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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110322

Dossier : A‑62‑10

Référence : 2011 CAF 114

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

TRUEHOPE NUTRITIONAL SUPPORT LIMITED

et DAVID HARDY

 

 

appelants

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ DU CANADA

 

intimés

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 22 mars 2011

Jugement prononcé à l’audience à Calgary (Alberta), le 22 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                       LE JUGE STRATAS

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110322

Dossier : A‑62‑10

Référence : 2011 CAF 114

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

TRUEHOPE NUTRITIONAL SUPPORT LIMITED

et DAVID HARDY

 

 

appelants

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ DU CANADA

 

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Calgary (Alberta), le 22 mars 2011)

 

LE JUGE STRATAS

 

[1]               Il s’agit de l’appel du jugement ayant pour référence 2010 CF 63 rendu par le juge Campbell de la Cour fédérale.

 

A.        Contexte

 

[2]               L’appelante, TrueHope Nutritional Support Limited, commercialise et vend une substance pour traiter la maladie mentale. Depuis un bon moment, elle rejette la compétence de Santé Canada en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F‑27, pour évaluer la sécurité de cette substance et en réglementer la commercialisation et la vente au Canada. Santé Canada soutient que la vente et la commercialisation de la substance au Canada contreviennent à plusieurs dispositions de la Loi et du Règlement.

 

[3]               La présente affaire découle d’une tentative d’importation au Canada en 2003 d’un petit envoi de cette substance. Santé Canada a intercepté l’envoi à la frontière, en a effectué la saisie en vertu de l’alinéa 23(1)d) de la Loi au motif qu’il n’était pas conforme, et l’a retenu conformément à l’article 26 de la Loi. Santé Canada détient toujours l’envoi. L’alinéa 23(1)d) et l’article 26 sont rédigés comme suit :

 

23. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), l’inspecteur peut, à toute heure convenable, procéder à la visite de tout lieu où, à son avis, sont fabriqués, préparés, conservés, emballés ou emmagasinés des articles visés par la présente loi ou ses règlements. Il peut en outre :

 

d) saisir et retenir aussi longtemps que nécessaire tout article qui, à son avis, a servi ou donné lieu à une infraction à la présente loi ou à ses règlements.

 

 

 

 

26. L’inspecteur, après avoir constaté que les dispositions de la présente loi et de ses règlements applicables à l’article qu’il a saisi en vertu de la présente partie ont été respectées, donne mainlevée de la saisie.

23. (1) Subject to subsection (1.1), an inspector may at any reasonable time enter any place where the inspector believes on reasonable grounds any article to which this Act or the regulations apply is manufactured, prepared, preserved, packaged or stored, and may

 

(d) seize and detain for such time as may be necessary any article by means of or in relation to which the inspector believes on reasonable grounds any provision of this Act or the regulations has been contravened.

 

 

26. An inspector who has seized any article under this Part shall release it when he is satisfied that all the provisions of this Act and the regulations with respect thereto have been complied with.

 

 

 

[4]               Devant la Cour fédérale, TrueHope et son dirigeant, David Hardy, (les appelants) ont contesté la décision de Santé Canada de saisir et de retenir la substance. Ils ont également contesté la constitutionnalité de l’alinéa 23(1)d) et de l’article 26 de la Loi. Ils ont invoqué les articles 7 et 8 de la Charte à l’appui de ces contestations. Les articles 7 et 8 de la Charte sont libellés comme suit :

 

7.  Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

8.  Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

7.  Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

8.  Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

 

 

[5]               Dans le cadre de leurs contestations, les appelants ont soutenu devant la Cour fédérale qu’il y avait violation des droits à la sécurité de la personne garantis par l’article 7 à l’égard des usagers de la substance : les usagers ne pouvaient pas obtenir le produit et leur santé était donc compromise. Le juge de la Cour fédérale a conclu que les appelants n’avaient pas qualité pour invoquer les droits des usagers à l’appui de leurs contestations et a donc statué que la preuve des appelants sur cette question était inadmissible. Il a ensuite rejeté, sur le fond, les contestations des appelants fondées sur les articles 7 et 8.

 

B.        Analyse

 

[6]               Nous sommes d’accord avec le résultat auquel arrive le juge de la Cour fédérale bien que, tel que cela est expliqué ci‑dessous, pas nécessairement pour tous les motifs qu’il a présentés à l’appui de ce résultat. Le présent appel doit être rejeté.

 

(1)        Article 7 de la Charte et M. Hardy

 

[7]               Les appelants soutiennent que la saisie de la substance et sa rétention par Santé Canada ont causé à M. Hardy un préjudice grave et profond à sa sécurité psychologique, contrairement à l’article 7 de la Charte. Nous rejetons cette prétention et souscrivons en substance aux motifs et aux conclusions du juge de la Cour fédérale aux paragraphes 112 à 117. Plus particulièrement, les appelants n’ont pas démontré que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en parvenant aux conclusions de fait qu’il a tirées, conclusions qui sont bien loin du critère nécessaire pour établir une atteinte à la sécurité psychologique au sens de l’article 7 de la Charte.

