Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20110502

Dossier : A‑473‑10

Référence : 2011 CAF 149

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

TEVA CANADA LIMITED

 

appelante

et

 

SANOFI‑AVENTIS CANADA INC.

et SANOFI‑AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH

 

 

défenderesses

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 2 mai 2011.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 2 mai 2011.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

MOTIFS DISSIDENTS :                                                                                 LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20110502

Dossier : A‑473‑10

Référence : 2011 CAF 149

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

TEVA CANADA LIMITED

 

appelante

et

 

SANOFI‑AVENTIS CANADA INC.

et SANOFI‑AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH

 

 

défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 2 mai 2011)

 

LA JUGE DAWSON

[1]        Les défenderesses dans le présent appel ont poursuivi l’appelante, Teva Canada Limited (Teva), pour contrefaçon de brevet. En réponse à la déclaration, Teva a déposé un mémoire de défense et une demande reconventionnelle. Entre autres choses, Teva a présenté une demande d’indemnisation en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS 93/‑133 (le Règlement). La demande visait les pertes encourues au cours de la période où Teva (anciennement Novopharm Limited) n’avait pas encore reçu son avis de conformité (AC) pour sa drogue Novo‑ramipril, à la suite de procédures intentées en vertu de l’article 6 du Règlement. La demande d’indemnisation comprenait une demande de dommages‑intérêts pour la perte permanente de parts de marché de Teva. Aux paragraphes 135, 136 et 143 de son troisième mémoire de défense modifié et de sa demande reconventionnelle, Teva a fait valoir ce qui suit :

135.     [traduction] Le début des instances relatives à l’avis de conformité a entraîné la diminution des ventes et une perte permanente de la part de marché pour Novopharm concernant ses gélules Novo‑Ramipril.

 

136.          De plus, Novopharm n’a pu accroître sa réputation de manière significative en présentant de nouveaux produits avant ses concurrents. Conséquemment à cette mise en marché tardive, Novopharm n’a pas pu augmenter ses ventes pour ses produits autres que le ramipril.

 

[…]

 

143.     De plus, au cours des périodes où Novopharm a été retardée par les défenderesses en raison de leur demande reconventionnelle, Apotex a reçu un AC pour ses gélules de ramipril de 1,25, 2,5, 5 et 10 mg. Si Novopharm avait reçu son approbation le même jour qu’Apotex et Ratiopharm, Novopharm aurait eu une part de marché supérieure à celle qu’elle possède actuellement. De plus, Novopharm ne pourra pas s’approprier un plus grand pourcentage des parts de marché en raison de son entrée tardive. Par conséquent, Novopharm demande également des dommages‑intérêts pour la part de marché perdue.

 

[2]        Un protonotaire de la Cour fédérale s’est appuyé sur la décision de notre Cour dans Apotex Inc. c. Merck & Co., 2009 CAF 187, [2010] 2 R.C.F. 389 (autorisation de pourvoi refusée [2009] C.S.C.R. no 347) pour radier la référence à la perte permanente de parts de marché au paragraphe 135 de l’acte de procédure, radier la totalité du paragraphe 136 et radier les deux dernières phrases du paragraphe 143 de l’acte de procédure (2010 CF 150, 364 F.T.R. 122).

 

[3]        En appel de cette décision, un juge de la Cour fédérale, dans une décision de novo, a convenu que les parties contestées de la demande reconventionnelle qui faisaient référence à la perte survenue après la période définie à l’article 8 du Règlement devaient être radiées (2010 CF 1210, 88 (C.P.R. (4th) 465). Avec le consentement des parties, une ordonnance a été rendue afin de rétablir les parties de la demande reconventionnelle qui avaient été radiées parce qu’elles faisaient référence aux dommages survenus pendant la période prévue par la loi. De l’avis du juge, la décision de la Cour dans Merck indiquait clairement qu’une demande fondée sur la perte permanente de parts de marché était sans espoir et ne comportait aucune cause d’action valable. Pour citer le juge, [traduction] « une deuxième personne peut demander des dommages‑intérêts découlant d’une perte de part de marché, mais seulement pour les pertes subies dans la période [de responsabilité définie au paragraphe 8(1) du Règlement]. L’article 8 ne prévoit aucun droit aux dommages‑intérêts concernant une perte qui n’a pas été subie dans la période ».

 

[4]        Nous sommes d’accord. Le présent acte de procédure ne peut être distingué de celui qui a été considéré par notre Cour dans Merck. Comme l’ont reconnu le protonotaire et le juge, l’arrêt Merck lie la Cour fédérale.

 

[5]        Teva a plaidé que l’arrêt Merck ne devrait pas être suivi. Cependant, dans Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, 293 N.R. 391, au paragraphe 10, notre Cour a conclu qu’elle ne s’écarterait pas de la décision d’une formation antérieure, à moins que la « décision en cause soit manifestement erronée, du fait que la Cour n’aurait pas tenu compte de la législation applicable ou d’un précédent qui aurait dû être respecté ». Voir également Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 377 (C.A.F.), à la page 380; Glaxo Group Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien‑être social) (1995), 64 C.P.R. (3d) 65 (C.F. 1re inst.) aux pages 67 et 68; Janssen Pharmaceutica Inc. c. Apotex Inc., [1997] A.C.F. n169 (C.A.F.), au paragraphe 2; Aventis Pharma Inc. c. Apotex, 2005 CF 1283, aux paragraphes 361 à 368.

