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Date : 20110225

Dossier : A-433-09

Référence : 2011 CAF 70

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

RÉ:SONNE

demanderesse

et

FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DE PROPRIÉTAIRES DE CINÉMAS DU CANADA, ROGERS COMMUNICATIONS INC., SHAW COMMUNICATIONS INC.,

BELL EXPRESSVU LLP, COGECO CÂBLE INC., EASTLINK, QUEBECOR MEDIA,

TELUS COMMUNICATIONS COMPANY, TURNER BROADCASTING SYSTEMS, INC., SOCIÉTÉ RADIO-CANADA,

et ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS

défenderesses

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 22 février 2011

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

                                                                                                                       LE JUGE MAINVILLE

 

 


Date : 20110225

Dossier : A-433-09

Référence : 2011 CAF 70

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL             

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

RÉ:SONNE

demanderesse

et

FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DE PROPRIÉTAIRES DE CINÉMAS DU CANADA, ROGERS COMMUNICATIONS INC., SHAW COMMUNICATIONS INC.,

BELL EXPRESSVU LLP, COGECO CÂBLE INC., EASTLINK, QUEBECOR MEDIA,

TELUS COMMUNICATIONS COMPANY, TURNER BROADCASTING SYSTEMS, INC., SOCIÉTÉ RADIO-CANADA,

et ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS

défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE TRUDEL

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision en date du 16 septembre 2009 par laquelle la Commission du droit d’auteur a répondu par la négative à la question suivante :

[traduction] Quelqu’un a-t-il le droit de recevoir une rémunération équitable au titre de l’article 19 de la Loi sur le droit d’auteur lorsqu’un enregistrement sonore publié fait partie de la bande sonore qui accompagne a) un film exécuté en public ou b) une émission de télévision communiquée au public par télécommunication?

 

 

[2]               Cette question découle du dépôt par la demanderesse, Ré:Sonne, de deux projets de tarifs de redevances relativement à l’exécution en public ou à la communication au public par télécommunication d’enregistrements sonores publiés : le tarif 7, visant l’utilisation par les cinémas d’un enregistrement sonore intégré dans un film, et le tarif 9, visant l’utilisation d’enregistrements sonores dans les émissions diffusées par les chaînes de télévision. Il y a eu opposition aux deux tarifs.

 

[3]               La définition d’« enregistrement sonore », énoncée à l’article 2 de la Loi et reproduite ci‑dessous, a été déterminante pour la décision de la Commission :

 

« enregistrement sonore » Enregistrement constitué de sons provenant ou non de l’exécution d’une œuvre et fixés sur un support matériel quelconque; est exclue de la présente définition la bande sonore d’une œuvre cinématographique lorsqu’elle accompagne celle-ci.

 

[Je souligne.]

“sound recording” means a recording, fixed in any material form, consisting of sounds, whether or not of a performance of a work, but excludes any soundtrack of a cinematographic work where it accompanies the cinematographic work;

 

 

 

 

 

[4]               Pour déterminer la portée de l’exclusion, la Commission devait interpréter l’expression définie « enregistrement sonore » ainsi que l’expression non définie « bande sonore » dans leur rapport à un enregistrement sonore préexistant.

[5]               Le principal argument de la demanderesse est que la Commission a erronément considéré que chacun des éléments constitutifs d’une bande sonore, y compris un enregistrement sonore préexistant qui y est incorporé, est visé par l’exclusion (mémoire de la demanderesse, paragraphe 25). Selon la demanderesse, c’est la bande sonore dans son entier, et non ses composantes, qui est exclue de la définition d’enregistrement sonore, et ce, pour deux raisons : (1) « bande sonore », dans la définition d’« enregistrement sonore », renvoie à l’emplacement physique de l’enregistrement, non aux sons eux‑mêmes, (2) les parties d’une bande sonore diffèrent de la bande sonore dans son ensemble et elles ne peuvent recevoir le même traitement (ibid., paragraphes 32 à 35). C’est pourquoi la demanderesse estime que, bien que personne ne puisse revendiquer de rémunération équitable pour l’ensemble de la bande sonore, les artistes-interprètes et les producteurs d’enregistrements sonores distincts incorporés dans la bande sonore le peuvent.

 

[6]               Suivant la demanderesse, l’exclusion vise à restreindre les droits afférents aux œuvres cinématographiques, non les droits d’auteur applicables aux enregistrements sonores (ibid., paragraphe 63). Autrement dit, l’exclusion a pour objet d’éviter que les films, non les enregistrements sonores, soient protégés deux fois (ibid., paragraphe 68).

 

[7]               La Commission n’a pas retenu l’argument de la demanderesse fondé sur la distinction entre la bande sonore et ses éléments constitutifs parce qu’une telle interprétation exigerait que des mots soient ajoutés à la définition d’« enregistrement sonore » (motifs de la Commission, paragraphe 28).

[8]               Elle a donc conclu que les projets de tarifs 7 et 9, tels qu’ils ont été publiés dans la Partie 1 de la Gazette du Canada, ne pouvaient pas être homologués parce qu’ils n’étaient pas fondés en droit et, conséquemment, elle les a radiés (motifs, paragraphe 44).

