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Date : 20110302

Dossier : A‑44‑09

Référence : 2011 CAF 76

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

WILLIAM A. JOHNSON

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

 

Audience tenue par vidéoconférence à Ottawa (Ontario) et Campbellford (Ontario),

le 25 février 2011

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                         LA JUGE DAWSON

                                                                                                                           LE JUGE STRATAS

 


Date : 20110302

Dossier : A‑44‑09

Référence : 2011 CAF 76

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

WILLIAM A. JOHNSON

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

[1]               L’appelant (M. Johnson) est un détenu à l’Établissement Warkworth (Warkworth). Il a déposé quatre demandes de contrôle judiciaire relativement aux décisions sur les griefs au troisième palier rendues par Service correctionnel Canada (SCC). Le juge Mosley de la Cour fédérale (le juge) a instruit toutes les demandes en même temps et les a toutes rejetées : 2008 CF 1357. M. Johnson interjette maintenant appel du jugement de la Cour fédérale relativement à trois des quatre demandes. Le procureur général du Canada (la Couronne) soutient que l’appel devrait être rejeté. Je suis d’accord avec la Couronne en ce qui a trait à deux des demandes, mais en désaccord quant à l’une d’elles.

 

Le contexte

[2]               Les griefs de M. Johnson comportaient plusieurs volets. Cependant, les erreurs qu’il prétend que le juge a commises relativement aux demandes en cause sont précises et limitées. Pour expliquer le contexte, il est nécessaire de résumer brièvement les faits. Cependant, seuls les faits relatifs aux questions en litige seront examinés.

 

[3]               M. Johnson purge une peine à Warkworth depuis novembre 1999. Dans cet établissement, il travaille en tant qu’opérateur de machine et il est capable de fabriquer et de réparer des appareils électriques. Le 5 octobre 2005, pendant que M. Johnson était au travail, deux agents de SCC ont fouillé sa cellule. Les agents ont conclu qu’un certain nombre d’appareils et d’articles électriques trouvés dans la cellule étaient probablement non autorisés. Ils les ont donc saisis. Il semble que M. Johnson avait préalablement obtenu l’autorisation de garder de tels articles dans sa cellule. M. Johnson a demandé à l’un des agents (qui était également membre de son équipe de gestion de cas) de lui remettre les articles en question ou, à tout le moins, de lui expliquer la raison de la saisie. Selon M. Johnson, l’agent n’a pas accédé à sa demande et lui a fait un commentaire inapproprié de nature sexuelle. Bien qu’il ait demandé à sa surveillante de liberté conditionnelle d’organiser une réunion avec le surveillant correctionnel pour qu’ils discutent de la situation, il prétend n’avoir jamais eu l’occasion de régler la question de façon informelle.

 

[4]               M. Johnson a été accusé d’avoir commis l’infraction prévue à l’alinéa 40j) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi). Selon cette disposition, il y a infraction disciplinaire lorsque, sans autorisation préalable, un détenu a en sa possession un objet en violation des directives du commissaire ou de l’ordre écrit du directeur du pénitencier. Le président du Comité de discipline chargé des infractions disciplinaires mineures (le Comité) a retenu l’accusation et imposé une amende de 15 $. M. Johnson a présenté un grief pour contester cette décision, principalement au motif qu’il n’y avait eu aucune tentative de régler l’affaire de façon informelle. Lorsque son grief a été refusé au troisième palier, il a introduit une demande de contrôle judiciaire. J’y ferai référence comme étant la demande relative à l’infraction disciplinaire.

 

[5]               Les agents de SCC ont par la suite détruit les articles saisis. M. Johnson a déposé, en vue d’obtenir un dédommagement, une Réclamation du détenu pour les effets perdus ou endommagés. SCC lui a offert un dédommagement de 65 $ pour certains articles et a proposé de remplacer les autres. M. Johnson a considéré l’offre insuffisante et a déposé un grief, sans succès. Là encore, il a introduit une demande de contrôle judiciaire. J’y ferai référence comme étant la demande relative à la destruction des effets personnels.

