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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110324

Dossier : A-116-10

Référence : 2011 CAF 117

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

3850625 CANADA INC.

intimée

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 7 mars 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 24 mars 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LE JUGE PELLETIER

LA JUGE TRUDEL

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110324

Dossier : A-116-10

Référence : 2011 CAF 117

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

3850625 CANADA INC.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision par laquelle la juge Woods de la Cour canadienne de l’impôt (la juge de la Cour de l’impôt) a accueilli l’appel interjeté par 3850625 Canada Inc. (l’intimée) et déféré au ministre du Revenu national (le ministre), pour nouvelle cotisation, la cotisation établie à l’égard de l’année d’imposition 1997 de l’intimée au motif qu’un remboursement d’intérêt de 6 474 459,61 $ (l’intérêt sur remboursement) devait être inclus dans le calcul de la déduction relative à des ressources de celle-ci. Le remboursement découlait d’un différend entre l’intimée et le ministre au sujet de nouvelles cotisations relatives à des années d’imposition antérieures.

 

LES FAITS

[2]               Les parties ont déposé l’exposé conjoint partiel des faits suivant devant la Cour de l’impôt (dossier d’appel, vol. 2, aux pages 62 à 64) :

 

[traduction]

1. L’[intimée] (anciennement connue sous la raison sociale Fording Coal Limited) est une société canadienne dont les activités principales, pendant toute la période en cause, étaient la production et la vente de charbon métallurgique et de charbon thermique;

 

2. Le 12 juin 1991, l’[intimée] a produit des avis d’opposition concernant les nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») à l’égard des années d’imposition 1985 à 1990;

 

3. L’[intimée] a payé l’impôt en litige afin d’éviter d’avoir à payer l’intérêt non déductible produit sur l’arriéré si elle n’avait pas gain de cause;

 

4. Suivant un arrêt de la Cour d’appel fédérale, daté du 22 janvier 1996, l’[intimée] a reçu des avis de nouvelle cotisation datés du 21 août 1997 concernant les années d’imposition 1985 à 1990 comportant un remboursement d’impôt et l’intérêt afférent nets s’élevant à 17 201 922 $;

 

5. Les questions litigieuses ayant donné lieu à ce remboursement de 17 201 922 $ sont énoncées au paragraphe 1 du jugement rendu par la Cour canadienne de l’impôt [dans Fording Coal Ltd c. Canada, 95 D.T.C. 571];

 

6. Le montant de 17 201 922 $ comprenait l’intérêt sur remboursement s’élevant à 6 474 459,61 $, versé en application du paragraphe 164(3) de la Loi;

 

7. Les parties conviennent que l’intérêt sur remboursement a été inclus à juste titre dans le calcul du revenu de l’[intimée] aux fins de la partie I de la Loi (ce qui a augmenté son revenu de 6 474 459,61 $;

 

8. Pendant la tenue de la vérification, l’[intimée] a demandé qu’un rajustement soit fait au calcul de ses bénéfices relatifs à des ressources afin qu’on y ajoute le montant d’intérêt sur remboursement;

 

9. Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’intérêt sur remboursement a été inclus à juste titre dans le calcul des bénéfices de l’[intimée] relatifs à des ressources aux fins du calcul de la déduction relative à des ressources prévue à l’alinéa 20(1)v.1) de la Loi, tel qu’il s’appliquait à l’année d’imposition 1997 de l’[intimée].

