvelle convention collective serait ratifiée et entrerait en vigueur le premier jour du mois suivant la ratification, à moins d’une entente contraire. Le Syndicat a soumis l’offre finale à l’approbation de ses membres. Étant donné que l’unité de négociation comprenait des employés travaillant à divers endroits dans deux provinces, le scrutin de ratification des employés s’est déroulé entre le 2 et le 13 juin 2008.

[6]               L’après-midi du 13 juin 2008, le Syndicat a publié les résultats du scrutin approuvant l’offre finale de l’employeur. Ce même après-midi, un groupe d’employés a présenté une demande au Conseil en vertu de l’article 38 du Code en vue de faire révoquer l’accréditation du Syndicat.

[7]               Le conseil d’administration de l’employeur a ratifié le renouvellement de la convention collective le 4 juillet 2008 et a autorisé l’employeur à mettre en œuvre les modalités de la nouvelle convention à partir du 1er juillet 2008.

[8]               Le 15 juillet 2008, le Syndicat a contesté la recevabilité de la demande de révocation de son accréditation parce que, à son avis, la convention collective avait été renouvelée le 13 juin 2008 lorsque les membres du Syndicat ont ratifié l’offre finale de l’employeur. Les demandes visant à faire révoquer une accréditation sont strictement réglementées par le Code et ne peuvent être présentées que dans les délais prévus. Par l’effet combiné des paragraphes 38(2) et 24(2) du Code, si la nouvelle convention collective avait été en vigueur le 13 juin 2008, la demande de révocation n’aurait pas respecté les délais prescrits.

[9]               Plusieurs affidavits à cet égard ont été soumis au Conseil par le Syndicat et au nom de l’employeur. La preuve par affidavit non contestée a révélé que, à la suite de courriels datés du 11 juin 2008 et du 13 juin 2008, le Syndicat savait que les modalités du renouvellement de la convention collective devaient être ratifiées par le conseil d’administration de l’employeur.

[10]           Cependant, toujours selon les affidavits soumis par l’employeur, ce dernier a indiqué au Syndicat, à l’époque où il a présenté ses propositions, que la nouvelle convention collective devait être ratifiée par son conseil d’administration. Le Syndicat a nié cette allégation au moyen d’une preuve par affidavit. Le procureur du groupe d’employés cherchant à faire révoquer l’accréditation a demandé la tenue d’une audience pour éclaircir cette contradiction dans les affidavits, tout en soutenant que, malgré la contradiction, [traduction] « il ressort clairement du reste de la preuve que Viterra n’a jamais dérogé à sa position selon laquelle la ratification était nécessaire » (dossier du demandeur, p. 422). Le Syndicat a répondu en déclarant qu’il [traduction] « serait disposé à accepter la tenue d’une audience devant le Conseil et la présentation d’une preuve orale pour éclaircir toute contradiction figurant dans la preuve par affidavit » (dossier du demandeur, p. 427).

[11]           Le Conseil a tranché l’affaire sans tenir d’audience et a rejeté l’objection préliminaire du Syndicat sur la question des délais.

 

[12]           Le Syndicat a présenté à la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision, et une demande en vertu de l’article 18 du Code afin que le Conseil réexamine sa décision. La demande de réexamen a été rejetée par une autre formation du Conseil le 22 mai 2009 (la « décision de réexamen »).

 

La décision du Conseil

[13]            Le Conseil satisfait que les documents dont il disposait étaient suffisants pour trancher l’affaire sans tenir d’audience. Il a fait remarquer qu’il n’avait pas à se fonder sur l’un ou l’autre des affidavits contradictoires pour parvenir à une décision (décision, par. 4 et 17).

 

[14]           Le Conseil a conclu que, même si l’employeur avait présenté une offre finale au Syndicat quant au renouvellement de la convention collective, cette offre finale était sujette à une ratification par le conseil d’administration de l’employeur. Cette conclusion était principalement fondée sur deux courriels datés du 11 juin 2008 et du 13 juin 2008 que les représentants de l’employeur ont envoyés au Syndicat.