 

[6]               À la suite de la fouille de sa cellule et de la saisie des articles, M. Johnson a été informé qu’il dépassait la limite de 1 500 $ applicable aux effets personnels gardés en cellule et on lui a demandé de retourner une machine à écrire. M. Johnson a présenté un grief, alléguant que la machine à écrire était une fourniture scolaire autorisée qui était exemptée de la limite de 1 500 $ applicable aux effets personnels gardés en cellule. Pendant la procédure de grief, la machine à écrire a été saisie en tant qu’objet interdit et M. Johnson a présenté un autre grief afin qu’elle lui soit remise (au motif qu’il s’agissait d’une fourniture scolaire). Après avoir été débouté, M. Johnson a déposé une demande de contrôle judiciaire. J’y ferai référence comme étant la demande relative à la machine à écrire.

 

La décision du juge

[7]               Le juge a conclu que les questions soulevées constituaient des questions mixtes de fait et de droit susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Il a par conséquent examiné la question de savoir si les décisions contestées « appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », conformément au principe formulé dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

[8]               En ce qui a trait à la demande relative à l’infraction disciplinaire, le juge a tiré un certain nombre de conclusions de fait. Il a conclu qu’il n’était pas possible de régler la question de façon informelle au moment de la fouille. La preuve concernant les tentatives subséquentes de règlement informel était contradictoire. Les agents n’ont pas vérifié le relevé des effets personnels de M. Johnson et n’ont pas pris les mesures utiles afin de régler la question de façon informelle avant de porter une accusation d’infraction disciplinaire. Néanmoins, M. Johnson a implicitement admis avoir été en possession de certains articles non autorisés qui ont été saisis. Le juge a conclu que la décision sur le grief au troisième palier maintenant l’accusation et confirmant l’amende n’était pas déraisonnable.

 

[9]               En ce qui a trait à la demande relative à la destruction des effets personnels, le juge a conclu que l’offre de dédommagement de 65 $ de SCC pour certains articles, combinée à l’offre de remplacer les autres articles par des articles identiques, n’était pas déraisonnable. En outre, l’offre était conforme à la politique de SCC.

 

[10]           Pour ce qui est de la demande relative à la machine à écrire, le juge a conclu que M. Johnson était autorisé à acheter une machine à écrire puisque son ordinateur personnel avait été saisi. Cependant, la machine à écrire ne constituait pas une fourniture scolaire aux termes de la politique de SCC, et M. Johnson a fait défaut d’établir que SCC avait consenti à exclure la machine à écrire de la limite applicable aux effets personnels gardés en cellule à titre de fourniture scolaire. Bien que le juge ait critiqué la classification de la machine à écrire par SCC à titre d’« objet interdit » (concluant qu’il s’agissait plutôt d’un « objet non autorisé »), il a néanmoins conclu que le rejet du grief était raisonnable.

 

La norme de contrôle

[11]           Le rôle d’un tribunal d’appel, lorsqu’il instruit un appel relatif à une demande de contrôle judiciaire de la Cour fédérale, consiste à déterminer si le tribunal de révision a identifié la norme de contrôle applicable et s’il l’a appliquée correctement : Dr. Q c. College of Physician and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au par. 43; Telfer c. Canada (Agence de revenu du Canada), 2009 CAF 23, [2009] D.T.C. 5046, aux par. 18 et 19. Il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’égard des questions d’équité procédurale : Canada (Citoyenneté et Immigrationc. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, au par. 43.

 

Question préliminaire

[12]           M. Johnson a exprimé une préoccupation qui, à ses dires, transcende toutes les demandes dont a été saisie la Cour. Il s’agirait selon lui de [traduction] « considérations irrégulières », et il énumère à cet égard un certain nombre de commentaires du juge qui, de l’avis de M. Johnson, n’étaient pas appuyés par la preuve.