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[3]               La déduction relative à des ressources a été éliminée progressivement sur une période de plusieurs années qui a pris fin en 2007. Le fondement législatif de cette déduction qui s’appliquait à l’année d’imposition 1997 de l’intimée est l’alinéa 20(1)v.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), dont voici le libellé :

 

20(1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

[…]

 

(v.1) les sommes que le contribuable est autorisé, par règlement, à déduire pour l’année au titre de gisements naturels de pétrole ou de gaz naturel, de puits de pétrole ou de gaz ou de ressources minérales, situés au Canada;

 

[…]

 

20(1) Notwithstanding paragraphs 18(1)(a), (b) and (h), in computing a taxpayer’s income for a taxation year from a business or property, there may be deducted such of the following amounts as are wholly applicable to that source or such part of the following amounts as may reasonably be regarded as applicable thereto:

 

 

(v.1) such amount as is allowed to the taxpayer for the year by regulation in respect of natural accumulations of petroleum or natural gas in Canada, oil or gas wells in Canada or mineral resources in Canada;

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[4]               Dans ses motifs, la juge de la Cour de l’impôt a cité un extrait d’un article comportant un bref aperçu historique de la disposition qui énonçait la déduction relative aux ressources (motifs, au paragraphe 12) :

 

Pendant les 30 années précédant 2007, une partie des redevances à la Couronne ne pouvait pas être déduite dans le calcul des revenus imposables. Il s’agit d’une restriction attribuable à un conflit entre les gouvernements fédéral et provinciaux (surtout le gouvernement de l’Alberta) quant à la compétence en matière d’imposition et de recettes de redevances applicables à l’exploitation de ressources naturelles. La déduction relative à des ressources énoncée dans la Loi était une déduction prévue par la Loi servant à indemniser le contribuable de la non-déductibilité des redevances à la Couronne (principalement provinciales), mais seulement à un taux maximum de 25 %. Dans le secteur minier, les redevances de la Couronne se situaient généralement sous le taux de 25 % prévu dans le cadre de la déduction relative à des ressources. On peut donc soutenir que cette déduction est devenue une subvention fiscale fédérale plus qu’une restriction relative aux redevances provinciales. Plusieurs auteurs ont examiné en détail l’historique des redevances à la Couronne, de la déduction relative à des ressources et de l’abandon graduel de cette dernière. Pour toutes les périodes après 2006, la totalité des redevances à la Couronne peut être déduite dans le calcul des revenus imposables. Par conséquent, la déduction relative à des ressources a été abrogée et a cessé de s’appliquer après 2006.

 

 

[5]               Le calcul de la déduction relative à des ressources était prévu dans le Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945 (le Règlement). L’expression « bénéfices bruts relatifs à des ressources » était définie comme suit au paragraphe 1204(1) :

 

1204(1) Pour l’application de la présente partie, les bénéfices bruts relatifs à des ressources d’un contribuable pour une année d’imposition correspondent au montant éventuel par lequel le total :

 

[…]

 

b) du montant, s’il en est, de l’ensemble de ses revenus pour l’année tirés

 

[…]

 

(ii) de la production et du traitement au Canada

 

(A) du minerai, à l’exception du minerai de fer ou du minerai de sables asphaltiques, tiré de ressources minérales au Canada que le contribuable exploite, jusqu’à un stade qui ne dépasse pas le stade du métal primaire ou son équivalent,

 

(B) du minerai de fer tiré de ressources minérales au Canada que le contribuable exploite, jusqu’à un stade qui ne dépasse pas le stade de la boulette ou son équivalent, et

 

(C) du minerai de sables asphaltiques tiré de ressources minérales au Canada que le contribuable exploite, jusqu’à un stade qui ne dépasse pas le stade du pétrole brut ou son équivalent,

 

[…]

 

dépasse le total de ses pertes pour l’année provenant des sources visées à l’alinéa b), à condition que ses revenus et pertes soient calculés conformément à la Loi, selon l’hypothèse que ses seuls revenus et pertes pour l’année provenaient de ces sources et qu’il n’a eu droit à aucune déduction dans le calcul de son revenu pour l’année sauf :

 

[…]

 

1204(1) For the purposes of this Part, “gross resource profits” of a taxpayer for a taxation year means the amount, if any, by which the aggregate of

 

 

(b) the amount, if any, of the aggregate of his incomes for the year from

 

 

(ii) the production and processing in Canada of

 

(A) ore, other than iron ore or tar sands ore, from mineral resources in Canada operated by him to any stage that is not beyond the prime metal stage or its equivalent,

