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Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20110210

Dossier : A-428-10

Référence : 2011 CAF 54

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence de madame la juge Layden‑Stevenson

                                               

 

 

                       

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

ABDULLAH ALMALKI KHUZAIMAH KALIFAH,

ADBULRAHMAN ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance

Khuzaimah Kalifah, SAJEDA ALMALKI, représentée par son tuteur à l’instance

Khuzaimah Kalifah, MUAZ ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance

Khuzaimah Kalifah, ZAKARIYY A ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance

Khuzaimah Kalifah, NADIM ALMALKI, FATIMA ALMALKI,

AHMAD ABOU-ELMAATI, BADR ABOUELMAATI,

SAMIRA AL-SHALLASH, RASHAABOU-ELMAATI,

MUAYYED NUREDDIN, ABDUL JABBAR NUREDDIN,

FADILA SIDDIQU, MOFAK NUREDDIN, AYDIN NUREDDIN,

YASHAR NUREDDIN, AHMED NUREDDIN,

SARAB NUREDDIN, BYDA NUREDDIN

 

intimés

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 3 février 2011.

Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario), le 10 février 2011.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :                     LA JUGE LAYDEN-STEVENSON


Cour d’appel fédérale

 Federal Court of Appeal

 

Date : 20110210

Dossier : A-428-10

Référence : 2011 CAF 54

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence de madame la juge Layden-Stevenson

                       

                       

                       

                       

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

ABDULLAH ALMALKI, KHUZAIMAH KALIFAH,

ADBULRAHMAN ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance

Khuzaimah Kalifah, SAJEDA ALMALKI, représentée par son tuteur à l’instance

Khuzaimah Kalifah, MUAZ ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance

Khuzaimah Kalifah, ZAKARIYY A ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance

Khuzaimah Kalifah, NADIM ALMALKI, FATIMA ALMALKI,

AHMAD ABOU-ELMAATI, BADR ABOUELMAATI,

SAMIRA AL-SHALLASH, RASHAABOU-ELMAATI,

MUAYYED NUREDDIN, ABDUL JABBAR NUREDDIN,

FADILA SIDDIQU, MOFAK NUREDDIN, AYDIN NUREDDIN,

YASHAR NUREDDIN, AHMED NUREDDIN,

SARAB NUREDDIN, BYDA NUREDDIN

 

intimés

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]        La présente requête soulève la question de savoir si un intervenant désintéressé ou des intervenants désintéressés devraient être nommés pour aider la Cour relativement à un appel ex parte du procureur général (la Couronne) du jugement du juge Mosley de la Cour fédérale (le juge désigné) dans lequel le juge, en application du paragraphe 38.06 de la Loi sur la preuve au Canada (la Loi), a ordonné la communication de certains renseignements aux intimés.

 

Contexte factuel

[2]        Le contexte factuel peut être résumé comme suit. Les intimés ont intenté des actions civiles contre le Canada devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario alléguant que le Canada a été complice à l’égard de leur détention et de leur torture en Syrie (et en Égypte, dans le cas de M. Elmaati) et qu’il a violé les droits que leur garantit la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Pendant les étapes préparatoires au procès, le Canada a divulgué à l’avocat des intimés environ 500 documents, dont 290 étaient caviardés. On a indiqué que le caviardage de certains documents a été effectué en application de l’article 38 de la Loi au motif que les renseignements pourraient porter atteinte à la sécurité nationale, à la défense nationale et aux relations internationales. Ultérieurement, le Canada a affirmé qu’il avait divulgué par inadvertance un document non caviardé et a donné un avis en application de l’article 38 de la Loi de ne pas divulguer le document. Les avis appropriés relativement à tous les documents en question ont été fournis au procureur général en application du paragraphe 38.01(1) de la Loi.