 

[13]           Cette préoccupation découle de la décision du juge selon laquelle le dossier du tribunal n’avait pas été remis de façon appropriée à M. Johnson ou n’avait pas été valablement présenté en cour comme pièce jointe à un affidavit souscrit à l’appui d’une demande. Par conséquent, pour chaque demande, le juge a radié les documents du tribunal qui avaient été joints aux observations de la Couronne.

 

[14]           M. Johnson a raison de dire que certaines déclarations factuelles dans les motifs du juge semblent avoir été tirées des documents qui ont été radiés du dossier. La mention d’une alerte à la bombe, qui aurait eu apparemment lieu peu de temps avant la fouille de la cellule de M. Johnson, ne figure pas dans le dossier. En outre, la citation reproduite au paragraphe 60 des motifs du juge (la déclaration de l’agent témoin) avait été radiée du dossier. Par conséquent, aucun de ces renvois n’aurait dû se retrouver dans les motifs du juge.

 

[15]           Cependant, à l’exception de la mention de l’alerte à la bombe et de l’avant‑dernière phrase de la citation, qui, de l’admission de la Couronne, ne faisaient pas partie du dossier, les différentes déclarations contestées sont appuyées par les documents que M. Johnson a inclus dans son dossier (dossier d’appel, vol. II, p. 192, vol. III, p. 326, 332, 341, 343, 370, 374, 407, et 411).

 

[16]           Quoi qu’il en soit, les déclarations à l’égard desquelles M. Johnson soulève une objection mettent simplement en contexte les motifs du juge et n’ont pas d’incidence importante sur son jugement. Bref, elles n’ont aucun rapport avec les questions faisant l’objet du présent appel. Par conséquent, elles n’ont aucune incidence sur l’examen par la Cour des demandes, car elles n’ont pas de répercussions sur les décisions du juge quant aux normes de contrôle applicables ni sur leur application.

 

Les dispositions législatives

[17]           Le texte des dispositions législatives auxquelles renvoient les présents motifs est reproduit à l’annexe « A ».

 

La demande relative à l’infraction disciplinaire

[18]           Le juge a conclu que le rejet du grief de M. Johnson à l’égard de l’infraction disciplinaire était raisonnable. Comme nous l’avons indiqué précédemment, M. Johnson a fait valoir avec succès que SCC n’a pas pris toutes les mesures utiles afin de régler de façon informelle la question de la prétendue possession d’objets non autorisés conformément au paragraphe 41(1) de la Loi. Cette disposition prévoit que le personnel de SCC doit, « si les circonstances le permettent, prendre toutes les mesures utiles afin de régler la question [de l’infraction disciplinaire] de façon informelle ». M. Johnson ne conteste pas cette conclusion. Il prétend plutôt que le défaut de SCC de se conformer au paragraphe 41(1) précédait le dépôt de l’accusation d’infraction disciplinaire contre lui. Par conséquent, il affirme que le juge a commis une erreur en maintenant cette accusation.

 

[19]           L’accusation d’infraction disciplinaire a été portée le 7 octobre 2005 et une audition a été fixée devant le Comité le 17 octobre 2005. Lorsque M. Johnson a soulevé ses préoccupations relativement au paragraphe 41(1), le Comité a suspendu l’audition pour examiner les tentatives de régler l’affaire de façon informelle comme l’exige la Loi. L’audience disciplinaire a repris le 24 octobre 2005 et le Comité a confirmé l’accusation portée contre M. Johnson.