 

[9]               La question de la norme de contrôle applicable a fait l’objet d’un débat, mais il n’y a pas lieu de l’examiner puisque j’estime, essentiellement pour les motifs exposés par la Commission, que celle‑ci a correctement statué. J’aimerais toutefois formuler trois brefs commentaires.

 

[10]           Premièrement, la demanderesse a fait état devant nous de diverses préoccupations liées aux répercussions de la décision de la Commission sur les droits des artistes-interprètes et des producteurs d’enregistrements sonores, faisant notamment valoir qu’un enregistrement sonore incorporé dans une bande sonore a) pourrait être mis sur l’Internet ou propagé par d’autres moyens ou b) pourrait être extrait d’un DVD et publié et que les artistes‑interprètes et les producteurs ne disposeraient d’aucun recours. Comme l’ont soutenu les défenderesses, ces préoccupations ne sont pas fondées.

 

[11]           En effet, aux termes du paragraphe 17(1) de la Loi, l’artiste‑interprète doit autoriser l’incorporation de sa prestation dans une œuvre cinématographique. Il s’ensuit qu’une incorporation non autorisée contrevient à la Loi. En outre, lorsqu’un enregistrement sonore préexistant est extrait de la bande sonore d’une œuvre cinématographique, la protection accordée par la Loi aux artistes-interprètes et producteurs à l’égard des enregistrements sonores indépendants s’applique encore.

[12]           La demanderesse a également formulé un argument de droit comparatif. Elle a cité la jurisprudence australienne qui, à mon avis, ne peut nous guider en l’instance puisque les dispositions législatives relatives aux enregistrements et bandes sonores diffèrent radicalement des nôtres, ce qui est aussi le cas du droit du Royaume-Uni également invoqué par la demanderesse.

 

[13]           La demanderesse a également invoqué l’argument de l’incompatibilité avec l’article 10 de la Convention de Rome, lequel énonce que les producteurs de phonogrammes jouissent du droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte de leurs phonogrammes. Cet argument ne tient pas compte de la définition de « phonogramme » énoncée à la Convention (article 3, alinéa b)), selon laquelle il s’agit de toute fixation exclusivement sonore des sons, dont il découle que « [s]ont donc exclus [...] les fixations d’images (cinéma) ou d’images et de sons (télévision) » (OMPI, Guide de la Convention de Rome, article 3.7). Je ne vois donc aucune raison de modifier la conclusion de la Commission.

 

[14]           La demanderesse prétend enfin que, quelle que soit l’interprétation des définitions retenue par la Commission, elle a droit à un tarif pour la diffusion en direct parce que ce type de diffusion n’est pas la [traduction] « communication au public d’une œuvre cinématographique » au sens de l’article 2 de la Loi. Elle affirme qu’une œuvre ainsi diffusée n’est pas exprimée par un procédé analogue à la cinématographie et qu’elle n’est donc pas visée par l’exclusion énoncée à l’article 19 (mémoire de la demanderesse, paragraphe 88). Elle demande à la Cour d’accueillir la demande de contrôle judiciaire sur ce point et de renvoyer l’affaire à la Commission pour qu’elle se prononce sur cette question.

 

[15]           La demande de contrôle judiciaire ne saurait, à mon avis, être accueillie pour un motif aussi limité. Cet argument ne figurait pas dans l’avis de demande et il n’a pas été soumis à la Commission, en sorte qu’on ne peut reprocher à cette dernière de ne pas avoir statué sur ce point. Par conséquent, rien ne justifie d’intervenir dans la décision de la Commission pour ce motif.

 

[16]           Je rejetterais donc la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

 

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord

           Marc Noël, j.c.a. »

 

«Je suis d’accord

           Robert M. Mainville, j.c.a »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                A-433-09

 

INTITULÉ :                                                               RÉ:SONNE c.

                                                                                    FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DE PROPRIÉTAIRES DE CINÉMAS DU CANADA et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 22 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LE JUGE NOËL

                                                                                    LE JUGE MAINVILLE          

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 25 février 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Glen A. Bloom

Marcus Klee

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Mark Hayes

 

 

 

David W. Kent

 

 

 

 

Gerald L. Kerr-Wilson

 

 

 

 

 

 

 

 

Marek Nitoslawski

POUR LA DÉFENDERESSE ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS

 

POUR LA DÉFENDERESSE FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DE PROPRIÉTAIRES DE CINÉMAS DU CANADA

 

POUR LES DÉFENDERESSES ROGERS COMMUNICATIONS INC., SHAW COMMUNICATIONS INC., BELL EXPRESSVU LLP, COGECO CÂBLE INC., EASTLINK, QUEBECOR MEDIA ET TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

 

POUR LA DÉFENDERESSE SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Hayes Elaw LLP

Toronto (Ontario)

 

 

McMillan LLP

Toronto (Ontario)

 

 

 

Fasken Martineau DuMoulin LLP

Ottawa (Ontario)

 

 

 

 

 

 

Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS

 

POUR LA DÉFENDERESSE FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DE PROPRIÉTAIRES DE CINÉMAS DU CANADA

 

POUR LES DÉFENDERESSES ROGERS COMMUNICATIONS INC., SHAW COMMUNICATIONS INC., BELL EXPRESSVU LLP, COGECO CÂBLE INC., EASTLINK, QUEBECOR MEDIA ET TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

 

POUR LA DÉFENDERESSE SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

 

 

 

 

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