 

[3]        Le Canada a introduit une demande en vertu de l’article 38 devant la Cour fédérale. À la suite de conférences préliminaires de gestion de l’instance, l’affaire a été entendue par le juge désigné. L’instance a été présumée être publique, sauf la partie de l’audience qui s’est déroulée ex parte et à huis clos. La Couronne a présenté des éléments de preuve sous forme d’affidavits publics et d’affidavits confidentiels ex parte. Il semble que la Couronne a laissé entendre, pendant l’étape de la gestion de l’instance, que l’affaire en était une où la nomination d’un intervenant désintéressé pourrait être envisagée. Les motifs publics du jugement du juge désigné indiquent qu’une requête officielle pour la nomination d’un intervenant désintéressé a été présentée par les intimés. La Couronne a consenti à une telle nomination, si le juge désigné l’estimait nécessaire. En fin de compte, le juge désigné a nommé Mes Bernard Grenier et François Dadour à titre d’intervenants désintéressés pour l’aider dans son examen de la preuve présentée et des questions soulevées lors des audiences ex parte. À la conclusion de l’instance, le juge désigné a ordonné que certains renseignements soient divulgués ou résumés. Le terme « renseignements sensibles » est défini à l’article 38 pour désigner « [l]es renseignements, en provenance du Canada ou de l’étranger, qui concernent les relations internationales ou la défense ou la sécurité nationales, qui se trouvent en la possession du gouvernement du Canada et qui sont du type des renseignements à l’égard desquels celui-ci prend des mesures de protection ».

 

[4]        L’appel de la Couronne concerne les renseignements dont le juge désigné a ordonné la divulgation ou la préparation d’un résumé dans 30 documents. Les intimés demandent la nomination d’un intervenant désintéressé pour aider la Cour pendant l’appel ex parte de la Couronne. La Couronne s’oppose à une telle nomination au motif qu’elle n’est pas nécessaire. Subsidiairement, la Couronne soutient qu’un intervenant désintéressé suffirait.

 

Le consensus

[5]        Le régime énoncé à l’article 38 de la Loi n’exige pas ou n’envisage pas la nomination d’un intervenant désintéressé. Cependant, les parties conviennent, et je suis d’accord, que la Cour a compétence pour nommer un intervenant désintéressé : Canada (P.G.) c. Khawaja, [2008] 1 R.C.F. 621 (C.F.) conf [2008] 4 R.C.F. 3 (C.A.), autorisation d’interjeter appel rejetée, [2008] 1 R.C.S. ix (Khawaja); About-Elmaati et al c. Canada (A.G.), 2011 ONCA 95. Le régime prévu à l’article 38 de la Loi confère compétence aux juges désignés de la Cour fédérale et aux juges de la Cour à l’égard d’un appel du jugement d’un juge désigné d’autoriser la divulgation de renseignements. Bien que le régime interdise la divulgation aux intimés, ou à quiconque nommé pour leur compte aux fins d’une demande en vertu de l’article 38 (Khawaja, aux paragraphes 132 et 135 (C.A.)), un intervenant désintéressé n’agit pas en cette qualité. L’intervenant désintéressé est nommé pour le compte de la Cour afin de lui permettre d’exercer pleinement sa compétence. Le facteur déterminant pour la nomination d’un intervenant désintéressé consiste à déterminer si la Cour le juge nécessaire. Si l’on estime qu’un intervenant désintéressé est nécessaire, on peut accorder un accès aux renseignements ex parte à l’intervenant désintéressé. Telle était la situation dans l’instance dont était saisi le juge désigné en l’espèce (ordonnance datée du 26 mars 2010, dossier de requête, onglet O).

 

Les thèses des parties

[6]        Les observations des parties peuvent être résumées en cinq points. Dans un premier temps, il affirme que l’appel est limité aux renseignements contenus exclusivement dans 30 documents traitant de sources d’information humaines ou de renseignements provenant d’organismes étrangers. Le volume est considérablement moindre que ce dont était saisi le juge désigné, l’appel a une portée restreinte et la Cour est bien placée pour parvenir à une décision complète et équitable à l’égard des questions sans inclure un acteur supplémentaire dans l’instance.

 

[7]        La Couronne souligne la distinction entre les rôles des tribunaux. Le rôle de la cour d’appel n’est pas d’entendre et de soupeser directement les éléments de preuve, mais d’analyser les décisions du juge désigné en fonction d’une norme de contrôle particulière. La question en litige consiste à décider si le juge désigné a commis une erreur de droit. À cette étape, la preuve est immuable et les questions juridiques sont étroitement circonscrites. En outre, affirme la Couronne, la nécessité d’un intervenant désintéressé est atténuée en raison de la participation complète de l’intervenant désintéressé devant le juge désigné. Étant donné que la Cour sera saisie du dossier ex parte dans son intégralité, elle aura accès aux transcriptions ex parte, y compris le contre-interrogatoire des témoins de la Couronne par l’intervenant intéressé, ainsi que les observations écrites et orales de celui-ci. Les thèses adoptées seront facilement accessibles aux fins d’examen par la Cour.