 

[20]           Dans l’arrêt Laplante c. Canada (P.G.), [2003] 4 C.F. 1118, aux paragraphes 12 et 13 (C.A.), la Cour a statué que le paragraphe 41(1) ne crée pas de condition préalable à l’exercice de la compétence du Comité de confirmer une accusation d’infraction disciplinaire. Elle accorde plutôt au Comité le pouvoir de prendre des mesures pour s’assurer qu’on a tenté de régler la question de façon informelle, à la suite de quoi il doit procéder à l’audition. En l’espèce, le dossier ne contient pas la décision du Comité. Cependant, le fait que le Comité ait pu conclure que les droits de M. Johnson prévus au paragraphe 41(1) ont été respectés, alors que le juge en a conclu autrement, ne signifie pas que le Comité a agi sans compétence. En effet, le juge a expressément mentionné que le paragraphe 41(2) de la Loi permet à SCC de porter une accusation d’infraction disciplinaire contre un détenu à défaut de règlement informel, selon la gravité de la faute et l’existence de circonstances atténuantes ou aggravantes. À mon avis, le paragraphe 41(1) n’interdit pas complètement de porter une accusation d’infraction disciplinaire.

 

[21]      De plus, le juge a interprété le dossier et la déclaration de M. Johnson selon laquelle [traduction] « la plupart de [s]es articles étaient autorisés » comme une admission implicite de sa part qu’au moins quelques articles en sa possession n’étaient pas autorisés. L’interprétation du juge à cet égard s’appuie sur la réponse au grief au deuxième palier, formulée comme suit : [traduction] « bien que la tentative de régler la question de façon informelle ne ressorte pas clairement, cela ne change rien au fait que certains articles figurant dans la liste du rapport d’infraction étaient en réalité non autorisés » (réponse de SCC au grief au deuxième palier, dossier d’appel, vol. II, p. 192).

 

[22]      À mon avis, l’inférence du juge était valable. Bien que M. Johnson ait insisté sur le fait qu’il n’avait à aucun moment admis qu’il avait été en possession d’articles non autorisés, il est clair qu’il a toujours affirmé que bon nombre des articles non autorisés avaient été achetés et obtenus en toute légalité (non souligné dans l’original, dossier d’appel, vol. II, p. 184).

 

[23]      Je n’ai pas oublié le plaidoyer vigoureux de M. Johnson voulant que la directive du commissaire no 580 permette de conférer de façon discrétionnaire un privilège. Cependant, il existe un tel privilège en ce qui a trait à la possession de ce qui serait par ailleurs considéré comme des articles non autorisés, il n’a pas été établi dans le cadre du présent dossier. Il convient de souligner que cette observation ne figure pas dans le mémoire des faits et du droit de M. Johnson et le juge n’y fait pas référence non plus dans ses motifs. Le dossier démontre que les arguments soulevés par M. Johnson relativement à la présente demande portent essentiellement sur la question du règlement informel.

 

[24]      Compte tenu de la jurisprudence de notre Cour, du libellé de l’article 41 de la Loi et de l’admission implicite de M. Johnson, le juge n’a pas commis d’erreur en concluant que SCC avait tenu compte des observations de M. Johnson tout au long de la procédure de règlement des griefs et la décision relative à l’infraction disciplinaire n’était pas déraisonnable.

 

[25]      Ensuite, M. Johnson prétend que ses droits procéduraux ont été violés parce qu’il n’a pas eu un accès raisonnable à un enregistrement de ses auditions disciplinaires. L’article 33 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, D.O.R.S./92‑620 (le Règlement) exige que SCC veille à ce que toutes les auditions disciplinaires soient enregistrées, que ces enregistrements soient conservés pendant au moins deux ans après la date de la décision, et que les détenus aient accès, dans des limites raisonnables, à ces enregistrements. Le juge a examiné cette prétention et, étant donné que M. Johnson n’avait pas soulevé cet argument avant l’audition de la demande de contrôle judiciaire, a conclu qu’il avait renoncé au droit de se plaindre d’une irrégularité procédurale ou d’un déni de justice naturelle. La déclaration du juge est conforme à la jurisprudence de notre Cour selon laquelle la partie qui a renoncé au droit à l’équité procédurale ne peut par la suite contester une décision administrative au motif que cette dernière a été prise en violation de l’équité : Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (P.G.), [2010] 2 R.C.F. 488, au par. 48 (C.A.), autorisation d’appel refusée, [2009] 3 R.C.S. vii.