 

(B) iron ore from mineral resources in Canada operated by him to any stage that is not beyond the pellet stage or its equivalent, and

 

(C) tar sands ore from mineral resources in Canada operated by him to any stage that is not beyond the crude oil stage or its equivalent,

 

 

exceeds the aggregate of the taxpayer’s losses for the year from the sources described in paragraph (b), where the taxpayer’s incomes and losses are computed in accordance with the Act on the assumption that the taxpayer had during the year no incomes or losses except from those sources and was allowed no deductions in computing the taxpayer’s income for the year other than

 

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[6]               Le mot « production » était défini comme suit au paragraphe 1206(2) du Règlement :

1206(2) Dans la présente partie, «société actionnaire», «société d’exploration en commun», «société exploitant une entreprise principale», «production» tiré d’un avoir minier canadien et provision s’entendent au sens du paragraphe 66(15) de la Loi.

1206(2) In this Part,“joint exploration corporation”, “principal-business corporation”, “production” from a Canadian resource property, “reserve amount” and “shareholder corporation” have the meanings assigned by subsection 66(15) of the Act.

 

66(15) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

[…]

«production» S’il s’agit de la production tirée d’un avoir minier canadien ou d’un avoir minier étranger, les produits suivants tirés de cet avoir :

 

a) le pétrole, le gaz naturel et les hydrocarbures connexes;

 

b) le pétrole brut lourd transformé jusqu’à un stade qui ne dépasse pas celui du pétrole brut ou de son équivalent;

 

c) le minerai — à l’exclusion du minerai de fer et des sables asphaltiques — transformé jusqu’à un stade qui ne dépasse pas celui du métal primaire ou de son équivalent;

 

d) le minerai de fer transformé jusqu’à un stade qui ne dépasse pas celui de la boulette ou de son équivalent;

 

e) les sables asphaltiques transformés jusqu’à un stade qui ne dépasse pas celui du pétrole brut ou de son équivalent;

 

f) sont assimilés à de la production les loyers et les redevances provenant d’un avoir minier canadien ou d’un avoir minier étranger et calculés sur la quantité ou la valeur de la production de pétrole, de gaz naturel ou d’hydrocarbures connexes ou de minerai.

 

[…]

 

66(15) In this section,

 

 

 

“production” from a Canadian resource property or a foreign resource property means

 

 

 

(a) petroleum, natural gas and related hydrocarbons produced from the property,

 

(b) heavy crude oil produced from the property processed to any stage that is not beyond the crude oil stage or its equivalent,

 

(c) ore (other than iron ore or tar sands) produced from the property processed to any stage that is not beyond the prime metal stage or its equivalent,

 

 

 

(d) iron ore produced from the property processed to any stage that is not beyond the pellet stage or its equivalent,

 

(e) tar sands produced from the property processed to any stage that is not beyond the crude oil stage or its equivalent, and

 

(f) any rental or royalty from the property computed by reference to the amount or value of the production of petroleum, natural gas or related hydrocarbons or ore;

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[7]               Le paragraphe 1210 du Règlement énonçait la formule à employer pour calculer la déduction relative à des ressources pour l’application de l’alinéa 20(1)v.1) de la Loi.

 

[8]               La question précise que la juge de la Cour de l’impôt devait trancher était de savoir si l’intérêt sur remboursement devait être inclus dans le calcul des « bénéfices bruts relatifs à des ressources » conformément au paragraphe 1204(1) du Règlement.

 

DÉCISION DE LA COUR DE L’IMPÔT

[9]               La juge de la Cour de l’impôt a décrit la décision rendue dans Echo Bay Mines Ltd. c. La Reine, [1992] 3 C.F. 707, 92 D.T.C. 6437 [Echo Bay Mines] comme une décision de principe concernant l’interprétation du paragraphe 1204(1). À son avis, le principe qui ressort de cette décision est que « les revenus que l’on considère comme étant tirés de la production et du traitement ne se limitent pas aux revenus tirés de la vente de ressources minérales [...] sont aussi compris dans ces revenus les revenus tirés d’autres activités qui sont essentielles aux activités de production et de traitement » (motifs, au paragraphe 18).