 

[8]        La Couronne mentionne son fardeau de démontrer que le juge désigné a commis une erreur en ordonnant la divulgation de certains renseignements. Les défendeurs n’ont aucun fardeau dont ils doivent s’acquitter, en conséquence, la nécessité d’avancer la thèse des intimés pendant la partie ex parte de l’appel est considérablement réduite.

 

[9]        L’obligation de bonne foi la plus absolue de la Couronne dans une instance ex parte exige que les éléments de preuve présentés soient complets et exhaustifs. Aucun renseignement pertinent défavorable à l’intérêt de la Couronne ne peut être retenu. Cette obligation atténue toute perception d’iniquité.

 

[10]      La Couronne signale que les instances principales sont des actions civiles en vue d’obtenir des dommages-intérêts pécuniaires. Aucun droit garanti par l’article 7 de la Charte n’est en jeu, comme c’était le cas dans les affaires où un intervenant désintéressé a été nommé. Les instances principales dans ces affaires étaient de nature criminelle ou quasi criminelle (Khawaja; Abdullah Khadr c. Canada (P.G.), [2008] R.C.F. 306 (C.F.); Omar Khadr c. Canada (P.G.), 2008 CF 807, 331 F.T.R. 1).

 

[11]      La thèse subsidiaire de l’appelant est que, en raison des questions circonscrites et du nombre limité de documents en appel, il n’est pas nécessaire de nommer plus d’un intervenant désintéressé. L’un des deux avocats nommé en tant qu’intervenant désintéressé devant le juge désigné, devrait être en mesure d’aider la Cour de manière plus que suffisante. Le rôle de l’intervenant désintéressé devrait correspondre au niveau d’aide que la Cour exige.

 

[12]      Les intimés mentionnent le dossier volumineux. Plusieurs affidavits comprenant des pièces ont été produits, et des contre-interrogatoires ont été menés dans les parties publiques et ex parte de l’instance. Ils soulignent que la Couronne a demandé, par voie de requête, l’autorisation de réduire le nombre requis d’ensembles de dossiers d’appel et a également demandé de produire des parties du dossier dans un format CD-ROM. Les intimés font valoir qu’il n’y a aucune raison de soupçonner que le dossier ex parte sera considérablement moins volumineux que le dossier public. Aucun poids ne devrait être accordé au nombre de documents, car 30 n’est pas un petit nombre. De plus, un document unique peut comprendre de nombreuses pages et contenir plus d’un passage caviardé.

 

[13]      Les intimés sont en désaccord avec l’observation de la Couronne selon laquelle l’appel porte sur des questions juridiques circonscrites. Ils soulignent l’avis d’appel de la Couronne, et insistent sur le fait, qu’en l’apparence, il soulève des questions en ce qui concerne l’application par le juge désigné du critère énoncé dans Canada (P.G.) c. Ribic, [2005] 1 R.C.F. 33 (C.A.). Selon les intimés, l’avis d’appel soulève des questions de faits mixtes et de droit qui nécessiteront des observations sur la question et un examen détaillé de la prévue relative aux erreurs alléguées y compris les affidavits et les pièces ainsi que les contre-interrogatoires.

[14]      D’après les intimés, l’obligation de bonne foi de la Couronne est liée au fait de s’assurer que la Cour soit saisie du dossier de preuve dans son intégralité. La Couronne ne peut pas présenter pleinement, équitablement ou objectivement à la Cour tous les points de vue ou, du moins, elle ne semblera pas le faire à tout observateur raisonnable. La nécessité d’assurer une audience complète, équilibrée et équitable milite en la faveur de la nomination d’un intervenant désintéressé.