 

[26]      Le raisonnement du juge s’applique à l’omission de M. Johnson de demander l’accès à l’enregistrement à quelque moment que ce soit durant la procédure de règlement des griefs. Cependant, selon ce que je comprends de la présentation de l’argument dans le présent appel, le défaut de la Couronne de produire l’enregistrement durant la procédure devant la Cour fédérale justifie, selon M. Johnson, l’octroi d’une réparation. Sa demande d’accès aux enregistrements a été faite conformément aux articles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98‑106 (les Règles). L’article 317 des Règles prévoit la transmission des « documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, […] qui sont en la possession de l’office fédéral […] ». J’insiste sur le fait que les documents demandés doivent être pertinents quant à la question dont est saisie la Cour.

 

[27]      M. Johnson prétend qu’il n’était pas possible pour le juge d’évaluer la question relative à l’application du paragraphe 41(1) de la Loi en l’absence d’une transcription et d’un enregistrement audio de l’audience disciplinaire. À mon avis, la tâche du juge consistait à examiner la décision relative au grief au troisième palier. Étant donné que M. Johnson n’a pas demandé l’enregistrement durant la procédure de règlement des griefs, cet enregistrement ne pouvait pas être pertinent pour le contrôle judiciaire effectué par le juge parce qu’un tel contrôle se limite aux documents qui ont été présentés au Comité de grief.

 

La demande relative à la machine à écrire

[28]      La machine à écrire de M. Johnson a été enlevée (de sa cellule) et placée dans son espace de rangement personnel situé dans l’établissement parce que la valeur de l’objet dépassait la limite totale de 1 500 $ applicable aux effets personnels gardés en cellule. M. Johnson a présenté un grief au motif que la machine à écrire était une fourniture scolaire et que, par conséquent, elle n’était pas visée par la limite habituelle applicable aux effets personnels du détenu. La qualification donnée à la machine à écrire par M. Johnson a été rejetée. Selon M. Johnson, le juge a commis une erreur de droit en concluant qu’il n’y avait aucune preuve que SCC avait accepté que la machine à écrire avait été obtenue en tant que fourniture scolaire.

 

[29]      M. Johnson renvoie à différentes déclarations dans l’affidavit présenté à l’appui de sa demande et soutient qu’elles démontrent sa machine à écrire avait été achetée avec l’argent de son compte d’épargne avec l’approbation de SCC et que la machine à écrire lui a été remise malgré le fait qu’en raison de celle‑ci, il dépassait la limite de 1 500 $ applicable aux effets personnels. Malheureusement pour M. Johnson, les parties du dossier sur lesquelles il s’appuie pour réfuter la conclusion du juge ne constituent pas une preuve établissant l’existence d’une entente entre M. Johnson et SCC. Bien que ses références laissent entendre qu’il a pu comprendre que la machine à écrire était une fourniture scolaire, il n’y a aucun élément de preuve indépendant à l’appui de sa prétention.

 

[30]      Bien que le dossier appuie l’opinion de M. Johnson en ce qui a trait aux types d’achat qui peuvent être faits à partir du compte d’épargne d’un détenu, la directive du commissaire no 090 prévoit expressément que les machines à écrire doivent être considérées comme des effets personnels du détenu. M. Johnson a omis d’établir que SCC a approuvé sa machine à écrire en tant que fourniture scolaire. Par conséquent, le juge n’a pas commis d’erreur en concluant que la décision relative au grief au troisième palier était raisonnable.