 

[15]           Le courriel daté du 11 juin  2008 décrivait le processus de ratification de l’employeur (décision, par. 6; dossier du demandeur, p. 154) :

Le processus de ratification de Viterra est simple. Une fois que la convention aura été approuvée par vos membres, nous la soumettrons à nos dirigeants aux fins de ratification le plus tôt possible, puis nous vous aviserons que nous avons une convention et nous signerons la convention collective. Je crois comprendre que, par le passé, la signature a pris un certain temps. Il n’est pas dans mes habitudes de faire ainsi. J’aime procéder à la signature lorsque tout est frais à l’esprit de chacun. J’espère que ce ne sera pas un problème pour vous et que vous voudrez également conclure la convention sans tarder.

 

De plus, le courriel du 13 juin 2008 comportait le paragraphe suivant (décision, par. 7; dossier, p. 99) :

Comme vous le savez, il faut que cette convention soit ratifiée par le conseil d’administration de Viterra. Je voudrais qu’il y ait assentiment avant que le document ne soit soumis au conseil d’administration aux fins de ratification. Une convention n’est en vigueur qu’une fois bel et bien ratifiée par les deux parties, et je ne veux pas qu’il y ait de retard dans la mise en application.

 

[16]            Le Conseil s’est ensuite penché sur la question de savoir si la nouvelle convention collective était en vigueur le 13 juin 2008, date à laquelle la demande de révocation de l’accréditation a été déposée. Ses conclusions sont exposées aux par. 20 et 21 de la décision :

[20] Les deux parties reconnaissent que l’offre finale faite par l’employeur nécessitait un certain type de ratification avant de prendre effet. L’article 27 de la convention proposée, qui est cité ci-dessus, indique clairement qu’une ratification est requise avant l’entrée en vigueur de la convention, mais il ne donne pas les détails d’un processus de ratification. Le syndicat soutient que seuls ses membres devaient ratifier la convention avant que celle-ci entre en vigueur. Pour que le Conseil souscrive à cette position, il lui faudrait ne pas prendre en compte les courriels que les représentants de l’employeur ont envoyés au syndicat et qui établissaient clairement qu’il fallait que l’offre de l’employeur soit ratifiée par le conseil d’administration. Le Conseil ne peut agir de la sorte. Ces courriels n’appuient pas non plus la prétention du syndicat selon laquelle la ratification par le conseil d’administration était une « simple formalité » et n’était donc pas une véritable ratification. Le fait que le porte-parole de l’employeur n’a pas manqué de signaler au syndicat le 11 juin 2008 qu’il fallait que le contrat soit ratifié par le conseil d’administration de l’entreprise ne cadre pas avec la thèse voulant que ce processus de ratification ait été sans importance.

 

[21] La preuve montre que, aux fins du Code, la nouvelle convention n’entrait en vigueur qu’une fois ratifiée par les deux parties. Selon la preuve, la convention a été ratifiée par les membres du syndicat le 13 juin 2008 et n’a été ratifiée par le conseil d’administration de l’entreprise que le 4 juillet 2008. Il s’ensuit que la nouvelle convention n’était pas en vigueur le 13 juin 2008, date de la présentation de la demande de révocation, et que la demande respecte donc les délais prescrits.

 

 

Questions en litige

[17]           Le Syndicat a soulevé deux questions qui se chevauchent quelque peu dans sa demande de contrôle judiciaire, lesquelles ne reflètent pas parfaitement les arguments présentés dans son mémoire des faits et du droit et dans sa plaidoirie. J’ai donc reformulé les questions de la façon suivante :

1) Le Conseil a-t-il commis une erreur en déterminant que la nouvelle convention collective devait être ratifiée par le conseil d’administration de l’employeur sans tenir d’audience et sans autoriser le contre-interrogatoire sur une preuve par affidavit contradictoire concernant cet aspect de l’affaire?

 2) Le Conseil a-t-il commis une erreur en concluant qu’une offre finale de l’employeur ratifiée par les employés peut être néanmoins sujette à une ratification subséquente par le conseil d’administration de l’employeur?