 

[15]      Les intimés maintiennent que, sans la divulgation et la participation complète pendant toute la durée du processus, ils ne sont pas dans une situation leur permettant de présenter un argument juridique complet. Cela entraîne une iniquité éventuelle. La garantie associée au système contradictoire est éliminée. En l’absence de la nomination d’un intervenant désintéressé, la Cour n’a qu’à trancher l’appel sans l’avantage d’entendre des arguments qui contestent réellement la thèse de la Couronne. Les efforts de la Cour, aussi consciencieux soient-ils, ne constituent pas une solution efficace pour une participation contradictoire éclairée. De plus, les juges désignés ont plus d’expérience sur les questions à trancher que les juges des cours d’appel.

 

[16]      En ce qui concerne le fait que les actions principales sont de nature civile, les défendeurs font valoir que les actions principales sont liées aux demandes contre la conduite du Canada dans les relations internationales et les enquêtes de sécurité nationale. L’article 7 de la Charte est engagé dans les procédures principales. En outre, même si la Couronne est assujettie à une obligation de bonne foi, elle est une défenderesse dans les actions principales et est incontestablement partisane. Elle n’a aucune obligation d’agir dans l’intérêt public général, comme elle le doit dans le cadre d’une poursuite criminelle. Du point de vue des intimés, pour réfuter l’apparence selon lequel l’avocat de la Couronne ne représentera pas ou ne parlera pas pour les intérêts et les perspectives des intimés pendant la partie ex parte de l’appel, il est essentiel que la Cour et le public aient confiance qu’une audience complète et équitable aura lieu.

 

[17]      Les intimés maintiennent que puisque deux intervenants désintéressés ont comparu devant le juge désigné, deux intervenants désintéressés devraient comparaître devant la Cour.

 

Analyse

[18]      Les intimés s’appuient fortement sur la préservation du système contradictoire et la confiance du public envers celui-ci pour appuyer leur demande de nomination d’un intervenant désintéressé. Même si je ne minimise pas la légitimité de ces préoccupations, je les considère comme établis en droit que le législateur peut, lorsqu’il considère qu’il est nécessaire et approprié de le faire, prescrire au moyen d’une loi une exigence relative aux audiences ex parte : Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3.

 

[19]      La réalité de notre monde moderne est que des renseignements peuvent être obtenus auprès d’autres pays ou d’informateurs à condition qu’ils ne soient pas divulgués, ou ils peuvent être si importants qu’ils ne peuvent pas être divulgués sans compromettre la sécurité publique : Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2007] 1 R.C.S. 350, au paragraphe 61 (Charkaoui). Au paragraphe 77 de Charkaoui, la Cour suprême a mentionné expressément et favorablement le régime de l’article 38 comme illustrant la préoccupation du législateur en vue d’établir un équilibre subtil entre la nécessité de protéger les renseignements confidentiels et les droits des individus.

 

[20]      Il convient de répéter qu’il a été jugé que le régime de l’article 38 de la Loi est constitutionnel : Khawaja. En conséquence, la préservation du système contradictoire et la confiance du public envers celui-ci ne suffisent pas, en soi, à soutenir la nomination d’un intervenant désintéressé dans les instances en vertu de l’article 38.

 

[21]      Dans leurs observations respectives, la Couronne et les intimés, directement ou implicitement, mentionnent que le rôle d’un intervenant désintéressé est de représenter, du moins en partie, les intérêts des intimés (mémoire des faits et du droit de la Couronne, au paragraphe 15; mémoire des faits et du droit des intimés aux paragraphes 46 et 53, le paragraphe 58 ayant été retiré à l’audience de la requête). Il est manifeste que les tribunaux ont nommé un intervenant désintéressé pour représenter les intérêts d’une personne ou d’une partie particulière. L’évolution et la souplesse du rôle de l’intervenant désintéressé a été décrit par le juge Durno dans R. v. Cairenus (2008), 232 C.C.C. (3d) 13 (Cour supérieure de justice de l’Ontario). Cependant, il faut toujours tenir compte du contexte. Lorsqu’on estime qu’il est nécessaire de nommer un intervenant désintéressé, la nature du rôle peut varier. Les besoins d’un juge désigné peuvent ne pas être identiques à ceux d’une cour d’appel. Le rôle doit être prescrit en conséquence. Il sera important de ne pas aller à l’encontre des déclarations aux paragraphes 132 et 135 de Khawaja. À mon avis, le rôle d’un intervenant désintéressé (si l’on juge que cela est nécessaire) devant la Cour, dans le cadre d’un appel du jugement d’un juge désigné en application du paragraphe 38.09(1) de la Loi, est d’aider la Cour. Son rôle n’est pas de représenter les intérêts des intimés.