 

La demande relative à la destruction des effets personnels

[31]      M. Johnson prétend que le juge a rendu des décisions contradictoires en rejetant cette demande. Ses observations sur cette question ont trait aux paragraphes 72, 74 et 76 des motifs du juge. M. Johnson soutient que les motifs du juge étaient contradictoires parce que, d’une part, le juge a refusé d’accepter la proposition voulant que la destruction des effets de M. Johnson était illégale alors que, d’autre part, il a conclu que les actes de SCC ne respectaient pas les exigences de l’article 84 du Règlement. Bien que je puisse comprendre l’argument de M. Johnson, le juge a clairement expliqué qu’il n’était pas tenu d’analyser la question de savoir si la saisie et la destruction des effets personnels de M. Johnson étaient illégales parce que le point central de la demande dont il était saisi était de savoir si la mesure corrective prise par SCC en réponse à la destruction était raisonnable. En réalité, la déclaration du juge correspond à l’avis de demande de M. Johnson à cet égard (qui est également conforme à la réparation demandée dans le cadre du présent appel). Les commentaires du juge ne font que fournir une mise en contexte pour son analyse et, quoi qu’il en soit, ils n’ont aucune incidence importante sur l’issue de la demande.

 

[32]      M. Johnson prétend également, compte tenu de la conclusion exposée au paragraphe 76 des motifs, que le juge a commis une erreur en n’accueillant pas sa demande. Bien que je sois consciente de la façon dont M. Johnson a pu mal interpréter les déclarations du juge, à mon avis, le paragraphe 76 a pour but de faire ressortir les lacunes de la procédure administrative de SCC et est compatible avec les commentaires du juge qui figurent au paragraphe 103 de ses motifs. Le fait que le juge reconnaisse que M. Johnson « avait à tout le moins droit à une explication claire quant à la façon dont le défendeur entendait le dédommager » constitue une critique concernant le fait que M. Johnson n’avait pas reçu cette explication avant de faire une « réclamation du détenu ». La conclusion du juge à cet égard n’est entachée d’aucune erreur susceptible de révision.

 

[33]      Toutefois, la question n’est pas pour autant réglée. Ainsi, le juge a écrit ce qui suit au paragraphe 75 de ses motifs :

Selon le paragraphe 35 de la directive du commissaire no 234, au lieu d’offrir un dédommagement pécuniaire, SCC peut envisager de remplacer l’article faisant l’objet d’une réclamation par un article identique. Lorsqu’un article identique n’est pas disponible, un article de qualité équivalente peut être offert si le délinquant accepte, par écrit, l’article de substitution. Le coût total de remplacement de l’article ne devrait pas dépasser l’offre de règlement pécuniaire qui pourrait être faite pour l’article. En l’espèce, le défendeur a offert 65 $ à titre de dédommagement pécuniaire pour quelques articles et a offert de remplacer les autres par des articles identiques. À mon avis, il ne s’agit pas d’une issue déraisonnable. M. Johnson a été dédommagé suivant la politique en vigueur (les directives du commissaire nos 234 et 860 et les lignes directrices no 234‑1) et SCC a tenu compte de tous les articles qui avaient été saisis dans la cellule de M. Johnson le 6 octobre 2005. Aucune autre action n’est nécessaire.

(non souligné dans l’original).

 

[34]      En fait, on n’a pas tenu compte de tous les articles saisis. La décision relative au grief au troisième palier n’a pas traité du CD Power Director. Cet article était énuméré dans la Réclamation du détenu pour les effets perdus ou endommagés (dossier d’appel, vol. III, p. 343). La décision relative au grief au troisième palier du sous‑commissaire principal, modifiée (dossier d’appel, vol. III, p. 407), renvoie à la barre d’alimentation BLKN UPS. Il n’existe aucune mention du CD Power Director. L’importance de cet article est cruciale car, sans celui‑ci, le cordon d’alimentation BLKN UPS ne fonctionne pas. Comme l’a dit M. Johnson, le cordon d’alimentation qui l’a remplacé est [traduction] « inutile ».

 

[35]      À l’audition, l’avocat de la Couronne a fait valoir que le fait que le cordon d’alimentation BLKN UPS a été remplacé[traduction] « implicitement » signifie qu’il a été remplacé par un cordon d’alimentation fonctionnel. À première vue, cette supposition semble raisonnable. Cependant, sur le fondement du dossier, compte tenu des multiples transgressions de SCC en ce qui a trait aux politiques et aux lignes directrices, je doute fort que l’hypothèse soulevée par l’avocat soit exacte. Étant donné que le grief au troisième palier n’a pas traité de tous les articles qui avaient fait l’objet de la demande, cette supposition ne peut être raisonnable. L’affaire aurait dû être renvoyée au décideur pour qu’il procède à un réexamen. Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir l’appel relatif à cette demande.