 

[10]           Invoquant les décisions La Munich, Cie de Réassurance (succursale canadienne) c. La Reine, 2000 D.T.C. 2009 (CCI), conf. par (2001), 2002 D.T.C. 6701 (CAF) [La Munich, Cie de Réassurance], et La Reine c. Irving Oil Ltd. (2001), 2002 D.T.C. 6716 (CAF) [Irving Oil], la juge de la Cour de l’impôt a conclu que le droit de l’intimée « à l’intérêt sur remboursement découle de la gestion que celle-ci a faite de ses obligations en matière d’impôt. Ces dites obligations découlent des bénéfices relatifs à la production et au traitement du charbon. L’appelante n’a aucune autre source importante de revenus imposables » (motifs, paragraphe 21). La juge de la Cour de l’impôt a reconnu que les décisions La Munich, Cie de Réassurance et Irving Oil portaient sur un régime différent. Cependant, elles demeuraient utiles pour établir la nature générale du remboursement.

 

[11]           La juge de la Cour de l’impôt s’est ensuite demandé s’il y avait un lien suffisant entre le remboursement et les activités de production et de traitement. Après avoir examiné la preuve, elle a décidé que l’intérêt sur remboursement était directement lié aux activités de production et de traitement de l’intimée. En conséquence, l’appel a été accueilli et la cotisation a été déférée au ministre pour qu’il établisse une nouvelle cotisation en partant du principe que l’intérêt sur remboursement devait être inclus dans le calcul des « bénéfices bruts relatifs à des ressources ».

 

 

ERREURS ALLÉGUÉES

[12]           La Couronne soutient que, en tirant la conclusion susmentionnée, la juge de la Cour de l’impôt n’a pas appliqué le critère juridique qui convenait. Étant donné qu’il s’agit d’une erreur de droit, la Couronne fait valoir que cette question devrait être révisée selon la norme de la décision correcte.

 

[13]           Plus précisément, la Couronne affirme que le concept du revenu tiré de la production et du traitement est restreint et que la juge de la Cour de l’impôt n’en a pas tenu compte. Au soutien de cet argument, la Couronne invoque la décision que la Section de première instance de la Cour fédérale a rendue dans Gulf Canada Ltd. c. La Reine, 90 D.T.C. 6622, et qui a été confirmée en appel (92 D.T.C. 6123 [Gulf]). Dans cette affaire, le juge McNair, de la Section de première instance, a examiné la portée des mots « bénéfices de production » selon les anciens articles 124.1 et 124.2 de la Loi et a conclu que ces dispositions énoncent leur propre régime distinct. Afin d’illustrer l’interprétation restreinte à donner aux mots « de la production et du traitement », la Couronne cite Cominco Ltd. c. La Reine, 84 D.T.C. 6535 (C.F. 1re inst.), où il a été décidé que le produit d’une assurance des pertes d’exploitation ne découlait pas des activités de production ou de traitement.

 

[14]           La Couronne ajoute que la juge de la Cour de l’impôt a mal interprété le raisonnement exposé dans l’arrêt Echo Bay Mines. Selon la Couronne, la juge [traduction] « n’a pas reconnu que, dans Echo Bay Mines, il a été conclu que les bénéfices provenant d’opérations de couverture faisaient partie du revenu de production, parce que ces bénéfices constituaient l’un des éléments des revenus tirés de la vente de ressources minérales » (mémoire de la Couronne, au paragraphe 24). La Couronne invoque également l’arrêt Gunnar Mining Ltd. c. Minister of National Revenue, 68 D.T.C. 5035, où la Cour suprême du Canada a décidé que le revenu en intérêts provenant de valeurs à court terme qui avaient été achetées à l’aide des bénéfices générés par l’exploitation d’une mine n’était pas attribuable à la production.