 

[22]      Le fait que la Couronne s’appuie sur son obligation de bonne foi absolue et son fardeau de démontrer que le juge désigné a commis une erreur a une limite. Même si elle a une obligation absolue de veiller à ce que le dossier soit complet, la Couronne n’a aucune obligation de contester sa propre preuve.

 

[23]      Le fait que les instances principales sont de nature civile, plutôt que criminelle ou quasi criminelle, à mon avis, n’est pas pertinent à la question dont je suis saisie. Il est anormal que la Couronne se soit fondée sur la distinction devant l Cour, alors qu’elle ne l’avait pas fait devant le juge désigné. La Couronne a reconnu à l’audience de la présente requête qu’elle ne suggérait pas qu’un intervenant désintéressé devrait uniquement être nommé lorsque des intérêts en matière de liberté étaient concernés. De toute façon, l’instance ex parte en vertu du régime de l’article 38 est de nature générale et ne fait pas intervenir des intérêts en matière de liberté, même si le produit de l’instance peut le faire : Khawaja, au paragraphe 116. L’importance des instances principales a fait l’objet d’un commentaire par le juge désigné aux paragraphes 182 et 183 de ses motifs publics de jugement.

 

[24]      En fin de compte, la nomination d’un intervenant désintéressé dépendra uniquement de la question de savoir si la Cour juge la nomination nécessaire à l’accomplissement de son objet législatif. L’enquête est factuelle et doit être abordée au cas par cas. Le caractère souhaitable ne suffit pas.

 

[25]      En me penchant sur l’affaire particulière dont je suis saisie, les intimés insistent pour dire qu’il faut s’appuyer sur le dossier, compte tenu de la nature du contenu de l’avis d’appel. Comme je l’ai indiqué plus tôt, ils insistent pour dire que des références au dossier de preuve seront nécessaires pour lier la preuve à la question juridique. La Couronne ne suggère pas autrement. Selon sa thèse, la Cour sera saisie du dossier dans son intégralité, y compris la preuve et les observations de l’intervenant désintéressé devant le juge désigné, et cela suffit aux fins de la Cour.

 

[26]      J’ai trois observations en ce qui concerne les arguments de la Couronne. Premièrement, à titre de règle générale, le mémoire des faits et du droit de la cour de première instance n’est pas inclus dans le dossier d’appel, car l’issue de l’appel dépend entièrement de la preuve et des principes juridiques applicables. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’il est pertinent en appel de savoir ce qui a été débattu par les parties devant l’instance inférieure : McBride v. Canada (Minister of National Defence), 2008 FCA 111; Bande de Montana c. Canada, 2001 CAF 176, 106 A.C.W.S. (3d) 392.

 

[27]      Deuxièmement, pour la même raison, il ne m’apparaît pas évident que les observations formulées par l’intervenant désintéressé devant le juge désigné pourraient être utiles devant la Cour, compte tenu de la disparité entre la nature des questions dont la cour d’appel est saisie et celles dont le juge désigné était saisi.

 

[28]      Troisièmement, les intimés font valoir qu’un intervenant désintéressé est tenu de [traduction] « faire les rapprochements » ou de [traduction] « présenter une feuille de route » pour la Cour à la lumière de la nature volumineuse du dossier et la probabilité de références à la preuve. Ils laissent entendre que l’un ou l’autre des intervenants désintéressés est bien placé pour aider la Cour à cet égard, puisque les deux ont comparu devant le juge désigné et qu’ils connaissent le dossier. La Couronne n’a pas répondu directement à cet argument, même si elle n’a pas indiqué que les 30 documents comprennent 208 pages contenant quatre résumés et 26 passages caviardés portant sur des sources et des organismes étrangers.

 

[29]      Parce que je trouve les arguments des intimés intéressants à cet égard, je me suis informé en ce qui concerne l’étendue du dossier ex parte. Il comprend 17 volumes contenant 6 154 pages. Les transcriptions sont contenues dans trois volumes allant de la page 5 005 à la page 6 154 – il y a 1 149 pages de transcription.