 

La crainte raisonnable de partialité

[36]      M. Johnson soutient également que les erreurs commises par le juge donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité à son encontre. Cette allégation s’appliquerait à toutes les demandes et repose en totalité ou en partie sur les erreurs que le juge aurait commises ou sur la transcription des observations présentées au juge (qui ne figurent pas au dossier). Les motifs du juge sont détaillés et reflètent le dossier et les observations qui ont été présentées. Aucun fondement n’a été avancé pour appuyer l’allégation de partialité et il n’y a rien dans le dossier qui conduirait un observateur raisonnable, pleinement informé de la situation, à conclure qu’il y avait des motifs raisonnables de croire à la partialité du juge.

 

Conclusion

[37]      J’accueillerais l’appel en partie. J’annulerais le jugement relatif à la destruction des effets personnels, c’est‑à‑dire la décision du sous‑commissaire principal datée du 13 février 2006, modifiée. Rendant la décision qui aurait dû être rendue, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire de la décision du sous‑commissaire principal, datée du 13 février 2006, modifiée, et je renverrais l’affaire pour réexamen.

 

Dépens

[38]      L’adjudication de 200 $ faite par le juge relativement à la demande de contrôle judiciaire de la décision susmentionnée est annulée. Bien que M. Johnson n’ait eu que partiellement gain de cause dans son appel, ses menues dépenses pour la préparation et la duplication du dossier d’appel et du mémoire des faits et du droit ainsi que pour la signification des documents n’auraient pas été réduites s’il n’avait interjeté appel que sur la demande à l’égard de laquelle il a finalement obtenu gain de cause.

 

[39]      Compte tenu du mépris flagrant dont a fait preuve SCC à l’égard de ses politiques et de ses lignes directrices, du retard qu’a accusé l’instruction de l’appel en raison du défaut de la Couronne de faire signifier à M. Johnson son mémoire des faits et du droit et du succès qu’a obtenu M. Johnson dans le cadre de l’appel relativement à l’une de ses demandes, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j’accorderais à M. Johnson tous ses débours. Les parties devraient être en mesure de s’entendre sur le montant des débours. À défaut d’entente, ceux‑ci devraient être taxés conformément au tarif B des Règles des Cours fédérales.

 

 

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


ANNEXE « A »

jointe aux motifs du dossierA‑44‑09

datés du 2 mars 2011

 

 

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition,

L.C. 1992, c. 20

 

 

40. Est coupable d’une infraction disciplinaire le détenu qui:

j) sans autorisation préalable, a en sa possession un objet en violation des directives du commissaire ou de l’ordre écrit du directeur du pénitencier ou en fait le trafic;

 

[…]

 

41. (1) L’agent qui croit, pour des motifs raisonnables, qu’un détenu commet ou a commis une infraction disciplinaire doit, si les circonstances

le permettent, prendre toutes les mesures utiles afin de régler la question de façon informelle.

 

 

(2) À défaut de règlement informel, le directeur peut porter une accusation d’infraction disciplinaire mineure ou grave, selon la gravité de la faute et l’existence de circonstances atténuantes ou aggravantes.

 

 

 

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, D.O.R.S./92‑620

 

33. (1) Le Service doit veiller à ce que toutes les auditions disciplinaires soient enregistrées de manière qu’elles puissent faire l’objet d’une révision complète.

(2) Les enregistrements des auditions disciplinaires doivent être conservés pendant au moins deux ans après la date de la décision.

(3) Tout détenu doit avoir accès, dans des limites raisonnables, à l’enregistrement de son audition disciplinaire.

[…]

 

84. Le directeur du pénitencier doit prendre toutes les mesures utiles pour garantir que les effets personnels que le détenu est autorisé à apporter et à garder dans le pénitencier soient protégés contre la perte et les dommages.