 

(2)        Article 7 de la Charte et les usagers de la substance

 

[8]               Nous présumons, sans nous prononcer à cet égard, que les appelants avaient qualité pour invoquer, à l’appui de leurs contestations, les droits des usagers de la substance prévus à l’article 7. Nous présumons également que des éléments de preuve démontreront que des usagers connaissent ou ont connu des difficultés pour obtenir la substance et, par conséquent, que leur santé est compromise. Même sur le fondement de ces hypothèses, la contestation des appelants fondée sur l’article 7 à l’encontre de l’alinéa 23(1)d) et de l’article 26 de la Loi doit être rejetée.

 

[9]               La Loi et le Règlement n’interdisent pas aux usagers d’acheter, pour leur usage personnel, des substances en vente libre non conformes à l’extérieur du Canada et de les importer au Canada. Depuis 1998, Santé Canada a donné des indications à cet égard dans un énoncé de politique intitulé « Directive d’application sur l’importation de drogues à usage humain pour utilisation personnelle ». Au moyen de la directive, Santé Canada a prévu certaines restrictions : la vente de la substance doit avoir lieu à l’extérieur du Canada; seule une quantité de drogues suffisante pour une période de trois mois peut être envoyée à la fois et la drogue doit être pour l’utilisation personnelle de l’acheteur. Les appelants n’ont contesté ni la directive ni les restrictions qu’elle contient.

 

[10]           Le juge de la Cour fédérale a conclu qu’en vertu d’une entente entre Santé Canada et TrueHope, conclue peu après l’introduction de la présente instance, les usagers de la substance avaient été autorisés à l’obtenir aux termes de la directive, quoique sous réserve des restrictions que celle‑ci imposait. Ainsi, pour reprendre les termes du juge de la Cour fédérale (aux paragraphes 45 et 46), « l’entente a permis à Santé Canada et à TrueHope de signer la paix jusqu’à ce jour ». Devant notre Cour, les appelants ne contestent pas ces conclusions de fait tirées par le juge de la Cour fédérale.

 

[11]           Par conséquent, les difficultés que les usagers ont connues ou connaissent pour obtenir la substance peuvent uniquement être attribuables à l’une des causes suivantes : a) l’omission de se prévaloir eux‑mêmes de leur faculté d’importer des substances achetées à l’extérieur du Canada pour leur utilisation personnelle; b) les restrictions imposées par la directive; c) la possibilité de l’inobservation de la directive par Santé Canada; d) l’entente conclue avec Santé Canada; e) une autre disposition de la Loi ou du Règlement (qui n’a pas été contestée en l’espèce); f) une combinaison de ces éléments. L’alinéa 23(1)d) et l’article 26, qui, selon les appelants, contreviennent à l’article 7, ne sont pas la cause véritable d’aucune difficulté.

 

(3)        Article 8 de la Charte

 

[12]           Les appelants soutiennent devant notre Cour que l’alinéa 23(1)d) et l’article 26 contreviennent à l’article 8 de la Charte parce qu’ils n’accordent pas aux appelants des protections procédurales suffisantes. Les appelants font également valoir que la saisie de l’envoi était abusive aux termes de l’article 8 de la Charte.

 

[13]           À notre avis, l’alinéa 23(1)d) et l’article 26, lorsque combinés au droit d’une personne lésée de contester les saisies devant la Cour fédérale, comme c’est le cas en l’espèce, offrent des protections procédurales suffisantes. En pratique, les appelants ont eu connaissance de la saisie et se sont présentés devant la Cour fédérale et notre Cour, où ils ont eu pleinement l’occasion de contester la validité de la saisie.

 

[14]           En ce qui a trait au caractère raisonnable de la saisie en l’espèce, nous souscrivons pour l’essentiel aux motifs du juge de la Cour fédérale énoncés au paragraphe 128.

 

C.        Conclusion et dispositif

 

[15]           L’alinéa 23(1)d) et l’article 26 de la Loi et la saisie de l’envoi et sa rétention par Santé Canada dans la présente affaire ne contreviennent pas aux articles 7 et 8 de la Charte.

 

[16]           Par conséquent, nous rejetons l’appel avec dépens.

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑62‑10

 

APPEL D’UN JUGEMENT DU JUGE CAMPBELL DATÉ DU 20 JANVIER 2010, DOSSIER T‑880‑03

                                                                                                              

INTITULÉ :                                                   TRUEHOPE NUTRITIONAL SUPPORT LIMITED et DAVID HARDY c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE MINISTRE DE LA SANTÉ DU CANADA

 

 

Lieu de l’audience :                             Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 22 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR                                                Le juge en chef Blais et les juges Sharlow et Stratas

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       Le juge Stratas

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jason Gratl

Shawn Buckley

 

Pour les appelants

 

Brenda Kaminski

Jaxine Oltean

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gratl & Company

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour les appelants

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

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