 

[30]      Il me semble que, si je devais me fonder sur la suggestion de la Couronne, la Cour serait placée dans une position intenable de chercher l’aiguille proverbiale dans la botte de foin. Vu les ressources judiciaires limitées disponibles, je ne considère pas que le fait de parcourir des milliers de pages à la recherche d’éléments de preuve qui pourraient aller à l’encontre des observations favorables de la Couronne représente une utilisation efficace du temps de la Cour, sans garantir qu’elle trouvera nécessaire ce qu’elle cherche.

 

[31]      Cela me porte à conclure que la nomination d’un intervenant désintéressé aurait un avantage important pour la Cour et qu’une telle nomination est nécessaire pour veiller à ce que la Cour puisse efficacement accomplir son mandat prévu par la loi pendant l’instance ex parte. Cela dit, je suis d’accord avec la Couronne qu’un intervenant désintéressé devrait suffire aux fins de l’appel, à la lumière du nombre réduit de documents et de la connaissance de chacun des intervenants désintéressés devant le juge désigné à l’égard de l’instance en vertu de l’article 38. Chacun d’eux dispose également d’une cote de sécurité et a de l’expérience en matière de sécurité nationale.

 

[32]      En ce qui concerne les paramètres du rôle de l’intervenant désintéressé dans le cadre du présent appel, l’intervenant désintéressé devrait avoir accès au dossier ex parte, devrait produire un mémoire des faits et du droit ainsi qu’un recueil de jurisprudence et de doctrine en réponse au mémoire des faits et du droit de la Couronne, et formuler des arguments oraux à l’audience ex parte de l’appel. L’intervenant désintéressé doit maintenir la confidentialité vis-à-vis de quiconque ne participant pas à l’audience ex parte, et de tous les renseignements confidentiels auxquels il a accès. L’intervenant désintéressé peut participer à la partie publique de l’appel, mais ne doit pas communiquer avec les intimés ou leur avocat, en ce qui concerne l’appel, sauf si une ordonnance de la Cour l’y autorise expressément.

 

[33]      En ce qui concerne celui des deux intervenants désintéressés qui ont comparu devant le juge désigné, je laisserai le soin aux deux intervenants désintéressés de trancher cette question. Il est possible que l’un d’eux soit plus familier avec le dossier que l’autre. J’autoriserai l’avocat à discuter avec l’intervenant désintéressé dans le but de décider celui des deux qui comparaîtra devant la Cour en tant qu’intervenant désintéressé. L’avocat peut également discuter dans le but de vérifier la disponibilité de tous les avocats, y compris l’intervenant désintéressé, aux fins d’une date d’audience. La Cour devrait être informée au plus tard le lundi 14 février 2011, en ce qui concerne celui des deux intervenants désintéressés qui assumera le rôle d’intervenant désintéressé aux fins de l’audience de l’appel qui doit être entendue à Ottawa. La Couronne a accepté de payer les dépens et débours raisonnables de l’intervenant désintéressé, tels qu’ils ont été négociés entre la Couronne et l’intervenant désintéressé, et de fournir le niveau de soutien administratif approprié ainsi que des ressources proportionnelles à son rôle et à ses responsabilités.

 

[34]      Je tiens à remercier les avocats de leurs observations. Ils m’ont été d’une grande aide dans ma décision en l’espèce. Les intimés ont demandé les dépens de la requête; la Couronne ne l’a pas fait. Les parties ont chacune eu gain de cause en partie et je ne crois pas, dans les circonstances, qu’il y a lieu d’adjuger des dépens. En conséquence, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je n’adjugerai aucuns dépens.

[35]      Une ordonnance relative à la nomination d’un intervenant désintéressé et aux paramètres de son rôle sera rendue en même temps que les présents motifs. Un autre ordonnance nommant l’intervenant désintéressé en particulier suivra lorsqu’il aura été décidé lequel des deux intervenants désintéressés assumera ce rôle.

 

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

j.c.a.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-428-10

 

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada c Almalki et al

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 3 février 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LA JUGE LAYDENSTEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 10 février 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Barney Brucker

Me Michael J. Sims

 

POUR L’APPELANT

 

Me Philip Tunley

Me Andrea Gonsalves

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sousprocureur général du Canada

POUR L’APPELANT

 

 

Stockwoods LLP Barristers

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

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