 

 

Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98‑106

 

317. (1) Toute partie peut demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant. La requête précise les documents ou les éléments matériels demandés.

 

(2) Un demandeur peut inclure sa demande de transmission de documents dans son avis de demande.

 

(3) Si le demandeur n’inclut pas sa demande de transmission de documents dans son avis de demande, il est tenu de signifier cette demande aux autres parties.

 

 

318. (1) Dans les 20 jours suivant la signification de la demande de transmission visée à la règle 317, l’office fédéral transmet :

a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause;

b) au greffe les documents qui ne se prêtent pas à la reproduction et les éléments matériels en cause.

 

 

(2) Si l’office fédéral ou une partie s’opposent à la demande de transmission, ils informent par écrit toutes les parties et l’administrateur des motifs de leur opposition.

 

 

 

(3) La Cour peut donner aux parties et à l’office fédéral des directives sur la façon de procéder pour présenter des observations au sujet d’une opposition à la demande de transmission.

 

 

(4) La Cour peut, après avoir entendu les observations sur l’opposition, ordonner qu’une copie certifiée conforme ou l’original des documents ou que les éléments matériels soient transmis, en totalité ou en partie, au greffe.

 

Corrections and Conditional Release Act, S.C. 1992, c. 20

 

 

 

40. An inmate commits a disciplinary offence who:

(j) without prior authorization, is in possession of, or deals in, an item that is not authorized by a Commissioner’s Directive or by a written order of the institutional head;

 

 

41. (1) Where a staff member believes on reasonable grounds that an inmate has committed or is committing a disciplinary offence, the staff member shall take all reasonable steps to

resolve the matter informally, where possible.

 

 

(2) Where an informal resolution is not achieved, the institutional head may, depending on the seriousness of the alleged conduct and any aggravating or mitigating factors, issue a charge of a minor disciplinary offence or a serious disciplinary offence.

 

Corrections and Conditional Release Regulations, S.O.R./92‑620

 

 

33. (1) The Service shall ensure that all hearings of disciplinary offences are recorded in such a manner as to make a full review of any hearing possible.

(2) A record of a hearing shall be retained for a period of at least two years after the decision is rendered.

 

(3) An inmate shall be given reasonable access to the record of the inmate’s hearing.

 

 

84. The institutional head shall take all reasonable steps to ensure that the effects of an inmate that are permitted to be taken into and kept in the penitentiary are protected from loss or damage.

 

 

Federal Courts Rules, S.O.R./98‑106

 

 

317. (1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested.

 

 

 

 

(2) An applicant may include a request under subsection (1) in its notice of application.

 

(3) If an applicant does not include a request under subsection (1) in its notice of application, the applicant shall serve the request on the other parties.

 

 

318. (1) Within 20 days after service of a request under rule 317, the tribunal shall transmit

(a) a certified copy of the requested material to the Registry and to the party making the request; or

(b) where the material cannot be reproduced, the original material to the Registry.

 

 

 

(2) Where a tribunal or party objects to a request under rule 317, the tribunal or the party shall inform all parties and the Administrator, in writing, of the reasons for the objection.

 

 

(3) The Court may give directions to the parties and to a tribunal as to the procedure for making submissions with respect to an objection under subsection (2).

 

 

(4) The Court may, after hearing submissions with respect to an objection under subsection (2), order that a certified copy, or the original, of all or part of the material requested be forwarded to the Registry.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑44‑09

 

INTITULÉ :                                                   JOHNSON c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE TENUE

PAR VIDÉOCONFÉRENCE :                     Ottawa (Ontario) et Campbellford (Ontario)

 

DATE DU JUGEMENT :                             Le 25 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE DAWSON

                                                                        LE JUGE STRATAS  

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 2 mars 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

William A. Johnson

 

POUR L’APPELANT

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Shain Widdifield

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

(POUR SON PROPRE COMPTE)

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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