 

[15]           La Couronne fait valoir que la juge de la Cour de l’impôt s’est fondée non pas sur la jurisprudence concernant l’interprétation des dispositions spéciales relatives aux ressources, mais plutôt sur les décisions La Munich, Cie de Réassurance et Irving Oil, qui concernaient toutes deux le calcul général du revenu, soit les articles 3 et 4 de la Loi. En conséquence, [traduction] « elle a décidé à tort que le mot ‘revenu’ signifiait ‘revenu tiré de la production et du traitement du minerai’ » (mémoire de la Couronne, au paragraphe 29).

 

ANALYSE ET DÉCISION

[16]           Les parties ne s’entendent pas sur la norme de contrôle applicable. La Couronne soutient que la norme de la décision correcte devrait être retenue, parce que la juge de la Cour de l’impôt n’a pas appliqué le critère qui convenait pour décider si l’intérêt sur remboursement devrait être inclus dans le calcul de la déduction relative à des ressources. L’intimée souligne qu’au cours de l’instruction, la Couronne a accepté l’approche adoptée par la juge de la Cour de l’impôt et reconnu que le différend portait sur la question de savoir si le critère était établi d’après les faits de l’affaire. Selon l’intimée, il s’agit d’une question de fait ou d’une question mixte de fait et de droit et la décision s’y rapportant ne peut être annulée en l’absence d’une erreur manifeste et dominante.

 

[17]           Dans ses motifs, la juge de la Cour de l’impôt a dit que la décision rendue dans Echo Bay Mines était « une des décisions de principe » portant sur l’interprétation du paragraphe 1204(1) du Règlement et a cité l’extrait suivant de cette décision (motifs, au paragraphe 17) :

 

[…] L’emploi des mots « ensemble » et « revenus », et l’inclusion implicite, par l’effet du paragraphe 1204(3), du « revenu [...] qui est le résultat du transport, du convoiement ou du traitement » [juqu’à un stade qui ne dépasse pas celui du métal brut] pour ce qui est des métaux et minéraux visés à l’alinéa 1204(1)b), signifient l’un et l’autre que le revenu de « production » peut provenir de diverses activités à condition que celles-ci fassent partie intégrante des opérations de production. Or la production n’engendre d’elle-même aucun revenu s’il n’y a pas de vente. Les opérations qui peuvent raisonnablement être reliées à la commercialisation du produit et qui sont entreprises pour garantir que celui-ci soit vendu à un prix satisfaisant, pour produire un revenu avec espoir de bénéfices, sont à mes yeux des activités faisant partie intégrante de la production qui vise à rapporter un revenu et des bénéfices relatifs à des ressources au sens du paragraphe 1204(1) du Règlement.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[18]           Elle a ensuite formulé les remarques suivantes, au paragraphe 18 :

 

Le principe qui ressort de la décision Echo Bay Mines est que les revenus que l’on considère comme étant tirés de la production et du traitement ne se limitent pas aux revenus tirés de la vente de ressources minérales. En effet, sont aussi compris dans ces revenus les revenus tirés d’autres activités qui sont essentielles aux activités de production et de traitement.

 

 

[19]           La juge de la Cour de l’impôt a souligné que la Couronne avait souscrit à cette formulation du critère (motifs, au paragraphe 19). Dans son mémoire, la Couronne ne conteste pas l’affirmation de la juge de la Cour de l’impôt à cet égard.