Question préliminaire

[18]           À la lumière de la décision de réexamen, avant l’audition de la présente demande, la Cour a donné des directives aux avocats des parties pour qu’ils examinent l’applicabilité de l’arrêt Vidéotron Télécom Ltée c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2005 CAF 90 (« Vidéotron »). Dans Vidéotron, la Cour s’est interrogée sur l’à-propos de l’audition d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du Conseil quand cette décision a été réexaminée par le Conseil mais n’a pas été modifiée, et quand la décision de réexamen n’a pas ensuite été contestée par voie de contrôle judiciaire. Cependant, Vidéotron a aussi confirmé le pouvoir discrétionnaire de la Cour d’entendre, dans des circonstances appropriées, une demande de contrôle judiciaire d’une décision initiale même quand une demande subséquente de réexamen a été rejetée et n’a pas été contestée.

 

[19]           En réponse à ces directives, le procureur du Syndicat a demandé l’ajournement de l’audience afin de solliciter l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision de réexamen et de présenter des observations écrites sur l’applicabilité de Vidéotron. La procureure des défendeurs s’est opposée à cette demande. Selon elle, les défendeurs n’avaient pas l’intention de se fonder sur Vidéotron. Elle a ajouté que dans Vidéotron la Cour a reconnu son pouvoir discrétionnaire d’entendre une demande de contrôle judiciaire même si la décision subséquente de réexamen rendue par la Conseil n’a pas été contestée. Elle a affirmé que ce pouvoir discrétionnaire devrait être exercé en l’espèce parce que tout délai supplémentaire serait préjudiciable aux défendeurs. Dans sa réponse, le procureur du Syndicat a reconnu la volonté de son client d’ainsi procéder sur le fond de la demande de contrôle judiciaire pour ce motif.

 

[20]           Par conséquent, dans ces circonstances, la Cour a décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire résiduel de se prononcer sur le fond de la demande de contrôle judiciaire, et a refusé la demande d’ajournement sans accorder de dépens à cet égard.

 

Le Conseil a-t-il commis une erreur en déterminant que la nouvelle convention collective devait être ratifiée par le conseil d’administration de l’employeur sans tenir d’audience et sans autoriser le contre-interrogatoire sur une preuve par affidavit contradictoire concernant cet aspect de l’affaire?

 

[21]           Le Syndicat a essentiellement soutenu que le Conseil ne devrait pas régler les questions de crédibilité ou tirer des inférences à partir de la preuve contradictoire à moins d’avoir donné aux parties l’occasion de témoigner de vive voix. Le Syndicat reconnaît que le Conseil a le pouvoir en vertu de l’article 16.1 du Code de trancher une affaire sans tenir d’audience, mais il soutient que ce pouvoir ne peut être exercé que si la preuve dont le Conseil dispose suffit pour éclaircir les contradictoires entre les éléments de preuve et pour prendre une décision. En l’espèce, le Syndicat soutient que la preuve par affidavit contradictoire se rapportait à un fait important relativement à l’exigence de la ratification de l’employeur, et que, par conséquent, le Conseil a manqué aux règles de justice naturelle et d’équité procédurale en refusant aux parties la possibilité de pleinement présenter leurs arguments et de contre-interroger les souscripteurs d’affidavit.

 

[22]           L’article 16.1 du Code prévoit clairement que « [l]e Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience ». Cet article est entré en vigueur en 1999 et a élargi le pouvoir discrétionnaire du Conseil de décider à quel moment il est nécessaire ou utile de tenir une audience. L’article, lu à la lumière des dispositions du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles, DORS/2001-520, indique que le Conseil se prononcera en fonction des pièces versées au dossier, à moins qu’il n’en décide autrement : Raymond c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2003 CAF 418, 318 N.R. 319, par. 4; NAV Canada c. Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228, 2001 CAF 30, 267 N.R. 125, par. 10-11.