 

[6]        Dans Merck, notre Cour n’a pas omis de tenir compte d’une disposition législative pertinente et n’a pas non plus omis de considérer une décision antérieure qui aurait dû être suivie. Il n’a pas été démontré que la décision de la Cour dans Merck était manifestement erronée. La juge n’a commis aucune erreur dans sa décision concernant l’acte de procédure dont elle était saisie.

 

[7]        Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Marc Noël j.c.a. »

 

 

 

 


LA JUGE SHARLOW (motifs dissidents)

[8]        En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec la décision proposée par mes collègues en l’espèce. J’en arrive à cette conclusion pour les motifs suivants.

 

[9]        Par ses actes de procédure, Teva cherchait à obtenir une indemnisation en vertu de l’article 8 du Règlement pour la perte permanente de marché qu’elle a subie pendant la période définie par cette disposition, parce que d’autres fabricants de médicaments génériques qui produisent le ramipril sont entrés sur le marché avant Teva durant cette période. En l’espèce, Teva fait valoir qu’elle ne devrait pas se voir empêchée de plaider cette demande simplement parce que la quantification de cette perte tient nécessairement compte d’un estimé des ventes que Teva aurait faites à la fin de la période.

 

[10]      À mon avis, les assertions de Teva sont fondées sur une interprétation raisonnable du libellé de l’article 8 qui est compatible avec son objet, comme cela est montré dans le Résumé de l’étude d’impact de réglementation publié lorsque la première version du Règlement a été adoptée en 1993 et lorsque la version actuelle de l’article 8 a été adoptée en 1998.

 

[11]      Le Règlement établit une procédure juridique équivalant à une injonction mandatoire pour une période au cours de laquelle la Cour fédérale doit examiner, sur une base prima facie, une assertion selon laquelle un brevet inscrit n’est pas valide ou ne sera pas contrefait par un fabriquant de génériques. L’article 8 du Règlement fait contrepoids au pouvoir d’une société pharmaceutique innovatrice de faire prononcer cette injonction mandatoire dans un cas donné par le simple fait de présenter une demande d’interdiction. S’il est décidé qu’un innovateur n’avait aucun motif pour faire prononcer l’injonction mandatoire, il doit indemniser le fabricant de génériques.

 

[12]      Les dommages‑intérêts prévus par l’article 8 doivent être analogues à l’engagement qu’une partie doit normalement prendre lorsqu’elle cherche à faire prononcer une injonction interlocutoire dans un litige commercial ordinaire. Une injonction interlocutoire est un recours exceptionnel parce qu’elle impose un fardeau potentiellement onéreux à une partie avant même que le préjudice ne soit prouvé. Par conséquent, un engagement au versement de dommages‑intérêts est normalement suffisamment large pour couvrir toutes les pertes résultant de l’injonction, advenant le cas où il est décidé que l’injonction n’aurait pas dû être prononcée.

 

[13]      À mon avis l’article 8 des Règlements a été conçu dans l’intention d’être interprété de la même manière et j’estime qu’il devrait être interprété comme tel. Rien dans l’article 8 ou dans le Résumé de l’étude d’impact de réglementation ne montre que l’intention du gouverneur en conseil était d’imposer une limite artificielle à la façon habituelle de comptabiliser les dommages‑intérêts qui résulteraient d’une situation analogue, où une injonction interlocutoire est imposée sans justification.

 

[14]      Par conséquent, on peut soutenir que les pertes que Teva n’a pu réclamer se trouvent dans la portée de la phrase « perte subie au cours de la période » dans le contexte de l’article 8 du Règlement. Je ne suis pas persuadée que l’interprétation étroite de l’article 8 adoptée dans Merck, qui porte sur une interprétation littérale du mot « subie », est correcte, ou que l’arrêt Miller devrait empêcher la présente Cour de permettre que l’interprétation de l’article 8 adoptée dans Merck soit réexaminée dans le contexte de la demande de Teva.

 

[15]      Je ne me prononce pas quant à savoir si les faits de l’espèce sont différents des faits exposés dans Merck.

 

[16]      Pour ces motifs, j’aurais accueilli le présent appel et rendu une ordonnance permettant à Teva de modifier ses actes de procédure en conséquence.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean‑François Vincent

 

 


COUR D’ APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                    A‑473‑10

 

INTITULÉ :                                                   TEVA CANADA LIMITED c.
SANOFI‑AVENTIS CANADA INC. et
SANOFI‑AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 2 mai 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NOËL

MOTIFS DISSIDENTS :                              LA JUGE SHARLOW

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 2 mai 2011

 

 

Comparutions :

 

Jonathan Stainsby

Mark Edward Davis

 

POUR L’APPELANTE

 

J. Sheldon Hamilton

Andrew E. Mandlsohn

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Smart & Biggar

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.