 

[20]           Cependant, en appel, la Couronne soutient que l’interprétation qui a été donnée aux mots « de la production et du traitement » dans Gulf est beaucoup plus restrictive et que la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en s’écartant de cette approche. Plus précisément, l’intimée cite l’extrait suivant des motifs que le juge McNair a formulés au paragraphe 44 :

 

Je retiens l’argument de l’avocat de la demanderesse à cet égard, à savoir que les articles 124.1 et 124.2 ont une portée et un but beaucoup plus précis que les dispositions concernant le calcul du revenu énoncées à l’article 3 de la Loi, lorsqu’ils exigent que le revenu et les déductions soient liés à la production au sens de l’extraction du sol en tant que source de revenu. À mon avis, les dépenses de recherche scientifique en cause ne devraient pas être comprises dans les calculs, étant donné qu’elles sont liées aux objectifs à long terme de la demanderesse et non à la production actuelle véritable tirée de ressources minérales. [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[21]           À mon avis, le raisonnement énoncé dans l’extrait qui précède n’est pas plus restrictif que celui que la juge de la Cour de l’impôt a adopté. Selon le raisonnement cité, pour pouvoir être inclus dans le calcul des « bénéfices de production imposables », le revenu (ou les déductions) doit être lié à la production au sens de l’extraction du sol en tant que source de revenu. Cela ne signifie pas que l’activité admissible se limite à l’extraction proprement dite. Comme il a été mentionné clairement en appel, l’extraction en soi ne constitue pas une source de revenu; seule « l’entreprise de production » peut donner lieu à un revenu (voir la décision que la Section d’appel a rendue à la page 6127). À mon humble avis, le critère énoncé dans l’arrêt Gulf va de pair avec celui qui a été formulé dans Echo Bay Mines et que la juge de la Cour de l’impôt a appliqué en l’espèce, soit la question de savoir si l’intérêt sur remboursement était suffisamment lié aux activités de production et de traitement pour constituer un revenu tiré de cette source. Je rejette donc l’argument selon lequel la juge de la Cour de l’impôt a appliqué un critère juridique qui ne convenait pas.

 

[22]           La juge de la Cour de l’impôt a scindé son analyse en deux parties. D’abord, elle a tenté de décrire la nature du remboursement reçu (motifs, aux paragraphes 21 à 24). À ce sujet, elle a invoqué deux décisions selon lesquelles le revenu en intérêts versé par suite de la gestion d’obligations fiscales peut constituer un revenu tiré d’une entreprise. La première décision qu’elle a invoquée est l’arrêt La Munich, Cie de Réassurance, où la juge Sharlow a formulé les remarques suivantes au paragraphe 33 :

 

Toutefois, dans la présente affaire, aucun fait ne permet de conclure que le droit de l’appelante aux remboursements d’impôt n’est pas né dans le cadre de l’exploitation de son entreprise d’assurance. L’obligation de l’appelante de payer ses impôts calculés selon la partie I s’explique par le fait qu’elle a tiré un bénéfice de l’exploitation d’une entreprise d’assurance au Canada. Les décisions de nature gestionnelle que l’appelante a prises pour se conformer à ses obligations fiscales de la façon la plus avantageuse possible étaient des décisions concernant la façon d’utiliser l’actif de son entreprise d’assurance et, en ce sens, ces décisions ont été prises dans le cadre de l’exploitation de son entreprise. Il s’ensuit que le droit de l’appelante d’obtenir le remboursement de ses paiements en trop d’impôt était un droit acquis dans le cadre de l’exploitation de son entreprise. Par conséquent, ce droit était un bien détenu dans le cadre de l’exploitation de cette entreprise et un bien visé par le paragraphe 138(9).

 

[23]           La deuxième décision que la juge de la Cour de l’impôt a invoquée est l’arrêt Irving Oil, où la juge Sharlow s’est exprimée comme suit :

 

[16] En l’espèce, la Couronne, comme le contribuable dans l’affaire La Munich, Cie de Réassurance, se fonde également sur des arrêts plus récents qui étayent la thèse voulant qu’aux fins de l’impôt sur le revenu, un avantage qui découle exclusivement des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu ne constitue pas un revenu et qu’une entreprise ne peut pas consister uniquement en une opération dont le but est de réduire l’impôt sur le revenu par ailleurs payable : Moloney c. Canada, [1992] 2 A.C.F. no 95, [1992] 2 C.T.C. 227, 92 D.T.C. 6570 (C.A.F.); Loewen c. Canada, [1994] 2 C.T.C. 75, 94 D.T.C. 6265 (C.A.F.). Je ne puis faire aucune analogie entre ces affaires et la présente espèce. L’intimée ne concluait pas des opérations d’évitement. Elle ne tentait pas de réaliser un bénéfice à l’aide des déductions d’impôt ou des crédits d’impôt prévus dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Elle a simplement payé une obligation fiscale qui était due, après avoir conclu, en se fondant sur son sens des affaires, qu’il serait préférable de payer l’impôt plutôt que de fournir une garantie.