 

[23]            Le pouvoir discrétionnaire conféré au Conseil par l’article 16.1 du Code est très vaste, mais il n’est pas absolu. Notre Cour a déterminé que cet article n’autorise pas un manquement à l’obligation d’équité procédurale en permettant au Conseil de ne pas tenir d’audience lorsque cela aurait pour effet de nier à une partie une possibilité raisonnable de participer au processus décisionnel : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Global Television (Global Lethbridge, une division de CanWest Global Communications Corp.), 2004 CAF 78, 318 N.R. 275, par. 23; Syndicat uni du transport, section locale 1624 c. Syndicat des travailleuses et travailleurs de Coach Canada, 2010 CAF 154, 403 N.R. 341, par. 18.

 

[24]           Notre Cour a aussi conclu que, dans le contexte d’une plainte de représentation injuste en vertu de l’article 37 du Code, le simple fait que la preuve soit contradictoire ne justifie pas automatiquement la tenue d’une audience devant le Conseil, à moins que d’autres motifs sérieux le justifient Certes, comme des questions de crédibilité sont presque toujours inévitablement soulevées dans le contexte des relations de travail, l’article 16.1 du Code pourrait être privé de tout effet s’il était interprété ou appliqué autrement : Nadeau c. Métallurgistes Unis d’Amérique, 2009 CAF 100, 400 N.R. 246, par. 6; Guan c. Purolator Courrier Ltée, 2010 CAF 103, par. 28; voir aussi dans un contexte législatif différent Vancouver Wharves Ltd. c. Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, Section locale 514 (C.A.F.) (1985), 60 N.R. 118.

 

[25]           Je suis d’avis que le même principe s’applique en l’espèce à l’égard de la révocation d’une accréditation en vertu de l’article 38 du Code. Pour contester avec succès la décision du Conseil de ne pas tenir d’audience dans de telles circonstances, il faut non seulement démontrer que le Conseil disposait d’une preuve contradictoire, mais aussi qu’il était essentiel d’éclaircir les contradictions dans la preuve pour parvenir à la décision et qu’aucune autre preuve ne pouvait raisonnablement étayer la décision du Conseil.

 

[26]           En l’espèce, il est admis que le Conseil disposait de la preuve par affidavit contradictoire sur la question de savoir si, au moment de présenter ses propositions, l’employeur avait informé le Syndicat que la convention devait être ratifiée par son conseil d’administration. Le Conseil a reconnu cette preuve contradictoire, mais il a conclu qu’il n’était « pas nécessaire que le Conseil règle cette question relative à la preuve pour parvenir à une décision en l’espèce » (décision, par. 4), concluant par conséquent que la preuve contradictoire n’était pas essentielle à l’issue de l’affaire. Il a en outre conclu qu’il y avait amplement d’éléments de preuve qui n’étaient pas contredits et qui pouvaient étayer sa décision, y compris des courriels que le Syndicat a admis avoir reçus les 11 et 13 juin 2008 dans lesquels l’employeur disait clairement que la convention devait être ratifiée par son conseil d’administration (décision, par. 6, 7, 17 et 20).

 

[27]           En outre, les parties conviennent, et le Conseil l’a conclu, que l’article 27 de la convention proposée par l’employeur prévoyait la ratification de l’offre (décision, par. 5 et 20), que dans son communiqué du 16 juin 2008 reconnaissant le scrutin de ratification tenu auprès des employés l’employeur a mentionné la nécessité de la ratification de la convention par son conseil d’administration (décision, par. 8), et que la nouvelle convention collective avait été effectivement soumise au conseil d’administration aux fins de ratification le 4 juillet 2008 (décision, par. 9 et 21).

 

[28]           Dans ce contexte, il n’y a aucun fondement à l’affirmation du Syndicat selon laquelle le Conseil a agi de façon irrégulière en concluant que la nouvelle convention collective était sujette à une ratification par le conseil d’administration de l’employeur. Le Conseil avait suffisamment d’éléments de preuve qui n’étaient pas contredits pour arriver à cette conclusion et il n’était pas nécessaire d’éclaircir les contradictions dans la preuve par affidavit pour parvenir à une décision. Par conséquent, le Conseil n’a commis aucune erreur en tranchant l’affaire sans tenir d’audience.

 

Le Conseil a-t-il commis une erreur en concluant qu’une offre finale de l’employeur ratifiée par les employés peut être néanmoins sujette à une ratification subséquente par le conseil d’administration de l’employeur?

 

[29]           Le Syndicat soutient que le Conseil aurait dû appliquer les principes de common law applicables à l’offre et à l’acceptation pour décider de la date de renouvellement de la convention collective. L’employeur a présenté une offre finale au Syndicat, laquelle a été acceptée par la majorité des employés le 13 juin 2008. Par conséquent, à la suite du scrutin, tous les éléments nécessaires étaient réunis pour que l’offre finale constitue une convention collective. Selon le Syndicat, conclure autrement signifierait que malgré le fait que l’employeur ait présenté une offre finale, et malgré le fait que la majorité des employés ait accepté cette offre, l’employeur aurait quand même pu rejeter sa propre offre, et les parties auraient alors été obligées de reprendre les négociations. Si le comité de négociation de l’employeur n’avait pas le pouvoir de présenter une offre finale, l’employeur se serait livré alors à une pratique déloyale.

 

[30]           Essentiellement, le Syndicat soutient qu’un employeur ne peut pas, en droit, se réserver le droit de ratifier une offre finale qu’il a lui-même présentée, et que le Conseil a eu tort de conclure autrement. Cela soulève une question d’interprétation juridique du Code et, plus précisément, du sens des termes « la durée d’une convention collective » ou « l’application de la convention » qui se trouvent à l’alinéa 24(2)d) du Code.

 

[31]           L’interprétation que le Conseil a faite du Code devrait, dans la plupart des cas, être assujettie à la norme de la décision raisonnable : Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, par. 48; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 54-55 (« Dunsmuir »); Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., 2008 CSC 32, [2008] 2 R.C.S. 195, par. 21, Khosa, précité, par. 25; Nolan c. Kerry (Canada) Inc., 2009 CSC 39, [2009] 2 R.C.S. 678, par. 33 et 34; Assoc. des pilotes fédéraux du Canada c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 223, 392 N.R. 128, par. 36 et 51.

 

[32]           Le Syndicat n’a invoqué aucune jurisprudence établissant qu’un employeur ne peut pas, en droit, se réserver le droit de ratifier une offre finale qu’il a présentée et qui a été acceptée par ses employés. En fait, comme l’a lui-même souligné le Conseil (décision, par. 19), la principale décision invoquée par le Syndicat n’appuie pas sa position : Shaw Cablesystems G.P. (Re), [2003] CCRI n° 211, [2003] D.C.C.R.I n° 10, par. 19 à 28 (« Shaw Cablesystems »). De plus, le Conseil a expressément reconnu l’existence de cas où une offre finale d’un employeur laisse entendre que l’employeur a déjà approuvé le contenu de cette offre. En l’espèce, le Conseil concluait que la preuve indiquait le contraire. Il était donc raisonnable pour le Conseil d’admettre que rien, sur le plan juridique, n’empêchait l’employeur de se réserver le droit de faire ratifier l’offre finale par son conseil d’administration une fois que celle-ci avait été approuvée par les employés.

 

[33]           Shaw Cablesystems établit correctement au paragraphe 33 qu’un examen de la question de savoir à quel moment une convention collective s’« applique » aux fins des dispositions des articles 38 et 24 du Code doit inclure, compte tenu des faits présentés au Conseil, l’examen de l’intention des parties quant à son application et du moment à compter duquel elle s’est effectivement appliquée.

 

[34]           Par conséquent, chaque affaire doit être examinée selon les faits et les circonstances de l’espèce. C’est ce que le Conseil a fait dans la présente affaire. Il a examiné les faits qui lui ont été présentés et il a conclu que dans les circonstances de l’espèce, la nouvelle convention collective n’était pas « en vigueur » le 13 juin 2008, date à laquelle la demande visant à faire révoquer l’accréditation du Syndicat a été déposée. Cette conclusion « appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, par. 47).