 

[…]

 

[18] Comme le juge de la Cour de l’impôt, je conclus que rien n’étaye la thèse selon laquelle les intérêts sur un paiement d’impôt en trop ne peuvent jamais constituer un revenu d’entreprise. Étant donné que l’appel interjeté par la Couronne était uniquement fondé sur cette thèse, l’appel devrait être rejeté avec dépens.

 

 

[24]           La juge de la Cour de l’impôt a reconnu que ces décisions portaient sur des régimes différents, soit le régime relatif au traitement du revenu d’une entreprise d’assurance selon le paragraphe 138(9) dans l’arrêt La Munich, Cie de Réassurance et celui du revenu d’entreprise exploitée activement aux termes de l’article 125.1 dans l’arrêt Irving Oil, mais a fait remarquer qu’elles étaient néanmoins utiles. Plus précisément, elle a invoqué ces décisions pour rejeter l’argument de la Couronne selon lequel le lien entre l’impôt sur le revenu et les activités de production et de traitement est ténu, parce que l’impôt sur le revenu est payé après que ces activités sont terminées (motifs, au paragraphe 25). Je ne relève aucune erreur à cet égard.

 

[25]           L’analyse de la juge de la Cour de l’impôt a porté principalement sur la question de savoir si le remboursement était suffisamment lié aux activités de production et de traitement pour constituer un revenu tiré de cette source. À cet égard, elle a fait remarquer que l’intimée a obtenu son remboursement dans le cadre de la gestion de ses obligations en matière d’impôt, lesquelles découlaient des bénéfices relatifs à  la production et au traitement du charbon (motifs, au paragraphe 21). Un autre élément à prendre en compte était la nature des questions dans le litige ayant donné lieu au remboursement (motifs, au paragraphe 27) :

 

Il est aussi utile d’examiner la nature des questions dans le litige fiscal ayant donné lieu au remboursement, notamment, les questions sur lesquelles l’appelante a eu gain de cause. Si les circonstances factuelles desquelles découlent ces questions concernent directement les activités de production et de traitement, à mon avis, on peut conclure qu’il existe un lien suffisant.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[26]           La juge de la Cour de l’impôt a poursuivi en concluant que le lien existant entre l’intérêt sur remboursement et les activités de production et de traitement de l’intimée était suffisant pour que l’intérêt constitue un revenu tiré de cette source. La juge de la Cour de l’impôt pouvait en arriver à cette conclusion à la lumière de la preuve dont elle était saisie.

 

[27]           Étant donné que l’analyse de la juge de la Cour de l’impôt reposait sur le critère qui convenait, il appartenait à l’appelante de démontrer que celle-ci avait commis une erreur manifeste et dominante lors de l’application de ce critère. À mon humble avis, aucune erreur de cette nature n’a été établie.

 

[28]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

        J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

        Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                A-116-10

 

EN APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR MADAME LA JUGE J.M. WOODS, DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, EN DATE DU 22 FÉVRIER 2010, DANS LE DOSSIER No  2006-3236(IT)G

 

INTITULÉ :                                                               SA MAJESTÉ LA REINE c. 3850625 CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 7 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE NOËL

 

AUXQUELS ONT SOUSCRIT :                              LE JUGE PELLETIER

                                                                                    LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 24 mars 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marta Burns

Marla Teeling

 

POUR L’APPELANTE

 

Gerald Grenon

Patrick Lindsay

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Osler Hoskin & Harcourt LLP

Calgary (Alberta)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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