 


[35]           Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens en faveur des défendeurs.

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

Je suis d’accord.

     Eleanor R. Dawson, j.c.a.

 

Je suis d’accord.

     Carolyn Layden-Stevenson, j.c.a.

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 


ANNEXE

 

Dispositions pertinentes du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2

 

3. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

 

« convention collective » Convention écrite conclue entre un employeur et un agent négociateur et renfermant des dispositions relatives aux conditions d’emploi et à des questions connexes.

 

16.1 Le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience.

 

24. (2) Sous réserve du paragraphe (3), la demande d’accréditation d’un syndicat à titre d’agent négociateur d’une unité peut être présentée :

 

[…]

 

c) si l’unité est régie par une convention collective d’une durée maximale de trois ans, uniquement après le début des trois derniers mois d’application de la convention;

 

 

d) si la durée de la convention collective régissant l’unité est de plus de trois ans, uniquement au cours des trois derniers mois de la troisième année d’application de la convention et, par la suite, uniquement :

 

 

 

(i) au cours des trois derniers mois de chacune des années d’application suivantes,

 

(ii) après le début des trois derniers mois d’application.

 

[…]

38. (1) Tout employé prétendant représenter la majorité des employés d’une unité de négociation peut, sous réserve du paragraphe (5), demander au Conseil de révoquer par ordonnance l’accréditation du syndicat à titre d’agent négociateur de l’unité.

 

 

(2) La demande visée au paragraphe (1) peut être présentée :

 

 

a) si l’unité de négociation est régie par une convention collective, seulement au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 24, de solliciter l’accréditation, sauf consentement du Conseil pour un autre moment;

 

 

 

b) en l’absence de convention collective, à l’expiration du délai d’un an suivant l’accréditation.

 

 

[…]

3. (1) In this Part,

 

 

“collective agreement” means an agreement in writing entered into between an employer and a bargaining agent containing provisions respecting terms and conditions of employment and related matters;

 

16.1 The Board may decide any matter before it without holding an oral hearing.

 

 

24. (2) Subject to subsection (3), an application by a trade union for certification as the bargaining agent for a unit may be made

 

[…]

 

(c) where a collective agreement applicable to the unit is in force and is for a term of not more than three years, only after the commencement of the last three months of its operation; and

 

 

(d) where a collective agreement applicable to the unit is in force and is for a term of more than three years, only after the commencement of the thirty-fourth month of its operation and before the commencement of the thirty-seventh month of its operation and, thereafter, only

 

(i) during the three month period immediately preceding the end of each year that the collective agreement continues to operate after the third year of its operation, and

(ii) after the commencement of the last three months of its operation.

 

[…]

 

38. (1) Where a trade union has been certified as the bargaining agent for a bargaining unit, any employee who claims to represent a majority of the employees in the bargaining unit may, subject to subsection (5), apply to the Board for an order revoking the certification of that trade union.

 

(2) An application for an order pursuant to subsection (1) may be made in respect of a bargaining agent for a bargaining unit,

 

(a) where a collective agreement applicable to the bargaining unit is in force, only during a period in which an application for certification of a trade union is authorized to be made pursuant to section 24 unless the Board consents to the making of the application for the order at some other time; and

 

(b) where no collective agreement applicable to the bargaining unit is in force, at any time after a period of one year from the date of certification of the trade union.

 

[…]


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                          A-57-09

 

APPEL D’UNE DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE DE LA DÉCISION N°436 DU CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES, DATÉE DU 20 JANVIER 2009.

 

INTITULÉ :                                                         SYNDICAT DES SERVICES DU GRAIN

                                                                              (SIDM-CANADA) c.

                                                                              RANDALL FRIESEN ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 2 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                              LE JUGE MAINVILLE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                           LA JUGE DAWSON

                                                                              LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                                                                             

DATE DES MOTIFS :                                        Le 13 décembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Ronni A. Nordal

POUR LE DEMANDEUR

 

Joyce Mitchell

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ronni A. Nordall

Avocats

Régina (Saskatchewan)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

McLennan Ross

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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